CA Toulouse, 2e ch., 11 juin 2024, n° 22/02001
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Cofidis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Norguet, Mme Moulayes
Avocats :
Me Dagras, Me Hunault-Chedru, Me Poirier, Me Leboucher, Me Astie, Me Kainic Haussmann
Faits et procédure :
La Sasu NJCE exerce, sous l'enseigne Sibel Energie, une activité d'installation d'équipements thermiques et de climatisation.
Le 27 février 2017, [F] [V] a signé avec la Sasu NJCE un bon de commande pour l'installation d'une centrale aérovoltaïque d'une puissance de 7,2 kWc de 24 panneaux de récupération de chaleur solaire et un chauffe eau thermodynamique, pour un montant total de. 39 500 euros, en vue d'une revente totale de l'énergie produite avec date prévisionnelle des travaux au 27 mars 2017.
Le même jour, [F] [V] et son épouse [W] [V] ont signé avec la SA Codifis un crédit du même montant sur 144 mois, remboursable en 132 mensualités de 360,71 euros au taux fixe de 2,70% l'an.
Les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserves le 4 mars 2017 et les sommes ont été débloquées le 3 et 4 avril 2017. Le règlement de la Sasu NJCE par la Sa Cofidis est intervenu le 18 mai 2017. Le 30 mai 2017, la Sasu NJCE a émis une facture de 39 500 euros au nom de [F] [V].
Le 17 octobre 2018, un contrat d'achat d'énergie électrique a été régularisé entre [F] [V] et la Sa Enedis.
Par lettre recommandée du 28 novembre 2019 pour la Sa Cofidis et de date non connue pour la Sasu NJCE, les époux [V] dénonçaient la non conformité du bon de commande initial, l'absence d'autofinancement de l'installation, au surplus défaillante, et sollicitaient son démontage, la remise en état des lieux et la restitution des fonds.
Ils sollicitaient également copies de pièces auprès de la Sa Cofidis, laquelle les leur adressait le 5 février 2020, accompagnées d'un courrier refusant la restitution des fonds.
Respectivement, le 14 et le 15 septembre 2020, [F] et [W] [V] ont assigné la Sa Cofidis et la Sasu NJCE devant le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Castres aux fins de voir prononcée la nullité des contrats de vente et de prêt ou subsidiairement la résolution des deux contrats, la condamnation de la Sa Cofidis à leur rendre les sommes déjà versées et la condamnation de la Sasu NJCE à leur restituer le prix de vente ainsi qu'à acquitter les frais de remise en état de leur domicile.
Le 21 avril 2022, le Juge des contentieux de la protection a :
prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre [F] [V] et la Sasu NJCE le 27 février 2017,
constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit consenti par la Sa Cofidis à [F] et [W] [V] le 27 février 2017,
condamné la Sasu NJCE à payer à [F] et [W] [V] la somme de 7 491 euros au titre de la dépose de l'installation photovoltaïque et de la remise en état de la toiture de leur domicile situé [Adresse 2] (81),
condamné la Sasu NJCE à restituer à [F] et [W] [V] la somme de 39 500 euros,
condamné solidairement [F] et [W] [V] à restituer à la Sa Cofidis la somme de 39 500 euros dont à déduire par compensation les échéances du prêt N°289290000354795 et les frais déjà versés,
rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,
condamné in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis à payer à [F] et [W] [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis aux dépens de l'instance en ce non compris les montants des rapports de la Sas Technologies en date du 23 janvier 2020 et de la Sarl Autant Solaire en date du 2 septembre 2020,
écarté l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 25 février 2022, la Sasu NJCE a relevé appel du jugement du Juge des contentieux de la protection de Castres aux fins de le voir réformé en intégralité à l'exception du chef de dispositif ayant condamné solidairement [F] et [W] [V] à restituer à la Sa Cofidis la somme de 39 500 euros dont à déduire par compensation les échéances du prêt N°289290000354795 et les frais déjà versés.
Par voie de conclusions, les époux [V] et la Sa Cofidis ont formé appel incident de ce chef de dispositif.
L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 4 décembre 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 30 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sas NJCE sollicite, au visa des articles L 111-1 et suivants, L 221-5 et suivants du Code de la consommation, les articles 1182 et 1224 et suivants du Code civil et l'article 700 du Code de procédure civile :
l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre [F] [V] et la Sasu NJCE le 27 février 2017, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit consenti par la Sa Cofidis à [F] [V] et [W] [V] le 27 février 2017, condamné la Sasu NJCE à payer à [F] [V] et [W] [V] la somme de 7 491 euros au titre de la dépose de l'installation photovoltaïque (sic) et de la remise en état de la toiture de leur domicile situé [Adresse 2] (81), condamné la Sasu NJCE à restituer à [F] [V] la somme de 39 500 euros, condamné in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis à payer à [F] [V] et [W] [V] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du CPC, condamné in solidum la Sa Cofidis et la Sasu NJCE aux dépens de l'instance en ce non compris les montants des rapports de la Sas Technologies date du 23 janvier 2020 et de la Sarl Autan Solaire en date du 2 septembre 2020, débouté la Sasu NJCE de sa demande de condamnation des époux [V] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
statuant de nouveau, que soit constatée la validité du contrat conclu entre les époux [V] et la Sasu NJCE le 27 février 2017, et en tout état de cause, qu'il soit reconnu que les époux [V] ont entendu confirmer leur engagement à l'égard de la Sasu NJCE et en conséquence, les débouter de leur demande tendant à l'annulation du contrat de vente comme de leur demande subsidiaire tendant à la résolution dudit contrat,
plus généralement, le rejet de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
le rejet des demandes formulées à l'encontre de la Sasu NJCE par la Sa Cofidis,
la condamnation des époux [V] à verser à la Sasu NJCE la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit du cabinet ALTIJ.
En réponse, vu les conclusions N° 3 notifiées en date du 30 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles [F] [V] et [W] [V] demandent, au visa des articles L 111-1 s. et L. 221-1 s. et L. 312-48 s. et L. 242-1 du Code de la consommation (rédaction en vigueur au 1er juillet 2016) et les articles 1103 s. et 1224 s. du Code civil (rédaction postérieure au 1er octobre 2016) :
la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la Sasu NJCE et [F] [V] le 27 février 2017, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit consenti par la Sa Cofidis aux époux [V] le 27 février 2017, condamné la Sasu NJCE à payer aux époux [V] la somme de 7 491 euros au titre de la dépose de l'installation photovoltaïque et de la remise en état de la toiture de leur domicile,
l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sarl NJCE à restituer à [F] [V] la somme de 39 500 euros, condamné les époux [V] à restituer à la Sa Cofidis la somme de 39 500 euros dont à déduire par compensation les échéances du prêt et les frais déjà versés, rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
statuant à nouveau, la condamnation de la Sa Cofidis à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par Monsieur et Madame [V] au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 11 544,66 euros au 10 août 2020, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, priver la Sa Cofidis de fait de tout droit à remboursement contre Monsieur et Madame [V] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la Sasu NCJE,
à titre subsidiaire, que soit ordonnée la résolution du contrat de vente conclu entre la Sasu NJCE et les époux [V] et la résolution consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre les époux [V] et la Sa Cofidis,
Par conséquent, la condamnation de la Sa Cofidis à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par les époux [V] au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 11 544,66 euros au 10 août 2020, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
la privation de la Sa Cofidis à tout droit à remboursement contre les époux [V] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la Sasu NJCE,
si par extraordinaire, la faute du prêteur n'était pas retenue, la condamnation de la Sasu NJCE à restituer aux époux [V] la somme de 39 500 euros correspondant au montant du bon de commande,
la condamnation de la Sasu NJCE à prendre en charge le coût des travaux remise en état, soit la somme de 7 491 euros selon devis,
En toutes hypothèses, la condamnation solidaire de la Sasu NJCE et de la Sa Cofidis à payer aux époux [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens,
qu'il soit dit que sur le fondement de l'article R631-4 du Code de la Consommation, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à venir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en
application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 199%, devront être supportées par l'adversaire, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions N° 2 notifiées en date du 15 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sa Cofidis sollicite :
l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau, la condamnation solidaire de [F] [V] et [W] [V] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles,
à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité ou la résolution judiciaire des conventions, que soit infirmé le jugement sur les fautes de la Sa Cofidis et confirmé sur l'absence de préjudice et de lien de causalité ainsi qu'en ce qu'il a condamné solidairement les époux [V] à rembourser à la Sa Cofidis le capital emprunté d'un montant de 39 500 euros,
l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas assorti la condamnation des intérêts au taux légal,
statuant à nouveau, la condamnation solidaire de [F] [V] et [W] [V] à rembourser à la Sa Cofidis le capital emprunté d'un montant de 39 500 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées,
à titre plus subsidiaire, si la cour venait à dispenser [F] [V] et [W] [V] du remboursement du capital, la condamnation de la Sasu NJCE à payer à la Sa Cofidis la somme de 47 613,70 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la Sasu NJCE à payer et rembourser à la Sa Cofidis la somme de 39 500 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
en tout état de cause, la condamnation de la Sasu NJCE à relever et garantir la Sa Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de [F] [V] et [W] [V],
la condamnation de tout succombant à payer à la Sa Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
la condamnation de tout succombant aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la conformité du bon de commande initial aux dispositions du code de la consommation applicables à la date de signature
La Sasu NJCE conteste tout manquement aux dispositions du code de la consommation dans le bon de commande initial signé avec [F] [V], les seules imprécisions pouvant y être relevées n'étant pas suffisantes pour entraîner à elles-seules la nullité du contrat. De surcroît, si des manquements devaient y être relevés, elle soutient que les époux [V] ont ratifié les nullités potentielles en laissant s'exécuter, de manière continue et non équivoque, le contrat sans contestation et en en tirant des revenus d'une installation tout à fait fonctionnelle.
La Sa Cofidis s'associe à ce moyen en soutenant l'absence d'irrégularités dans le bon de commande litigieux et en mettant en avant la ratification postérieure de ces causes de nullité par les époux [V].
En réplique, les époux [V] soutiennent la nullité du contrat de vente conclu avec la Sasu NJCE du fait de l'irrespect des dispositions du code de la consommation relatives aux mentions devant figurer sur le bon de commande, et en l'espèce notamment quant aux caractéristiques essentielles du bien, le délai de livraison-exécution, la possibilité de recourir à un médiateur, le droit de rétractation, les garanties légales et la lisibilité des conditions générales.
Les époux [V] contestent toute ratification postérieure des nullités, indiquant n'avoir eu ni connaissance des vices, ni volonté de les réparer.
Le contrat de prestations de services, de livraison et d'installation de bien querellé doit être considéré comme un contrat de vente.
S'agissant d'un contrat hors établissement au sens de l'article L.221-1 du code de la consommation, les dispositions des articles mentionnés ci-après lui sont applicables, l'ensemble des articles du code de la consommation cités étant pris dans leur version applicable au 27 février 2017.
- sur les mentions obligatoires du bon de commande initial :
Aux termes des articles L.221-8 et L.221-9 du code de la consommation, dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5 Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible. le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. [..] Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
L'article L 242-1 dudit code énonce que les dispositions de l'article L 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En application de l'article L 221-5 alinéas 1 et 2 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, et notamment sa présentation et les mentions qu'il doit contenir, sont fixées par décret en conseil d'Etat. Le détail de sa présentation et des mentions requises figure notamment dans les annexes des articles R221-1 et R221-3 du code de la consommation.
Les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 sont notamment relatives aux caractéristiques essentielles du bien, la date de livraison-exécution, les garanties légales et le recours au médiateur.
Aux termes des articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, et L.111-1, 3°, du code de la consommation, le contrat doit mentionner à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
Selon l'article L221-7 du même code, la charge de la preuve du respect de ces prescriptions pèse sur le professionnel. Ces dispositions sont d'ordre public selon l'article L 221-29.
En l'espèce, la Sasu NJCE affirme que seules les informations sur les caractéristiques essentielles du produit, permettant sa comparaison avec les autres produits du marché, doivent être portées à la connaissance du consommateur, ce qu'elle a fait en l'espèce, le bon de commande initial indiquant la référence des panneaux et leur nombre, la puissance globale de l'installation, le mode de raccordement choisi ainsi que l'ensemble des caractéristiques techniques relatives aux panneaux, à l'onduleur et au coffret AC/DC. Elle conteste que le poids, la taille, la dimension des panneaux fassent partie des informations qu'il lui appartenait de délivrer à [F] [V].
Les époux [V] soutiennent que le bon de commande initial ne les a pas renseignés sur la marque exacte de l'onduleur, le nombre de bouches d'insufflation ainsi que la puissance des panneaux, leur poids, taille et dimensions mais également sur le délai de livraison des travaux, seule une date prévisionnelle globale un mois après ayant été indiquée, qu'il y manque les informations sur les garanties, la possibilité de recourir à un médiateur en cas de litige, ainsi qu'un formulaire de rétractation conforme, comportant les mentions adéquates, et enfin qu'il contient des conditions générales de vente illisibles et inaccessibles.
L'examen du bon de commande initial produit au dossier permet de constater qu'il vise des articles du code de la consommation abrogés depuis le 1er juillet 2016 alors qu'il a été signé le 27 février 2017.
Il ne contient manifestement pas toutes les informations requises sur les caractéristiques essentielles des biens livrés et installés que sont, s'agissant de l'installation sur une toiture de panneaux aérovoltaïques, leur taille, leur poids, les conditions de leur installation, la marque exacte de l'onduleur et sa puissance, les conditions d'obtention du consuel et de raccordement au réseau Enedis, étant rappelé que la Sasu NJCE se chargeait de ces démarches. Il sera ainsi utilement relevé qu'il a finalement été posé des micro-onduleurs d'une autre marque que l'onduleur prévu au contrat.
Si un bon de rétractation figure dans le bon de commande, il vise un article abrogé du code de la consommation, n'est pas conforme à l'annexe de l'article D221-1 du même code et le point de départ ainsi que la computation du délai sont erronés, dans un sens défavorable au consommateur.
Le délai de livraison global mentionné dans le bon de commande, en ne distinguant pas entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est engagé, notamment toutes les démarches administratives et de raccordement, ne permettait pas à [F] [V] de déterminer de manière suffisamment précise à quelle date le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations et à quelle date l'installation aérovoltaïque serait mise en fonctionnement. Le raccordement à Enedis n'interviendra d'ailleurs qu'un an après la réception des travaux qui a été faite le 4 mars 2017.
Les éléments éludés étaient assurément indispensables pour permettre le choix éclairé de [F] [V], ouvrier granitier et simple consommateur, quant à la réalisation sur son propre domicile d'un investissement aussi complexe ainsi que pour le renseigner sur l'étendue de ses droits dans le cadre d'une telle opération.
Sans qu'il soit besoin de suivre plus avant les parties dans le détail de leur argumentation, il est donc reconnu que le bon de commande signé le 27 février 2017 ne respectait pas la législation en vigueur applicable au démarchage à domicile à sa date de conclusion.
- sur la ratification des nullités par l'usage continu et non équivoque du matériel
La Sasu NJCE oppose aux époux [V], par application des dispositions de l'article 1338 du code civil, leur ratification postérieure des nullités par l'usage continu et non équivoque de l'installation, parfaitement fonctionnelle.
La Sa Cofidis s'associe à ce moyen en soulignant l'absence de réserves à la réception des travaux.
Les époux [V] contestent toute ratification postérieure des nullités, indiquant n'avoir eu ni connaissance des vices, ni volonté de les réparer.
Il a été récemment jugé que la reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance. (Cf 1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.115).
La cour rappelle au surplus que les articles du code de la consommation visés dans le bon de commande initial ne sont pas ceux qui étaient applicables au jour de sa signature de sorte que les époux [V] ne pouvaient d'eux mêmes, à la seule lecture du document, se convaincre des vices l'affectant.
Aucun autre élément ne permettant à la cour de déterminer une connaissance spécifique par les époux [V], respectivement ouvrier granitier et auxiliaire de vie sociale, des vices affectant le bon de commande initial avant leur dénonciation par courriers recommandés puis par assignation initiale et encore moins leur volonté de réparer lesdits vices, la confirmation de l'acte par ratification postérieure sera écartée.
Dès lors, le jugement de première instance ayant justement constaté la nullité du contrat de vente conclu entre [F] [V] et la Sasu NJCE sera confirmé.
Il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner les moyens soutenus par les parties au soutien subsidiairement de la résolution judiciaire du contrat.
Sur la nullité subséquente du contrat de prêt affecté
Les époux [V] demandent, en application des dispositions de l'article L312-55 du code de la consommation disposant que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, que la constatation de la nullité du contrat de vente initial entraîne par voie de conséquence l'annulation du contrat de crédit affecté, conclu de manière accessoire au premier.
La Sa Cofidis s'oppose à ce que le contrat de prêt affecté puisse être annulé en conséquence de l'annulation du contrat de vente initial et en cas d'annulation, conteste devoir restituer les échéances de prêt déjà acquittées aux époux [V].
L'interdépendance du contrat de crédit affecté signé par [F] et [W] [V] avec le contrat de vente-livraison-installation des panneaux aérovoltaïques et du ballon thermodynamique conclu le même jour entraîne automatiquement, du fait de la nullité du second, la nullité subséquente du premier.
Le jugement de première instance sera également confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité subséquente du contrat de prêt affecté accessoire.
Des conséquences du prononcé de la nullité des deux contrats et la responsabilité contractuelle de la banque
La nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté impose de remettre les parties dans l'état qui était le leur avant leur conclusion. Les contrats ayant été partiellement ou totalement exécutés, chacun doit donc restituer ce qu'il a reçu.
En conséquence, [F] [V] doit ainsi restituer l'intégralité du matériel installé à son domicile à la Sasu NJCE, qui doit lui rendre en retour les 39 500 euros perçus au titre de la restitution du prix de vente.
Comme le soutient justement la Sasu NJCE, étant en capacité d'opérer elle même la dépose des panneaux et du ballon thermodynamique et la remise en état des lieux au domicile des époux [V], il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de voir ces travaux effectués par une autre entreprise et leur coût pris en charge par l'appelante.
Dès lors, la Sasu NJCE sera condamnée à venir récupérer à ses frais le matériel installé, panneaux aérovoltaïques et ballon thermodynamique, au domicile des époux [V] qui devront le lui laisser à disposition pendant une période de 4 mois à compter de la signification du présent arrêt, à l'issue de laquelle, en l'absence d'intervention de la Sasu NJCE, ils pourront en disposer comme ils l'entendent.
La Sasu NJCE sera également condamnée à remettre, à ses frais, le domicile des époux [V] dans l'état où il se trouvait avant l'installation des panneaux aérovoltaïques et du ballon thermodynamique.
[F] et [W] [V] doivent également reverser à la Sa Cofidis le solde du capital emprunté, déduction faite de la part du capital versé dans les échéances acquittées jusqu'au 1er août 2020, tandis que cette dernière doit pour sa part leur faire retour de la part des intérêts comprise dans les échéances du prêt déjà acquittées jusqu'à cette date.
L'examen du tableau d'amortissement produit permet de fixer à la somme de 27 849,08 euros le capital à restituer par les époux [V] à la Sa Cofidis, celle-ci devant, pour sa part, leur rendre la somme de 3 313,65 euros au titre de la part des intérêts comprise dans les échéances du prêt acquittées par ceux-ci au 1er août 2020, à parfaire du complément correspondant aux surplus d'échéances effectivement réglées au jour de signification du présent arrêt.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 39 500 euros le montant du capital à restituer par les époux [V] et en ce qu'il n'a pas condamné la Sa Cofidis a restituer la part d'intérêts comprise dans les échéances du prêt acquittées par ceux-ci au 1er août 2020.
Pour s'opposer à leur condamnation à devoir reverser à la Sa Cofidis le solde du capital restant dû déduction faite de la part du capital comprise dans les échéances déjà acquittées au 1er août 2020, [F] et [W] [V] soutiennent sa faute contractuelle dans le déblocage des fonds, opéré avant l'achèvement des travaux et malgré les irrégularités apparentes du bon de commande, soutenant en conséquence de cela la privation de la Sa Cofidis de son droit au remboursement du capital.
En réplique, la Sa Cofidis conteste toute faute dans le déblocage des fonds en produisant les attestations de livraison des travaux préalables à celui-ci et en mettant en avant l'absence de démonstration par les époux [V] de leur préjudice, ceux-ci pouvant récupérer les fonds auprès de l'entreprise vendeuse, in bonis, et disposant d'une installation fonctionnelle et rentable. Elle souligne l'absence de lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes reprochées.
L'emprunteur est tenu de restituer le capital emprunté en cas de nullité du contrat de prêt, même si celui-ci a été versé directement entre les mains du vendeur, sauf dans le cas où une faute peut être retenue à l'encontre du prêteur qu'il incombe à l'emprunteur de démontrer.
Il est de jurisprudence constante qu'il y a faute lorsque le prêteur ne s'est pas assuré de l'exécution complète du contrat principal, notamment par les mentions portées sur l'attestation de livraison, ou quand il ne s'est pas assuré de ce que le contrat principal était bien conforme à la législation en vigueur sur le démarchage à domicile, avant de débloquer les fonds.
Même dans l'hypothèse où une faute peut-être caractérisée, l'emprunteur peut demeurer tenu de restituer le capital s'il n'a subi aucun préjudice ou si le préjudice subi ne découle pas de la faute de l'organisme prêteur.
En l'espèce, le bon de commande initial comportait de nombreuses irrégularités par rapport à la législation en vigueur.
De même, le procès-verbal de réception des travaux signé le 4 mars 2017 devait alerter la Sa Cofidis avant le déblocage des fonds, réalisé par ses soins le 3 avril 2017, en raison du court laps de temps séparant la signature du bon de commande initial du 27 février 2017 de l'affirmation que l'ensemble des travaux avaient bien été réalisés et reçus sans réserves alors même qu'aucune mention n'était portée quant à l'état d'avancement des démarches d'obtention du consuel et de raccordement au réseau Enedis, que la Sasu NJCE avaient pourtant à sa charge et qui constituaient des conditions impératives à la mise en marche de l'installation aérovoltaïque et à la vérification de son caractère conforme et fonctionnel. Cela constituait une anomalie flagrante devant attirer l'attention du prêteur, ce d'autant plus que le bon de commande initial, qui prévoyait bien ces différentes étapes, ne distinguait pas de phases successives de chantier pour leur réalisation dans le court délai global de livraison indiqué.
En revanche, rien dans le dossier ne permet d'affirmer que le vendeur a agi au cas précis comme mandataire de l'organisme prêteur de sorte que celui-ci ne peut se voir privé de la restitution du capital en raison des fautes reprochées à la Sasu NJCE.
Les époux [V] caractérisent bien la faute contractuelle de la Sa Cofidis par manquements à ses propres obligations de contrôle avant le déblocage des fonds.
Ils mettent en avant leur préjudice comme découlant du paiement d'échéances de prêt en lien une installation aérovoltaïque et un ballon thermodynamique non fonctionnels, ayant généré des désordres ainsi que par la condamnation à venir au remboursement du capital au prêteur alors qu'ils n'ont pas de certitude de récupérer la même somme auprès de la Sasu NJCE qui a perçu les fonds débloqués.
S'il ne peut être présumé à ce stade d'une absence d'exécution de sa condamnation en paiement par la Sasu NJCE, alors qu'elle est in bonis, la réalité du préjudice des époux [V] est établi par l'acquittement d'une charge financière indue pour une installation non fonctionnelle et le lien de causalité avec la faute commise par la Sa Codifis, sans laquelle le versement des fonds à la Sasu NJCE ne serait pas intervenu, l'est également.
La Sa Cofidis est donc déchue de son droit au remboursement du capital.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande des époux [V] visant à voir la Sa Cofidis privée de son droit au remboursement du capital.
Sur la demande de la Sa Cofidis d'être relevée et garantie par la Sasu NJCE en cas de dispense de restitution du capital par les emprunteurs
La Sa Cofidis demande à se voir relever et garantir par la Sasu NJCE en cas de dispense de restitution du capital par les emprunteurs.
Au soutien de cette demande, elle vise l'article 6 de la convention de crédit vendeur passée avec la Sasu NJCE et, à défaut, soutient la responsabilité délictuelle de celle-ci à son encontre du fait des irrégularités présentes dans le bon de commande initial.
La Sasu NJCE n'oppose aucun argument à ces demandes.
La dispense de remboursement du capital prêté à la Sa Cofidis ne découle pas de la constatation des irrégularités du bon de commande initial ou de la mauvaise exécution de ses prestations d'installation par la Sasu NJCE mais de la propre faute de la prêteuse dans le déblocage des fonds malgré les irrégularités figurant dans le bon de commande initial et sans s'être assurée de l'exécution complète des travaux. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la Sa Cofidis d'être relevée et garantie par la Sasu NJCE du préjudice découlant pour elle de la dispense de remboursement du capital par les époux [V]. La demande est rejetée.
Sur la déchéance de la Sa Cofidis de son droit aux intérêts et pénalités
Enfin, les époux [V] mettent en avant l'absence d'information précontractuelle et de mise en garde contre les risques d'endettement de l'organisme de crédit, pour solliciter la déchéance de la Sa Cofidis de son droit aux intérêts et pénalités en raison de l'octroi d'un crédit abusif.
La cour ayant prononcé la nullité du contrat de crédit affecté, la présente demande est sans objet et sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles,
La Sasu NJCE et la Sa Cofidis, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel supportés entre elles à parts égales,
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre [F] [V] et la Sasu NJCE le 27 février 2017, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit consenti par la Sa Cofidis à [F] et [W] [V] le 27 février 2017, condamné la Sasu NJCE à restituer à [F] et [W] [V] la somme de 39 500 euros, rejeté les demandes des époux [V] visant à voir la Sa Cofidis privée de son droit aux intérêts et pénalités, condamné in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis à payer à [F] et [W] [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis aux dépens de l'instance en ce non compris les montants des rapports de la Sas Technologies en date du 23 janvier 2020 et de la Sarl Autant Solaire en date du 2 septembre 2020,
Infirme le jugement entrepris pour le surplus, et quant au quantum du capital à restituer par les époux [V] à la Sa Cofidis,
Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Sasu NJCE à procéder, à ses frais, au démontage et à l'enlèvement des panneaux aérovoltaïques et du ballon thermodynamique posés chez [F] [V] dans un délai de 4 (quatre) mois à compter de la signification de la présente décision, avec délai de prévenance des époux [V] d'au moins 15 jours avant intervention, et à remettre les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient avant l'installation desdits matériels,
Dit qu'en l'absence de toute intervention et du retrait des matériels par la Sasu NJCE dans le délai ci-dessus prévu, [F] et [W] [V] seront libres d'en disposer comme ils le souhaitent,
Dit la Sa Cofidis privée de son droit à restitution du capital emprunté minoré de la part de capital comprise dans les échéances versées par [F] et [W] [V] au 1er août 2020,
Condamne la Sa Cofidis à verser à [F] et [W] [V] la somme de 3 313,65 euros au titre de la part des intérêts dans les échéances du prêt affecté acquittées par ceux-ci au 1er août 2020, à parfaire du complément correspondant aux surplus d'échéances effectivement réglées au jour de signification de la présente décision,
Déboute la Sa Cofidis de sa demande d'être relevée et garantie par la Sasu NJCE en cas de dispense de remboursement du capital emprunté minoré de la part de capital comprise dans les échéances versées au 1er août 2020 de [F] et [W] [V],
Condamne in solidum la Sasu NJCE et la Sa Cofidis aux dépens d'appel supportés entre elles à parts égales,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.