CA Rennes, 2e ch., 11 juin 2024, n° 21/08027
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), Athena (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseillers :
M. Pothier, Mme Barthe-Nari
Avocats :
Me Chaudet, Me Rouland, Me Castres, Me Reinhard
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 22 novembre 2018, M. [I] [J] a commandé à la société SVH énergie la pose et la fourniture d'une installation photovoltaïque et d'une pompe à chaleur pour un coût de 31 281euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un prêt auprès de la société BNP Paribas personal finance (la banque).
Suivant acte d'huissier du 21 mai 2021, M. [I] [J] a assigné la société SVH énergie et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Suivant jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SVH énergie. La société Athéna a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant jugement du 16 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix a :
- Débouté M. [I] [J] de ses demandes,
- Condamné M. [I] [J] aux dépens.
Suivant déclaration du 27 décembre 2021, M. [I] [J] a interjeté appel.
M. [I] [J] a remis des conclusions au greffe le 29 janvier 2024. Elles sont irrecevables comme postérieures à l'ordonnance de clôture.
En ses dernières conclusions du 13 septembre 2022 avant clôture, M. [I] [J] demandait à la cour de :
Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 121-17 1°, L. 312-48 et R. 111-12 du code de la consommation,
Vu les articles 1182, 1217 et suivants et 1225 du code civil,
- Infirmer le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
- Prononcer à titre principal la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit.
- Prononcer à titre subsidiaire leur annulation.
En conséquence,
A titre principal,
- Dire qu'il ne serait pas tenu de rembourser à la banque la somme de 31 281 euros avec intérêts.
- La condamner à lui restituer les sommes prélevées sur son compte bancaire avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
A titre subsidiaire,
- Dire qu'il devrait restituer à la banque la somme de 7 820,25 euros, déduction faite des sommes déjà versées, et en cas de trop perçu, dire que la banque devrait le rembourser.
En tout état de cause,
- Dire qu'il devrait tenir à disposition de la société Athéna ès qualités les matériels vendus durant un délai de deux mois et que passé ce délai, il pourrait en disposer comme bon lui semblerait.
- Condamner la banque à lui payer la somme de 4 000 euros en application de 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux dépens.
En ses dernières conclusions du 26 décembre 2023, la société BNP Paribas demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré.
Subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution des contrats,
- Débouter M. [I] [J] de ses demandes visant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté.
- Le condamner à lui payer la somme de 31 281 euros correspondant au montant du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds.
- Dire qu'elle devra lui restituer les échéances perçues après justification de la restitution au Trésor public des crédits d'impôt perçus.
- Débouter M. [I] [J] de toute autre demande.
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 31 281 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de garantie.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 31 281 euros.
Plus subsidiairement,
- Condamner la société SVH énergie à lui payer la somme de 31 281 euros correspondant au montant du capital prêté à titre de dommages et intérêts.
- Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie à titre chirographaire à la somme de 31 281 euros.
En tout état de cause,
- Condamner M. [I] [J] à lui payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamner aux dépens.
La société Athéna n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de résolution des contrats.
M. [I] [J] demande la résolution du contrat de vente au motif que la société SVH énergie se serait engagée à ce qu'il soit énergétiquement indépendant et que tel ne serait pas le cas.
La banque fait valoir que le vendeur n'a pris aucun engagement contractuel en termes d'indépendance énergétique.
Il ne ressort pas des documents produits aux débats que le vendeur se serait engagé à ce que l'installation garantisse l'indépendance énergétique de M. [I] [J]. Si la présentation des matériels est flatteuse, en ce qu'ils devaient permettre d'emprunter « la voie de l'indépendance énergétique », il est indiqué que l'économie représenterait au mieux 40 % de la consommation d'énergie pour le chauffage.
Dès lors, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a débouté M. [I] [J] de sa demande de résolution du contrat de vente et consécutivement du contrat de prêt puisqu'il n'est pas justifié d'un manquement suffisamment grave pour justifier une telle résolution.
Sur la demande de nullité des contrats.
M. [I] [J] reproche au premier juge d'avoir considéré que le bon de commande était régulier alors que des informations sont manquantes à savoir le tarif individuel de chaque matériel et le coût de la main d''uvre, la marque, le modèle et les caractéristiques techniques de la pompe à chaleur, les délais d'exécution des services, le numéro de TVA du vendeur, la mention du droit de recourir au médiateur de la consommation, ses coordonnées et son site internet.
La banque prétend que le bon de commande est régulier.
Aux termes des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement devaient faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire était remis au client comportant notamment, à peine de nullité, les informations portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, sur le prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, sur la date ou le délai auquel le professionnel s'engageait à délivrer le bien ou à exécuter le service, les informations relatives à l'identité du vendeur, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, s'il était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 du code général des impôts, son numéro individuel d'identification, cette information pouvant être mise à disposition, et les information portant sur la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
Concernant le coût des différents biens et prestations, il ne résulte pas des dispositions précitées que le coût unitaire de chaque élément doive être indiqué, le prix global de l'installation étant suffisant.
Le bon de commande précise que la pompe à chaleur sera de marque GSE. M. [I] [J] a indiqué, en signant le bon de commande, rester en possession d'une plaquette commerciale reprenant le descriptif précis des packs souscrits. Il n'est pas allégué qu'il aurait formulé des réserves sur le matériel livré et installé quand il a signé le 13 mars 2019 l'attestation de fin de travaux.
Les coordonnées du médiateur de la consommation dont la société SVH énergie relevait sont indiquées en l'occurrence celles de la Commission paritaire de médiation de la vente directe. Il convient de rappeler que le professionnel est libre du choix de son médiateur à condition qu'il soit référencé par la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, ce qui est le cas en l'espèce.
En revanche, il est exact que le bon de commande, s'il précise le délai de livraison des produits, ne précise pas leur délai d'installation.
Il n'est pas plus justifié que la société SVH énergie a communiqué ou mis à disposition les informations relatives à son numéro de TVA.
La banque soutient que ces irrégularités, qui ne sont sanctionnées que par une nullité relative, ont été, conformément à l'article 1338 devenu 1182 du code civil, confirmées par M. [I] [J] qui a renoncé en connaissance de cause à les invoquer en exécutant volontairement le contrat quand le bon de commande reproduisait les dispositions du code de la consommation relatives aux mentions obligatoires devant y figurer.
La reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.
Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion des contrats, M. [I] [J] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur, ne suffisent pas à caractériser qu'il a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et manifesté la volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de prononcer la nullité du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de prêt en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
M. [I] [J] soutient qu'il ne peut être tenu à aucune restitution quand la banque ne démontre pas qu'elle a payé le vendeur.
L'historique du compte permet cependant de constater que les fonds ont été remis au vendeur le 14 mars 2019.
M. [I] [J] soutient par ailleurs que la banque a commis des fautes de nature à la priver de sa créance de restitution. Il indique qu'elle n'a pas vérifié la régularité du bon de commande et qu'elle a procédé au déblocage des fonds sans s'assurer de la réalisation des prestations promises.
La banque soutient de son côté qu'elle n'a pas commis de faute de nature à la priver de sa créance de restitution. Elle fait valoir que le bon de commande était régulier ou avait du moins une apparence de régularité et qu'elle a débloqué les fonds avec l'autorisation expresse de l'emprunteur qui a signé l'attestation de fin de travaux.
La banque n'a pas commis de faute en libérant les fonds au vu d'une attestation de fin de travaux qui lui permettait de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. M. [I] [J] a en effet régularisé une attestation de fin de travaux le 13 mars 2019 et sollicité le déblocage des fonds au profit du vendeur.
En revanche, la simple lecture du contrat de vente aurait dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit affecté, à ne libérer les fonds entre les mains du vendeur qu'après avoir, à tout le moins, vérifié auprès de l'emprunteur qu'il entendait confirmer un acte dont la validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation. La banque n'avait certes pas à assister M. [I] [J] lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal mais il lui appartenait néanmoins de relever les irrégularités apparentes du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Il en résulte qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle du contrat principal, la banque a commis une faute.
La faute du prêteur qui se dessaisit des fonds prêtés alors même qu'en sa qualité de professionnel du crédit, il ne pouvait ignorer l'irrégularité du bon de commande et l'existence d'une cause de nullité, ne saurait faire échec à la restitution des sommes prêtées en capital qu'autant que l'emprunteur établisse avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
La banque fait valoir à juste titre que la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur. Or, M. [I] [J] ne caractérise nullement l'existence d'un préjudice né et actuel en lien causal avec la faute du prêteur alors qu'il reste en possession d'une installation opérationnelle.
L'obligation à restitution réciproque résultant de l'annulation du contrat de prêt, la banque sera déboutée de ses demandes tendant à subordonner son obligation à restitution des échéances payées à des justifications de remboursement auquel M. [I] [J] pourrait être tenue envers des tiers.
M. [I] [J] sera condamné à payer à la banque la somme de 31 281euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, date à laquelle la demande en paiement a été formulée devant le premier juge, sous déduction du montant des échéances payées.
La demande de M. [I] [J] tendant à être autorisé à disposer des biens vendus après l'expiration d'un délai de deux mois en l'absence de demande particulière de la société Athéna se heurte au droit de propriété du vendeur redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat. Il ne saurait y être fait droit.
Par application de l'article L. 312-56 du code de la consommation, lorsque l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut à la demande du prêteur être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt sans préjudice de dommages-intérêts vis à vis du prêteur et de l'emprunteur.
L'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté étant survenue du fait du vendeur, il convient, puisque la banque en fait la demande expresse, de dire que la société SVH énergie sera tenue de garantir M. [I] [J] de sa condamnation à rembourser le capital emprunté. Il y a lieu de fixer la créance de la banque au passif de la société SVH énergie à hauteur de la somme de 31 281 euros.
La banque sera condamnée à payer à M. [I] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La banque, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevables les conclusions de M. [I] [J] du 29 janvier 2024.
Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Morlaix.
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 22 novembre 2018 entre la société SVH énergie et M. [I] [J]
Constate la nullité du contrat de prêt conclu le 22 novembre 2018 entre la société BNP Paribas personal finance et M. [I] [J].
Condamne M. [I] [J] à restituer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 31 281 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021, sous déduction du montant des échéances payées.
Dit que la société BNP Paribas personal finance est fondée à obtenir la garantie de la société SVH énergie au titre de la restitution des sommes prêtées à M. [I] [J].
Fixe en conséquence à la somme de 31 281 euros la créance de garantie de la société BNP Paribas personal finance devant être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH énergie.
Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à M. [I] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.