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CA Lyon, 6e ch., 6 juin 2024, n° 22/00686

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/00686

6 juin 2024

N° RG 22/00686 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCPE

Décision du Tribunal de proximité de TREVOUX

du 06 décembre 2021

RG : 11 21-154

[W]

C/

S.A.R.L. GT SPIRIT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 06 Juin 2024

APPELANT :

M. [S] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Guy NAGEL de la SCP GUILLERMET - NAGEL, avocat au barreau de LYON, toque : 1788

INTIMEE :

LA SOCIETE GT SPIRIT

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Renaud BARIOZ de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 193

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Avril 2024

Date de mise à disposition : 06 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Le 7 mai 2015, Mme [D] [Y] a signé un contrat de dépôt-vente portant sur un véhicule Porsche 930 Turbo, mis en circulation pour la première fois le 2 mai 1983, avec la société GT Spirit, spécialisée dans le dépôt-vente et la vente de véhicules de collection, de sport et de prestige.

Le 18 octobre 2018, M. [S] [W] a signé un bon de commande de ce véhicule auprès de la société GT Spirit au prix de 80 500 euros, avec une garantie contractuelle de douze mois, prenant effet le 6 février 2019, date de livraison du véhicule.

Le 27 août 2019, le véhicule acquis par M. [W] a subi une panne, en raison d'une explosion au niveau du moteur, ayant entraîné un début d'incendie, maîtrisé à l'aide d'un extincteur.

M. [W] a déclaré le sinistre à la société GT Spirit et a sollicité sa prise en charge au titre de la garantie contractuelle.

Sans attendre la réponse de la société GT Spirit, il a fait procéder aux réparations du véhicule par le centre Porsche de [Localité 5]. Il a ensuite demandé à la société GT Spirit de lui rembourser les factures réglées pour un montant total de 8 084,53 euros.

La société GT Spirit a dénié sa garantie, au motif que la cause de la panne n'entrait pas dans le champ contractuel de celle-ci.

Par acte d'huissier de justice du 20 juillet 2020, M. [W] a saisi le tribunal de proximité de Trévoux aux fins d'une tentative préalable de conciliation. L'avocat de la société GT Spirit a fait savoir par courriel du 13 novembre 2020 que sa cliente était opposée à la conciliation et ne se présenterait pas à l'audience à cette fin. Une décision de radiation a été rendue le 16 novembre 2020.

Par acte d'huissier de justice du 8 mars 2021, M. [W] a fait assigner la société GT Spirit devant le tribunal de proximité de Trévoux aux fins de :

- la voir condamner à lui payer

- à titre principal

- 8 084,53 euros au titre des factures payées

- 1 500 euros au titre de son préjudice moral

- à titre subsidiaire

- 9 584,53 euros au titre de la réduction du prix

- à titre infiniment subsidiaire ordonner une expertise judiciaire du véhicule litigieux,

- en tout état de cause, la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il a à titre principal fondé sa demande sur la garantie contractuelle, subsidiairement sur la garantie des vices cachés.

La société GT Spirit s'est opposée à l'ensemble des demandes et a sollicité la condamnation de M. [S] [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal de proximité de Trévoux :

- a débouté M. [S] [W] de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné aux dépens de l'instance,

- a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] [W] a interjeté appel de ce jugement le 20 janvier 2022.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 mars 2023, M. [W] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

statuant à nouveau de :

à titre principal

- condamner la société GT Spirit, sur le fondement de la garantie contractuelle, à lui payer les sommes de :

- 8 084,53 euros au titre des factures

- 1 500 euros au titre du préjudice moral

à titre subsidiaire

- condamner la société GT Spirit, sur le fondement de la garantie des vices cachés à lui payer la somme de 9 584,53 euros, à titre de réduction de prix

- à titre infiniment subsidiaire

- ordonner une expertise judiciaire du véhicule avec mission d'usage et aux fins, notamment, de :

- décrire l'état du véhicule au moment de l'acquisition

- se prononcer sur les réparations qui ont pu être faites antérieurement à cette acquisition

- en tout état de cause

- condamner la société GT Spirit à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance avec possibilité de recouvrement au profit de la SCP Guillermet - Nagel,

- débouter la société GT Spirit de ses demandes relatives aux dépens de première instance,

Y ajoutant et en tout état de cause :

- condamner la société GT Spirit au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement au profit de la SCP Guillermet Nagel,

- débouter la société GT Spirit de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et des dépens d'appel.

Il fait tout d'abord valoir que la garantie contractuelle doit s'appliquer, le véhicule ayant fait l'objet d'une explosion moteur avec départ d'incendie, alors qu'il n'avait que très peu roulé et que le véhicule était censé être en bon état de fonctionnement.

Il estime que le sinistre entre bien dans le champ de la garantie contractuelle.

Il s'oppose ensuite à la limitation de celle-ci au plafond de 7 500 euros mentionné dans le contrat, invoquant les fautes commises par la société GT Spirit.

Il soutient ainsi que les réparations antérieures à la vente effectuées sur le véhicule par le garage GT, dont le dirigeant est le même que celui de la société GT Spirit, ont été effectuées avec des pièces non conformes.

A titre subsidiaire, il fonde son action sur la garantie des vices cachés, indiquant qu'il ne peut lui être opposé la qualité de mandataire de la société GT Spirit et non celle de vendeur, alors que le mandat est occulte. Le nom de la venderesse ne figure pas sur le contrat de vente et la seule mention de mandataire au dessus de la signature apposée par la société GT Spirit n'est pas suffisante.

A titre plus subsidiaire, il sollicite une expertise, estimant que même si des réparations ont déjà été effectuées, un expert peut donner des éléments sur pièces et factures.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 juillet 2022, la société GT Spirit demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 6 décembre 2021,

Y ajoutant,

- condamner M. [S] [W] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- la garantie contractuelle n'est pas applicable, M. [W] ne rapportant pas la preuve que le sinistre entre dans le champ contractuel, ce dernier étant très probablement la conséquence d'une longue immobilisation du véhicule, cause exclue de la garantie,

- M. [W] ne produit aucune nouvelle pièce en cause d'appel et ne peut davantage invoquer une faute lourde et grave de la société GT Spirit, alors que la faute reprochée aurait été commise par un tiers,

- les demandes au titre de la garantie des vices cachés sont irrecevables, dans la mesure où elle n'a pas la qualité de vendeur, mais seulement de mandataire du vendeur,

- la notion de mandat occulte ne peut recevoir application, dans la mesure où celle-ci ne recouvre que l'hypothèse selon laquelle le mandataire refuse de révéler l'identité de son mandant, pour tenter d'empêcher l'acquéreur d'exercer un recours. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, l'identité de la propriétaire du véhicule étant connue de M. [W] depuis l'origine.

- la demande d'expertise sur les causes du sinistre est dénuée d'intérêt, le sinisitre n'ayant pas pour origine un événement garanti et les réparations ayant déjà été réalisées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'action fondée sur la garantie contractuelle

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La charge de la preuve de l'application de la garantie contractuelle incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, il résulte du contrat de vente qu'une garantie de douze mois GT Spirit a été consentie.

Les conditions générales prévoient que la garantie couvre la prise en charge du coût des réparations (main d'oeuvre et pièces de rechange) en vue de la remise en état de fonctionnement du véhicule assuré en cas de dommages :

- survenant de manière fortuite,

- et consécutifs à un bris ou à un mauvais fonctionnement par l'effet d'une cause interne des composants ou organes garantis mentionnés limitativement à l'article 'organes et pièces garantis' à la suite ou au cours de l'utilisation normale du véhicule selon les prescriptions du conducteur et qui ne trouve pas son origine dans l'usure desdits organes. (...)

Les organes et pièces garantis sont, concernant le moteur, toutes les pièces internes lubrifiées en mouvement : Attelage mobile, cylindre ou chemises, culasse et joint de culasse, pompe à huile, turbocompresseurs, distribution ainsi que les dommages mécaniques portant sur le bloc moteur résultant directement et exclusivement de l'avarie.

En l'espèce, M. [W] indique tout d'abord à l'appui de ses prétentions que l'explosion avec début d'incendie du moteur est survenue moins d'un an après l'acquisition du véhicule et alors qu'il avait parcouru moins de mille kilomètres, ce qui ne suffit pas à mettre en oeuvre la garantie contractuelle.

Il verse ensuite aux débats une attestation de M. [G], qui décrit les circonstances du sinistre, mais ne présente aucune valeur probatoire sur l'origine de ce dernier et sa garantie par le contrat.

Le courrier du 18 décembre 2020 émanant du centre Porsche relate que la cause du sinistre ne peut être identifiée, suite à la panne moteur. Il a ainsi été décidé de contrôler tous les éléments intervenant à la gestion moteur. Il est précisé que le remplacement des éléments, tels que pompe à carburant, injecteurs, bougies sont d'autres causes possibles aux ratés de combustion, qui peuvent provoquer un incendie, l'état de ces éléments constituant un risque élevé de problèmes de marches moteur.

Il n'est cependant, aux termes de ce courrier, pas fait état de la cause exacte du sinistre, ce qui ne permet pas de déterminer l'application de la garantie.

En outre, si le courriel de M. [X], responsable Porsche à [Localité 5], daté du 20 décembre 2020 énonce que l'assurance couvre les conséquences de l'incendie, mais pas la cause et déclare que 'la cause est imputable au garantisseur', il ne s'agit cependant que d'une affirmation non étayée, étant observé que les constatations effectuées par le centre Porsche évoquant une absence de révision du moteur et un changement de pièces le 27 novembre 2018 avec des pièces non conformes aux normes Porsche ne sont pas contradictoires et non corroborées par d'autres éléments, ce qui est insuffisant à rapporter la preuve de l'origine du sinistre.

De plus, les factures produites en suite des réparations effectuées sur le véhicule relatent que 'le véhicule a pris feu au niveau de la boîte à air sous capot moteur', ce qui ne permet pas davantage de déterminer que le sinistre entre dans le champ contractuel, la cause de celui-ci n'étant pas identifiée.

Par ailleurs, la condamnation de la société GT Spirit pour des faits d'escroquerie par le tribunal de Bourg en Bresse, un appel étant en cours, est sans incidence sur le présent litige.

Compte tenu de ces éléments, M. [S] [W] ne rapporte pas la preuve de ce que le sinistre qu'il a subi est couvert par la garantie contractuelle.

Il convient donc de le débouter de sa demande en paiement des factures sur ce fondement, conformément au jugement déféré.

M. [S] [W] ayant formé également une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre de la garantie, cette dernière ne peut pas prospérer.

- Sur l'action fondée sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il appartient à l'acquéreur de démontrer la réalité d'un défaut à la date de la vente litigieuse, sa gravité au regard de l'usage attendu de la chose et son caractère caché. Ainsi, les défauts qui rendent la chose vendue impropre à sa destination constituent les vices définis à l'article 1641.

L'action doit être dirigée à l'encontre du vendeur.

Or en l'espèce, il convient de constater que le contrat de vente est expressément signé par la société GT Spirit en sa qualité de mandataire, cette précision figurant au dessus du tampon de la société et M. [W] ayant apposé sa signature à côté sous la mention l'acquéreur, de sorte que M. [S] [W] ne peut valablement arguer d'un mandat occulte, et ce même si le contrat de vente ne comporte pas le nom de la venderesse.

Il a en outre été remis à M. [S] [W] le certificat de cession et le certificat d'immatriculation barré au nom de la venderesse Mme [Y], de sorte qu'il était en mesure de diriger valablement son action.

Il ne peut se retrancher dans ces conditions derrière une confusion entretenue, et l'absence d'attention attirée par la société GT Spirit sur sa qualité de mandataire et l'identité de la venderesse, la qualité de mandataire étant énoncée et l'identité de la venderesse connue et ce, bien avant le sinistre et l'action engagée.

C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable la demande fondée sur l'action en garantie des vices cachés, la société GT Spirit n'ayant pas la qualité de vendeur.

Le jugement est dès lors confirmé.

- Sur la demande d'expertise

Cette demande, présentée à titre infiniment subsidiaire et non pas avant-dire droit, devient sans objet, puisqu'il a été statué sur les demandes au fond et que ces demandes ont été rejetées.

- Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [S] [W] succombant est condamné aux dépens d'appel,

L'équité commande de débouter la société GT Spirit de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Compte tenu de la solution apportée au litige, M. [S] [W] est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [W] aux dépens d'appel,

Déboute la société GT Spirit de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute M. [S] [W] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE