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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 6 juin 2024, n° 21/02141

BORDEAUX

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Agrivision (SAS), Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme Defoy

Avocats :

Me le Barazer, Me Ravaut, Me Fabbri, Me Potier, Me Barret

TJ Périgueux, du 23 févr. 2021, n° 19/00…

23 février 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 3 décembre 2015, Monsieur [J] [G], exploitant agricole, a souscrit un bon de commande avec la SAS Les Établissements Guenon aux fins d'acheter un tracteur 6115 M Cadre de marque John Deere, moyennant un prix de 74.400 euros suivant facture en date du 28 décembre 2015, ce prix de vente étant constitué pour partie par la reprise par le vendeur de son ancien tracteur estimé à la somme de 26 400 euros, et par deux prêts souscrits auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord le 3 décembre 2015 : un prêt affecté de 48 000 euros et un prêt TVA d'un montant de 8 000 euros.

La livraison du tracteur a eu lieu le 28 décembre 2015 à [Localité 3], en Dordogne.

Invoquant des vibrations et des bruits anormaux du tracteur très rapidement après en avoir fait l'acquisition, M. [G] a mandaté son assureur de protection juridique afin de trouver une solution au litige l'opposant à la SAS Etablissements Guenon.

Aussi, une première expertise amiable a été réalisée et un premier rapport a été déposé le 20 juin 2016.

À la suite de cette expertise, la SAS Etablissements Guenon a entrepris diverses interventions avec le concours du constructeur John Deere.

Une seconde expertise amiable a été réalisée et un second rapport a été rendu le 29 août 2016.

Toutefois, aucune solution technique n'a été trouvée et aucun accord n'est intervenu.

M. [G] a alors saisi le tribunal de Périgueux, statuant en référé, aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2016, le tribunal a fait droit à sa demande et a désigné M. [J] pour procéder à ladite expertise.

Il a déposé son rapport le 2 janvier 2018.

Aucun accord amiable n'ayant pu intervenir, M. [G] a fait délivrer assignation à la SAS Établissements Guenon, par acte d'huissier en date du 5 mars 2019, à la SAS John Deere, par acte d'huissier en date du 4 mars 2019, et à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord (ci-après dénommée la CRCAM Charente Périgord), par acte d'huissier en date du 8 mars 2019, d'avoir à comparaître devant le tribunal de grande instance de Périgueux, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des articles 1641 à 1646 et 1217 du code civil, des articles L.121-1 et L311-32 du code de la consommation afin de voir dire et juger recevable et bien fondée son action, de dire et juger que le tracteur 6115M de marque John Deere, numéro de série 1L06115MEEF810721, acquis le 3 décembre 2015 auprès de la SAS Etablissements Guenon, est affecté d'un vice caché antérieur à la vente, de dire et juger que la SAS Etablissements Guenon et la SAS John Deere doivent voir solidairement leurs responsabilités engagées au titre de la garantie du vice caché affectant le tracteur 6115M, numéro de série 1L06115MEEF810721, et de voir prononcer la résolution de la vente du tracteur 6115M de marque John Deere, numéro de série 1L06115MEEF810721.

Par jugement en date du 23 février 2021, le tribunal judiciaire de Périgueux a :

- débouté M. [J] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [J] [G] à payer à la SAS John Deere, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 1.500 euros (mille cinq

cents) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] [G] à payer à la SAS Les Etablissements Guenon, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 1.000 euros (mille) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [J] [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 500 euros (cinq cents) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [J] [G] aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- autorisé, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Virginie Lemaire à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration électronique en date du 12 avril 2021, Monsieur [J] [G] a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 mars 2024, Monsieur [J] [G] demande à la cour de :

- réformer en sa totalité le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux le 23 février 2021 en ce que cette décision :

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné à payer à la SAS John Deere, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 1.500 euros (mille cinq cents) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'a condamné à payer à la SAS Agrivisio venant au droit de la société la SAS Etablissements Guenon, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 1.000 euros (mille) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'a condamné à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 500 euros (cinq cents) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- autorisé, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Virginie Lemaire à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que le tracteur 6115M de marque John Deere numéro de série 1L06115MEEF810721 acquis par Monsieur [G] le 3 décembre 2015 auprès de la SAS Établissements Guenon est affecté d'un vice caché antérieur à la vente,

- juger que la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et la SAS John Deere doivent voir solidairement leur responsabilité engagée au titre de la garantie du vice caché affectant le tracteur 6115M numéro de série 1L06115MEEF810721,

- prononcer la résolution de la vente du tracteur de la marque John Deere modèle 6115M numéro de série 1L06115MEEF810721,

- prononcer la résolution du contrat de prêt n°10000143661 consenti par le Crédit Agricole Charente Périgord pour l'acquisition du tracteur litigieux,

- condamner in solidum la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et la SAS John Deere à lui payer la somme de 48.000€, augmentée des intérêts au taux bancaire accordé par le Crédit Agricole Charente Périgord, auxquels s'ajoutent les frais d'obtention du crédit,

- condamner la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon à lui restituer la somme de 26.400€ augmentés des intérêts au taux légal à compter du paiement, soit le 28 décembre 2015,

- lui donner acte qu'il restitue, à la réception de ces fonds, le tracteur à la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon,

Subsidiairement,

- juger que la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon a manqué à son obligation de délivrance,

- prononcer la résolution de la vente du tracteur de la marque John Deere modèle 6115M numéro de série 1L06115MEEF810721,

- prononcer la résolution du contrat de prêt n° 10000143661 consenti par le Crédit Agricole Charente Périgord pour l'acquisition du tracteur litigieux,

- condamner la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon à lui payer la somme de 48.000€, augmentée des intérêts au taux bancaire accordé par le Crédit Agricole Charente Périgord, auxquels s'ajoutent les frais d'obtention du crédit,

- ordonner à la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon la restitution de la somme de 26.400€ augmentés des intérêts au taux légal à compter du paiement, soit le 28 décembre 2015,

- juger qu'à la réception de ces fonds, il devra restituer le tracteur à la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que vendeur la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et le constructeur la SAS John Deere ont manqué à leur obligation de résultat,

- condamner in solidum vendeur la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et le constructeur la SAS John Deere à lui payer la somme de 70 000€ à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- condamner in solidum le vendeur la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et le constructeur la SAS John Deere à lui payer :

- 27.200 € au titre de son préjudice matériel,

- 10.000€ au titre de son préjudice de jouissance,

- 5.000 € au titre de son préjudice moral,

- condamner in solidum en cause d'appel, la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon, la SAS John Deere et le Crédit Agricole Charente Périgord à payer la somme de 5000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner in solidum la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon et la SAS John Deere aux entiers dépens, en ceux compris les frais d'expertise taxés à 4.843,80 € TTC,

- débouter la SAS Agrivision venant au droit de la SAS Établissements Guenon, la SAS John Deere et le Crédit Agricole Charente Périgord de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions du 10 novembre 2023, la société Agrivision demande à la cour de :

- lui donner acte de son intervention volontaire, puisqu'elle vient aux droits de la société SAS Établissements Guenon suite à la fusion intervenue entre elles le 07 juillet 2023,

- confirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux le 23 février 2021,

À titre subsidiaire,

En cas de réformation du jugement et de résolution de la vente,

- limiter la restitution due à Monsieur [G] à la somme de 31.608,44 €, somme effectivement versée à l'établissement de crédit.

- débouter Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la SAS Établissements Guenon.

En toute hypothèse,

- débouter la CRCAM Charente Périgord de ses demandes dirigées à l'encontre de la SAS Établissements Guenon,

- débouter toutes les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamner Monsieur [G] à payer à la SAS Établissement Guenon une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Le Barazer & d'Amiens par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 mars 2024, la société John Deere demande à la cour de :

- débouter Monsieur [G] ainsi que toutes autres parties de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux du 23 février 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur [G] à lui verser une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

Si la Cour prononçait la résolution de la vente du tracteur litigieux,

- limiter la condamnation de la société John Deere au paiement de la somme de 35.523,85 €.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 mars 2024, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris

- débouter Monsieur [J] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles,

- juger qu'elle sera relevée indemne in solidum par la SAS John Deere et la société Agrivision de l'ensemble des condamnations prononcées à son égard,

- condamner Monsieur [J] [G] à lui verser la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Monsieur [J] [G] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2024.

Les parties ayant conclu peu de temps avant la clôture ou postérieurement à celle-ci sont convenues de voir reporter la clôture à l'audience avant l'ouverture des débats. Il y sera fait droit.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés

Le tribunal a débouté M. [G] de ses demandes dans la mesure où il a considéré que si le vice allégué par le demandeur existait au jour de la vente, celui ci n'était pas caché, et qu'en outre, celui-ci aurait été résolu pour l'essentiel lors des opérations d'expertise du 19 juillet 2017, la vibration persistante étant infime et n'étant pas à elle seule suffisamment grave pour justifier une résolution de la vente.

M. [G] conteste une telle analyse. Il fait valoir qu'il n'était pas une personne avertie en matière de mécanique et qu'il a signé le bon de commande après avoir essayé le véhicule d'exposition et non celui qui lui a été livré. En outre, ce n'est qu'après plusieurs utilisations du véhicule qu'il a constaté le vice et les lourdes vibrations ne sont apparues que dans le cadre de l'utilisation du tracteur pour ses besoins agricoles, un simple essai routier étant insuffisant pour déceler de telles anomalies. Il ajoute que le fabricant et le vendeur du véhicule ont été incapables de faire cesser les vibrations avant l'intervention de l'expert judiciaire, précisant que la solution trouvée par l'expert judiciaire compense le vice mais ne le supprime pas et elle est coûteuse pour lui.

Le fabricant du tracteur, la SAS John Deere sollicite la confirmation du jugement. Elle expose que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. A titre subsidiaire, elle fait valoir que les vibrations ont été réduites par l'expert judiciaire de telle façon qu'elles ne constituent plus un vice grave de nature rédhibitoire.

Le vendeur du véhicule, la société Agrivision, venant aux droits de la SAS Etablissements Guenon considère également que le vice était apparent lors de la vente et qu'en outre les vibrations constituent un phénomène ni anormal ni grave qui n'affecte pas l'usage normal du tracteur.

***

Contrairement à ce que le tribunal a jugé, l'expert judiciaire n'a pas trouvé une solution aux désordres, ce qui aurait été le cas si une intervention avait permis de remettre le véhicule dans l'état qui devait être le sien le jour de la vente. En effet la solution trouvée par l'expert judiciaire a pour effet de compenser les effets du vice et non de le faire disparaître et notamment pas les causes de celui-ci.

En effet, cette solution consiste à alourdir les roues du tracteur par adjonction d'eau dans les pneus ( et d'antigel en hiver), ce qui a pour effet d'alourdir le véhicule et de faire disparaître ou de diminuer les vibrations au freinage mais aussi d'entraîner une surconsommation de carburant, une usure prématurée des pneus du tracteur et d'obliger son conducteur à des manipulations qui prennent du temps.

En outre, les vibrations ne sont pas supprimées lors des freinages, l'expert judiciaire ayant constaté qu''«'une vibration infime persiste au moment du freinage aux alentours de 3 à 4 Km/h'». En définitive l'expert judiciaire a considéré que les phénomènes vibratoires constituant le vice, dus à l'adéquation pneumatiques-machine, étaient complexes ( rapport d'expertise page 13).

En conséquence, contrairement à ce que le tribunal a jugé, le vice existe toujours et celui-ci est suffisamment grave alors qu'il affecte la conduite ordinaire du tracteur, son entretien et son coût.

Aussi la société Agrivision ne peut soutenir que le vice caractérisé par des vibrations ne constituerait un phénomène ni anormal ni grave qui n'affecterait pas l'usage normal du tracteur alors que l'expert judiciaire a considéré que «'le tracteur dans sa configuration initiale lors de la livraison ne permettait pas un usage normal de celui-ci'» ( rapport d'expertise page 16).

En effet, si l'article 1642 du code civil précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, M. [G] affirme, sans être démenti, avoir essayé le véhicule d'exposition mais non celui qui lui a été vendu et qu'en outre il ne s'était rendu compte du vice, constitué par des vibrations intempestives, qu'après la vente, dès les premières utilisations du tracteur en situation habituelle dans les champs.

Or, M. [G] qui achetait un véhicule neuf, ou quasiment neuf s'il s'agissait d'un véhicule de démonstration avec peu d'heures d'utilisation, était en droit de penser que celui-ci ne présenterait pas un vice qui ne permettait pas lors de sa livraison un usage normal de celui-ci, anormalité reconnue par l'expert judiciaire ( rapport d'expertise page 16).

Il convient par ailleurs de constater qu'aucune information n'a été donnée à l'acheteur sur la présence de ce vice que le vendeur et le fabricant, en leurs qualités de professionnels étaient censés connaître, étant précisé qu'un agriculteur qui a l'habitude de conduire des tracteurs ne devient pas pour autant un spécialiste en mécanique.

Notamment, il n'est pas démontré qu'il ait eu des compétences particulières pour déceler un tel vice qui ne pouvait apparaître que dans des conditions normales d'utilisation, c'est-à-dire en charge, et en terrain accidenté, situation qui n'existait pas le jour de la vente. Aussi, rien ne permet d'affirmer qu'au jour de la vente, l'appelant ait pu se convaincre lui-même de défauts qui affectaient l'usage du tracteur.

En outre, le vice ne pouvait pas apparaître par une seule observation superficielle du tracteur à l'arrêt alors qu'il ne pouvait être décelé que dans certaines conditions d'utilisation de l'engin. Il ne s'agissait donc pas d'un vice ostensible ou immédiatement perceptible.

De plus s'agissant de l'achat d'un véhicule neuf ou quasiment neuf, M. [G] avait moins de raisons d'exiger que soient entreprises des vérifications approfondies alors que le droit positif n'impose pas à un acquéreur d'un véhicule neuf de procéder à des essais ('Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-22.399':'Bull. civ. I, n° 192';'RDC 2013, p. 161)).

En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de prononcer la résolution de la vente à raison des défauts cachés de la chose vendue dont doivent répondre solidairement le fabricant et le vendeur du tracteur.

Sur les conséquences de la résolution de la vente

M. [G] sollicite la condamnation in solidum du vendeur du tracteur et de son fabricant à lui payer la somme de 26 400 euros représentant la valeur de son ancien tracteur cédé en règlement partiel du prix de vente du nouveau outre celle de 48 000 euros correspondant au prêt par lui souscrit auprès du crédit agricole, ce prêt devant être résolu, outre les intérêts au taux bancaire, s'engageant alors à restituer le tracteur. Il sollicite également la condamnation in solidum des mêmes à lui payer la somme de 7200 euros représentant les frais de location d'un tracteur en remplacement provisoire de celui qui lui avait été vendu, outre celle de 20 000 euros représentant le surcoût de l'achat d'un nouveau tracteur. Il fait en outre valoir un préjudice de jouissance d'un montant de 10 000 euros et un préjudice moral de 5000 euros.

La société Agrivision expose que dans l'hypothèse où la cour prononcerait la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, il conviendrait de relever qu'elle ne connaissait pas le vice si bien qu'elle ne serait tenue qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. Elle considère en outre qu'il ne peut exister de préjudice indemnisable lié au surcoût de l'achat d'un nouveau tracteur alors que le tracteur litigieux était utilisable, qu'il a été effectivement utilisé et que les deux tracteurs ne sont pas comparables. En outre, les frais de location d'un tracteur n'ont pas été engendrés par la vente litigieuse. En outre l'appelant n' a connu ni préjudice de jouissance, ni préjudice moral, alors qu'elle a procédé aux réglages nécessaires.

La société John Deere fait valoir que M. [G] demande la restitution de la totalité du prix d'achat du tracteur soit la somme de 74.400 € alors qu'il n'a remboursé que partiellement la banque à hauteur de 35.523,85 € si bien qu'il est impossible de condamner in solidum le fabricant et le vendeur à lui verser plus que ce qu'il a déjà remboursé. Par ailleurs, il ne justifie pas des frais de dossier et des frais administratifs liés à l'obtention de ce prêt dont il réclame également le remboursement. Il ne justifie pas davantage d'un préjudice de jouissance ou d'un préjudice moral, et ce d'autant moins qu'elle a pris en charge tous les coûts des interventions menées par les Ets Guenon avant l'expertise judiciaire pour tenter de remédier aux vibrations. Par ailleurs, la caisse régionale de Crédit agricole sera déboutée de sa demande à son égard alors qu'elle ne peut être condamnée à relever indemne la banque se quelque condamnation qui serait prononcée contre cette dernière.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Périgord fait valoir que M. [G] n'étant ni un consommateur ni un non-professionnel, il ne peut solliciter la résolution du contrat de prêt affecté sur le fondement des dispositions de l'article L 311-32 du code de la consommation. Elle ajoute que pour le cas où la cour annulerait le contrat de vente, elle devrait être relevée indemne des condamnations prononcées contre elle par le fabricant et le vendeur et M. [G] devrait lui restituer l'intégralité des sommes qu'il a reçu de sa part.

***

La cour ayant prononcé la résolution de la vente, il y a lieu de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant cette vente.

En conséquence, le vendeur doit restituer à l'acheteur le prix de vente, soit la somme de 74.400 euros. M. [G] ne communique pas un relevé récent et des frais et des intérêts qu'il a exposés auprès de la banque, si bien qu'il sera débouté de sa demande de condamnation de son vendeur à lui rembourser de tels frais et intérêts.

De son côté, M. [G] remettra à la SAS Agrivision le tracteur, objet de la vente, dans son état actuel.

Dans la mesure où M. [G] avait souscrit auprès de la caisse de Crédit agricole deux prêt, un prêt affecté d'un montant de 48 000 euros d'une durée de 93 mensualités au taux d'intérêt de 1,32'% ( et un second prêt d'un montant de 6 mensualités s'agissant d'un prêt TVA dont il n'est pas demandé le remboursement) , en l'absence de tout décompte actualisé, M. [G] restituera à la banque le seul capital versé, déduction faite des intérêts qu'il aura versés à la banque au jour de son remboursement et des différents frais de dossier ou administratifs.

Par ailleurs, M. [G] justifie de la location d'un tracteur, du 23 décembre 2016 à une période où il rencontrait les plus grandes difficultés dans l'utilisation du tracteur litigieux. Aussi sa demande au titre de cette location apparaît justifiée. Aussi, les sociétés John Deere et Agrivision seront condamnées in solidum à lui payer le coût de celle-ci, soit la somme de 7200 euros. Il convient de préciser que ces dernières sociétés étaient des professionnelles de la vente. Or, il existe à la charge de tels professionnels une présomption irréfragable de leur connaissance du vice qui affectait le tracteur vendu. Ceci est d'autant plus vrai en l'espèce, qu'ils affirment que le vice était apparent et ainsi connu d'eux.

En outre, si M. [G] justifie avoir acheté un nouveau tracteur en remplacement de celui litigieux pour un coût supérieur, il ne démontre pas que ce surcoût résulte d'une augmentation du coût du matériel pour un engin de même catégorie, et non simplement de l'achat d'un tracteur plus performant, et ainsi simplement plus cher. En conséquence, il sera débouté de sa demande à ce titre.

De plus, il justifie avoir connu du fait de l'achat du tracteur litigieux un préjudice de jouissance. En effet si dans un premier temps le vendeur lui a prêté un tracteur de remplacement jusqu'en juin 2016, il a dû ensuite trouver des solutions qui sont passées par la location d'un autre tracteur puis par l'achat d'un nouveau tracteur. Au regard de cette situation, la cour fixera son préjudice de jouissance à la somme de 2500 euros.

En revanche, il ne justifie par de l'existence d'un préjudice moral soit d'une atteinte à un sentiment d'affection ou à son honneur ou encore à sa réputation. En conséquence, il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les sociétés John Deere et Agrivision qui succombent devant la cour seront condamnées in solidum aux dépens de référé d'instance et d'appel ainsi qu'aux frais d'expertise exposés par l'appelant.

Elle seront condamnées avec la même solidarité à verser à M. [G] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse de Crédit Agricole qui présente une demande de condamnation au titre de ses dépens et de ses frais à l'encontre du seul appelant sera déboutée de ses demandes, étant précisé que ce dernier se devait d'appeler à la procédure le banquier qui lui avait accordé un prêt affecté à l'achat du tracteur litigieux.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Reporte l'ordonnance de clôture au 8 avril 2024, avant l'ouverture des débats';

Prononce la résolution de la vente du tracteur de la marque John Deere modèle 6115 M numéro de série 1L06115MEEF810721';

Condamne la SAS Agrivision à payer à M. [J] [G] la somme de 74 400 euros';

Condamne M. [J] [G] à remettre à la SAS Agrivision le tracteur de la marque John Deere modèle 6115 M numéro de série 1L06115MEEF810721';

Prononce par voie de conséquence la résolution du prêt affecté d'un montant de 48 000 euros d'une durée de 93 mensualités au taux d'intérêt de 1,32'% souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Perigord, en conséquence :

Condamne M. [J] [G] à restituer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente Perigord la somme de 48 000 euros moins les intérêts et frais qu'il a d'ores et déjà acquittés';

Condamne in solidum les sociétés John Deere SAS et Agrivision SAS à payer à M. [J] [G] la somme de 7200 euros au titre de ses frais de location et celle de 2500 euros au titre de son préjudice de jouissance';

Déboute les parties de leurs autres demandes';

Condamne in solidum les sociétés John Deere SAS et Agrivision SAS à payer à M. [J] [G] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne in solidum les sociétés John Deere SAS et Agrivision SAS aux dépens exposés par M. [J] [G] en référé, devant le tribunal et la cour d'appel, outre les frais d'expertise.