CA Versailles, ch. 1-6, 11 janvier 2024, n° 22/05159
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sincerum (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pages
Conseillers :
Mme Deryckere, Mme Nerot
Avocats :
Me Debray, Me Bes de Berc, Me Leclerc, Me Buisson, Me Msika
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte sous seing privé du 08 septembre 2014 une convention de cession d'actions a été conclue entre, d'une part, divers détenteurs d'actions de la société d'expertise-comptable et de commissariat aux comptes Fiduciaire de la Seine SAS - parmi lesquels figurait monsieur [G] [R] - et, d'autre part, monsieur [S] [Z] ainsi que la société [S][Z] Expertise & Audit qu'il présidait, stipulant notamment (en page 7/13) :
'Les cessions des actions de messieurs [G] [R] et [A] [F] (et de leurs épouses) interviendront en deux temps.
Un premier bloc d'actions sera cédé avec effet entre les parties à la date du 1er août 2014.
Un deuxième bloc d'actions sera cédé avec effet entre les parties à la date du 1er août 2015.
Chacun de ces blocs d'actions correspond à une liste nominative de clients gérés par les cédants et valorisée, auquel est ajoutée une quote-part de situation nette hors fonds de commerce. Le détail du prix des actions est défini en annexe du présent protocole.
A compter des jours de date d'effet mentionnés ci-dessus la clientèle de base du prix des actions cédées sera gérée par le cessionnaire qui reprend de ce fait, dans son compte analytique, les collaborateurs liés à cette clientèle'.
Le 16 novembre 2015 et aux fins de mise en oeuvre de la cession en son second temps, les parties sont convenues de ses modalités selon deux avenants signés le même jour, le second minorant le prix de cession du second bloc d'actions évalué dans le premier.
Dans ce contexte un contrat de prêt daté du 31 décembre 2015, au montant de 150.000 euros consenti au taux de 1% et remboursable en 84 mensualités (qui a été enregistré au service des impôts de [Localité 9]-Sud le 14 novembre 2016) a été signé entre monsieur [R] (cédant) monsieur [S] [Z], les sociétés [S][Z] et Sincerum représentées par monsieur [Z] en ses qualités de président et de gérant (bénéficiaires) énonçant notamment en préambule :
' (...) n date du 8 septembre 2014, les parties ont signé une convention de cession d'actions de la société Fiduciaire de la Seine à monsieur [S] [Z] et à la société [S][Z] Expertise & Audit portant sur l'intégralité des actions détenues par le cédant (monsieur [G] [R]) dans ladite société.
Que les bénéficiaires ont effectué un règlement au vendeur de 176.900 euros le 8 janvier 2015 et qu'un deuxième versement, d'un montant de186.896 euros doit être effectué avant le 31 mars 2016, en conséquence il reste la somme de 150.000 euros à percevoir par le vendeur.
Pour solder cette somme il est convenu d'un prêt sous les conditions particulières et les conditions générales ci-après énoncées (...)'.
Après vaines mises en demeure par pli recommandé reçues le 24 mars 2017 par ces bénéficiaires de régler le montant de ce prêt demeuré impayé, outre intérêts, monsieur [R] les a assignés à cette fin par acte délivré le 17 août 2017.
Par jugement contradictoire rendu le 22 avril 2022 le tribunal judiciaire de Nanterre, faisant suite au prononcé d'un jugement avant dire droit du 12 juillet 2019 ordonnant la réouverture des débats qui était destinée à l'éclairer sur les parties au contrat de prêt et l'intérêt à agir du requérant à l'égard d'un défendeur, a, en assortissant sa décision de l'exécution provisoire :
condamné monsieur [Z], la société [S][Z] expertise & audit et la société Sincerum, à payer à monsieur [R] la somme de 150.000 euros au titre du prêt et celle de 1.438,36 euros au titre des intérêts conventionnels au taux de 1% arrêtés au 12 janvier 2017,
dit que la somme au principal de 150.000 euros portera intérêts au taux contractuel de 1% compter du 13 janvier 2017,
débouté les défendeurs de toutes leurs demandes reconventionnelles,
condamné in solidum M. [Z], la société [S][Z] expertise & audit et la société Sincerum à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum monsieur [Z], la société [S][Z] expertise & audit et la société Sincerum aux dépens dont recouvrement au profit de maître Philippe Buisson avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, en ce non compris les frais d'inscription d'hypothèques judiciaires.
Selon déclaration reçue au greffe le 1er août 2022, la société civile Sincerum et monsieur [S] [Z] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance rendue le 13 avril 2023, le conseiller de la mise en état désigné de la présente chambre, saisi par l'intimé d'un incident aux fins de radiation de l'appel fondé sur l'article 526 (ancien) du code de procédure civile et se prononçant sur les conclusions des défendeurs à l'incident notifiées la veille de l'audience, a :
écarté des débats les conclusions notifiées par monsieur [S] [Z] et la société Sincerum le 20 mars 2023, et les pièces communiquées à cette date,
rejeté la demande de radiation de l'affaire inscrite au rôle de la cour sous le numéro de répertoire général 22/05159,
dit que l'affaire sera appelée à l'audience de mise en état virtuelle du 23 mai 2023 pour fixation
d'un calendrier de procédure,
rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens suivront le sort de l'instance au fond.
Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 13 novembre 2023, la société civile Sincerum et monsieur [S] [Z] demandent à la cour :
d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : condamné monsieur [S] [Z], la société [S][Z] Expertise & Audit et la société Sincerum à payer à monsieur [G] [R] la somme de 150.000 euros au titre du prêt et celle de 1.438,36 euros au titre des intérêts conventionnels au taux de 1% arrêtés au 12 janvier 2017 // dit que la somme au principal de 150.000 euros portera intérêts au taux contractuel de 1% à compter du 13 janvier 2017 // débouté monsieur [S] [Z], la société [S][Z] Expertise & Audit et la société Sincerum de toutes leurs demandes reconventionnelles // condamné in solidum monsieur [S] [Z], la société [S][Z] Expertise & Audit et la société Sincerum à payer à monsieur [G] [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Statuant à nouveau à cet égard
de débouter monsieur [G] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
de condamner monsieur [G] [R] à verser à monsieur [S] [Z] et la société Sincerum la somme de 243.327 euros à titre de dommages- intérêts,
de condamner monsieur [G] [R] à verser à monsieur [S] [Z] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
de condamner monsieur [G] [R] à restituer le matériel appartenant à la société Fiduciaire de la Seine,
de condamner monsieur [G] [R] à verser à monsieur [S] [Z] et la société Sincerum la somme de 5.000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile relativement à la première instance et aux entiers dépens de première instance,
de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu des dépens les frais d'inscription d'hypothèques judiciaires,
y ajoutant
de débouter monsieur [G] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
de condamner monsieur [G] [R] à verser à monsieur [S] [Z] et la société Sincerum la somme de 5.000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile relativement à l'instance en appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 13 novembre 2023 monsieur [G] [R] prie la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil :
de confirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions,
en conséquence
de débouter monsieur [S] [Z] et la société Sincerum de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause
de condamner monsieur [S] [Z] et la société Sincerum à (lui) payer la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la contestation de la validité du contrat de prêt et de l'avenant n° 1
Il convient de rappeler que pour rejeter ce moyen le tribunal a d'abord porté son appréciation sur la régularité de l'acte de prêt en le tenant pour valide, puis sur les termes de la convention initiale du 08 septembre 2014 et des deux avenants semblablement signés par les parties le 16 novembre 2015 (relevant le rappel, dans leur chronologie, des pourparlers, accords et concessions réciproques des parties destinés à trouver un accord sur la clientèle cédée, conséquemment sur la valorisation de la cession et la valeur unitaire de l'action cédée), ceci pour retenir que, quel que soit le motif de la diminution du montant de la cession de parts afin de parvenir à un accord sur cette clientèle, le montant du prêt litigieux correspond exactement à la diminution de valeur ressortant des deux avenants (soit : 677.376 - 527.376 euros).
Il en a déduit que ce prêt était parfaitement causé et valable.
Il a jugé, 'au surplus' que les défendeurs à l'action ne justifiaient pas du respect de la procédure de contestation de cession de droits sociaux prévue à l'article 1843-4 du code civil selon lequel:
'I - Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II - Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur par toute convention liant les parties.
Au soutien de leur seule demande de 'débouté', les appelants font valoir que ce contrat de prêt est dépourvu de cause dès lors qu'en exécution de la Convention de cession et du second avenant constituant l'accord final entre les parties, deux paiements sont intervenus les 19 janvier 2015 et 09 février 2016 pour un montant total de 363.796,50 euros soldant la dette, de sorte que ce contrat de prêt ne peut avoir d'effet à défaut de cause et par application de l'article 1131 (ancien) du code civil.
Contrairement à la motivation du tribunal, rien ne permet d'affirmer, estiment-ils, que ce contrat de prêt était causé dès lors que les éléments du dossier démontrent qu'en réalité les cédants avaient renoncé à leur réclamation 'injustifiée' du prix de cession découlant du premier avenant.
Sur cette même demande de 'débouté', ils font par ailleurs valoir que le premier avenant litigieux est affecté de nullité en évoquant les dispositions de l'article 1116 (ancien et applicable) du code civil sanctionnant ainsi les manoeuvres dolosives et se prévalent cumulativement de la cession par monsieur [G] [R] d'une action (celle de monsieur [J] [D]) dont il n'était pas propriétaire ainsi que de la surévaluation du résultat analytique du 31 juillet 2015 (soit une somme de 308.467 euros) comprenant une prime au profit des cédants et des charges (totalisant un montant exceptionnellement élevé de 301.659,96 euros) totalement injustifiés.
Au stade de la discussion et sans reprendre le 'chantage familial' évoqué par monsieur [Z], parent par alliance de monsieur [R], dans son exposé factuel, ils expliquent qu'ils ont néanmoins été contraints de signer l'acte de prêt litigieux afin d'éviter à la société Fiduciaire de la Seine d'être placée en cessation de paiements, faute de trésorerie suffisante pour payer cette prime et de permettre d'obtenir, à la faveur de la signature du second avenant, un financement de la banque.
Enfin, en réplique au moyen de leur adversaire se prévalant de l'application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil précité repris dans la motivation du tribunal, ils soutiennent que la procédure de fixation du prix de cession par expert n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'elle n'était pas imposée par des règles législatives, statutaires ou extra-statutaires mais qu'il s'agissait d'une cession spontanée, décidée par les parties quand bien même est-elle intervenue en raison du départ à la retraite des cédants et dès lors que la contestation émise est postérieure à la cession.
Monsieur [R] rétorque que devait être respectée la procédure prévue à l'article 1843-4 précité, d'ordre public et pleinement applicable, pour contester la convention de cession, comme jugé par le tribunal.
Et sur les manoeuvres dolosives qui lui sont imputées à faute, il fait valoir, d'une part, qu'il était légitimement devenu propriétaire de l'action de monsieur [D] et, d'autre part, que monsieur [Z] qui ne procède que par affirmation concernant la clientèle cédée, avait une parfaite connaissance de la valorisation des actions et qu'il l'a dûment acceptée.
Ceci étant exposé, et à admettre que les demandes d'annulation présentées par les appelants soient implicitement contenues dans la demande de débouté figurant au dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de se prononcer sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 1843-4 du code civil, issu de l'ordonnance du 31 juillet 2014 destinée à simplifier et sécuriser la vie des entreprises prise par le Gouvernement, dûment habilité, et entrée en vigueur le 03 août 2014, soit antérieurement à la cession de droits sociaux litigieuse intervenue sans que les parties aient eu recours à un tiers expert pour déterminer le prix de cession.
A cet égard, cet article restreint dans sa nouvelle rédaction le champ d'application de l'ancien texte (incluant les cas de blocage, de retrait, d'exclusion ou d'un rachat après refus d'agrément) tel qu'étendu par la jurisprudence jusqu'à un arrêt rendu par la Cour de cassation apportant une restriction à cette extension en énonçant que 'les dispositions de ce texte, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en oeuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé' (Cass com, 11 mars 2014, pourvoi n° 11-26915, publié au bulletin).
Dès lors, le cédant ne peut être suivi dans son argumentation tendant à opposer aux cessionnaires l'absence de recours à la procédure d'expertise visée par ce texte, d'autant que la contestation dont la cour est saisie est postérieure à la cession qui comportait, de plus, des modalités d'évaluation déterminables.
Monsieur [R] est, en revanche, fondé à se prévaloir de la validité de la clause d'évaluation du prix dans la convention de cession les liant, expressément acceptée par monsieur [S] [Z] et en toute connaissance de cause.
Il peut être retenu, à cet égard, qu'en préambule de l'acte de cession (page 2/13) il est mentionné qu'il avait alors 'une parfaite connaissance de la société Fiduciaire de la Seine, de sa clientèle, de ses charges et de ses résultats, les livres comptables lui étant ouverts depuis un temps certain et sa participation aux affaires sociales (facturation, embauche, gestion de la clientèle et des salariés) étant manifeste sans qu'il soit besoin d'en décrire plus avant le détail. En conséquence de quoi il est convenu expressément entre les parties qu'il n'y a pas lieu à signer un acte de garantie d'actif et de passif'.
Comme l'intimé est fondé à prétendre que ne peut lui être opposée l'absence de cause du contrat de prêt.
La convention de cession prévoyait en effet, pour sa parfaite exécution, un accord des parties sur le prix de cession du deuxième bloc d'actions.
Elles ont signé un premier avenant en fixant le prix de cette cession et force est de considérer qu'il n'est justifié d'aucun acte aux termes duquel monsieur [R] renonçait au paiement de cette somme mais argué de l'aménagement de son versement par la conclusion immédiate d'un second avenant qui en minorait le montant et par la conclusion d'un acte de prêt entre les mêmes parties, parfaitement causé dans la mesure où, tel que présenté dans son préambule repris ci-dessus et comme retenu par le tribunal, son montant équivaut à la différence des sommes figurant au premier et au second avenants.
S'agissant du moyen subsidiaire tiré de la nullité du premier avenant, les appelants excipent, d'abord, de la cession, par monsieur [R], d'une action appartenant à un tiers en exposant que cette cession fait suite à un procès-verbal de délibération du conseil d'administration de la société Fiduciaire de la Seine du 24 novembre 2014 constatant la carence de monsieur [L] mais qu'il n'est nullement démontré qu'il ait renoncé de manière non équivoque à la propriété de cette action au profit de monsieur [R] et, ensuite, d'une mention de cette cession à leur sens incomplète et incohérente dans le registre des mouvements de titres.
Mais alors que l'intimé se prévaut de sa qualité de propriétaire de cette action en rappelant, comme il est dit dans ce même procès-verbal, qu'un protocole d'accord est intervenu le 03 juin 1994 prévoyant que monsieur [D], ancien actionnaire et administrateur, ne conservera que momentanément cette action, ceci jusqu'au 31 juillet 1998, et s'engageant à la lui céder à cette date moyennant le prix d'un franc, les appelants qui contestent cette qualité de cessionnaire n'administrent pas la preuve contraire.
Et s'ils tirent ensuite argument, dans le contexte d'un résultat analytique du 31 juillet 2015 à leur sens 'artificiellement surévalué', d'un vice affectant le consentement de monsieur [Z], il convient de rappeler que, pour trouver application, l'article 1116 (ancien et applicable) du code civil - qui sanctionne par la nullité une manoeuvre ou un mensonge par commission ou par réticence ayant pour but ou pour effet de surprendre le consentement d'une partie et de provoquer chez le cocontractant une erreur qui le détermine à contracter - postule qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'un dol de prouver que sont réunis tant l'élément matériel que l'élément intentionnel de l'acte délictueux qu'il incrimine.
Au cas présent, outre le fait que la surévaluation dont il est fait état est insuffisamment caractérisée, monsieur [Z] qui n'incrimine que celle-ci au soutien de son moyen ne peut se prévaloir d'agissements intentionnels destinés à le tromper imputables à monsieur [R].
Force est, en effet, de considérer que, comme il a été dit, il était lui-même rompu aux affaires dans le domaine en cause ou encore signataire de cet avenant stipulant notamment : 'les parties ont revu après un exercice l'évolution des clients et de la situation nette de la société pour définir le prix définitif de la cession du second bloc d'actions (...). Ils reconnaissent que les mouvements intervenus sur la liste des clients entre les deux exercices se compensent et que la valorisation du portefeuille clients est prise et acceptée par toutes les parties, dans son ensemble et non de manière individuelle'.
Or, les conditions d'accueil de l'action en nullité pour dol conduisent à prendre en considération la qualité de la victime, la Cour de cassation ayant pu rejeter une telle action en présence d'une victime qui n'était ni profane ni inexpérimentée (Cass civ 3ème, 07 mai 2014, pourvoi n° 13-15073).
Par suite, doit être rejeté l'ensemble des moyens ainsi formulés par les appelants.
Sur l'action indemnitaire à l'encontre du cédant à raison de manquements imputés à faute
A ce stade, les appelants qui ont été déboutés de leur demande en raison de leur défaillance probatoire et de l'obscurité de leurs demandes (telle la 'conservation du matériel') consacrent des développements à la surévaluation déjà évoquée et constitutive, selon eux, d'un premier manquement en rappelant que le prix de cession convenu était défini à partir du chiffre d'affaires associé aux clients listés en annexe II et dans le cadre d'un tableau complémentaire intitulé 'liste des clients'.
En regard de cette liste et des chiffres d'affaires comptabilisés pour chacun de ces clients, selon un détail présenté en pages 14 à 16 de leurs conclusions, ils estiment que le prix de cession a été artificiellement augmenté à hauteur d'une somme totale de 125.571 euros, précisant que chaque associé de la Fiduciaire de la Seine était responsable de ses propres dossiers et que monsieur [S] [Z] n'a pu détecter cette surévaluation qu'après signature du premier avenant et, partant, l'évoquer auparavant.
Rappelant les dispositions des articles 1134 (ancien), 1625 et 1626 du code civil et l'obligation, d'ordre public, de garantir le cessionnaire de l'éviction des droits afférents aux parts acquises qui pèse sur le cédant, quand bien même serait-elle partielle, les appelants reprochent en deuxième lieu à monsieur [R] d'avoir, après la cession, multiplié les agissements ayant pour effet d'entraver le bon fonctionnement de la société Fiduciaire de la Seine.
Ils évoquent, à cet égard, le cas de sociétés clientes visées par la Convention de cession, telles les sociétés Murex et France Toner (dont la gestion des paies était conservée par la société Fiduciaire de la Seine) ainsi que celui d'une société JF Invest dont la Fiduciaire de la Seine n'est pas le comptable désigné, contrairement à ce qui a pu être indiqué à l'administration fiscale, mais dont le dirigeant entretient des liens étroits avec monsieur [R].
Ils explicitent le préjudice dont ils demandent réparation en évoquant la surévaluation du prix incriminé, une attitude de dénigrement de l'intimé dans de nouvelles relations client/expert-comptable ou d'agissements de celui-ci ne leur ayant pas permis de profiter de la clientèle figurant dans la valorisation, le risque d'annulation d'assemblées générales en raison du fait que monsieur [R] n'est pas propriétaire de l'action de monsieur [D], outre le 'stress' occasionné à monsieur [Z] par la situation actuelle.
Et précisent qu'il cumule la somme de 125.571 euros (au titre de la perte de chance de conclure la Convention à de meilleurs conditions), celle de 117.756 euros (représentant la perte de chiffre d'affaires subie du fait des manquements du cédant) et celle de 5.000 euros (au titre du préjudice moral).
Monsieur [R] y répond point par point pour conclure à leur débouté.
Ceci étant relaté, et s'agissant de l'incrimination de manoeuvres dolosives ayant permis d'inclure dans la liste des clients - partant de tenir compte du chiffre d'affaires qui leur était associé et qui servait de base au prix des actions cédées - qui n'ont pas été cédés, s'il peut être constaté que, devant la cour, les appelants étayent leur grief par la production de pièces et ne se bornent pas, comme soutenu par monsieur [R], à procéder par affirmation, ce dernier est fondé à leur opposer, comme précédemment, l'expérience éprouvée de monsieur [Z], sa parfaite connaissance de la clientèle ou encore les termes-mêmes de leurs conventions.
Et il convient de juger qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir de ce vice du consentement, par mêmes motifs que précédemment.
S'agissant du manquement à l'obligation née de la garantie légale d'éviction également reproché au cédant, il appartient aux cessionnaires de démontrer que le cédant, qui se doit de leur assurer une jouissance paisible des droits sociaux cédés et engage sa responsabilité s'il est établi qu'il se trouve à l'origine de troubles de droit ou de fait, a porté atteinte à l'exercice de leur activité.
A titre liminaire, monsieur [R] fait pertinemment valoir que l'interdiction, pour le cédant, de se rétablir nécessite un examen au cas par cas et se réclame, en particulier de la doctrine de la Cour de cassation énonçant, au visa des principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre ainsi que de l'article 1626 du code civil, qu' 'il se déduit de l'application combinée de ces principes et de ce texte que si la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre peuvent être restreintes par l'effet de la garantie d'éviction à laquelle le vendeur de droits sociaux est tenu envers l'acquéreur, c'est à la condition que l'interdiction pour le vendeur de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger' (Cass com 10 novembre 2021, pourvoi n° 21-11975, publié au bulletin).
Force est d'abord de considérer que les appelants ne peuvent reprocher à monsieur [R] de s'être rétabli dans la même activité que celle d'expertise-comptable exercée par la société Fiduciaire de la Seine dès lors que celui-ci justifie de l'exercice d'une simple activité de conseil, selon l'objet social de la société FC Conseil qu'il a créée le 13 décembre 2013 et par conséquent antérieurement à la conclusion de la Convention de cession litigieuse.
Quand bien même les activités de conseil et d'expert-comptable peuvent être regardées comme complémentaires, ainsi que le concède l'intimé, il y a lieu de rappeler que depuis un arrêt rendu le 21 janvier 1997 (Cass com, pourvoi n° 94-15207, publié au bulletin) et réaffirmé par la suite, 'la garantie légale d'éviction du fait personnel du vendeur n'entraîne pour celui-ci, s'agissant de la cession des actions d'une société, l'interdiction de se rétablir que si ce rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l'activité économique de la société et de réaliser l'objet social'.
Une telle démonstration n'est pas faite, au cas particulier.
Et, à se prononcer, au surplus, sur les griefs précisément articulés, il ressort des pièces versées aux débats, d'abord, que monsieur [R] s'est borné à procéder à une présentation de clientèle parmi laquelle figurait la société Murex, comme prévu dans la Convention, puis à la conseiller sur la facturation d'honoraires qui lui étaient réclamés par monsieur [Z], ensuite que monsieur [R] entretenait des liens familiaux avec le dirigeant de la société France Toner et a persisté à exercer une activité générale de conseil auprès de cette société (dont l'expert-comptable est, note-t-il, monsieur [T] et non pas lui-même selon les courriels communiqués par ses adversaires) en se bornant à attirer l'attention d'une salariée de la Fiduciaire de la Seine sur le mécontentement nourri à son égard par ce dirigeant, enfin qu'il ne peut être reproché au cédant une utilisation frauduleuse du nom de la Fiduciaire de la Seine pour des activités comptables auprès de la société FC Conseil, l'administration fiscale ayant pu se méprendre sur la poursuite de celles-ci, débutées en 2000 mais qui avaient cessé en 2015/2016.
En l'absence de tout autre élément susceptible de caractériser, en regard des critères d'appréciation sus-rappelés, un manquement imputable au cédant à l'obligation née de la garantie légale d'éviction, les appelants doivent être déboutés de leurs entières demandes indemnitaires, en ce compris au titre du préjudice moral invoqué, et le jugement confirmé en ce qu'il en dispose ainsi.
Sur les frais non répétibles et les dépens
L'équité conduit à condamner les appelants à verser à monsieur [R] la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutés de ce dernier chef de demande, les appelants supporteront les entiers dépens d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;
Condamne monsieur [S] [Z] et la société civile Sincerum à payer à monsieur [G] [R] la somme complémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.