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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 6 juin 2024, n° 21/21871

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Bns Team Taxi (SARL)

Défendeur :

Rhenus Logistics Alsace (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Delay Peuch, Me Freudl, Me Ohana, Me Warynski

T. com. Nancy, du 18 nov. 2021, n° 20180…

18 novembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Rhenus Logistics Alsace (la société Rhenus Alsace) a sous-traité à la société BNS Team Taxi (la société BNS) des tournées de transport routier de marchandises pour la société Millipore à compter de mars 2014.

Se plaignant d'une rupture brutale des relations, la société BNS a, par acte du 26 novembre 2018, assigné la société Rhenus Alsace devant le tribunal de commerce de Nancy en indemnisation.

Par jugement du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nancy a :

- Déclaré mal fondée la demande de la société BNS au titre du paiement d'un préavis de deux mois, sur le fondement de l'article 442-6 I 5° du code de commerce ;

- L'en a déboutée ;

- Déclaré mal fondée la demande de la société BNS de dommages et intérêts au titre du trouble commercial subi, sur le fondement de l'article 442-6 I 5° du code de commerce ;

- L'en a déboutée ;

- Condamné la société BNS à payer à la société Rhenus Alsace la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société BNS aux dépens.

Par déclaration du 12 décembre 2021, la société BNS a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs de dispositif.

Par un jugement du 7 novembre 2022, la société BNS a été mise en liquidation judiciaire.

Par ses dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2023, la société EGH Mandataire Judiciaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS Team Taxi, demande, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, devenu L. 442-1 II du même code, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, et de l'article 123 du code de procédure civile, de :

- Recevoir l'intervention volontaire de la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire ;

- Lui adjuger le bénéfice des écritures et conclusions diffusées antérieurement au nom et pour le compte de la société BNS en liquidation judiciaire ;

- Déclarer l'appel de la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, recevable et bien fondé ;

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau,

- Constater à la lumière des pièces versées au dossier que la relation contractuelle liant les parties était établie et constante, présentant ainsi les caractères suivi et régulier imposés par le texte susvisé ;

- Constater que cette relation a été brutalement rompue sans aucun préavis par la société Rhenus Alsace ;

- Constater que cette rupture a causé un préjudice à l'appelante évalué à la somme de 15 960 euros compte tenu des délais de préavis applicables en l'espèce ;

En conséquence,

- Juger que la société Rhenus Alsace s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société BNS ;

- Condamner la société Rhenus Alsace au paiement de la somme de 15 960 euros à la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, à titre de dommages et intérêts, venant compenser le manque à gagner du sous-traitant au titre du préavis non respecté ;

- A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait ne pas considérer la relation d'affaire au regard de la tournée Millipore rompue, mais au regard du chiffre d'affaires global facturé par le sous-traitant, la responsabilité civile délictuelle de l'intimée sera mise en jeu au titre de la rupture brutale intervenue en avril et mai 2017 ;

- Dire et juger à la lumière des pièces versées au dossier que la relation contractuelle liant les parties était établie et constante, présentant ainsi les caractères suivi et régulier imposés par le texte susvisé ;

- Juger que cette relation a été brutalement rompue sans aucun préavis par la société Rhenus Alsace en avril et mai 2017 ;

- Juger que cette rupture a causé un préjudice à l'appelante évalué à la somme de 15 960 euros, compte tenu du délai de préavis applicable en l'espèce ;

En conséquence,

- Dire et juger que la société Rhenus Alsace s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société BNS en en avril et mai 2017 ;

- Condamner la société Rhenus Alsace au paiement de la somme de 15 960 euros à la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, à titre de dommages et intérêts, venant compenser le manque à gagner du sous-traitant au titre du préavis non respecté ;

- A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait ne pas considérer que la rupture brutale de relations établies devrait être sanctionnée sur le fondement de l'article L442-6-1 5° du code de commerce, la responsabilité contractuelle de l'intimée sera mise en jeu pour non-respect des prescriptions de la loi Loti ;

- Dire et juger que l'intimée n'a pas respecté les prescriptions de la loi Loti ;

- Condamner la société Rhenus Alsace au paiement de la somme de 15 960 euros à la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Rhenus Alsace au paiement de la somme de 10 000 euros à la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, à titre de dommages et intérêts en compensation du trouble commercial qu'elle a subi ;

- Condamner la société Rhenus Alsace au paiement de la somme de 15 000 euros à la société MGH Mandataire Judiciaire, agissant par Me [W] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BNS en liquidation judiciaire, à titre de dommages et intérêts en raison de son attitude dilatoire ;

- Condamner la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure, ainsi qu'à l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement ;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2024, la société Rhenus Alsace demande, au visa des articles 117 et suivants, 122 et suivants, 202 et 700 du code de procédure civile, et L. 622-1, L. 622-3, L. 631-12 et L. 442-6 du code de commerce, de :

- Constater la prescription des demandes formulées par la société BNS au titre de la tournée Millipore ;

- Dire mal fondée les demandes de la société BNS, respectivement Me [W] en sa qualité de mandataire judiciaire et les débouter de toutes leurs demandes et prétentions ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement ;

Y ajoutant,

- Fixer au passif de la société BNS la créance de 20 304,27 euros ;

Y ajoutant,

- Condamner la société BNS, respectivement Me [W] ès qualité de mandataire judiciaire aux dépens ainsi qu'à payer à la société Rhenus Alsace la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La société Rhenus Alsace a sous-traité des prestations de transport à la société BNS.

La société BNS invoque une rupture brutale de la relation commerciale.

La société Rhenus Alsace soulève la prescription des demandes formées par la société BNS en application de l'article L. 133-6 du code de commerce.

La société BNS fait valoir que son action est fondée sur la responsabilité civile délictuelle de l'article L. 442-6 I 5°, devenu L. 442-1 I 5°, du code de commerce, qui est soumise à la prescription de l'article L. 110-4 I du code de commerce.

L'article L. 133-6, alinéas 1 et 2, du code de commerce dispose :

"Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an."

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du code commerce, dans sa rédaction applicable au litige, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers... de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure."

L'article 12.2 du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, invoqué par les parties, qui a été abrogé par décret n° 2016-1550 du 17 novembre 2016, disposait que "le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus."

L'article L. 442-6 I 5° du code commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales nées de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat type, qui prévoit la durée des préavis de rupture régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.

En l'espèce, les parties ne produisent aucun contrat régissant les prestations de sous-traitance de transport convenues entre elles.

Il convient dès lors d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter les parties à faire valoir leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'application du contrat type de sous-traitance de transport excluant l'application de l'article L. 442-6 I 5° du code commerce et sur les conséquences juridiques.

PAR CES MOTIFS

La cour, avant dire droit,

Ordonne la réouverture des débats ;

Invite les parties à faire valoir leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'application du contrat type de sous-traitance de transport excluant l'application de l'article L. 442-6 I 5° du code commerce et sur ses conséquences juridiques ;

Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du 12 septembre 2024 à 14 heures ;

Sursoit à statuer ;

Réserve les dépens.