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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 juin 2024, n° 23/01283

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Audras et Delaunois (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Medina, Me Mangione

TJ Grenoble, du 27 févr. 2023, n° 22/005…

27 février 2023

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 28 juillet 1958, Mme [C] veuve [D] a consenti à la SNC Viallet & Rupage un bail portant sur des locaux situées [Adresse 4] à [Localité 3] consistant en un appartement de 4 pièces au 1er étage de l'immeuble, une cave et un galetas pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 1958 pour se terminer le 1er août 1967.

Ce bail a fait l'objet de plusieurs renouvellements.

Par convention de renouvellement, la SCI [Adresse 4], bailleresse venant aux droits de Mme [D], et la SNC Audras et Delaunois, locataire venant aux droits de la SNC Viallet & Rupage, ont renouvelé le bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2003 pour se terminer le 31 juillet 2012 moyennant un loyer annuel de 4.800 euros Ht.

Par convention du 20 novembre 2012, les parties ont convenu de renouveler le bail pour une période de 9 ans à compter du 1er octobre 2012 pour se terminer le 30 septembre 2021.

Par acte du 12 mars 2021, la SCI [Adresse 4] a fait délivrer au preneur un congé avec offre de renouvellement pour le 30 septembre 2021 aux mêmes conditions et charges sauf à demander la fixation du loyer annuel à la valeur locative de 10.980 euros Ht.

Les parties ne se sont pas mis d'accord sur la valeur du loyer à renouveler.

Par acte du 18 janvier 2022, la SCI [Adresse 4] a assigné la SAS Audras & Delaunoy aux fins de voir fixer à la somme de 10.980 euros le montant annuel du loyer de renouvellement à la date du 30 septembre 2021 et subsidiairement d'ordonner une mesure d'instruction.

Par jugement du 27 février 2023, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- constaté que par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 12 mars 2021 par la SCI [Adresse 4], le bail concernant les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 3] a été renouvelé à compter du 30 septembre 2021,

- dit qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé,

- débouté la SCI [Adresse 4] de sa demande visant à voir fixer le loyer du bail renouvelé au montant déplafonné de 10.980 euros Ht par an,

- rejeté la demande d'expertise,

- condamné la SCI [Adresse 4] à payer à la SAS Audras & Delaunoy la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SCI [Adresse 4] aux dépens.

Par déclaration du 27 mars 2023, la SCI [Adresse 4] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'elle a reprises dans son acte d'appel.

La clôture de l'instruction est intervenue le 22 février 2024.

Prétentions et moyens de de la SCI [Adresse 4]

Dans ses conclusions notifiées le 3 mai 2023, elle demande à la cour, au visa de l'article R.145-11 du code de commerce, de :

- fixer le montant du loyer renouvelable au 30 septembre 2021 à la somme de 12.100 euros hors taxes,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ordonnerait une expertise judiciaire,

- fixer le loyer provisionnel à régler dès l'arrêt à intervenir à hauteur de 12.100 euros hors taxes,

- condamner la SAS Audras & Delaunoy à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que :

- l'activité exercée est une activité monovalente et plus particulièrement, il s'agit d'une activité de bureaux,

- or aux termes de l'article R.145-11 du code du commerce, le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence,

- ainsi la règle du plafonnement des loyers n'existe pas en matière de bail de locaux à usage exclusif de bureaux ce qu'a méconnu le juge de première instance,

- l'expertise amiable a conclu à une valeur locative au 30 septembre 2021 de 12.100 euros Ht à laquelle le montant du loyer doit être fixé.

Prétentions et moyens de la SAS Audras & Delaunoy

Dans ses conclusions remises le 27 juillet 2023, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la SCI [Adresse 4] à régler à la SAS Audras & Delaunoy une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel,

Subsidiairement si la cour devait infirmer le jugement sur le caractère monovalent des locaux,

- ordonner une expertise judiciaire avec mission habituelle en pareil cas,

- mettre à la charge de la SCI [Adresse 4] les frais de provision,

- débouter la SCI [Adresse 4] du surplus de ses demandes.

Elle fait remarquer que :

- il appartient à la SCI [Adresse 4] de démontrer en quoi le local, objet du bail commercial, a un caractère monovalent pour justifier de la fixation du loyer à la valeur locative,

- le caractère monovalent implique que les locaux aient été construits ou aménagés en vue d'un seul type d'exploitation et qu'ils ne puissent être affectés à une autre activité sans des travaux importants et coûteux,

- en l'espèce, le local loué pourrait être loué pour toute autre activité commerciale ou professionnelle sans qu'il soit nécessaire d'y réaliser des travaux d'ampleur,

- aucune installation spécifique n'a été mise en oeuvre dans l'appartement loué et celui-ci peut accueillir différentes activités libérales,

- il ne peut être considéré que le local a été loué à usage exclusif de bureaux dans la mesure où s'exerce au sein de ce local des ventes commerciales, à savoir des transactions,

- en outre, le bail originel autorise le locataire soit à changer de destination, soit à sous-louer ou céder son droit au bail en tout ou partie pour le même commerce ou tout autre commerce,

- il est constant que si le bail autorise un changement de destination, les locaux ne peuvent pas être considérés comme ayant un usage exclusif de bureaux,

- dès lors, il ne peut y avoir lieu à déplafonnement du loyer.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques

En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

En application de l'article R. 145-10, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Quant à l'article R.145-11, il dispose que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Le bailleur se fonde exclusivement sur l'article R.145-11 pour s'opposer à la règle du plafonnement du loyer en considérant que les locaux loués sont à destination exclusive de bureaux.

Les développements du preneur sur l'absence de preuve du caractère monovalent des locaux loués sont donc inopérants.

S'agissant de l'article R.145-11, la Cour de cassation a considéré que ne sont pas des locaux à usage exclusif de bureaux les locaux dans lesquels le bail autorise l'exercice de tous commerces ( Cass 3ème civ, 17 décembre 2002 n°01-13.206).

En l'espèce, les renouvellements sont intervenus aux clauses et conditions du bail initial.

Le contrat de bail initial du 28 juillet 1958 stipule que les preneurs déclarent avoir pris parfaite connaissance des lieux et vouloir les utiliser pour l'exercice de leurs activités commerciales. Ils sont autorisés à faire toutes transformations dans les lieux loués. Ils ont le droit de changer la destination des lieux loués ou de sous-louer en tout ou partie pour le même commerce à toute autre personne.

En conséquence, dès lors que le bail, librement cessible, a expressément autorisé tout changement de destination des lieux loués, les locaux ne peuvent être considérés comme étant à usage exclusif de bureaux.

Dès lors, comme le relève le tribunal, il n'est pas justifié d'un motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

La SCI [Adresse 4] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 2.000 euros à la SAS Audras & Delaunoy au titre des frais irrépétibles engagés pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 27 février 2023 en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

Déboute la SCI [Adresse 4] de ses demandes.

Condamne la SCI [Adresse 4] aux dépens d'appel.

Condamne la SCI [Adresse 4] à payer la somme de 2.000 euros à la SAS Audras & Delaunoy au titre des frais irrépétibles engagés pour la procédure d'appel.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.