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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 6 juin 2024, n° 23/02670

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Parot Automotive (SAS)

Défendeur :

FMC Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Desalbres, M. Figerou

Avocats :

Me Munet, Me Bertrand, Me Friede, Me Serreuille

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP Ang…

28 avril 2023

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 2 février 2017, Monsieur [J] [C] a commandé un véhicule de marque Ford type Ranger 3 auprès du concessionnaire agréé, en l'occurrence la société par actions simplifiées (SAS) GAP Automotive qui fait partie du groupe Parot Automotive.

Cette automobile a été financée au moyen d'un contrat de location avec option d'achat souscrit auprès de la société Compagnie Générale de Location d'Equipements, pour le prix de 36 929,98 euros TTC, moyennant 61 mensualités de 778,87 euros à compter du 5 février 2017.

À la suite d'une panne du véhicule survenue le 21 octobre 2021, la société Parot Automotive, concessionnaire Ford, a estimé que la boîte de vitesses automatique était en cause et chiffré le coût des réparations à la somme de 4 612,56 euros.

Suivant un acte d'huissier du 20 janvier 2022, M. [C] a assigné la Sasu Parot Automotive devant le tribunal judiciaire d'Angoulême afin d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par jugement du 16 mars 2022, M. [R] a été désigné en qualité d'expert judiciaire. Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, un sursis à statuer a été ordonné sur l'ensemble des demandes des parties.

Le 30 septembre 2022, une première réunion d'expertise s'est tenue à la concession Parot Automotive. Par une note de synthèse en date du 12 octobre 2022, l'expert a indiqué qu'il n'était pas à exclure que la boîte de vitesse soit affectée d'un défaut ou d'une faiblesse de conception et que cela impliquait la présence éventuelle du constructeur ou de l'organisme qui garantit le véhicule.

Par acte du 20 octobre 2022, la Sas Parot Automotive a assigné en intervention forcée la Sas FMC Automobiles, exerçant sous l'enseigne Ford France, importateur du véhicule, aux fins de rendre les opérations de l'expert communes et opposables à cette dernière.

Suite à la contestation par la Sas FMC Automobiles, exerçant sous l'enseigne Ford France, de la recevabilité de la demande présentée à son encontre, le jugement avant dire droit rendu le 28 avril 2023 par le tribunal judiciaire d'Angoulême a :

- déclaré irrecevable l'intervention forcée de la Sas FMC Automobiles par la Sas Parot Automotive,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Parot Automotive aux dépens de l'instance en intervention forcée,

- dit n'y avoir lieu à distraction des dépens,

- rappelé que le sursis a été ordonné pour le surplus des dépens.

La Sas Parot Automotive a relevé appel de cette décision le 5 juin 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2023, la Sas Parot Automotive demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau :

- de déclarer communes et opposables à la société FMC Automobiles les opérations d'expertise confiées à M. [R],

- de réserver les dépens.

La Sas Parot Automotive fait notamment valoir que :

- le demandeur à une mesure d'instruction ne doit justifier que de la perspective d'un litige éventuel. En l'espèce, la prescription n'est pas acquise. En effet, des jurisprudences divergentes ont été rendues à propos du délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés. Or, la solution a récemment été unifiée et la jurisprudence considère désormais que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la vente. Par conséquent, son action contre la société FMC Automobiles n'est pas prescrite,

- la société FMC Automobiles sollicite également sa mise hors de cause en soutenant qu'elle n'est qu'importatrice, le constructeur étant une société de droit allemand du même groupe, alors que l'expert a manifesté le souhait que soit présent aux opérations d'expertise le constructeur ou l'organisme qui garantit le véhicule. Elle est donc légitime à appeler à la cause n'importe lequel des vendeurs de la chaîne contractuelle contre lequel un recours sur le fondement de la garantie des vices cachés pourrait prospérer.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2023, la Sas FMC Automobiles demande à la cour de :

- juger que Ford France s'en rapporte à justice quant à la prescription de l'action du garage Parot à l'encontre Ford France,

- réserver les dépens.

La société Ford France fait notamment valoir que :

- à titre liminaire, l'expert judiciaire n'a jamais prescrit la mise en cause de l'importateur mais uniquement celle du constructeur ou de l'organisme garantissant le véhicule. Or, la qualité de constructeur revient à la société de droit allemand Ford Werke, et l'intimée n'est pas non plus l'organisme garantissant le véhicule puisque la garantie commerciale du constructeur était échue au moment de la survenance de l'avarie-moteur,

- sur la prescription de l'action de l'appelante à l'encontre de Ford France, l'intimée s'en rapporte à la justice sur ce point en ce que la jurisprudence a été unifiée sur la question postérieurement au jugement rendu en première instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 novembre 2023, M. [C] s'en remet à l'appréciation de la cour sur les demandes formulées par l'appelante, et lui demande de réserver les dépens.

M. [C] fait notamment valoir que :

- eu égard à l'unification de la jurisprudence sur la question du délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés, l'action de l'appelante à l'encontre de la société Ford France ne serait pas prescrite,

- l'expert judiciaire a indiqué qu'il serait opportun qu'un représentant de la société Ford puisse être présent lors des opérations d'expertise. Dès lors, s'il est fait droit aux demandes de l'appelante, il convient de déclarer communes et opposables à la société FMC Automobiles les opérations d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

MOTIVATION

L'appréciation de la prescription de la garantie des vices cachés a évolué depuis la date du prononcé de la décision de première instance.

En effet, quatre arrêts de la chambre mixte de la cour de cassation rendus le 21 juillet 2023 ont clairement précisé que cette action doit être exercée par l'acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, courant à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, de l'assignation principale, sans pouvoir excéder un délai butoir de vingt ans suivant la date de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

La société Ford France a vendu le véhicule litigieux à l'appelante la 28 décembre 2016.

L'assignation de la Sas Parot Automotive par M. [C] lui a été délivrée le 20 janvier 2022.

Le recours en garantie de la SAS Parot Automotive à l'encontre de la Sas FMC Automobile, exerçant sous l'enseigne Ford France, a bien été effectué dans le délai de 20 ans de l'article 2232 du Code civil.

Ainsi, l'assignation en intervention forcée du 20 octobre 2022 ne peut être déclarée irrecevable pour cause de prescription de sorte que le jugement sera réformé sur ce point.

Pour le surplus, il sera constaté que la Sas FMC Automobiles, exerçant sous l'enseigne Ford France, ne conteste pas la décision déférée qui a estimé recevable la demande présentée par la SAS Parot Automotive tendant à rendre communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire à son encontre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La décision de première instance ayant rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sera confirmée.

Les dépens de première instance seront réservés de sorte que le jugement entrepris, qui les a mis à la charge de la SAS Parot Automotive, sera infirmé. Il en sera de même des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement rendu le 28 avril 2023 par le tribunal judiciaire d'Angoulème en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- Déclare recevable l'action intentée par la société par actions simplifiées Parot Automotive à l'encontre de la société par actions simplifiées FMC Automobile, exerçant sous l'enseigne Ford France ;

- Déclare communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire à la société par actions simplifiées FMC Automobile, exerçant sous l'enseigne Ford France ;

- Réserve les dépens de première instance et d'appel.