Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 6 juin 2024, n° 21/09928
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 06 JUIN 2024
(n° 2024/ , 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09928 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FONTAINEBLEAU - RG n° 19/00020
APPELANTE
Société SAMOR
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL
INTIMEE
Madame [U] [E] veuve épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane BRUSCHINI-CHAUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0761
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [S] épouse [E] a été engagée par la société Samor, exerçant son activité sous l'enseigne Noz, par contrat de travail à durée indéterminée du 22 novembre 2011 en qualité d'animatrice niveau 3.
Par avenant du 24 novembre 2012, Mme [E] est devenue animatrice d'équipe magasin niveau 4 à compter du 1er décembre 2012, puis niveau 5 à compter du mois d'août 2013.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.
La société Samor, ci-après la société, occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par lettre du 28 juillet 2017, Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
La société Samor en a accusé réception selon courrier du 1er août suivant.
Sollicitant la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que divers rappels de salaire et indemnités, Mme [E] a, par requête datée du 31 janvier 2019 enregistrée le 4 février suivant par le greffe, saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau qui, par jugement de départage du 8 novembre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- constaté la prescription de l'action 'en de' sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des demandes indemnitaires subséquentes ;
- condamné la société à payer à Mme [E] les sommes de :
* 40 679,95 euros au titre des heures supplémentaires,
* 4 067,99 euros au titres des congés payés afférents,
* 12 818,25 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail,
* 12 818,25 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée 'hebdomadaire quotidienne' de travail,
* 6 409,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation ;
- ordonné la remise par la société à Mme [E] des bulletins de paie rectifiés conformément à sa demande, dans le délai de deux mois à compter du prononcé du jugement ;
- rappelé que les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et les créances de nature salariale à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation à la première audience ;
- débouté Mme [E] de ses autres demandes ;
- condamné la société à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société aux dépens de la procédure ;
- assorti le jugement de l'exécution provisoire.
Par déclaration transmise par voie électronique le 6 décembre 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions n°2 transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 23 août 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* constaté la prescription de l'action en qualification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes, soit les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour rupture vexatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
* débouté Mme [E] de sa demande de rappel de salaire sur coefficient ;
subsidiairement
- débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- débouter Mme [E] de sa demande en qualification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes, soit les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour rupture vexatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
et accueillant l'appel partiel de la société,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] les sommes de :
* 40 679,95 euros au titre des heures supplémentaires,
* 4 067,99 euros au titre des congés payés afférents ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents ;
- subsidiairement limiter à 22 169,31 euros bruts le montant des condamnations de ce chef ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] les sommes de :
* 12 818,25 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail,
* 12 818,25 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire quotidienne de travail,
* 6 409,12 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, absence de formation ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société la remise à Mme [E] des bulletins de paie rectifiés conformément à sa demande, dans le délai de deux mois à compter du prononcé du jugement et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; à l'inverse condamner Mme [E] à verser à la société Samor la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
en tout état de cause
- condamner Mme [E] à verser à la société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par le RPVA le 7 juin 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [E] demande à la cour de :
- juger l'action engagée recevable, bien fondée et y faire droit,
- infirmer partiellement le jugement
le réformant et statuant à nouveau :
au principal,
réformer le jugement en ordonnant :
- que la prise d'acte est bien fondée,
- que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- d'appliquer le coefficient VII de la convention nationale du commerce de détail non-alimentaire à Mme [E],
- que Mme [E] occupe une fonction de cadre niveau IV depuis son embauche,
en conséquence,
- fixer le salaire de base de Mme [E] à :
* 2 210 euros pour l'année 2011,
* 2 240 euros pour l'année 2012,
* 2 283 euros pour l'année 2013,
* 2 283 euros pour l'année 2014,
* 2 298 euros pour l'année 2015,
* 2 320 euros pour l'année 2016,
* 2 343 euros pour l'année 2017,
- réformer le jugement en condamnant la société à payer à Mme [E] :
* rappel des salaires dus : 7 976,03 euros,
* congés payés afférents : 797,60 euros,
* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 34 000 euros,
* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 636,49 euros,
* indemnité compensatrice de préavis : 6 991,77 euros,
* congés payés afférents : 699,18 euros,
* dommages et intérêts pour rupture vexatoire : 13 983,54 euros,
* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 74 579,89 euros,
avec intérêt de droit à compter de la date de convocation du conseil de prud'hommes du 18 mars 2019 et jusqu'à complet paiement conformément à l'article 1153 du code civil,
- et confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme [E] :
* rappel des heures supplémentaires : 40 679,95 euros
* congés payés afférents : 4 067,99 euros ;
* dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne de travail : 12 818,25 euros ;
* dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail : 12 818,25 euros ;
* dommages et intérêts pour absence de formation en modifiant le quantum : 12 818,25 euros ;
avec intérêt de droit à compter de la date de convocation du conseil de prud'hommes du 18 mars 2019 et jusqu'à complet paiement conformément à l'article 1153 du code civil,
- ordonner la remise des documents conformes (fiches de paye attestation Pôle emploi, solde de tous comptes, certificat de travail) à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du quinzième jour de la signification,
- ordonner que la cour sera compétente pour procéder à la liquidation des astreintes qu'elle aura prononcées,
en tout état de cause,
- condamner la société à payer à Mme [E] la somme de 9 360 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'application de l'anatocisme sur les intérêts échus en vertu de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société aux entiers frais d'exécution, lesquels comprendront ceux de la présente décision et les sommes retenues par les dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2023.
Par message du 23 mai 2024, les avocats ont été informés de la prorogation du délibéré au 6 juin 2024 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations, par message électronique adressé à la cour et à la partie adverse avant le 30 mai 2024, sur :
- l'éventuelle application du délai de prescription de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil à la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- l'éventuelle application du délai de prescription de 3 ans prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail à la demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Aucune réponse n'a été transmise dans le délai fixé.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le conseil de prud'hommes a jugé prescrites l'action en requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires subséquentes aux motifs que le délai de prescription applicable à cette action en requalification était de 12 mois sauf en présence d'agissements de harcèlement moral et que la nature de l'action devait être appréciée au moment de la requête initiale, laquelle était alors motivée par le refus de l'employeur de faire droit à la demande de requalification et de paiement d'heures supplémentaires de Mme [E].
Cette dernière conteste toute prescription s'agissant de ses demandes relatives à la prise d'acte et au harcèlement moral. Elle indique avoir saisi le conseil de prud'hommes au titre d'une prise d'acte fondée sur le non-paiement de tout ou partie du salaire et le non-respect des durées maximales de travail. Mais elle fait valoir qu'elle a subi des faits de harcèlement justifiant la prise d'acte, ce qui caractérise un lien suffisant tel que visé à l'article 70 du code de procédure civile, et que la procédure étant orale devant le conseil de prud'hommes, seules comptaient ses demandes lors de l'audience de plaidoirie de sorte que le conseil ne pouvait les écarter au seul motif que sa requête initiale ne comportait pas de demande au titre du harcèlement.
La société soutient qu'en vertu de l'article L. 1471-1 du code du travail prévoyant un délai de prescription d'un an en matière d'action relative à la rupture du contrat depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017, Mme [E] dont la prise d'acte date du 28 juillet 2017 se trouve prescrite en son action engagée le 4 février 2019. Elle prétend que c'est pour échapper à la prescription que Mme [E] a formé une demande au titre du harcèlement moral. Elle en déduit que la demande de requalification de la prise d'acte est prescrite pour les motifs fondés sur les heures supplémentaires et la qualification professionnelle et que le harcèlement moral développé en cours de procédure pour les besoins de la cause ne saurait justifier a posteriori la prise d'acte.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail modifié à la suite de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit et celle portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture mais ces délais ne s'appliquent pas en cas d'action exercée en application de l'article L. 1152-1 du même code.
Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.
En cas de prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail, l'action visant à imputer cette rupture à l'employeur se prescrit à compter de la date de cette prise d'acte, peu important l'ancienneté des manquements de l'employeur, invoqués à son soutien que le juge doit examiner.
La demande au titre du harcèlement moral fondée sur l'article L. 1152-1 du code du travail se prescrit selon le délai de droit commun de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil.
En l'occurrence, Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 28 juillet 2017 et introduit son action le 31 janvier 2019, après la publication de l'ordonnance précitée qui a réduit le délai de prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail de 2 ans à 12 mois, de sorte que le litige est soumis aux dispositions de l'article L. 1471-1 telles que modifiées par cette ordonnance.
Pour conclure au caractère fondé de sa prise d'acte, Mme [E] invoque avoir été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur. Dans sa lettre de prise d'acte, la salariée a fait état du refus de son employeur de lui accorder le statut de cadre et du grand nombre d'heures supplémentaires effectuées et, lors de sa saisine de la juridiction, elle s'est prévalue au titre des manquements de son employeur d'un défaut de paiement de salaire conforme à ses responsabilités, du non-paiement des heures supplémentaires et de la violation de ses droits en matière de temps de travail quotidien et hebdomadaire. L'allégation d'un harcèlement moral comme manquement de la société justifiant la prise d'acte n'est apparue qu'au cours de la procédure de première instance, après que la société a soulevé la prescription de l'action en requalification de la prise d'acte.
Mais il importe peu au regard de la prescription que cette allégation soit survenue ainsi, pour les besoins de la cause selon la société, dès lors qu'au stade de la recevabilité de la demande, la juridiction n'a pas à examiner si celle-ci est bien fondée. Par ailleurs, en matière de prise d'acte, le juge doit examiner l'ensemble des manquements invoqués par le salarié sans se limiter à ceux visés dans la lettre de rupture et, au titre de la demande relative à la prise d'acte, le harcèlement moral ne constitue qu'un nouveau moyen, lequel est admis en tout état de cause.
Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande visant à juger que la prise d'acte est fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être examinée compte tenu du harcèlement moral invoqué même s'il ne l'était pas lors de la saisine du conseil de prud'hommes. Dès lors que des agissements de harcèlement moral prohibés par l'article L. 1152-1 du code du travail sont allégués comme fondement de cette demande, celle-ci, en application de l'article L. 1471-1 susvisé, échappe à la prescription de douze mois et relève de la prescription de l'action au titre du harcèlement moral, soit 5 ans. Le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Au cas présent, Mme [E] se plaignant d'avoir subi une forte pression jusqu'à la fin de son contrat de travail, le 28 juillet 2017, cette date constitue le point de départ du délai de prescription. Or elle a saisi le conseil de prud'hommes en 2019 et la demande initiale relative à la prise d'acte et celle postérieure basée sur le harcèlement, bien qu'étant fondées différemment, sont identiques de sorte que la prescription a été interrompue par cette saisine. En toute hypothèse, les demandes fondées sur le harcèlement moral ayant été formées au plus tard lors de l'audience du 11 octobre 2021, la prescription de la prétention de Mme [E] visant à juger que sa prise d'acte est fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas acquise. Le jugement est infirmé en ce sens.
Il s'ensuit qu'est également non prescrite la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant également infirmé sur ce point.
De même, la demande de dommages et intérêts de Mme [E] pour rupture vexatoire fondée sur son caractère soudain résultant de la nécessité de préserver sa santé par suite des pressions de l'employeur n'est pas atteinte par la prescription, le jugement étant confirmé en ce sens.
Comme évoqué ci-dessus, la demande de dommages et intérêts à raison du harcèlement moral subi pendant le contrat de travail se trouve soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans et n'est pas prescrite, le harcèlement allégué ayant duré jusqu'à la fin du contrat de travail. Le jugement est infirmé en ce sens.
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, qui a la nature d'une créance salariale, est soumise à la prescription prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.
Aux termes de cet article, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce, le délai a commencé à courir le 28 juillet 2017, date de la prise d'acte, et Mme [E] a sollicité dès sa saisine du conseil de prud'hommes, le 31 janvier 2019, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents de sorte que ces demandes ne sont pas prescrites, le jugement étant infirmé de ces chefs.
Enfin, si la société conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la prescription de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le conseil de prud'hommes n'a en réalité pas retenu une telle prescription, ayant considéré qu'il s'agissait d'une demande indemnitaire subséquente à la demande de requalification de l'emploi de sorte que la cour n'a pas à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de ce chef.
Sur la qualification professionnelle de Mme [E] et ses conséquences
Mme [E] fait valoir que son employeur la désignait comme responsable de l'ensemble des fonctions nécessaires au bon fonctionnement d'une grande surface, qu'elle exerçait des fonctions de commandement sur le personnel d'exécution (choix des sanctions, signalement des dysfonctionnements du personnel, modification des horaires) ainsi que techniques et administratives (en matière de trésorerie du magasin, d'accidents du travail et de gestion générale du magasin) et qu'elle disposait de l'autorisation permanente de prendre les décisions engageant l'entreprise tant vis-à-vis des salariés que des autorités. Elle estime ainsi que doit lui être appliqué le coefficient VII de la convention collective et qu'elle occupait une fonction de cadre niveau IV depuis son embauche. Elle réclame en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 7 976,03 euros outre les congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d'un montant de 34 000 euros au motif qu'elle a exercé pendant plusieurs années avec le statut de simple employée.
La société s'oppose aux demandes, contestant que les fonctions de Mme [E] ressortent d'un tel niveau et arguant que la charge de la preuve incombe à la salariée. Elle met en cause les énonciations de l'appelante quant à ses fonctions, relevant notamment qu'elle n'avait pas le pouvoir de décision en matière d'embauches, de licenciements et de sanctions et qu'elle n'avait aucune maîtrise des achats, de la gestion et des résultats de la société, ni n'avait d'initiative en matière d'approvisionnement et de choix des produits. Elle explique que toute une partie de son activité est externalisée, raison pour laquelle l'animateur d'équipe magasin n'intervient pas dans ces domaines. A supposer que la demande de rappel de salaire soit accueillie, elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts faute de preuve du préjudice.
La qualification d'un salarié doit être attribuée au vu des fonctions effectivement exercées.
En l'espèce, Mme [E] a été engagée par contrat du 22 novembre 2011 en qualité d'animatrice niveau 3 puis, selon un avenant du 24 novembre 2012, est devenue animatrice d'équipe magasin niveau 4 à compter du 1er décembre 2012. Il résulte des bulletins de paie produits qu'elle a atteint le niveau 5 à compter du mois d'août 2013, tout en continuant à occuper le même emploi.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.
Selon l'avenant du 5 juin 2008 relatif à la classification des emplois, le niveau 5 (employés et ouvriers) correspond à 'emploi qui requiert des connaissances professionnelles reconnues par un diplôme d'étude supérieure de niveau BTS, DUT, DEUG ou équivalent (niveau III de l'éducation nationale) ou une expérience professionnelle confirmée, équivalente telle que définie à l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008. Emploi exigeant des compétences générales d'animation d'équipe ou des compétences spécialisées dans une filière ou une activité'. Il définit la complexité du poste et multiactivité comme suit : 'Effectue des opérations complexes liées à l'animation d'une équipe ou à un poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l'expérience professionnelles correspondantes'. Il suppose s'agissant de l' 'autonomie et responsabilités :Autonomie dans les tâches confiées. Aide à l'animation et à la coordination de l'activité de plusieurs salariés (de niveaux 1 à 4) sous la responsabilité d'un salarié de niveau supérieur. Responsabilité étendue à l'organisation des tâches et la fixation des priorités' et s'agissant de la communication et dimension relationnelle : 'Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l'expérience) dans son domaine de compétences'. La filière commerciale pour ce niveau inclut l'animateur d'équipe (magasin).
L'avenant définit les cadres à partir du niveau 7, lequel niveau est déterminé comme suit :
'Compétences et connaissances :
Emploi exigeant des compétences générales de gestion d'une unité (magasin, service...) ou des compétences très spécialisées dans un domaine d'activités doublé d'une grande expérience professionnelle.
Complexité du poste :
Même complexité du poste qu'au niveau 6.
Travaille dans le cadre d'un processus global sur un ou plusieurs objectifs ou projet.
Autonomie et responsabilités :
Autonomie dans son domaine de responsabilités et dans l'organisation de son activité.
Participe à la définition des moyens mis à sa disposition.
Responsabilité totale d'un magasin ou d'un service, d'un secteur.
Recrute et prend toute décision ayant des conséquences sur l'évolution professionnelle du personnel dont il a l'autorité.
Communication et dimension relationnelle :
Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer avec l'ensemble des fonctions de l'entreprise, former, évaluer ses collaborateurs, négocier avec des interlocuteurs variés sur des sujets complexes. Représenter l'entreprise auprès de relations extérieures'.
Les emplois repères sont :
'Filière commerciale :
Gestion d'une unité :
- directeur de magasin ;
- directeur adjoint ;
- responsable de service ou de secteur.
Postes spécialisés :
- acheteur ;
- responsable de produit'.
Mme [E] ne démontre pas qu'elle décidait de sanctions à l'égard du personnel mais uniquement qu'elle formait des demandes à ce titre. Elle ne justifie que d'une réunion faisant suite à un signalement de sa part mais cette réunion a été décidée par le gérant de la société, non par elle. Elle ne produit qu'un seul courriel qu'elle a signé tenant à la modification d'horaire, ce courriel indiquant au surplus qu'elle a recueilli l'accord de la personne à laquelle elle s'adresse pour ce faire. Comme l'a relevé par ailleurs le conseil de prud'hommes, les documents suivants relatifs aux salariés (contrats de travail, sanctions, prise d'acte d'une démission) ont été signés pour ordre par Mme [E], ce qui signifie qu'elle ne faisait que représenter le dirigeant. Les autres documents versés aux débats portant sur les salariés ne révèlent que des demandes d'embauche faites par Mme [E], des entretiens avec des salariés qu'elle a signés comme manager et des demandes d'absence qu'elle a signées en sa qualité de supérieure hiérarchique aux fins de transmission au siège. De telles tâches correspondent à ses fonctions d'animatrice d'équipe magasin chargée d'animer l'équipe, de dresser des bilans, de contrôler l'équipe et de faire des propositions et demandes mais il ne ressort pas de l'ensemble de ces pièces qu'elle disposait du pouvoir d'embaucher les salariés, de les licencier et de les sanctionner disciplinairement.
S'agissant de la trésorerie, les documents produits par Mme [E] témoignent de ce qu'elle signalait des problèmes ou dysfonctionnements (par exemple, la panne du distributeur de la banque), qu'elle rapportait au siège le chiffre d'affaires du jour et déposait les espèces en banque. La société justifie pour sa part qu'elle avait conclu un contrat de prestations administratives et financières avec la société RA Expansion (laquelle apparaît dans certains documents produits par la salariée) afin de l'assister en matière comptable, financière et bancaire ainsi que d'effectuer tout contrôle de gestion et audit et qu'elle avait établi un 'guide Noz' décrivant les procédures à suivre pour la fermeture des caisses. Il en résulte que les responsabilités de Mme [E] en matière de trésorerie étaient restreintes, consistant pour l'essentiel à respecter des consignes pré-établies.
Mme [E] prouve avoir une fois signalé en interne un accident du travail ainsi que le 'guide Noz' le prévoyait. Elle produit aussi une pièce concernant le suivi de personnels concernés par une attaque à main armée mais cette pièce n'est pas probante, l'identification de son destinataire étant impossible.
Les trois documents produits et invoqués par Mme [E] au soutien du moyen relatif à la gestion générale du magasin sont très ponctuels et insuffisants à justifier d'un pouvoir de gestion de sa part, étant relevé que comme le fait valoir la société, aucun élément communiqué par la salariée ne prouve qu'elle avait une quelconque maîtrise en matière d'achats, de relations avec les fournisseurs et de logistique. Pour sa part, la société établit par les conventions qu'elle verse aux débats qu'elle est approvisionnée par la société Futura finances et qu'elle bénéficie d'une assistance en matière de savoir-faire, gestion et formation dans le cadre d'un contrat de franchise avec la société de franchise Noz, qui prévoit la mise à disposition par le franchiseur d'un responsable de région chargé d'assister le franchisé pour l'application de la politique commerciale, l'organisation et la gestion de ressources humaines.
Enfin, les seuls deux dépôts de plainte produits par Mme [E] dont l'un mentionne qu'elle a été dûment mandatée pour ce faire ne justifient pas qu'elle disposait d'un pouvoir de décision à l'égard des autorités comme elle le prétend.
En considération de ces éléments, le niveau 5 correspondait aux fonctions de Mme [E] qui revendique à tort le statut de cadre depuis son embauche et une reclassification au niveau 7. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef. Elle doit être déboutée de ses demandes subséquentes en fixation de salaire, de même qu'il convient de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire basée sur la classification revendiquée et de sa demande d'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
Le jugement est aussi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale, l'absence de statut de cadre de Mme [E] ne caractérisant aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail mais correspondant aux fonctions exercées par elle.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents
La société affirme n'avoir jamais demandé à Mme [E] d'exécuter des heures supplémentaires et avance que cette dernière ne démontre pas les avoir réalisées avec son accord au moins implicite. Elle considère que les éléments communiqués par la salariée ne sont pas convaincants, s'agissant de tableaux incohérents ne déduisant aucune coupure à l'heure du déjeuner et de données issues de l'application Google maps pouvant être modifiées sans trace, outre que certaines pièces se contredisent entre elles. Elle fait valoir que les relevés hebdomadaires signés par Mme [E] ne font pas mention d'heures supplémentaires non payées. A titre subsidiaire, elle demande à la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait les heures supplémentaires invoquées par Mme [E], de limiter la somme due à 22 169,31 euros brut, le jugement ayant selon la société procédé au calcul sur la base du coefficient 7.
Mme [E] indique avoir récapitulé les heures supplémentaires qui lui sont dues dans un tableau par année, pour 2015, 2016 et 2017. Elle soutient démontrer qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires et réclame un rappel de salaires à hauteur de 40 679,95 euros outre les congés payés afférents.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon son contrat de travail, Mme [E] a été engagée pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures moyennant une rémunération forfaitaire incluant le paiement des heures supplémentaires et leur majoration dans la limite de la durée hebdomadaire de 39 heures.
Au soutien de sa demande, Mme [E] verse aux débats des tableaux pour chacune des années 2015, 2016 et 2017, lesdits tableaux détaillant par jour l'heure d'embauche et de fin de travail avec l'indication d'une éventuelle pause, la durée de la journée de travail et la durée de la semaine de travail, ce du 14 septembre 2015 jusqu'à fin juillet 2017. Ces tableaux récapitulent aussi le nombre d'heures travaillées et le nombre d'heures supplémentaires non payées sur la période.
Elle produit en outre des extraits de l'application Google maps qui retracent ses trajets jour par jour, indiquant notamment les heures de départ et de retour à son domicile ainsi que la durée de sa présence au magasin Noz de [Localité 2].
Ce faisant, Mme [E] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société fait valoir que la salariée a pu déjeuner sur place sans avoir repris son véhicule et/ou désactiver l'application Google maps au cours de la journée. La société communique par ailleurs des procès-verbaux de constat dressés les 26 août 2019 et 18 septembre 2019 par huissier de justice établissant qu'il est possible de modifier les données enregistrées sur l'application Google maps sans mention apparente de ces modifications.
Cependant ces éléments mis en avant par la société ne justifient que de possibilités de déjeuners sur place, de désactivation de l'application ou de modifications de données et ne constituent pas en eux-mêmes des éléments de réponse utiles et suffisants pour contredire les données fournies par la salariée, étant rappelé que l'employeur doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées.
Mais c'est à juste titre que la société relève des incohérences entre les pièces produites par Mme [E]. Ainsi, cette dernière produit un relevé de dépôt en banque le 2 février 2016 entre 20h54 et 21 heures alors que sa géolocalisation la situe à son domicile à cette heure-là.
Par ailleurs, la société communique aux débats des relevés hebdomadaires mentionnant pour chaque jour de la semaine le nombre d'heures travaillées par salarié suivi de la signature de chaque salarié concerné qui vont du 14 septembre 2015 au 2 juillet 2017, ces relevés indiquant tous dans le cas de Mme [E] un nombre de 39 heures de travail par semaine.
Cette dernière ne s'explique pas sur ces relevés qu'elle a signés.
Il est exact comme l'a noté le conseil de prud'hommes qu'ils mentionnent pour le 26 novembre 2015 que Mme [E] a travaillé. Or la salariée produit un échange de courriels de ce jour dans lequel elle indique à 10h35 à la suite d'un courriel d'un animateur de zone qu'elle est en repos et ne peut répondre de chez elle, le conseil en ayant déduit que ce courriel entrait en contradiction avec le relevé d'heures de l'employeur.
La société soutient que cette appréciation est erronée, faisant valoir que sur le bulletin de paie correspondant, ce jour apparaît comme travaillé, que Mme [E] n'a ni sollicité un jour de congé, ni contesté les informations de son bulletin et que selon le planning de cette semaine, elle a travaillé l'après-midi ce jour-là.
Si le bulletin de paie de novembre 2015 ne mentionne pas les jours travaillés au cours du mois, le planning de la semaine 48 de l'année 2015 qui est versé aux débats programme en effet Mme [E] comme travaillant le 26 novembre 2015 de 12 à 14 heures puis de 16 à 20 heures.
Le conseil de prud'hommes a également observé que dans un courriel du 4 mai 2017, Mme [E] a évoqué des dépassements de son amplitude journalière, courriel dans lequel elle sollicitait l'autorisation de ne pas participer physiquement à une réunion fixée le 11 mai suivant dans un site éloigné de celui où elle travaillait. Mais comme le fait valoir la société, selon le relevé de géolocalisation de cette journée qui est produit par Mme [E], celle-ci ne s'est pas rendue à cette réunion.
Au regard de l'ensemble de ces éléments et du fait qu'il n'est produit aucun relevé hebdomadaire au delà du 2 juillet 2017, la cour a la conviction que Mme [E] a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées mais dans une proportion bien moindre que celle prétendue. Compte tenu néanmoins du nombre d'heures supplémentaires non réglées qui n'est pas dérisoire, ce qui établit que cet accomplissement n'a pas été exceptionnel, de l'implication forte de la salariée dans son travail et de la pluralité des tâches accomplies par elle, l'employeur n'a pu ignorer la réalité de ces heures et y a donné au moins implicitement son accord. La cour condamne en conséquence la société à payer à Mme [E] la somme de 373 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 37,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, étant observé que la société fait justement valoir que le calcul ne saurait être opéré sur la base d'une rémunération correspondant au coefficient 7 comme le fait Mme [E] puisqu'elle a été déboutée de sa revendication à ce titre. Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail
La société estime que les demandes formées de ces chefs ne sont pas fondées tant dans leur principe que dans leur montant aux motifs que les pièces produites par la salariée n'ont pas de caractère probant, que le préjudice est calculé sur l'ancienneté totale de Mme [E] qui ne produit des tableaux que pour deux ans et en fonction d'une rémunération mensuelle erronée et que cette dernière ne justifie pas du quantum de ses prétentions.
Mme [E] conclut à la confirmation du jugement de ces chefs.
L'article L. 3121-34 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016 dispose que la durée quotidienne du travail effectif du salarié ne peut excéder 10 heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret. En application de l'article L. 3121-18 du même code dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder dix heures sauf dérogation accordée par l'inspecteur du travail, en cas d'urgence dans des conditions déterminées par décret et sauf dépassement prévu par convention ou accord collectif.
Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté cette durée maximale, ce que la société ne fait pas sur toute la période incriminée. Il n'est invoqué aucune dérogation. Les articles précités poursuivent l'objectif de garantir la sécurité et la santé des salariés par la prise d'un repos suffisant. Le dépassement de la durée quotidienne maximale en ce qu'il prive le salarié d'un tel repos lui cause un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. La cour condamne la société à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant infirmé en ce sens.
Selon les articles L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail dans leur version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures et la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures. En application des articles L. 3121-20 et suivants du même code dans leur version en vigueur depuis le 10 août 2016, les règles sont les mêmes sauf dépassement autorisé par l'autorité administrative ou permis par une convention ou un accord collectif dans les conditions prévues par l'article L. 3121-23.
Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté cette durée maximale, ce que la société ne fait pas sur toute la période incriminée. Il n'est invoqué aucun dépassement permis. Les articles précités poursuivent l'objectif de garantir la sécurité et la santé des salariés par la prise d'un repos suffisant. Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale en ce qu'il prive le salarié d'un tel repos lui cause un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. La cour condamne la société à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour absence de formation
La société conclut à l'infirmation du jugement aux motifs que des formateurs se rendaient régulièrement sur le magasin pour former l'ensemble du personnel et que Mme [E] ne justifie ni de la réalité du préjudice allégué, ni de son montant.
Mme [E] réplique qu'elle n'a reçu aucune formation au cours de la relation contractuelle et réclame une indemnisation à hauteur de 12 818,25 euros.
En application de l'article L. 6321-1 dans ses versions successives applicables au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations et peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.
S'agissant d'une obligation qui pèse sur l'employeur, il lui appartient de prouver qu'il a satisfait à celle-ci.
En l'espèce, la société se contente d'affirmations sauf à se prévaloir d'une lettre de la salariée du 8 février 2015. Mais comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, il se déduit seulement de cette pièce que des formations ont été organisées pour les membres de l'équipe que Mme [E] supervisait. Le manquement de la société est avéré.
Cependant, Mme [E] ne produit pas d'élément justifiant qu'elle a subi un préjudice du fait de ce manquement qu'elle n'explique pas au demeurant. En conséquence, elle est déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
Mme [E] prétend avoir été victime d'agissements de harcèlement moral. Elle invoque avoir subi des pressions dans la mesure où son employeur lui imposait d'assurer des dizaines de missions différentes, ce qui l'a obligée à effectuer régulièrement plus de 10 heures de travail par jour ainsi qu'à dépasser le temps de travail hebdomadaire maximal autorisé. Elle prétend aussi que son employeur, ses collègues et subordonnés la désignaient systématiquement comme responsable de l'ensemble des fonctions nécessaires au bon fonctionnement d'une grande surface et que la société lui a confié des tâches de manager de sorte qu'elle a réclamé à bon droit le statut de cadre mais que la société a toujours refusé de reconnaître ses compétences. Elle argue que la société lui a interdit de mener une vie familiale normale, la pression exercée à son égard l'ayant contrainte à multiplier les heures de travail et à travailler pendant ses jours de repos. Elle sollicite la somme de 74 579,89 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
La société rétorque avoir demandé à Mme [E] d'exécuter ses missions relevant du niveau 5 de la convention collective, dans le respect de ses horaires contractuels, faisant valoir que Mme [E] invente des fonctions qu'elle n'exerçait pas et que ses missions n'ont pas entraîné la réalisation d'heures supplémentaires. Elle affirme que Mme [E] n'était pas fondée à revendiquer un statut de cadre. Elle nie avoir interdit à cette dernière de mener une vie familiale normale, mettant notamment en cause la valeur probante des éléments invoqués par la salariée. En définitive, elle considère que Mme [E] ne justifie ni de faits constitutifs de harcèlement, ni de leur répétition et observe qu'aucun élément relatif à son état de santé n'est produit par elle. Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code dans sa version en vigueur jusqu'au 10 août 2016 dispose : Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.1154-1 alinéa premier du même code dans sa version issue de la loi du 8 août 2016 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, les deux autres alinéas étant inchangés.
Il convient d'examiner les éléments de fait invoqués par Mme [E] :
- sur les pressions exercées sur elle :
Il résulte des énonciations précédentes figurant dans le paragraphe consacré à sa qualification que Mme [E] a accompli une pluralité de tâches, nombreuses, relativement notamment au personnel et à la trésorerie, mais que certaines de ses allégations suivant lesquelles elle décidait des sanctions, assurait un suivi psychologique des salariés ou rompait des périodes d'essai ne sont pas fondées.
En revanche, ont d'ores et déjà été retenus le non-respect par l'employeur de la durée quotidienne maximale de travail effectif et le non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, ces manquements s'étant réalisés à plusieurs reprises.
- sur la remise en cause des compétences de Mme [E] :
Si les quelques pièces invoquées par Mme [E] la désignent comme responsable ou manager, il ne saurait en être déduit qu'elle était qualifiée ainsi de manière systématique par son employeur. En outre, il résulte de ce qui précède que Mme [E] n'a pas exercé des fonctions correspondant à une classification supérieure à celle dont elle disposait et que sa revendication relative à un statut de cadre n'était pas fondée. La remise en cause des compétences de Mme [E] n'est pas établie.
- sur l'impossibilité de mener une vie familiale normale :
Il résulte de ce qui précède que Mme [E] a effectué des heures supplémentaires au delà de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures fixée dans son contrat de travail, même si c'est dans une proportion nettement moindre que celle alléguée.
Mme [E] prétend aussi avoir été obligée de travailler pendant ses jours de repos. Elle s'appuie sur :
- un courriel adressé par elle le 23 février 2016 à M. [T] lui demandant à quelle heure il pense être au magasin le lendemain car elle indique être en repos ce jour-là et ne compte passer que pour l'entretien mais ce seul mail émanant de Mme [E] est insuffisant à prouver qu'elle a été contrainte par son employeur de travailler un jour de repos dès lors que ce courriel n'est pas une réponse à un mail de M. [T], que la réponse de ce dernier n'est pas produite et que le tableau des amplitudes effectives de travail établi par Mme [E] pour 2016 ne décompte aucune heure de travail ce jour-là ;
- le courriel du 26 novembre 2015 à 10h33 auquel Mme [E] a répondu à 10h35 en indiquant qu'étant en repos, elle ne pouvait répondre de chez elle ;
- le courriel du 4 mai 2017 dans lequel Mme [E] a demandé à être dispensée d'assister physiquement à une réunion éloignée, disant que celle-ci l'obligerait une nouvelle fois à dépasser son amplitude journalière.
Les éléments ci-dessus retenus (non-respect par l'employeur de la durée quotidienne maximale de travail effectif et de la durée maximale hebdomadaire de travail, réalisation d'heures supplémentaires au delà de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures fixée dans le contrat, demande de réponse faite par l'employeur à Mme [E] alors qu'elle était en repos et demande de l'employeur d'assister à une réunion éloignée) laissent présumer et supposer l'existence d'un harcèlement moral, peu important que Mme [E] ne produise pas d'élément médical se rapportant à son état de santé.
La société, qui nie toute réalisation d'heures supplémentaires au delà de 39 heures et le dépassement des durées maximales de travail, ne prouve pas que ces agissements à ces titres ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de la demande de l'employeur faite par courriel du 26 novembre 2015, la société se prévaut du relevé des heures effectuées par Mme [E] signé par cette dernière qui mentionne qu'elle a travaillé ce jour-là, outre qu'il a d'ores et déjà été retenu que le planning de la semaine concernée programmait Mme [E] comme travaillant l'après-midi du 26 novembre 2015. Le mail du 26 novembre 2015 ne constitue pas un agissement de harcèlement et la décision de la société à ce titre est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement dès lors que le courriel a été envoyé en fin de matinée sans exigence d'une réponse immédiate et que Mme [E] n'était de repos que le matin.
S'agissant de la demande de l'employeur d'assister à une réunion éloignée, la société se prévaut du relevé de géolocalisation de cette journée produit par Mme [E] qui établit, comme cela a déjà été retenu, qu'elle ne s'est pas rendue à cette réunion, ce qui démontre que la société ne l'a pas obligée à y participer physiquement.
Il reste que les décisions de l'employeur relatifs à l'accomplissement d'heures supplémentaires au delà des 39 heures hebdomadaires payées et convenues contractuellement et aux non-respects des durées maximales de travail hebdomadaire et quotidienne ne sont pas justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant souligné que les agissements de l'employeur sont répétés. La cour retient en conséquence que Mme [E] a été victime de harcèlement moral et condamne la société à lui payer en réparation du préjudice subi de ce chef la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Mme [E] demande à la cour de juger que sa prise d'acte est fondée et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du harcèlement moral de son employeur.
La société réplique qu'il n'existe pas de faits constitutifs de harcèlement, ni de répétition de tels agissements, ni de dégradation de l'état de santé de sa salariée dont elle soutient qu'elle a rompu son travail car son mari était muté à Mayotte.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Sauf dans les cas où le régime probatoire est inversé à raison du manquement allégué, il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements allégués. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.
En l'espèce, la cour a considéré que Mme [E] a été victime de harcèlement moral. S'agissant de faits de cette nature et les agissements retenus au titre des heures supplémentaires et non-respect des durées de travail n'étant pas anciens ni isolés, ils constituent des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat de travail. Il en résulte que la prise d'acte est justifiée, peu important que la famille de Mme [E] ait décidé de déménager de manière lointaine peu de temps avant la rupture du contrat de travail. La prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que Mme [E] le demande.
Sur les conséquences de la prise d'acte
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017, Mme [E] réclame une indemnité de 25 636,49 euros. La société conclut à l'application de l'article L. 1235-5 alors en vigueur compte tenu de son effectif habituel de moins de 11 salariés et invoque l'absence de preuve par Mme [E] de son préjudice.
L'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017 dispose :
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.
Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la rupture du contrat de travail :
Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :
1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;
2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;
3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.
Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
(...).
En l'espèce, la société se borne à produire une attestation d'une personne se présentant comme responsable d'équipe RH de la société Socad, prestataire ressources humaines, qui certifie que les effectifs de la société Samor n'ont jamais atteint le seuil de 11 salariés au cours des années 2018, 2019 et 2020. Mais cette attestation qui n'est corroborée par aucun élément objectif tel le registre du personnel n'est pas suffisamment probante de la condition d'effectif justifiant l'application de l'article L. 1235-5 ancien précité.
En conséquence, Mme [E] est fondée à prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Compte tenu de son ancienneté lors de la rupture, de son âge (née en 1982), de sa faculté à retrouver un emploi et de l'absence de tout élément fourni sur sa situation professionnelle postérieure à la prise d'acte, la cour condamne la société à lui payer la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail et de la convention collective, Mme [E] s'estime fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis de trois mois sur la base d'un salaire de 2 330,59 euros et l'indemnité des congés payés afférents.
Du fait de son niveau de qualification et en application de la convention collective, la salariée a droit à une durée de préavis de deux mois. L'indemnité compensatrice de préavis à laquelle est condamnée la société s'élève à la somme de 4 156,78 euros. Elle est en outre condamnée à payer celle de 415,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
- sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version en vigueur, il est ordonné à société de rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de sa prise d'acte au jour du présent arrêt dans la limité d'un mois d'indemnité.
Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire
Mme [E] soutient que la rupture a été particulièrement soudaine et qu'elle a été contrainte de mettre fin à son contrat de travail du fait de la pression infligée par l'employeur, lequel s'oppose à la demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Le fait pour un salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail n'est pas exclusif d'un comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail.
Cependant, en l'espèce, Mme [E] ne justifie pas d'une telle faute, se prévalant de la pression de l'employeur qui a été retenue au titre des agissements de harcèlement moral commis durant l'exécution du contrat de travail. Elle ne justifie pas davantage d'un préjudice distinct de ceux déjà réparés par le présent arrêt. Elle doit être déboutée de sa demande.
Sur la remise de documents sociaux conformes
Il est ordonné à la société de remettre à Mme [E] un bulletin paie récapitulatif, une attestation employeur, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les intérêts et la demande de capitalisation
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à la première audience et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code.
Sur les dépens et frais irrépétibles
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société aux dépens et à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre. La société est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de toute demande au titre des frais non compris dans les dépens, Mme [E] étant déboutée du surplus de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
Confirme le jugement en ses dispositions :
- ayant débouté Mme [E] de sa demande de requalification de l'emploi et de ses demandes subséquentes en rappel de salaire, congés payés afférents et dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription en ce qui concerne la demande visant à juger que la prise d'acte est bien fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire, la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Samor à payer à Mme [E] les sommes de :
- 373 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et celle de 37,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail ;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4 156,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 415,67 euros au titre de l'indemnité compensaitrice des congés payés afférents ;
Dit que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à la première audience et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues aux dispositions de l'article 1343-2 du même code ;
Ordonne à la société Samor de remettre à Mme [E] un bulletin paie récapitulatif, une attestation employeur, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification ;
Ordonne à la société de rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de sa prise d'acte au jour du présent arrêt dans la limité d'un mois d'indemnité ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Samor aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 06 JUIN 2024
(n° 2024/ , 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09928 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FONTAINEBLEAU - RG n° 19/00020
APPELANTE
Société SAMOR
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL
INTIMEE
Madame [U] [E] veuve épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane BRUSCHINI-CHAUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0761
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [S] épouse [E] a été engagée par la société Samor, exerçant son activité sous l'enseigne Noz, par contrat de travail à durée indéterminée du 22 novembre 2011 en qualité d'animatrice niveau 3.
Par avenant du 24 novembre 2012, Mme [E] est devenue animatrice d'équipe magasin niveau 4 à compter du 1er décembre 2012, puis niveau 5 à compter du mois d'août 2013.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.
La société Samor, ci-après la société, occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par lettre du 28 juillet 2017, Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
La société Samor en a accusé réception selon courrier du 1er août suivant.
Sollicitant la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que divers rappels de salaire et indemnités, Mme [E] a, par requête datée du 31 janvier 2019 enregistrée le 4 février suivant par le greffe, saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau qui, par jugement de départage du 8 novembre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- constaté la prescription de l'action 'en de' sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des demandes indemnitaires subséquentes ;
- condamné la société à payer à Mme [E] les sommes de :
* 40 679,95 euros au titre des heures supplémentaires,
* 4 067,99 euros au titres des congés payés afférents,
* 12 818,25 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail,
* 12 818,25 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée 'hebdomadaire quotidienne' de travail,
* 6 409,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation ;
- ordonné la remise par la société à Mme [E] des bulletins de paie rectifiés conformément à sa demande, dans le délai de deux mois à compter du prononcé du jugement ;
- rappelé que les créances à caractère indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et les créances de nature salariale à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation à la première audience ;
- débouté Mme [E] de ses autres demandes ;
- condamné la société à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société aux dépens de la procédure ;
- assorti le jugement de l'exécution provisoire.
Par déclaration transmise par voie électronique le 6 décembre 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions n°2 transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 23 août 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* constaté la prescription de l'action en qualification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes, soit les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour rupture vexatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
* débouté Mme [E] de sa demande de rappel de salaire sur coefficient ;
subsidiairement
- débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- débouter Mme [E] de sa demande en qualification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes, soit les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour rupture vexatoire, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
et accueillant l'appel partiel de la société,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] les sommes de :
* 40 679,95 euros au titre des heures supplémentaires,
* 4 067,99 euros au titre des congés payés afférents ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents ;
- subsidiairement limiter à 22 169,31 euros bruts le montant des condamnations de ce chef ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] les sommes de :
* 12 818,25 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail,
* 12 818,25 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée hebdomadaire quotidienne de travail,
* 6 409,12 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, absence de formation ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société la remise à Mme [E] des bulletins de paie rectifiés conformément à sa demande, dans le délai de deux mois à compter du prononcé du jugement et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- et statuant à nouveau, débouter Mme [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; à l'inverse condamner Mme [E] à verser à la société Samor la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
en tout état de cause
- condamner Mme [E] à verser à la société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par le RPVA le 7 juin 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [E] demande à la cour de :
- juger l'action engagée recevable, bien fondée et y faire droit,
- infirmer partiellement le jugement
le réformant et statuant à nouveau :
au principal,
réformer le jugement en ordonnant :
- que la prise d'acte est bien fondée,
- que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- d'appliquer le coefficient VII de la convention nationale du commerce de détail non-alimentaire à Mme [E],
- que Mme [E] occupe une fonction de cadre niveau IV depuis son embauche,
en conséquence,
- fixer le salaire de base de Mme [E] à :
* 2 210 euros pour l'année 2011,
* 2 240 euros pour l'année 2012,
* 2 283 euros pour l'année 2013,
* 2 283 euros pour l'année 2014,
* 2 298 euros pour l'année 2015,
* 2 320 euros pour l'année 2016,
* 2 343 euros pour l'année 2017,
- réformer le jugement en condamnant la société à payer à Mme [E] :
* rappel des salaires dus : 7 976,03 euros,
* congés payés afférents : 797,60 euros,
* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 34 000 euros,
* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 636,49 euros,
* indemnité compensatrice de préavis : 6 991,77 euros,
* congés payés afférents : 699,18 euros,
* dommages et intérêts pour rupture vexatoire : 13 983,54 euros,
* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 74 579,89 euros,
avec intérêt de droit à compter de la date de convocation du conseil de prud'hommes du 18 mars 2019 et jusqu'à complet paiement conformément à l'article 1153 du code civil,
- et confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme [E] :
* rappel des heures supplémentaires : 40 679,95 euros
* congés payés afférents : 4 067,99 euros ;
* dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne de travail : 12 818,25 euros ;
* dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail : 12 818,25 euros ;
* dommages et intérêts pour absence de formation en modifiant le quantum : 12 818,25 euros ;
avec intérêt de droit à compter de la date de convocation du conseil de prud'hommes du 18 mars 2019 et jusqu'à complet paiement conformément à l'article 1153 du code civil,
- ordonner la remise des documents conformes (fiches de paye attestation Pôle emploi, solde de tous comptes, certificat de travail) à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du quinzième jour de la signification,
- ordonner que la cour sera compétente pour procéder à la liquidation des astreintes qu'elle aura prononcées,
en tout état de cause,
- condamner la société à payer à Mme [E] la somme de 9 360 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'application de l'anatocisme sur les intérêts échus en vertu de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société aux entiers frais d'exécution, lesquels comprendront ceux de la présente décision et les sommes retenues par les dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2023.
Par message du 23 mai 2024, les avocats ont été informés de la prorogation du délibéré au 6 juin 2024 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations, par message électronique adressé à la cour et à la partie adverse avant le 30 mai 2024, sur :
- l'éventuelle application du délai de prescription de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil à la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- l'éventuelle application du délai de prescription de 3 ans prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail à la demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Aucune réponse n'a été transmise dans le délai fixé.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le conseil de prud'hommes a jugé prescrites l'action en requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires subséquentes aux motifs que le délai de prescription applicable à cette action en requalification était de 12 mois sauf en présence d'agissements de harcèlement moral et que la nature de l'action devait être appréciée au moment de la requête initiale, laquelle était alors motivée par le refus de l'employeur de faire droit à la demande de requalification et de paiement d'heures supplémentaires de Mme [E].
Cette dernière conteste toute prescription s'agissant de ses demandes relatives à la prise d'acte et au harcèlement moral. Elle indique avoir saisi le conseil de prud'hommes au titre d'une prise d'acte fondée sur le non-paiement de tout ou partie du salaire et le non-respect des durées maximales de travail. Mais elle fait valoir qu'elle a subi des faits de harcèlement justifiant la prise d'acte, ce qui caractérise un lien suffisant tel que visé à l'article 70 du code de procédure civile, et que la procédure étant orale devant le conseil de prud'hommes, seules comptaient ses demandes lors de l'audience de plaidoirie de sorte que le conseil ne pouvait les écarter au seul motif que sa requête initiale ne comportait pas de demande au titre du harcèlement.
La société soutient qu'en vertu de l'article L. 1471-1 du code du travail prévoyant un délai de prescription d'un an en matière d'action relative à la rupture du contrat depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017, Mme [E] dont la prise d'acte date du 28 juillet 2017 se trouve prescrite en son action engagée le 4 février 2019. Elle prétend que c'est pour échapper à la prescription que Mme [E] a formé une demande au titre du harcèlement moral. Elle en déduit que la demande de requalification de la prise d'acte est prescrite pour les motifs fondés sur les heures supplémentaires et la qualification professionnelle et que le harcèlement moral développé en cours de procédure pour les besoins de la cause ne saurait justifier a posteriori la prise d'acte.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail modifié à la suite de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit et celle portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture mais ces délais ne s'appliquent pas en cas d'action exercée en application de l'article L. 1152-1 du même code.
Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.
En cas de prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail, l'action visant à imputer cette rupture à l'employeur se prescrit à compter de la date de cette prise d'acte, peu important l'ancienneté des manquements de l'employeur, invoqués à son soutien que le juge doit examiner.
La demande au titre du harcèlement moral fondée sur l'article L. 1152-1 du code du travail se prescrit selon le délai de droit commun de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil.
En l'occurrence, Mme [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 28 juillet 2017 et introduit son action le 31 janvier 2019, après la publication de l'ordonnance précitée qui a réduit le délai de prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail de 2 ans à 12 mois, de sorte que le litige est soumis aux dispositions de l'article L. 1471-1 telles que modifiées par cette ordonnance.
Pour conclure au caractère fondé de sa prise d'acte, Mme [E] invoque avoir été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur. Dans sa lettre de prise d'acte, la salariée a fait état du refus de son employeur de lui accorder le statut de cadre et du grand nombre d'heures supplémentaires effectuées et, lors de sa saisine de la juridiction, elle s'est prévalue au titre des manquements de son employeur d'un défaut de paiement de salaire conforme à ses responsabilités, du non-paiement des heures supplémentaires et de la violation de ses droits en matière de temps de travail quotidien et hebdomadaire. L'allégation d'un harcèlement moral comme manquement de la société justifiant la prise d'acte n'est apparue qu'au cours de la procédure de première instance, après que la société a soulevé la prescription de l'action en requalification de la prise d'acte.
Mais il importe peu au regard de la prescription que cette allégation soit survenue ainsi, pour les besoins de la cause selon la société, dès lors qu'au stade de la recevabilité de la demande, la juridiction n'a pas à examiner si celle-ci est bien fondée. Par ailleurs, en matière de prise d'acte, le juge doit examiner l'ensemble des manquements invoqués par le salarié sans se limiter à ceux visés dans la lettre de rupture et, au titre de la demande relative à la prise d'acte, le harcèlement moral ne constitue qu'un nouveau moyen, lequel est admis en tout état de cause.
Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande visant à juger que la prise d'acte est fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être examinée compte tenu du harcèlement moral invoqué même s'il ne l'était pas lors de la saisine du conseil de prud'hommes. Dès lors que des agissements de harcèlement moral prohibés par l'article L. 1152-1 du code du travail sont allégués comme fondement de cette demande, celle-ci, en application de l'article L. 1471-1 susvisé, échappe à la prescription de douze mois et relève de la prescription de l'action au titre du harcèlement moral, soit 5 ans. Le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Au cas présent, Mme [E] se plaignant d'avoir subi une forte pression jusqu'à la fin de son contrat de travail, le 28 juillet 2017, cette date constitue le point de départ du délai de prescription. Or elle a saisi le conseil de prud'hommes en 2019 et la demande initiale relative à la prise d'acte et celle postérieure basée sur le harcèlement, bien qu'étant fondées différemment, sont identiques de sorte que la prescription a été interrompue par cette saisine. En toute hypothèse, les demandes fondées sur le harcèlement moral ayant été formées au plus tard lors de l'audience du 11 octobre 2021, la prescription de la prétention de Mme [E] visant à juger que sa prise d'acte est fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas acquise. Le jugement est infirmé en ce sens.
Il s'ensuit qu'est également non prescrite la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant également infirmé sur ce point.
De même, la demande de dommages et intérêts de Mme [E] pour rupture vexatoire fondée sur son caractère soudain résultant de la nécessité de préserver sa santé par suite des pressions de l'employeur n'est pas atteinte par la prescription, le jugement étant confirmé en ce sens.
Comme évoqué ci-dessus, la demande de dommages et intérêts à raison du harcèlement moral subi pendant le contrat de travail se trouve soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans et n'est pas prescrite, le harcèlement allégué ayant duré jusqu'à la fin du contrat de travail. Le jugement est infirmé en ce sens.
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, qui a la nature d'une créance salariale, est soumise à la prescription prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.
Aux termes de cet article, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce, le délai a commencé à courir le 28 juillet 2017, date de la prise d'acte, et Mme [E] a sollicité dès sa saisine du conseil de prud'hommes, le 31 janvier 2019, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents de sorte que ces demandes ne sont pas prescrites, le jugement étant infirmé de ces chefs.
Enfin, si la société conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la prescription de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le conseil de prud'hommes n'a en réalité pas retenu une telle prescription, ayant considéré qu'il s'agissait d'une demande indemnitaire subséquente à la demande de requalification de l'emploi de sorte que la cour n'a pas à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de ce chef.
Sur la qualification professionnelle de Mme [E] et ses conséquences
Mme [E] fait valoir que son employeur la désignait comme responsable de l'ensemble des fonctions nécessaires au bon fonctionnement d'une grande surface, qu'elle exerçait des fonctions de commandement sur le personnel d'exécution (choix des sanctions, signalement des dysfonctionnements du personnel, modification des horaires) ainsi que techniques et administratives (en matière de trésorerie du magasin, d'accidents du travail et de gestion générale du magasin) et qu'elle disposait de l'autorisation permanente de prendre les décisions engageant l'entreprise tant vis-à-vis des salariés que des autorités. Elle estime ainsi que doit lui être appliqué le coefficient VII de la convention collective et qu'elle occupait une fonction de cadre niveau IV depuis son embauche. Elle réclame en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 7 976,03 euros outre les congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d'un montant de 34 000 euros au motif qu'elle a exercé pendant plusieurs années avec le statut de simple employée.
La société s'oppose aux demandes, contestant que les fonctions de Mme [E] ressortent d'un tel niveau et arguant que la charge de la preuve incombe à la salariée. Elle met en cause les énonciations de l'appelante quant à ses fonctions, relevant notamment qu'elle n'avait pas le pouvoir de décision en matière d'embauches, de licenciements et de sanctions et qu'elle n'avait aucune maîtrise des achats, de la gestion et des résultats de la société, ni n'avait d'initiative en matière d'approvisionnement et de choix des produits. Elle explique que toute une partie de son activité est externalisée, raison pour laquelle l'animateur d'équipe magasin n'intervient pas dans ces domaines. A supposer que la demande de rappel de salaire soit accueillie, elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts faute de preuve du préjudice.
La qualification d'un salarié doit être attribuée au vu des fonctions effectivement exercées.
En l'espèce, Mme [E] a été engagée par contrat du 22 novembre 2011 en qualité d'animatrice niveau 3 puis, selon un avenant du 24 novembre 2012, est devenue animatrice d'équipe magasin niveau 4 à compter du 1er décembre 2012. Il résulte des bulletins de paie produits qu'elle a atteint le niveau 5 à compter du mois d'août 2013, tout en continuant à occuper le même emploi.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires.
Selon l'avenant du 5 juin 2008 relatif à la classification des emplois, le niveau 5 (employés et ouvriers) correspond à 'emploi qui requiert des connaissances professionnelles reconnues par un diplôme d'étude supérieure de niveau BTS, DUT, DEUG ou équivalent (niveau III de l'éducation nationale) ou une expérience professionnelle confirmée, équivalente telle que définie à l'article 3. 1 de l'accord du 5 juin 2008. Emploi exigeant des compétences générales d'animation d'équipe ou des compétences spécialisées dans une filière ou une activité'. Il définit la complexité du poste et multiactivité comme suit : 'Effectue des opérations complexes liées à l'animation d'une équipe ou à un poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l'expérience professionnelles correspondantes'. Il suppose s'agissant de l' 'autonomie et responsabilités :Autonomie dans les tâches confiées. Aide à l'animation et à la coordination de l'activité de plusieurs salariés (de niveaux 1 à 4) sous la responsabilité d'un salarié de niveau supérieur. Responsabilité étendue à l'organisation des tâches et la fixation des priorités' et s'agissant de la communication et dimension relationnelle : 'Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l'expérience) dans son domaine de compétences'. La filière commerciale pour ce niveau inclut l'animateur d'équipe (magasin).
L'avenant définit les cadres à partir du niveau 7, lequel niveau est déterminé comme suit :
'Compétences et connaissances :
Emploi exigeant des compétences générales de gestion d'une unité (magasin, service...) ou des compétences très spécialisées dans un domaine d'activités doublé d'une grande expérience professionnelle.
Complexité du poste :
Même complexité du poste qu'au niveau 6.
Travaille dans le cadre d'un processus global sur un ou plusieurs objectifs ou projet.
Autonomie et responsabilités :
Autonomie dans son domaine de responsabilités et dans l'organisation de son activité.
Participe à la définition des moyens mis à sa disposition.
Responsabilité totale d'un magasin ou d'un service, d'un secteur.
Recrute et prend toute décision ayant des conséquences sur l'évolution professionnelle du personnel dont il a l'autorité.
Communication et dimension relationnelle :
Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer avec l'ensemble des fonctions de l'entreprise, former, évaluer ses collaborateurs, négocier avec des interlocuteurs variés sur des sujets complexes. Représenter l'entreprise auprès de relations extérieures'.
Les emplois repères sont :
'Filière commerciale :
Gestion d'une unité :
- directeur de magasin ;
- directeur adjoint ;
- responsable de service ou de secteur.
Postes spécialisés :
- acheteur ;
- responsable de produit'.
Mme [E] ne démontre pas qu'elle décidait de sanctions à l'égard du personnel mais uniquement qu'elle formait des demandes à ce titre. Elle ne justifie que d'une réunion faisant suite à un signalement de sa part mais cette réunion a été décidée par le gérant de la société, non par elle. Elle ne produit qu'un seul courriel qu'elle a signé tenant à la modification d'horaire, ce courriel indiquant au surplus qu'elle a recueilli l'accord de la personne à laquelle elle s'adresse pour ce faire. Comme l'a relevé par ailleurs le conseil de prud'hommes, les documents suivants relatifs aux salariés (contrats de travail, sanctions, prise d'acte d'une démission) ont été signés pour ordre par Mme [E], ce qui signifie qu'elle ne faisait que représenter le dirigeant. Les autres documents versés aux débats portant sur les salariés ne révèlent que des demandes d'embauche faites par Mme [E], des entretiens avec des salariés qu'elle a signés comme manager et des demandes d'absence qu'elle a signées en sa qualité de supérieure hiérarchique aux fins de transmission au siège. De telles tâches correspondent à ses fonctions d'animatrice d'équipe magasin chargée d'animer l'équipe, de dresser des bilans, de contrôler l'équipe et de faire des propositions et demandes mais il ne ressort pas de l'ensemble de ces pièces qu'elle disposait du pouvoir d'embaucher les salariés, de les licencier et de les sanctionner disciplinairement.
S'agissant de la trésorerie, les documents produits par Mme [E] témoignent de ce qu'elle signalait des problèmes ou dysfonctionnements (par exemple, la panne du distributeur de la banque), qu'elle rapportait au siège le chiffre d'affaires du jour et déposait les espèces en banque. La société justifie pour sa part qu'elle avait conclu un contrat de prestations administratives et financières avec la société RA Expansion (laquelle apparaît dans certains documents produits par la salariée) afin de l'assister en matière comptable, financière et bancaire ainsi que d'effectuer tout contrôle de gestion et audit et qu'elle avait établi un 'guide Noz' décrivant les procédures à suivre pour la fermeture des caisses. Il en résulte que les responsabilités de Mme [E] en matière de trésorerie étaient restreintes, consistant pour l'essentiel à respecter des consignes pré-établies.
Mme [E] prouve avoir une fois signalé en interne un accident du travail ainsi que le 'guide Noz' le prévoyait. Elle produit aussi une pièce concernant le suivi de personnels concernés par une attaque à main armée mais cette pièce n'est pas probante, l'identification de son destinataire étant impossible.
Les trois documents produits et invoqués par Mme [E] au soutien du moyen relatif à la gestion générale du magasin sont très ponctuels et insuffisants à justifier d'un pouvoir de gestion de sa part, étant relevé que comme le fait valoir la société, aucun élément communiqué par la salariée ne prouve qu'elle avait une quelconque maîtrise en matière d'achats, de relations avec les fournisseurs et de logistique. Pour sa part, la société établit par les conventions qu'elle verse aux débats qu'elle est approvisionnée par la société Futura finances et qu'elle bénéficie d'une assistance en matière de savoir-faire, gestion et formation dans le cadre d'un contrat de franchise avec la société de franchise Noz, qui prévoit la mise à disposition par le franchiseur d'un responsable de région chargé d'assister le franchisé pour l'application de la politique commerciale, l'organisation et la gestion de ressources humaines.
Enfin, les seuls deux dépôts de plainte produits par Mme [E] dont l'un mentionne qu'elle a été dûment mandatée pour ce faire ne justifient pas qu'elle disposait d'un pouvoir de décision à l'égard des autorités comme elle le prétend.
En considération de ces éléments, le niveau 5 correspondait aux fonctions de Mme [E] qui revendique à tort le statut de cadre depuis son embauche et une reclassification au niveau 7. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef. Elle doit être déboutée de ses demandes subséquentes en fixation de salaire, de même qu'il convient de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire basée sur la classification revendiquée et de sa demande d'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
Le jugement est aussi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale, l'absence de statut de cadre de Mme [E] ne caractérisant aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail mais correspondant aux fonctions exercées par elle.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents
La société affirme n'avoir jamais demandé à Mme [E] d'exécuter des heures supplémentaires et avance que cette dernière ne démontre pas les avoir réalisées avec son accord au moins implicite. Elle considère que les éléments communiqués par la salariée ne sont pas convaincants, s'agissant de tableaux incohérents ne déduisant aucune coupure à l'heure du déjeuner et de données issues de l'application Google maps pouvant être modifiées sans trace, outre que certaines pièces se contredisent entre elles. Elle fait valoir que les relevés hebdomadaires signés par Mme [E] ne font pas mention d'heures supplémentaires non payées. A titre subsidiaire, elle demande à la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait les heures supplémentaires invoquées par Mme [E], de limiter la somme due à 22 169,31 euros brut, le jugement ayant selon la société procédé au calcul sur la base du coefficient 7.
Mme [E] indique avoir récapitulé les heures supplémentaires qui lui sont dues dans un tableau par année, pour 2015, 2016 et 2017. Elle soutient démontrer qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires et réclame un rappel de salaires à hauteur de 40 679,95 euros outre les congés payés afférents.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon son contrat de travail, Mme [E] a été engagée pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures moyennant une rémunération forfaitaire incluant le paiement des heures supplémentaires et leur majoration dans la limite de la durée hebdomadaire de 39 heures.
Au soutien de sa demande, Mme [E] verse aux débats des tableaux pour chacune des années 2015, 2016 et 2017, lesdits tableaux détaillant par jour l'heure d'embauche et de fin de travail avec l'indication d'une éventuelle pause, la durée de la journée de travail et la durée de la semaine de travail, ce du 14 septembre 2015 jusqu'à fin juillet 2017. Ces tableaux récapitulent aussi le nombre d'heures travaillées et le nombre d'heures supplémentaires non payées sur la période.
Elle produit en outre des extraits de l'application Google maps qui retracent ses trajets jour par jour, indiquant notamment les heures de départ et de retour à son domicile ainsi que la durée de sa présence au magasin Noz de [Localité 2].
Ce faisant, Mme [E] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société fait valoir que la salariée a pu déjeuner sur place sans avoir repris son véhicule et/ou désactiver l'application Google maps au cours de la journée. La société communique par ailleurs des procès-verbaux de constat dressés les 26 août 2019 et 18 septembre 2019 par huissier de justice établissant qu'il est possible de modifier les données enregistrées sur l'application Google maps sans mention apparente de ces modifications.
Cependant ces éléments mis en avant par la société ne justifient que de possibilités de déjeuners sur place, de désactivation de l'application ou de modifications de données et ne constituent pas en eux-mêmes des éléments de réponse utiles et suffisants pour contredire les données fournies par la salariée, étant rappelé que l'employeur doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées.
Mais c'est à juste titre que la société relève des incohérences entre les pièces produites par Mme [E]. Ainsi, cette dernière produit un relevé de dépôt en banque le 2 février 2016 entre 20h54 et 21 heures alors que sa géolocalisation la situe à son domicile à cette heure-là.
Par ailleurs, la société communique aux débats des relevés hebdomadaires mentionnant pour chaque jour de la semaine le nombre d'heures travaillées par salarié suivi de la signature de chaque salarié concerné qui vont du 14 septembre 2015 au 2 juillet 2017, ces relevés indiquant tous dans le cas de Mme [E] un nombre de 39 heures de travail par semaine.
Cette dernière ne s'explique pas sur ces relevés qu'elle a signés.
Il est exact comme l'a noté le conseil de prud'hommes qu'ils mentionnent pour le 26 novembre 2015 que Mme [E] a travaillé. Or la salariée produit un échange de courriels de ce jour dans lequel elle indique à 10h35 à la suite d'un courriel d'un animateur de zone qu'elle est en repos et ne peut répondre de chez elle, le conseil en ayant déduit que ce courriel entrait en contradiction avec le relevé d'heures de l'employeur.
La société soutient que cette appréciation est erronée, faisant valoir que sur le bulletin de paie correspondant, ce jour apparaît comme travaillé, que Mme [E] n'a ni sollicité un jour de congé, ni contesté les informations de son bulletin et que selon le planning de cette semaine, elle a travaillé l'après-midi ce jour-là.
Si le bulletin de paie de novembre 2015 ne mentionne pas les jours travaillés au cours du mois, le planning de la semaine 48 de l'année 2015 qui est versé aux débats programme en effet Mme [E] comme travaillant le 26 novembre 2015 de 12 à 14 heures puis de 16 à 20 heures.
Le conseil de prud'hommes a également observé que dans un courriel du 4 mai 2017, Mme [E] a évoqué des dépassements de son amplitude journalière, courriel dans lequel elle sollicitait l'autorisation de ne pas participer physiquement à une réunion fixée le 11 mai suivant dans un site éloigné de celui où elle travaillait. Mais comme le fait valoir la société, selon le relevé de géolocalisation de cette journée qui est produit par Mme [E], celle-ci ne s'est pas rendue à cette réunion.
Au regard de l'ensemble de ces éléments et du fait qu'il n'est produit aucun relevé hebdomadaire au delà du 2 juillet 2017, la cour a la conviction que Mme [E] a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées mais dans une proportion bien moindre que celle prétendue. Compte tenu néanmoins du nombre d'heures supplémentaires non réglées qui n'est pas dérisoire, ce qui établit que cet accomplissement n'a pas été exceptionnel, de l'implication forte de la salariée dans son travail et de la pluralité des tâches accomplies par elle, l'employeur n'a pu ignorer la réalité de ces heures et y a donné au moins implicitement son accord. La cour condamne en conséquence la société à payer à Mme [E] la somme de 373 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 37,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, étant observé que la société fait justement valoir que le calcul ne saurait être opéré sur la base d'une rémunération correspondant au coefficient 7 comme le fait Mme [E] puisqu'elle a été déboutée de sa revendication à ce titre. Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail
La société estime que les demandes formées de ces chefs ne sont pas fondées tant dans leur principe que dans leur montant aux motifs que les pièces produites par la salariée n'ont pas de caractère probant, que le préjudice est calculé sur l'ancienneté totale de Mme [E] qui ne produit des tableaux que pour deux ans et en fonction d'une rémunération mensuelle erronée et que cette dernière ne justifie pas du quantum de ses prétentions.
Mme [E] conclut à la confirmation du jugement de ces chefs.
L'article L. 3121-34 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016 dispose que la durée quotidienne du travail effectif du salarié ne peut excéder 10 heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret. En application de l'article L. 3121-18 du même code dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder dix heures sauf dérogation accordée par l'inspecteur du travail, en cas d'urgence dans des conditions déterminées par décret et sauf dépassement prévu par convention ou accord collectif.
Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté cette durée maximale, ce que la société ne fait pas sur toute la période incriminée. Il n'est invoqué aucune dérogation. Les articles précités poursuivent l'objectif de garantir la sécurité et la santé des salariés par la prise d'un repos suffisant. Le dépassement de la durée quotidienne maximale en ce qu'il prive le salarié d'un tel repos lui cause un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. La cour condamne la société à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant infirmé en ce sens.
Selon les articles L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail dans leur version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures et la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures. En application des articles L. 3121-20 et suivants du même code dans leur version en vigueur depuis le 10 août 2016, les règles sont les mêmes sauf dépassement autorisé par l'autorité administrative ou permis par une convention ou un accord collectif dans les conditions prévues par l'article L. 3121-23.
Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté cette durée maximale, ce que la société ne fait pas sur toute la période incriminée. Il n'est invoqué aucun dépassement permis. Les articles précités poursuivent l'objectif de garantir la sécurité et la santé des salariés par la prise d'un repos suffisant. Le dépassement de la durée hebdomadaire maximale en ce qu'il prive le salarié d'un tel repos lui cause un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. La cour condamne la société à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour absence de formation
La société conclut à l'infirmation du jugement aux motifs que des formateurs se rendaient régulièrement sur le magasin pour former l'ensemble du personnel et que Mme [E] ne justifie ni de la réalité du préjudice allégué, ni de son montant.
Mme [E] réplique qu'elle n'a reçu aucune formation au cours de la relation contractuelle et réclame une indemnisation à hauteur de 12 818,25 euros.
En application de l'article L. 6321-1 dans ses versions successives applicables au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations et peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.
S'agissant d'une obligation qui pèse sur l'employeur, il lui appartient de prouver qu'il a satisfait à celle-ci.
En l'espèce, la société se contente d'affirmations sauf à se prévaloir d'une lettre de la salariée du 8 février 2015. Mais comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, il se déduit seulement de cette pièce que des formations ont été organisées pour les membres de l'équipe que Mme [E] supervisait. Le manquement de la société est avéré.
Cependant, Mme [E] ne produit pas d'élément justifiant qu'elle a subi un préjudice du fait de ce manquement qu'elle n'explique pas au demeurant. En conséquence, elle est déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
Mme [E] prétend avoir été victime d'agissements de harcèlement moral. Elle invoque avoir subi des pressions dans la mesure où son employeur lui imposait d'assurer des dizaines de missions différentes, ce qui l'a obligée à effectuer régulièrement plus de 10 heures de travail par jour ainsi qu'à dépasser le temps de travail hebdomadaire maximal autorisé. Elle prétend aussi que son employeur, ses collègues et subordonnés la désignaient systématiquement comme responsable de l'ensemble des fonctions nécessaires au bon fonctionnement d'une grande surface et que la société lui a confié des tâches de manager de sorte qu'elle a réclamé à bon droit le statut de cadre mais que la société a toujours refusé de reconnaître ses compétences. Elle argue que la société lui a interdit de mener une vie familiale normale, la pression exercée à son égard l'ayant contrainte à multiplier les heures de travail et à travailler pendant ses jours de repos. Elle sollicite la somme de 74 579,89 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
La société rétorque avoir demandé à Mme [E] d'exécuter ses missions relevant du niveau 5 de la convention collective, dans le respect de ses horaires contractuels, faisant valoir que Mme [E] invente des fonctions qu'elle n'exerçait pas et que ses missions n'ont pas entraîné la réalisation d'heures supplémentaires. Elle affirme que Mme [E] n'était pas fondée à revendiquer un statut de cadre. Elle nie avoir interdit à cette dernière de mener une vie familiale normale, mettant notamment en cause la valeur probante des éléments invoqués par la salariée. En définitive, elle considère que Mme [E] ne justifie ni de faits constitutifs de harcèlement, ni de leur répétition et observe qu'aucun élément relatif à son état de santé n'est produit par elle. Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code dans sa version en vigueur jusqu'au 10 août 2016 dispose : Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.1154-1 alinéa premier du même code dans sa version issue de la loi du 8 août 2016 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, les deux autres alinéas étant inchangés.
Il convient d'examiner les éléments de fait invoqués par Mme [E] :
- sur les pressions exercées sur elle :
Il résulte des énonciations précédentes figurant dans le paragraphe consacré à sa qualification que Mme [E] a accompli une pluralité de tâches, nombreuses, relativement notamment au personnel et à la trésorerie, mais que certaines de ses allégations suivant lesquelles elle décidait des sanctions, assurait un suivi psychologique des salariés ou rompait des périodes d'essai ne sont pas fondées.
En revanche, ont d'ores et déjà été retenus le non-respect par l'employeur de la durée quotidienne maximale de travail effectif et le non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, ces manquements s'étant réalisés à plusieurs reprises.
- sur la remise en cause des compétences de Mme [E] :
Si les quelques pièces invoquées par Mme [E] la désignent comme responsable ou manager, il ne saurait en être déduit qu'elle était qualifiée ainsi de manière systématique par son employeur. En outre, il résulte de ce qui précède que Mme [E] n'a pas exercé des fonctions correspondant à une classification supérieure à celle dont elle disposait et que sa revendication relative à un statut de cadre n'était pas fondée. La remise en cause des compétences de Mme [E] n'est pas établie.
- sur l'impossibilité de mener une vie familiale normale :
Il résulte de ce qui précède que Mme [E] a effectué des heures supplémentaires au delà de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures fixée dans son contrat de travail, même si c'est dans une proportion nettement moindre que celle alléguée.
Mme [E] prétend aussi avoir été obligée de travailler pendant ses jours de repos. Elle s'appuie sur :
- un courriel adressé par elle le 23 février 2016 à M. [T] lui demandant à quelle heure il pense être au magasin le lendemain car elle indique être en repos ce jour-là et ne compte passer que pour l'entretien mais ce seul mail émanant de Mme [E] est insuffisant à prouver qu'elle a été contrainte par son employeur de travailler un jour de repos dès lors que ce courriel n'est pas une réponse à un mail de M. [T], que la réponse de ce dernier n'est pas produite et que le tableau des amplitudes effectives de travail établi par Mme [E] pour 2016 ne décompte aucune heure de travail ce jour-là ;
- le courriel du 26 novembre 2015 à 10h33 auquel Mme [E] a répondu à 10h35 en indiquant qu'étant en repos, elle ne pouvait répondre de chez elle ;
- le courriel du 4 mai 2017 dans lequel Mme [E] a demandé à être dispensée d'assister physiquement à une réunion éloignée, disant que celle-ci l'obligerait une nouvelle fois à dépasser son amplitude journalière.
Les éléments ci-dessus retenus (non-respect par l'employeur de la durée quotidienne maximale de travail effectif et de la durée maximale hebdomadaire de travail, réalisation d'heures supplémentaires au delà de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures fixée dans le contrat, demande de réponse faite par l'employeur à Mme [E] alors qu'elle était en repos et demande de l'employeur d'assister à une réunion éloignée) laissent présumer et supposer l'existence d'un harcèlement moral, peu important que Mme [E] ne produise pas d'élément médical se rapportant à son état de santé.
La société, qui nie toute réalisation d'heures supplémentaires au delà de 39 heures et le dépassement des durées maximales de travail, ne prouve pas que ces agissements à ces titres ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de la demande de l'employeur faite par courriel du 26 novembre 2015, la société se prévaut du relevé des heures effectuées par Mme [E] signé par cette dernière qui mentionne qu'elle a travaillé ce jour-là, outre qu'il a d'ores et déjà été retenu que le planning de la semaine concernée programmait Mme [E] comme travaillant l'après-midi du 26 novembre 2015. Le mail du 26 novembre 2015 ne constitue pas un agissement de harcèlement et la décision de la société à ce titre est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement dès lors que le courriel a été envoyé en fin de matinée sans exigence d'une réponse immédiate et que Mme [E] n'était de repos que le matin.
S'agissant de la demande de l'employeur d'assister à une réunion éloignée, la société se prévaut du relevé de géolocalisation de cette journée produit par Mme [E] qui établit, comme cela a déjà été retenu, qu'elle ne s'est pas rendue à cette réunion, ce qui démontre que la société ne l'a pas obligée à y participer physiquement.
Il reste que les décisions de l'employeur relatifs à l'accomplissement d'heures supplémentaires au delà des 39 heures hebdomadaires payées et convenues contractuellement et aux non-respects des durées maximales de travail hebdomadaire et quotidienne ne sont pas justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant souligné que les agissements de l'employeur sont répétés. La cour retient en conséquence que Mme [E] a été victime de harcèlement moral et condamne la société à lui payer en réparation du préjudice subi de ce chef la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Mme [E] demande à la cour de juger que sa prise d'acte est fondée et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du harcèlement moral de son employeur.
La société réplique qu'il n'existe pas de faits constitutifs de harcèlement, ni de répétition de tels agissements, ni de dégradation de l'état de santé de sa salariée dont elle soutient qu'elle a rompu son travail car son mari était muté à Mayotte.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Sauf dans les cas où le régime probatoire est inversé à raison du manquement allégué, il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements allégués. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.
En l'espèce, la cour a considéré que Mme [E] a été victime de harcèlement moral. S'agissant de faits de cette nature et les agissements retenus au titre des heures supplémentaires et non-respect des durées de travail n'étant pas anciens ni isolés, ils constituent des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat de travail. Il en résulte que la prise d'acte est justifiée, peu important que la famille de Mme [E] ait décidé de déménager de manière lointaine peu de temps avant la rupture du contrat de travail. La prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que Mme [E] le demande.
Sur les conséquences de la prise d'acte
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017, Mme [E] réclame une indemnité de 25 636,49 euros. La société conclut à l'application de l'article L. 1235-5 alors en vigueur compte tenu de son effectif habituel de moins de 11 salariés et invoque l'absence de preuve par Mme [E] de son préjudice.
L'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017 dispose :
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.
Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la rupture du contrat de travail :
Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :
1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;
2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;
3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.
Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
(...).
En l'espèce, la société se borne à produire une attestation d'une personne se présentant comme responsable d'équipe RH de la société Socad, prestataire ressources humaines, qui certifie que les effectifs de la société Samor n'ont jamais atteint le seuil de 11 salariés au cours des années 2018, 2019 et 2020. Mais cette attestation qui n'est corroborée par aucun élément objectif tel le registre du personnel n'est pas suffisamment probante de la condition d'effectif justifiant l'application de l'article L. 1235-5 ancien précité.
En conséquence, Mme [E] est fondée à prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Compte tenu de son ancienneté lors de la rupture, de son âge (née en 1982), de sa faculté à retrouver un emploi et de l'absence de tout élément fourni sur sa situation professionnelle postérieure à la prise d'acte, la cour condamne la société à lui payer la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail et de la convention collective, Mme [E] s'estime fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis de trois mois sur la base d'un salaire de 2 330,59 euros et l'indemnité des congés payés afférents.
Du fait de son niveau de qualification et en application de la convention collective, la salariée a droit à une durée de préavis de deux mois. L'indemnité compensatrice de préavis à laquelle est condamnée la société s'élève à la somme de 4 156,78 euros. Elle est en outre condamnée à payer celle de 415,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
- sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version en vigueur, il est ordonné à société de rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de sa prise d'acte au jour du présent arrêt dans la limité d'un mois d'indemnité.
Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire
Mme [E] soutient que la rupture a été particulièrement soudaine et qu'elle a été contrainte de mettre fin à son contrat de travail du fait de la pression infligée par l'employeur, lequel s'oppose à la demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Le fait pour un salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail n'est pas exclusif d'un comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail.
Cependant, en l'espèce, Mme [E] ne justifie pas d'une telle faute, se prévalant de la pression de l'employeur qui a été retenue au titre des agissements de harcèlement moral commis durant l'exécution du contrat de travail. Elle ne justifie pas davantage d'un préjudice distinct de ceux déjà réparés par le présent arrêt. Elle doit être déboutée de sa demande.
Sur la remise de documents sociaux conformes
Il est ordonné à la société de remettre à Mme [E] un bulletin paie récapitulatif, une attestation employeur, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les intérêts et la demande de capitalisation
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à la première audience et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code.
Sur les dépens et frais irrépétibles
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société aux dépens et à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre. La société est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de toute demande au titre des frais non compris dans les dépens, Mme [E] étant déboutée du surplus de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
Confirme le jugement en ses dispositions :
- ayant débouté Mme [E] de sa demande de requalification de l'emploi et de ses demandes subséquentes en rappel de salaire, congés payés afférents et dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription en ce qui concerne la demande visant à juger que la prise d'acte est bien fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire, la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Samor à payer à Mme [E] les sommes de :
- 373 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et celle de 37,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail ;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4 156,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 415,67 euros au titre de l'indemnité compensaitrice des congés payés afférents ;
Dit que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à la première audience et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues aux dispositions de l'article 1343-2 du même code ;
Ordonne à la société Samor de remettre à Mme [E] un bulletin paie récapitulatif, une attestation employeur, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification ;
Ordonne à la société de rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à Mme [E] du jour de sa prise d'acte au jour du présent arrêt dans la limité d'un mois d'indemnité ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Samor aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE