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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 24 mai 2024, n° 22/15595

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aic Ile de France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Bret, Mme Girard-Alexandre

Avocats :

Me Moisson, Me Bouchou

TJ Bobigny, du 29 juill. 2022, n° 21/088…

29 juillet 2022

Exposé du litige

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 5 août 2020, M. [Z] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] ont consenti à la SARL AIC Ile de France une promesse unilatérale de vente sous conditions suspensives notamment d'obtention d'un permis de construire pour la construction d' un ensemble immobilier à usage d'habitation d'une surface de plancher minimum de 4010 m², composé de logements à usage d'habitation dont l'assiette foncière se trouve être constituée d'un terrain sis à [Adresse 6].

L'acte stipule que le terme de la promesse, fixé au 29 octobre 2021 à 18 heures, sera prorogé notamment en cas d'attente d'une autorisation administrative en cours d'instruction et d'expiration de ses délais de recours, et que toutes prorogations confondues, la durée de la promesse ne saurait excéder au plus tard le 4 février 2022 à 18 heures.

La société AIC Ile de France a déposé un permis de construire auprès de la commune le 23 décembre 2020.

Par courrier recommandé distribué à la société AIC Ile de France le 14 janvier 2021, la commune lui a indiqué que le permis de construire était incomplet et l'a invitée à le compléter conformément à l'article R 423-19 du code de l'urbanisme dans un délai de trois mois à compter de la réception du courrier, soit au plus tard le 14 avril 2021.

Les documents en quatre exemplaires sollicités par la commune et rappelés dans la lettre distribuée le 14 janvier 2021 étaient :

- les informations relatives à la puissance électrique et à la surface,

- la fourniture de plans (masse, façade, toitures, document graphique),

- les photographies,

- l'attestation d'un architecte ou d'un expert,

- l'attestation de prise en compte de la règlementation thermique.

Par courrier du 29 avril 2021. la commune d'[Localité 5] a rappelé à la société AIC Ile de France la teneur de son courrier recommandé du 14 janvier 2021 et l'a informé que 'En date du 14 avril 2021, votre dossier n'a pas été complété et fait donc l'objet d'une décision tacite de rejet'.

La SARL AIC Ile de France en a informé les époux [L] par lettre du 1er juin 2021.

Par courrier du 9 juillet 2021, le conseil de M. et Mme [L] a mis en demeure la société AIC Ile de France de leur verser la somme de 45.000 € correspondant à l'indemnité d'immobi1isation.

Puis par acte du 8 septembre 2021, au visa des articles 1103, 1104, 1124 et 1304 du code civil, M. et Mme [L] ont assigné la société AIC Ile de France en paiement de la somme de 45.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation.

La SARL AIC Ile de France a opposé que la condition suspensive avait défailli sans qu'elle n'en soit fautive.

Par jugement du 29 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué ainsi :

- Condamne la SARL AIC Ile de France à payer à M.et Mme [L] la somme de 45.000€ à titre d'indemnité d'immobilisation,

- Condamne la SARL AIC Ile de France à payer à M. et Mme [L] la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SARL AIC Ile de France aux dépens.

La société AIC Ile de France a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 31 août 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 25 janvier 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 28 octobre 2022 par lesquelles la société AIC Ile de France, appelante, invite la cour à :

Sur le fondement des articles 1217 et 1304 et suivants du Code civil,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sté AIC Ile de France au paiement de la somme de 45.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation stipulée dans la promesse,

Le réformer en ce qu'il a condamné la STE AIC Ile de France au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens,

Statuant de nouveau,

Débouter les demandeurs de leurs prétentions.

Les condamner à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions en date du 10 janvier 2023 par lesquelles M. [Z] [L] et Mme [U] [F] épouse [L], intimés, invitent la cour à :

Vu les articles 1103, 1104, 1304-3 du Code civil,

DEBOUTER la société AIC Ile de France de toutes ses demandes, fins et prétentions,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 29 juillet 2022,

CONDAMNER la société AIC ILE DE France à verser à M. [Z] [L] et à Mme [U] [F] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société AIC Ile de France aux dépens de l'instance ;

Motivation

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur l'indemnité d'immobilisation

La société AIC Ile de France sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à verser l'indemnisation d'immobilisation au motif qu'elle n'avait pas déposé les pièces complémentaires du permis de construire sollicitées par la commune, en exposant qu'elle est parvenue au stade de l'appel à retrouver le justificatif de dépôt de ces pièces ;

M. et Mme [L] opposent qu'il est démontré que la société AIC Ile de France n'a pas déposé toutes les pièces complémentaires réclamées par la commune ;

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' ;

Aux termes de l'article 1104 du code civil, 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public' ;

Aux termes de l'article 1304-3 du même code, 'La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt' ;

En l'espèce, la promesse stipule en page 20 dans le paragraphe relatif à l'indemnité d'immobilisation 'En contrepartie de l'engagement du promettant de vendre et par conséquent de l'obligation pour lui de maintenir sa promesse et de ne pas vendre à autrui les biens objets des présentes jusqu'à la date ci-dessus fixée pour l'expiration des présentes, le bénéficiaire s'il ne demande pas la réalisation des présentes dans les délais, charges, conditions et obligations, le tout convenu aux présentes, alors que toutes les conditions (suspensives et essentielle et déterminante) se trouvaient réalisées et les obligations respectives des parties dûment remplies, devra au promettant une indemnité d'immobilisation fixée à la somme forfaitaire de 45.000 € soit 5% du prix de vente';

Le premier juge a exactement relevé que 'Il en résulte que l'indemnité d'immobilisation n'est acquise aux demandeurs que si l'ensemble des conditions suspensives de la promesse sont réalisées ou réputées l'être.

Il appartient au bénéficiaire de le promesse de prouver qu'il a accompli toutes les diligences nécessaires à la réalisation des conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente.

Dès lors, il incombe à la SARL AIC Ile de France de démontrer qu'elle a effectué toutes les diligences pour mettre en oeuvre les conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente.

Si elle en justifie, il appartient aux époux [L] de rapporter la preuve que la SARL AIC Ile de France a empêché l'accomplissement de la condition.

A la lecture de l'acte, la promesse était conditionnée par l'obtention d'un permis de construire pour la construction de 4010 m² de surface de plancher minimum de logement à usage d'habitation en accession libre à la propriété.

La demande de permis devait être déposée avant le 31 décembre 2020.

Le bénéficiaire de la promesse justifie avoir déposé le projet ayant fait l'objet de la demande de permis de construire le 23 décembre 2020, soit dans le délai contractuellement prévu.

Par lettre du 12 janvier 2021, la mairie l'a informé que sa demande de permis de construire était incomplète et lui a demandé des pièces complémentaires.

Le 29 avril 2021, les pièces n'étant pas parvenues, la mairie a informé la SARL AIC Ile de

France d'un rejet tacite de sa demande à compter du 14 avril 2021.

Or, ce rejet tacite montre que la SARL AIC Ile de France n'a pas effectué toutes les diligences pour mettre en oeuvre ladite condition suspensive stipulée dans la promesse de vente dans la mesure où elle n'a pas fourni les documents nécessaires à l'examen de sa demande par les autorites compétentes' ;

Il y a lieu d'ajouter que selon le courrier de la mairie du 7 juillet 2021 (pièce 4 AIC) et le mail du gérant de la société AIC Ile de France du 16 avril 2021 (pièce 14 AIC), la mairie confirme que le 14 avril 2021, la société AIC Ile de France a déposé 'des' pièces complémentaires ;

Toutefois dans son courriel du 18 août 2021 en réponse au conseil des époux [L] (pièce 7 [L]), la mairie précise 'A la date du 14 avril 2021, le pétitionnaire a déposé les pièces complémentaires à l'attention du service règlementation des constructions. Néanmoins les pièces suivantes étaient toujours manquantes ou insuffisantes :

PC 02 il manquait l'altimétrie des aménagements extérieurs,

PC05 les plans des pignons n'ont pas été fournis,

PC06 document graphique faisant apparaître le projet partiellement, sans montrer les constructions voisines,

PC 07 pièces insuffisantes.

Le dossier ne pouvait donc pas être considéré comme complet et a alors fait l'objet d'un rejet tacite en date du 15 avril 2021" ;

Il en résulte que la décision de rejet tacite a pour origine la défaillance de la société AIC Ile de France qui n'a pas déposé un dossier complet dans les délais fixés par la commune ;

La demande de permis de construire par la société AIC Ile de France n'a donc pas été faite aux conditions de la promesse ;

Au surplus, la société AIC Ile de France ne justifie pas avoir déposé une nouvelle demande d'autorisation d'urbanisme tel que la mairie le lui a proposé dans son courrier du 29 avril 2021 (pièce 3 [L]) ;

Ainsi la condition suspensive de permis de construire ayant défailli du fait de la société AIC Ile de France est réputée s'être réalisée, alors qu'il est constant qu'à la date d'expiration de la promesse le 4 février 2022, les autres conditions suspensives étaient remplies et que la vente n'a pas été conclue, les obligations découlant de la promesse sont exigibles ;

En conséquence, la société AIC Ile de France doit être condamnée à payer aux époux [L] le montant de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse ;

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL AIC Ile de France à payer à M.et Mme [L] la somme de 45.000 € à titre d'indemnité d'immobilisation ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société AIC Ile de France, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [L] la somme supplémentaire unique de 3.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société AIC Ile de France ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL AIC Ile de France aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [Z] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] la somme supplémentaire unique de 3.500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette la demande de la SARL AIC Ile de France au titre de l'article 700 du code de procédure civile.