Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-3, 6 juin 2024, n° 21/06003
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUIN 2024
N° RG 21/06003
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYJR
AFFAIRE :
[U], [N] [Y]
C/
[O], [B] [T]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2021 par le TJ de VERSAILLES
N° Chambre : 2
N° RG : 20/00419
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS
Me Agathe MONCHAUX-
FIORAMONTI de la SELEURL MONCHAUX-
FIORAMONTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [U], [N] [Y]
né le 03 Octobre 1963
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
APPELANT
****************
Monsieur [O], [B] [T]
né le 04 Mai 1984 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [E] [R] épouse [T]
née le 01 Août 1988 à [Localité 5] (RUSSIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI de la SELEURL MONCHAUX-FIORAMONTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 621
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme FOULON
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte authentique du 7 novembre 2014, M. [O] [T] et Mme [E] [R] épouse [T] ont acquis un bien immobilier situé [Adresse 1]) comprenant un rez-de-chaussée, un premier étage à usage d'habitation et un sous-sol à usage de cave.
A la suite de fortes intempéries à caractère exceptionnel ayant conduit à une montée en charge des nappes phréatiques provoquant des remontées d'eau par le sous-sol, le sous-sol de l'immeuble a été entièrement inondé le 31 mai 2016.
M. et Mme [T] ont été indemnisés de ce sinistre dans le cadre de la garantie « catastrophe naturelle » de leur contrat d'assurance.
Au mois de juin 2018, une nouvelle inondation a eu lieu, toujours par remontée d'eau, sans dommage, de telle sorte qu'ils n'ont reçu aucune indemnisation d'assurance.
Par acte authentique du 15 février 2019, passé par devant Me [K]-[D], notaire à [Localité 4] (78), ils ont vendu cet immeuble à M. [U] [Y], moyennant le prix de 245000 euros.
Très rapidement après cette acquisition, M. [Y] a constaté des infiltrations d'eaux dans le sous-sol, si bien qu'il a fait établir un constat d'huissier, le 14 mai 2019 et fait diligenter par la suite une expertise non contradictoire réalisée par M. [I] de la société APC2E, expert technique en bâtiment, afin de déterminer les causes de ces inondations.
Considérant que le rapport d'expert établissait l'existence de malfaçons affectant la construction de la maison, qui préexistaient avant l'acquisition et dont les vendeurs étaient informés, c'est dans ces conditions que le 31 décembre 2019, M. [Y] a fait assigner M. et Mme [T] devant la présente juridiction aux fins de réduction du prix de vente et d'indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens ainsi qu'à verser à M. et Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.
Par acte du 1er octobre 2021, M. [Y] a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 3 janvier 2022 de :
A titre principal, réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- constater que la maison qu'il a acquise, située [Adresse 1], des époux [T] était affectée de deux vices cachés lors de la vente :
.le premier ayant trait aux cours anglaises,
.le second ayant trait à la remontée de la nappe phréatique par la cave,
En conséquence,
- condamner les époux [T] à lui verser à titre de réduction du prix d'acquisition de la maison la somme de 36 750 euros (15%) ;
- condamner les époux [T] à lui verser, à titre d'indemnisation de son préjudice, le montant du prix des travaux de réfection des cours anglaises, du vice caché, pour la somme de 32692 euros,
- condamner les époux [T] à lui verser au titre de l'indemnisation de son préjudice, le montant du prix des travaux d'étanchéité de la cave, pour la somme de 22 104, 50 euros,
- condamner les époux [T] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,
A titre subsidiaire,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une expertise judiciaire, dont les frais devront être supportés par les époux [T], lesquels contredisent l'expertise déjà produite, en les termes suivants :
- En ce qui concerne les cours anglaises :
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :
*se rendre sur place, *faire une étude technique approfondie des cours anglaises afin de déterminer sur ces dernières souffrent ou non de défectuosités au sens large du terme ou autres malfaçons ou autres défauts de construction, dont notamment celui d'étanchéité,
*nommer et identifier les causes de ces avaries,
*proposer des solutions techniques pour y remédier,
*chiffrer le montant des travaux de remise en état,
*rendre son rapport
- à titre infiniment subsidiaire,
- en ce qui concerne les inondations de la cave :
*se rendre sur place,
*déterminer la cause des infiltrations d'eau dans la cave,
*nommer et identifier les causes de ces avaries,
*proposer des solutions techniques pour y remédier,
*chiffrer le montant des travaux de remise en état,
*rendre son rapport
Au soutien de ces demandes, M. [Y] fait valoir aux visas des articles 1641, 1643, 1644 et 1645 du code civil que :
- la maison est affectée de vices antérieurs à la vente et connus des vendeurs, tenant à un défaut d'étanchéité du sol et d'un mur du sous-sol de la maison, à l'origine d'inondations à répétition rendant impossible l'usage de cette pièce comme bureau ;
- il s'agit de vices qui lui ont été cachés, en ce qu'il n'a jamais été informé du défaut concernant les cours anglaises et du problème de remontées d'eau par le sous-sol, alors que la cave n'était en rien humide ou abimée au moment des visites ;
- il n'est pas expert en bâtiment et ne pouvait se convaincre lui-même de l'existence de tels vices dont les vendeurs auraient dû l'informer au titre de leur devoir d'information et de loyauté ;
- alors que la promesse de vente ne fait état d'aucun sinistre, l'acte authentique fait uniquement référence à une inondation de la cave le 31 mai 2016, alors qu'une autre inondation a eu lieu en juin 2018, et ce, sans précision de la cause de l'inondation, à savoir une remontée de la nappe phréatique ;
- les vendeurs ont délibérément menti en indiquant dans l'acte que les causes du sinistre auraient été réparées, puisqu'aucuns travaux n'ont jamais été entrepris, hormis le « bricolage » réalisé au niveau des cours anglaises en raison d'infiltrations ;
- la remise en cause du défaut d'étanchéité des cours anglaises par les vendeurs justifie l'organisation d'une expertise judiciaire afin de démontrer la réalité du grief ;
Par dernières écritures du 30 mars 2022, M. et Mme [T] prient la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à payer, outre les dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A cet effet, ils font valoir que :
- l'acheteur avait connaissance des infiltrations dans la cave, puisqu'il a été informé par l'agent immobilier et le notaire du phénomène de remontées d'eau, tandis que la présence d'humidité au sous-sol était visible lors de l'achat, ce qui suffit à écarter tout vice caché ;
- la cause des sinistres ne résulte pas d'un défaut d'étanchéité de la cave mais d'une catastrophe naturelle qu'il n'y a donc pas lieu de réparer ;
- la gravité du défaut doit être examinée au regard de la destination normale de la chose et non de celle voulue par l'acquéreur, or le sous-sol était affecté à la destination de « cave et chaufferie » et n'était donc pas destiné à un usage de bureau ;
- ils n'ont jamais constaté d'infiltrations provenant des cours anglaises et les pièces produites ne démontrent pas la réalité de la défectuosité alléguée ;
- il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire qui ne peut être justifiée que pour identifier les causes d'un désordre, non pour faire la preuve du désordre lui-même ;
- en tout état de cause, M. [Y] était un professionnel, artisan menuisier, et donc parfaitement à même de déceler un défaut d'étanchéité au niveau d'une fenêtre en PVC.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Quoique mentionnant dans ses écritures un manquement des vendeurs à leur « devoir d'information et de loyauté », M. [Y] indique expressément que « l'objet de la présente procédure est l'existence de vices cachés ». Compte tenu par ailleurs des articles du code civil qu'il vise dans le dispositif de ses conclusions, il y a lieu de considérer que seule est invoquée, au soutien de ses prétentions, la garantie des vices cachés, à l'exclusion de tout autre moyen de droit.
A cet égard, il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Aux termes de l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Il résulte de ces textes que la garantie des vices cachés peut être mise en 'uvre si la chose est affectée d'un vice remplissant les trois conditions cumulatives suivantes :
- le vice affectait déjà la chose au moment de sa vente ;
- il n'était alors ni connu de l'acheteur ni apparent pour celui-ci ;
- il présente un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose.
En outre, l'article 1643 énonce que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Enfin, l'article 1644 précise que dans les cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Dans les deux cas, l'acquéreur peut obtenir réparation de ses préjudices en démontrant que le vendeur connaissait les vices de la chose.
***
En l'espèce, M. [Y] se prévaut de deux vices cachés distincts, le premier tenant au défaut d'étanchéité d'une fenêtre de cour anglaise à l'origine de ruissellements sur le mur de façade d'une pièce située en sous-sol du bâtiment, le second se manifestant par des remontées d'eau au sol dans cette même pièce.
Il produit un procès-verbal d'huissier établi le 14 mai 2019, faisant le constat, au sous-sol de la maison, d'une fine pellicule d'eau visible au sol et de l'existence de reprises et rebouchages dans le mur de façade avec présence de traces d'humidité.
M. [Y] verse également aux débats un rapport d'expertise privé, établi non contradictoirement par M. [I], expert indépendant, à l'issue d'une expertise réalisée le 21 juin 2019. L'expert explique avoir procédé à des essais d'arrosage sur la façade, afin de simuler différentes situations (pluie fine ou pluie d'orage) et d'avoir constaté, à cette occasion, le « remplissage » des cours anglaises, puis une augmentation de l'humidité sur les doublages du sous-sol. Il établit un « lien direct entre cette présence d'humidité et d'infiltrations et la mise en eau des cours anglaises » dont il estime la réalisation non conforme comme ne répondant pas aux règles de l'art.
Ces constatations, ajoutées au fait parfaitement admis par les vendeurs d'un phénomène de remontées d'eau provenant du sol en cas de fortes intempéries, suffisent à établir le défaut de la chose, l'étanchéité de la maison n'étant pas pleinement assurée, ce qui affecte nécessairement l'usage de la pièce située en sous-sol, et ce, quel que soit l'usage qui lui est réservé. L'antériorité d'un tel vice ne fait de même aucun doute, au regard de la nature des désordres décrits et de leur constat peu de temps après la vente.
Cependant, il incombe à l'acheteur de démontrer qu'il s'agissait de vices dont il ne pouvait se convaincre lui-même, compte tenu des informations dont il disposait, de ses compétences et des constatations qu'ils pouvaient lui-même faire à l'occasion d'une visite attentive des lieux.
Or, en l'espèce, l'acte authentique de vente mentionne l'inondation de la cave le 31 mai 2016 au titre des « déclarations du vendeur sur les catastrophes naturelles-sinistres » et vise un courrier annexé de l'assureur des vendeurs indiquant avoir pris en charge ce sinistre.
M. [Y] ne conteste pas la sincérité des attestations produites du notaire et de l'agent immobilier intervenus dans l'opération (pièces 7 et 8 des intimés), qui permettent d'établir qu'avant la signature de l'acte authentique, M. [Y] a été informé par le notaire de l'inondation de la cave en 2016 à la suite de « pluies déclarées catastrophes naturelles » et que lors de la signature du compromis, le 10 novembre 2018, l'agent immobilier l'avait informé « du dégât des eaux et de ses conséquences sur le bâti ».
Dès lors, même sans connaître la cause exacte de l'inondation de 2016 (montée en charge de la nappe phréatique en raison d'une forte pluie), M. [Y] apparaît avoir été informé en temps utile de l'existence d'une catastrophe naturelle à l'origine de l'inondation, de sorte qu'il ne pouvait ignorer le caractère inondable de la cave lors de fortes pluies.
De plus, il ressort des photographies versées aux débats et des déclarations de l'agent immobilier, que les traces d'humidité et d'infiltrations étaient visibles lors de la visite des lieux. Elles permettaient donc à l'acheteur de se convaincre lui-même du déficit d'étanchéité de la cave ou de travaux à entreprendre pour assurer une meilleure étanchéité de celle-ci. Peu importe, à cet égard, que M. [Y] n'ait pas spécifiquement connu les désordres qu'il impute aujourd'hui aux cours anglaises.
Outre que la preuve de la connaissance de ce vice par les vendeurs n'est pas démontrée, les manifestations visibles du défaut d'étanchéité suffisaient à rendre le vice apparent, a fortiori pour un homme de l'art qui, à l'instar de M. [Y], gérant d'une entreprise de menuiserie, pouvait prendre la mesure des conséquences à tirer à la fois des manifestations visibles d'infiltrations dans la cave et de l'inondation de la cave en 2016.
Pour ces motifs, ajoutés à ceux du premier juge et que la cour adopte pour le surplus, M. [Y] sera débouté de ses demandes principales fondées sur la garantie des vices cachés, ainsi que de ses demandes subsidiaires auxquelles les circonstances de la cause ne justifient pas de faire droit, l'éclairage d'un technicien n'apparaissant pas nécessaire au règlement du litige.
M. [Y] succombant sera condamné aux dépens de l'instance, l'équité commandant en outre de le condamner à indemniser les intimés des frais irrépétibles qu'ils ont nécessairement dus exposer en cause d'appel, dans la limite de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [Y] aux dépens,
Condamne M. [N] [Y] à payer à M. [O] [T] et Mme [E] [R] épouse [T], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
Chambre civile 1-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUIN 2024
N° RG 21/06003
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYJR
AFFAIRE :
[U], [N] [Y]
C/
[O], [B] [T]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2021 par le TJ de VERSAILLES
N° Chambre : 2
N° RG : 20/00419
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS
Me Agathe MONCHAUX-
FIORAMONTI de la SELEURL MONCHAUX-
FIORAMONTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [U], [N] [Y]
né le 03 Octobre 1963
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
APPELANT
****************
Monsieur [O], [B] [T]
né le 04 Mai 1984 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [E] [R] épouse [T]
née le 01 Août 1988 à [Localité 5] (RUSSIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI de la SELEURL MONCHAUX-FIORAMONTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 621
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller
Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme FOULON
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte authentique du 7 novembre 2014, M. [O] [T] et Mme [E] [R] épouse [T] ont acquis un bien immobilier situé [Adresse 1]) comprenant un rez-de-chaussée, un premier étage à usage d'habitation et un sous-sol à usage de cave.
A la suite de fortes intempéries à caractère exceptionnel ayant conduit à une montée en charge des nappes phréatiques provoquant des remontées d'eau par le sous-sol, le sous-sol de l'immeuble a été entièrement inondé le 31 mai 2016.
M. et Mme [T] ont été indemnisés de ce sinistre dans le cadre de la garantie « catastrophe naturelle » de leur contrat d'assurance.
Au mois de juin 2018, une nouvelle inondation a eu lieu, toujours par remontée d'eau, sans dommage, de telle sorte qu'ils n'ont reçu aucune indemnisation d'assurance.
Par acte authentique du 15 février 2019, passé par devant Me [K]-[D], notaire à [Localité 4] (78), ils ont vendu cet immeuble à M. [U] [Y], moyennant le prix de 245000 euros.
Très rapidement après cette acquisition, M. [Y] a constaté des infiltrations d'eaux dans le sous-sol, si bien qu'il a fait établir un constat d'huissier, le 14 mai 2019 et fait diligenter par la suite une expertise non contradictoire réalisée par M. [I] de la société APC2E, expert technique en bâtiment, afin de déterminer les causes de ces inondations.
Considérant que le rapport d'expert établissait l'existence de malfaçons affectant la construction de la maison, qui préexistaient avant l'acquisition et dont les vendeurs étaient informés, c'est dans ces conditions que le 31 décembre 2019, M. [Y] a fait assigner M. et Mme [T] devant la présente juridiction aux fins de réduction du prix de vente et d'indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens ainsi qu'à verser à M. et Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.
Par acte du 1er octobre 2021, M. [Y] a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 3 janvier 2022 de :
A titre principal, réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- constater que la maison qu'il a acquise, située [Adresse 1], des époux [T] était affectée de deux vices cachés lors de la vente :
.le premier ayant trait aux cours anglaises,
.le second ayant trait à la remontée de la nappe phréatique par la cave,
En conséquence,
- condamner les époux [T] à lui verser à titre de réduction du prix d'acquisition de la maison la somme de 36 750 euros (15%) ;
- condamner les époux [T] à lui verser, à titre d'indemnisation de son préjudice, le montant du prix des travaux de réfection des cours anglaises, du vice caché, pour la somme de 32692 euros,
- condamner les époux [T] à lui verser au titre de l'indemnisation de son préjudice, le montant du prix des travaux d'étanchéité de la cave, pour la somme de 22 104, 50 euros,
- condamner les époux [T] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,
A titre subsidiaire,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une expertise judiciaire, dont les frais devront être supportés par les époux [T], lesquels contredisent l'expertise déjà produite, en les termes suivants :
- En ce qui concerne les cours anglaises :
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :
*se rendre sur place, *faire une étude technique approfondie des cours anglaises afin de déterminer sur ces dernières souffrent ou non de défectuosités au sens large du terme ou autres malfaçons ou autres défauts de construction, dont notamment celui d'étanchéité,
*nommer et identifier les causes de ces avaries,
*proposer des solutions techniques pour y remédier,
*chiffrer le montant des travaux de remise en état,
*rendre son rapport
- à titre infiniment subsidiaire,
- en ce qui concerne les inondations de la cave :
*se rendre sur place,
*déterminer la cause des infiltrations d'eau dans la cave,
*nommer et identifier les causes de ces avaries,
*proposer des solutions techniques pour y remédier,
*chiffrer le montant des travaux de remise en état,
*rendre son rapport
Au soutien de ces demandes, M. [Y] fait valoir aux visas des articles 1641, 1643, 1644 et 1645 du code civil que :
- la maison est affectée de vices antérieurs à la vente et connus des vendeurs, tenant à un défaut d'étanchéité du sol et d'un mur du sous-sol de la maison, à l'origine d'inondations à répétition rendant impossible l'usage de cette pièce comme bureau ;
- il s'agit de vices qui lui ont été cachés, en ce qu'il n'a jamais été informé du défaut concernant les cours anglaises et du problème de remontées d'eau par le sous-sol, alors que la cave n'était en rien humide ou abimée au moment des visites ;
- il n'est pas expert en bâtiment et ne pouvait se convaincre lui-même de l'existence de tels vices dont les vendeurs auraient dû l'informer au titre de leur devoir d'information et de loyauté ;
- alors que la promesse de vente ne fait état d'aucun sinistre, l'acte authentique fait uniquement référence à une inondation de la cave le 31 mai 2016, alors qu'une autre inondation a eu lieu en juin 2018, et ce, sans précision de la cause de l'inondation, à savoir une remontée de la nappe phréatique ;
- les vendeurs ont délibérément menti en indiquant dans l'acte que les causes du sinistre auraient été réparées, puisqu'aucuns travaux n'ont jamais été entrepris, hormis le « bricolage » réalisé au niveau des cours anglaises en raison d'infiltrations ;
- la remise en cause du défaut d'étanchéité des cours anglaises par les vendeurs justifie l'organisation d'une expertise judiciaire afin de démontrer la réalité du grief ;
Par dernières écritures du 30 mars 2022, M. et Mme [T] prient la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à payer, outre les dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A cet effet, ils font valoir que :
- l'acheteur avait connaissance des infiltrations dans la cave, puisqu'il a été informé par l'agent immobilier et le notaire du phénomène de remontées d'eau, tandis que la présence d'humidité au sous-sol était visible lors de l'achat, ce qui suffit à écarter tout vice caché ;
- la cause des sinistres ne résulte pas d'un défaut d'étanchéité de la cave mais d'une catastrophe naturelle qu'il n'y a donc pas lieu de réparer ;
- la gravité du défaut doit être examinée au regard de la destination normale de la chose et non de celle voulue par l'acquéreur, or le sous-sol était affecté à la destination de « cave et chaufferie » et n'était donc pas destiné à un usage de bureau ;
- ils n'ont jamais constaté d'infiltrations provenant des cours anglaises et les pièces produites ne démontrent pas la réalité de la défectuosité alléguée ;
- il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire qui ne peut être justifiée que pour identifier les causes d'un désordre, non pour faire la preuve du désordre lui-même ;
- en tout état de cause, M. [Y] était un professionnel, artisan menuisier, et donc parfaitement à même de déceler un défaut d'étanchéité au niveau d'une fenêtre en PVC.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Quoique mentionnant dans ses écritures un manquement des vendeurs à leur « devoir d'information et de loyauté », M. [Y] indique expressément que « l'objet de la présente procédure est l'existence de vices cachés ». Compte tenu par ailleurs des articles du code civil qu'il vise dans le dispositif de ses conclusions, il y a lieu de considérer que seule est invoquée, au soutien de ses prétentions, la garantie des vices cachés, à l'exclusion de tout autre moyen de droit.
A cet égard, il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Aux termes de l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Il résulte de ces textes que la garantie des vices cachés peut être mise en 'uvre si la chose est affectée d'un vice remplissant les trois conditions cumulatives suivantes :
- le vice affectait déjà la chose au moment de sa vente ;
- il n'était alors ni connu de l'acheteur ni apparent pour celui-ci ;
- il présente un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose.
En outre, l'article 1643 énonce que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Enfin, l'article 1644 précise que dans les cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Dans les deux cas, l'acquéreur peut obtenir réparation de ses préjudices en démontrant que le vendeur connaissait les vices de la chose.
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En l'espèce, M. [Y] se prévaut de deux vices cachés distincts, le premier tenant au défaut d'étanchéité d'une fenêtre de cour anglaise à l'origine de ruissellements sur le mur de façade d'une pièce située en sous-sol du bâtiment, le second se manifestant par des remontées d'eau au sol dans cette même pièce.
Il produit un procès-verbal d'huissier établi le 14 mai 2019, faisant le constat, au sous-sol de la maison, d'une fine pellicule d'eau visible au sol et de l'existence de reprises et rebouchages dans le mur de façade avec présence de traces d'humidité.
M. [Y] verse également aux débats un rapport d'expertise privé, établi non contradictoirement par M. [I], expert indépendant, à l'issue d'une expertise réalisée le 21 juin 2019. L'expert explique avoir procédé à des essais d'arrosage sur la façade, afin de simuler différentes situations (pluie fine ou pluie d'orage) et d'avoir constaté, à cette occasion, le « remplissage » des cours anglaises, puis une augmentation de l'humidité sur les doublages du sous-sol. Il établit un « lien direct entre cette présence d'humidité et d'infiltrations et la mise en eau des cours anglaises » dont il estime la réalisation non conforme comme ne répondant pas aux règles de l'art.
Ces constatations, ajoutées au fait parfaitement admis par les vendeurs d'un phénomène de remontées d'eau provenant du sol en cas de fortes intempéries, suffisent à établir le défaut de la chose, l'étanchéité de la maison n'étant pas pleinement assurée, ce qui affecte nécessairement l'usage de la pièce située en sous-sol, et ce, quel que soit l'usage qui lui est réservé. L'antériorité d'un tel vice ne fait de même aucun doute, au regard de la nature des désordres décrits et de leur constat peu de temps après la vente.
Cependant, il incombe à l'acheteur de démontrer qu'il s'agissait de vices dont il ne pouvait se convaincre lui-même, compte tenu des informations dont il disposait, de ses compétences et des constatations qu'ils pouvaient lui-même faire à l'occasion d'une visite attentive des lieux.
Or, en l'espèce, l'acte authentique de vente mentionne l'inondation de la cave le 31 mai 2016 au titre des « déclarations du vendeur sur les catastrophes naturelles-sinistres » et vise un courrier annexé de l'assureur des vendeurs indiquant avoir pris en charge ce sinistre.
M. [Y] ne conteste pas la sincérité des attestations produites du notaire et de l'agent immobilier intervenus dans l'opération (pièces 7 et 8 des intimés), qui permettent d'établir qu'avant la signature de l'acte authentique, M. [Y] a été informé par le notaire de l'inondation de la cave en 2016 à la suite de « pluies déclarées catastrophes naturelles » et que lors de la signature du compromis, le 10 novembre 2018, l'agent immobilier l'avait informé « du dégât des eaux et de ses conséquences sur le bâti ».
Dès lors, même sans connaître la cause exacte de l'inondation de 2016 (montée en charge de la nappe phréatique en raison d'une forte pluie), M. [Y] apparaît avoir été informé en temps utile de l'existence d'une catastrophe naturelle à l'origine de l'inondation, de sorte qu'il ne pouvait ignorer le caractère inondable de la cave lors de fortes pluies.
De plus, il ressort des photographies versées aux débats et des déclarations de l'agent immobilier, que les traces d'humidité et d'infiltrations étaient visibles lors de la visite des lieux. Elles permettaient donc à l'acheteur de se convaincre lui-même du déficit d'étanchéité de la cave ou de travaux à entreprendre pour assurer une meilleure étanchéité de celle-ci. Peu importe, à cet égard, que M. [Y] n'ait pas spécifiquement connu les désordres qu'il impute aujourd'hui aux cours anglaises.
Outre que la preuve de la connaissance de ce vice par les vendeurs n'est pas démontrée, les manifestations visibles du défaut d'étanchéité suffisaient à rendre le vice apparent, a fortiori pour un homme de l'art qui, à l'instar de M. [Y], gérant d'une entreprise de menuiserie, pouvait prendre la mesure des conséquences à tirer à la fois des manifestations visibles d'infiltrations dans la cave et de l'inondation de la cave en 2016.
Pour ces motifs, ajoutés à ceux du premier juge et que la cour adopte pour le surplus, M. [Y] sera débouté de ses demandes principales fondées sur la garantie des vices cachés, ainsi que de ses demandes subsidiaires auxquelles les circonstances de la cause ne justifient pas de faire droit, l'éclairage d'un technicien n'apparaissant pas nécessaire au règlement du litige.
M. [Y] succombant sera condamné aux dépens de l'instance, l'équité commandant en outre de le condamner à indemniser les intimés des frais irrépétibles qu'ils ont nécessairement dus exposer en cause d'appel, dans la limite de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [Y] aux dépens,
Condamne M. [N] [Y] à payer à M. [O] [T] et Mme [E] [R] épouse [T], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,