CA Bordeaux, 4e ch. civ., 5 juin 2024, n° 23/05850
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
LGA (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Goumilloux, Mme Masson
Avocats :
Me Grellety, Me Jeaunaud
Par jugement du 2 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Bergerac a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Monsieur [C] [R], agriculteur, puis, par jugement du 1er juillet 2013, a prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur [R] et désigné la société [M]-Leuret en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 28 octobre 2013, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Bergerac a arrêté les créances à 250.700,53 euros au titre du passif admis définitivement, dont 173.579,29 euros de passif privilégié, ainsi que 68.611,03 au titre du passif contesté.
Le passif définitif s'élève désormais à 376.798,57 euros. Les opérations de réalisation de certains actifs ont permis de recouvrer la somme de 93.056,59 euros.
Il dépend de l'actif de la procédure de liquidation judiciaire de M. [R] une propriété agricole située principalement commune de [Localité 8], en Dordogne.
La société LGA, désormais mandataire à la liquidation judiciaire de M. [R], a déposé une requête le 12 mai 2023 afin d'être autorisée à vendre à la barre du tribunal les actifs immobiliers.
Par ordonnance prononcée le 15 décembre 2023, le juge commissaire a, pour l'essentiel :
- débouté Monsieur [C] [R] et Mesdames [P] [R] et [T] [R] de leurs demandes ;
- autorisé la société LGA, agissant en qualité de liquidateur de monsieur [C] [R], à poursuivre la vente aux enchères publiques d'une propriété agricole située commune de [Localité 8], [Adresse 7], à savoir un ensemble en pierres du XVIIIe siècle composé d'une habitation avec dépendances attenantes et annexes séparées (pigeonnier), parcelle de vigne, landes, bois et taillis, terres et prairies céréalières le tout réparti sur les communes de [Localité 8], [Localité 9] et [Localité6], d'une superficie totale de 550 683 m² ;
- fixé la mise à prix à la somme de 240.000 euros avec faculté de baisse à défaut d'enchère de 40 %, soit une nouvelle mise à prix de 144.000, outre les frais.
Monsieur [C] [R] et Mesdames [P] [R] et [T] [R] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 27 décembre 2023.
Par dernières conclusions notifiées le 11 février 2024, Monsieur [C] [R] et Mesdames [P] [R] et [T] [R] demandent à la cour de :
- réformer l'ordonnance rendue le 15 mars 2023 ;
- juger qu'avant toute mise en vente, la société LGA devra présenter une reddition des comptes actualisée qui comprennent le prix de vente de la luzerne soit 66.320 euros ;
- juger que le montant de la mise à prix se fera sur la base de 6.130 euros l'hectare ;
- juger qu'en considération de la situation personnelle et familiale de M. [R] et de ses filles jeunes majeures, la vente des terres sera privilégiée sur celle de la maison d'habitation principale ;
- accorder à Monsieur [R] et ses filles des délais de grâce pour quitter la maison d'habitation principale, d'au moins deux ans ;
- juger que chaque partie conservera ses propres dépens.
Par dernières écritures notifiées le 5 mars 2024, la société LGA, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R], demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des moyens et prétentions développés par Monsieur [C] [R] et Mesdames [T] et [P] [R] ;
Par conséquent,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 15 décembre 2023 dans le cadre de la liquidation judiciaire de Monsieur [C] [R] ;
- dire qu'il sera procédé aux notifications de l'arrêt par les soins du greffe et aux publicités prévues par la loi ;
- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 12 janvier 2024, l'affaire a été fixée à bref délai.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la demande au titre de la reddition des comptes
1. Monsieur [C] [R] et Mesdames [T] et [P] [R] (ci-après Consorts [R]) s'opposent à la vente judiciaire de la propriété située à [Localité 8] au motif que les comptes présentés par le mandataire judiciaire seraient inexacts ; ils reprochent au surplus au premier juge de ne pas s'être prononcé sur la responsabilité du liquidateur qui, en ne faisant pas vendanger les vignes, a fait perdre des fonds à la liquidation.
Les appelants soutiennent que Maître [M], prédécesseur de la société LGA en qualité de mandataire judiciaire, aurait perçu le fruit de la vente de la récolte de luzerne, soit la somme de 66.320 euros, évaluée par les appelants eux-mêmes à partir de la déclaration de surfaces ; les consorts [R] ajoutent que ce prix aurait été payé à Maître [M] au cours de la première année de la procédure de redressement judiciaire.
2. Ils produisent à ce titre à leur dossier un formulaire 2013 de déclaration de surfaces au titre de la PAC dont l'examen, cependant, ne met pas en évidence la culture de luzerne alléguée.
Il n'est versé aucun autre élément de nature à établir la réalité de la culture de luzerne sur une surface de 54 hectares en 2013, ainsi que le soutiennent les Consorts [R].
3. Au demeurant, en considération du fait que le passif de la liquidation s'établit aujourd'hui à 376.798,57 euros et que l'intimée démontre que ses tentatives de vente amiables engagées entre 2018 et 2022 ont été sans effet, il apparaît que cette discussion sur une somme de 66.320 euros qui serait à ajouter à l'actif de la liquidation n'est pas de nature à remettre en cause le principe de la vente judiciaire.
L'ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.
2. Sur la mise à prix
4. Les appelants font grief au juge commissaire d'avoir fixé la mise à prix à la somme de 240.000 euros et soutiennent qu'il doit être retenu un prix de 6.130 euros l'hectare.
5. Toutefois, les Consorts [R], qui ne produisent pas d'autre élément à ce titre que celui qu'ils ont présenté au premier juge, se fondent sur une capture d'écran de téléphone portable agrandie dont les mentions ne peuvent sérieusement contrebalancer les conclusions de M. [E], expert judiciaire, dont le rapport propose une valeur de 340.000 euros pour une vente en bloc, dont il faut déduire 20 % à 30 % pour une vente urgente et/ou judiciaire.
6. De plus, c'est par des motifs pertinents que le juge commissaire a rappelé que le montant de la mise à prix doit être inférieur au prix de vente souhaité par le débiteur, cela afin d'attirer les enchérisseurs.
L'ordonnance déférée sera confirmée de ce chef.
3. Sur l'ordre des ventes et les délais de grâce
7. Les appelants reprochent au premier juge d'avoir rejeté leur demande en vente par lot avec priorité aux terres aux fins de préserver la maison familiale au sein de laquelle réside M. [R] et ses deux filles, jeunes majeures.
Ils tendent subsidiairement, comme en première instance, à ce qu'il leur soit consenti un délai d'au moins deux ans afin d'organiser leur relogement.
8. La société LGA verse à son dossier les annonces publiées entre 2018 et 2022 portant sur la mise en vente à l'amiable de plusieurs lots de la propriété, qui ont suscité l'intérêt d'acquéreurs potentiels sans toutefois aboutir.
Deux courriers adressés par la société LGA à M. [R] le 30 juin 2020 puis le 29 septembre 2020 mettent en évidence le fait que, au cours de cette période, la vente de la résidence familiale et de l'étang n'était pas envisagée, mais également le fait que le débiteur ne favorisait pas la clarification de la situation puisqu'il est mentionné qu'il ne répondait pas -ou tardivement- aux demandes de précisions qui lui étaient présentées sur la situation juridique de certains immeubles en indivision et qu'il laissait exploiter certaines parcelles sans contrepartie financière depuis 2013, soit depuis sept années.
9. En considération du fait que les ventes par lots n'ont pas abouti, il y a lieu désormais, afin de ne pas prolonger la procédure de liquidation judiciaire, d'ordonner la vente forcée de la propriété litigieuse en un seul tenant.
10. Enfin, les Consorts [R] ont bénéficié d'ores et déjà d'un délai d'une année depuis le dépôt, le 12 mai 2023, de la requête du liquidateur, ce notamment au résultat de l'appel interjeté.
Ainsi que le souligne le juge commissaire, les appelants bénéficieront de surcroît des délais de la procédure de vente forcée.
L'ordonnance déférée sera confirmée également de ces chefs.
Les dépens de l'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance prononcée le 15 décembre 2023 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Bergerac.
Y ajoutant,
Ordonne l'emploi des dépens de l'appel en frais privilégiés de la procédure judiciaire.