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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 5 juin 2024, n° 23/05784

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Philae (Selarl), Le comptable public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Lempereur, Me Kergot

T. com. Bordeaux, du 13 déc. 2023, n° 20…

13 décembre 2023

Le comptable public du service des impôts des entreprises d'Arcachon a, par acte délivré le 3 novembre 2023, fait assigner la société Loc and Beach devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, subsidiairement d'une procédure de redressement judiciaire, au bénéfice de la société Loc and Beach, exerçant l'activité de vente de mobil homes.

Par jugement réputé contradictoire prononcé le 13 décembre 2023, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- constate la non-comparution de la société Loc and Beach ;

Le Ministère Public ayant été avisé de la procédure,

- constate l'état de cessation des paiements de la société Loc and Beach ;

- prononce l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire prévue par les dispositions des articles L 640-1 et suivants du code du commerce à l'égard de la société Loc and Beach, au capital de 250.000,00 euros, identifiée sous le n° [Numéro identifiant 6] RCS Bordeaux (2007 B 566), dont le siège social est à [Adresse 4], ayant exercé une activité de location de mobile homes achat et vente de mobile homes neufs gestion à [Adresse 4] ;

- fixe provisoirement au 31 Décembre 2018 la date de cessation des paiements ;

- nomme Franck Chanquoy Juge Commissaire, et Christophe Lataste, Juge Commissaire suppléant,

- désigne la société Philae, [Adresse 1], en qualité de Liquidateur, et dit que cette mission sera suivie par Maitre [T] [X] ;

- désigne en application de l'article L 641-4 alinéa 5 du code du commerce, Maitre [I] [N], [Adresse 2], commissaire de justice, afin de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ;

- impartit aux créanciers conformément à l'article R 622-24 du code du commerce, pour la déclaration de leur créance, un délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement ;

- fixe à un an à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leur créance, le délai pour l'établissement de la liste des créances déclarées, conformément aux articles L 624-1 et R 624-2 du code du commerce ;

- invite le comité d'entreprise, les délégués du personnel, ou, à défaut de ceux-ci, les salariés à désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés conformément aux articles L. 641-1, L 621-4, L 621-5, L 621-6 et R 621-14 du code du commerce ;

- ordonne que dans les dix jours du prononcé du présent jugement, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique réunisse le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés de l'entreprise pour désigner un représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article R 621-14 du code du commerce ;

- ordonne au chef d'entreprise de déposer immédiatement au greffe du tribunal de commerce conformément à l'article R 621-14 du code du commerce, le procès-verbal de désignation de ce représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence ;

- fixe à deux ans à compter de ce jour, le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée ;

- dit que le présent jugement sera signifié par acte extrajudiciaire au débiteur avec convocation de celui-ci d'avoir à comparaître à l'audience du 2 Décembre 2025 à 14 heures 15 au tribunal de commerce de bordeaux pour que soit examinée la clôture de la procédure conformément aux dispositions de l'article L 643-9 du code de commerce ;

- dit que les notifications, mentions, avis et publicités du présent jugement seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Monsieur [P] [Y] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 21 décembre 2023, signifiée le 12 janvier 2024 au Comptable public ainsi qu'à la société Philae es qualités.

Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2024 et signifiées le lendemain à la société Philae, Monsieur [P] [Y] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.631-1 et suivants et L.640-1 et suivants du code de commerce,

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a prononcé à l'encontre de la société Loc And Beach l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et désigné les organes de la procédure ;

- condamner monsieur le Comptable public du service des impôts des entreprises d'Arcachon à payer à Monsieur [P] [Y] en sa qualité de gérant et dirigeant de la société Loc and Beach la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures notifiées le 27 février 2024, le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Gironde demande :

- la confirmation de décision entreprise dans toutes ses dispositions ;

- l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Le Procureur Général, par avis notifié le 11 mars 2024, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ('mais s'en rapporte cependant si production à l'audience d'éléments rapportant la preuve que la société est accessible à une procédure de redressement judiciaire').

Par courrier du 22 janvier 2024, la société Philae a informé la cour de ce qu'elle n'était pas en mesure de se faire représenter dans le cadre de la procédure d'appel.

Par ordonnance du 5 janvier 2024, l'affaire a été fixée à bref délai en exécution de l'article 905 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

Par message adressé aux parties le 21 mai 2024 par RPVA, la cour a, au visa de l'article 954 du code de procédure civile, invité les parties à faire connaître leurs observations sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel principal et indiqué que le prononcé de la décision était en conséquence reporté au 5 juin suivant.

Le Conseil de M. [Y] a fait valoir ses observations par note communiquée le 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L'article L.631-1 du code de commerce prévoit qu'est instituée une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Il est précisé que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

L'article L.640-1 du code de commerce dispose :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens. »

2. Au visa de ces textes, M. [Y], qui affirme être le gérant de la société à responsabilité limitée Loc and Beach, fait grief au jugement déféré d'avoir prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société.

L'appelant fait valoir que la créance dont s'est prévalu le Comptable public pour tendre au prononcé de la liquidation judiciaire de la société Loc and Beach est incertaine puisqu'elle fait l'objet d'un recours devant la justice administrative.

M. [Y] en tire la conséquence que cette créance ne peut être regardée comme un passif exigible au sens de l'article L.631-1 du code de commerce.

3. Le Comptable public répond qu'il détient une créance d'un montant de 1.004.557 euros sur la société Loc and Beach qui a été déclarée au passif de la procédure collective et qui n'est pas concernée par le recours, lequel porte sur l'assiette de l'impôt, ce qui ne remet pas en cause l'exigibilité de la dette fiscale.

L'intimé indique qu'aucune mesure d'exécution forcée n'a pu être engagée en raison de la situation de l'entreprise qui n'a pas de compte bancaire et qui ne détient aucun stock ; qu'il a d'ailleurs été constaté la cessation d'activité de fait dès 2018, alors qu'une vérification parallèle de la société civile immobilière Nabeul Days a mis en évidence le fait que cette SCI encaissait des ventes de mobil homes facturés par la société Loc and Beach dont le compte bancaire était clôturé.

Sur ce,

4. L'article 954 du code de procédure civile dispose :

« Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. (...)»

5. Au dispositif de ses dernières conclusions notifiées le 21 mars 2024, M. [Y] demande à la cour de :

« - infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a prononcé à l'encontre de la société Loc And Beach l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et désigné les organes de la procédure ;

- condamner monsieur le Comptable public du service des impôts des entreprises d'Arcachon à payer à Monsieur [P] [Y] en sa qualité de gérant et dirigeant de la société Loc and Beach la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.»

6. Il apparaît donc que l'appelant réclame l'infirmation du chef de dispositif qui prononce l'ouverture de la procédure collective de la société Loc and Beach sans formuler par ailleurs de prétention en conséquence de l'infirmation réclamée.

7. Dans ses observations communiquées le 27 mai 2024 à la suite de la demande en ce sens de la cour, M. [Y] indique qu'il entend voir infirmer les dispositions du jugement rendu le 13 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société Loc and Beach et qu'il demande en conséquence à la cour de juger que l'état de cessation de paiement allégué par Monsieur le Comptable Public du Service des Impôts des

Entreprises n'est pas avéré et qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Loc and Beach.

L'appelant ajoute que, en effet, ces prétentions découlent nécessairement de la demande tendant à voir infirmer la disposition en ce qu'il a été prononcé la liquidation judiciaire de la société telle que découlant du dispositif des conclusions de Monsieur [Y].

8. Toutefois, il doit être rappelé que la conséquence juridique de l'infirmation, totale ou partielle, d'une décision de première instance est le réexamen des prétentions ayant abouti à cette décision, de sorte que ces prétentions doivent être à nouveau présentées en cause d'appel en conséquence d'une demande d'infirmation, celle-ci n'emportant donc pas de facto demande de débouté.

Ainsi, il est constant en droit que, par application de l'article 954 du code de procédure civile, lorsque l'appelant se borne dans le dispositif de ses conclusions à conclure à l'infirmation d'un jugement, sans formuler de prétention sur les demandes tranchées dans ce jugement, la cour d'appel n'est pas saisie de prétention relative à ces demandes, de sorte que le jugement doit être confirmé à cet égard.

9. Il en résulte que la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Loc and Beach, chef de dispositif qui ne fait pas l'objet d'une prétention formée par l'appelante au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

Y ajoutant, la cour ordonnera l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 13 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens de l'appel en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.