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CA Amiens, 1re ch. civ., 11 juin 2024, n° 22/04481

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 22/04481

10 juin 2024

DECISION :

Le 3 octobre 2017, M. [G] a conclu hors établissement avec la société France Pac Environnement un contrat de fourniture, d'installation et de mise en service de douze panneaux photovoltaïques incluant des travaux d'isolation de la sous-toiture et de rénovation de la toiture, au prix de 24 600 euros, financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Franfinance.

M. [G] a procédé au remboursement anticipé du crédit le 11 avril 2018.

Par jugement du 15 septembre 2021, la société France Pac Environnement a été mise en liquidation judiciaire et la société S21Y a été désignée en qualité de liquidateur.

M. [G] a effectué une déclaration de créance le 25 novembre 2021.

Par actes des 30 décembre 2021 et 4 janvier 2022, M. [G] a fait assigner la société S21Y, ès qualités et la société Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Abbeville pour obtenir à titre principal l'annulation et subsidiairement la résolution des contrats, la fixation au passif de la première d'une créance d'un montant de 24 600 euros et la condamnation de la seconde à lui payer la même somme à titre de dommages-intérêts, outre diverses sommes à titre de restitution des intérêts versés, des frais d'assurance liés au crédit et de l'indemnité de remboursement anticipé.

Par jugement du 26 août 2022, le juge des contentieux de la protection a :

- ordonné l'annulation du bon de commande n°26204 conclu le 3 octobre 2017 entre d'une part M. [G], d'autre part la société France Pac Environnement emportant annulation du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. [G] et la société Franfinance et leur anéantissement rétroactif,

- dit que M. [G] devra laisser le matériel à la disposition de la société S21Y, ès qualités, laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais, frais de dépose et remise en état inclus,

- jugé que les fautes commises par la société Franfinance la privent de sa créance de restitution par M. [G] du capital prêté,

- condamné la société Franfinance à payer à M. [G] la somme de 24 600 euros correspondant à l'intégralité du capital emprunté, remboursé par anticipation et la somme de 512,22 euros correspondant aux frais financiers payés en plus du capital emprunté,

- fixé au passif de la société France Pac Environnement la créance d'un montant de 24 600 euros de la société Franfinance,

- condamné in solidum la société Franfinance et la société S21Y, ès qualités, aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise ordonnés par le tribunal judiciaire d'Amiens suivant ordonnance du 26 juin 2019,

- condamné in solidum la société Franfinance et la société S21Y, ès qualités, au paiement d'une somme de 2 500 euros à M. [G] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 30 septembre 2022, la société Franfinance a fait appel de tous les chefs du jugement.

Par ordonnance du 25 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de la société Franfinance dans les seuls rapports de celle-ci avec la société S21Y, ès qualités, dit que l'instance se poursuit dans les seuls rapports entre la société Franfinance et M. [G], et dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond.

L'ordonnnance de clôture a été prononcée le 7 février 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 2 novembre 2023, la société Franfinance demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement,

- débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes tant de nullité de contrat qu'indemnitaires,

A titre subsidiaire, en cas d'annulation du contrat,

- inscrire au passif de la société France Pac Environnement la somme de 24 600 euros au titre de sa créance en garantie du remboursement du capital prêté et déclarer qu'elle sera tenue de garantir la société Franfinance du montant intégral des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de constat d'une faute de Franfinance,

- déclarer qu'elle ne saurait être privée de sa créance de restitution compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour M. [G],

En tout état de cause,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 7 février 2023, M. [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner in solidum la société S21Y, ès qualités, et la société Franfinance à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société S21Y, ès qualités, et la société Franfinance aux dépens d'appel.

MOTIVATION

1. Sur la demande d'annulation du contrat principal

La société Franfinance soutient que le bon de commande n°26204, qui correspond au contrat conclu entre les parties, est régulier, en ce qu'il mentionne le prix global des prestations et comporte un bordereau de rétractation conforme aux dispositions de l'article L. 221-5 2° du code de la consommation.

M. [G] réplique que le bon de commande n°26204 ne comporte pas la marque des panneaux solaires, ni le prix unitaire des différentes prestations, et que le bordereau de rétractation n'a pas été fourni par la société France Pac Environnement.

Sur ce, selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement , sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. A peine de nullité prévue à l'article L. 242-1 du même code, il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

En l'espèce, les exemplaires du bon de commande n°26204 respectivement fournis par M. [G] et par la société Franfinance ne comportent pas de formulaire type de rétractation.

C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé l'annulation du contrat principal.

Le jugement est confirmé.

2. Sur la demande d'annulation du contrat de crédit affecté

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le contrat principal étant nul, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté.

Le jugement est confirmé.

3. Sur la demande d'indemnisation formée contre la banque

La société Franfinance soutient qu'elle n'a pas commis de faute et que le préjudice subi par M. [G] est en lien causal avec la liquidation de la société venderesse, ce dont la banque n'a pas à assumer les conséquences.

M. [G] réplique que la société Franfinance a commis une faute, en ne s'assurant pas de la régularité du contrat et de la complète exécution des prestations. Il expose avoir subi un préjudice puisqu'il a dû assumer le coût financier du prêt alors que les prestations n'ont pas été exécutées ou l'ont mal été, l'opération n'était pas rentable, alors que la société France Pac Environnement vantait de hauts rendements, et qu'il a été privé du bénéfice d'une mise en oeuvre possible de l'exception d'inexécution ainsi que des dispositions protectrices du droit de la consommation.

Sur ce, il résulte des articles 1178 et 1240 du code civil que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute ( 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).

La faute de la société Franfinance est établie, puisqu'elle ne s'est pas assurée de la régularité du contrat principal, lequel ne comportait pas de formulaire type de rétractation.

Le préjudice de M. [G] est tout aussi réel, puisque l'expert judiciaire a conclu à de nombreuses non-conformités de l'installation des prestations commandées. Il a, par ailleurs, été privé de la possibilité effective d'exercer son droit de rétractation ou d'invoquer une exception d'inexécution.

Cependant, l'annulation du contrat principal a conduit à la condamnation de la venderesse à la restitution du prix. Si l'exécution de cette condamnation reste incertaine, compte tenu de la mise en liquidation de la société France Pac Environnement, ce défaut d'exécution éventuel n'est pas en lien causal avec la faute du prêteur.

Celle-ci a, en revanche, occasionné des frais supplémentaires pour M. [G] qui s'élèvent à la somme de 512,22 euros correspondant aux frais financiers payés en plus du capital emprunté.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a privé la société Franfinance de la restitution du capital emprunté, mais confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [G] la somme de 512,22 euros correspondant aux frais financiers payés en plus du capital emprunté.

La demande en garantie de la société Franfinance envers la société S21Y, ès qualités, sera déclarée irrecevable, la déclaration d'appel de la première ayant été définitivement déclarée caduque dans ses rapports avec la seconde par le conseiller de la mise en état.

4. Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante en cause d'appel, la société Franfinance sera condamnée aux dépens d'appel, à payer à M. [G] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande en garantie de la société Franfinance envers la société S21Y ès qualités,

Confirme le jugement, dans les limites de la dévolution, en ses dispositions critiquées, sauf en ce qu'il a condamné la société Franfinance à payer à M. [G] la somme de 24 600 euros correspondant à l'intégralité du capital emprunté,

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Rejette cette demande,

Y ajoutant :

Condamne la société Franfinance aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Franfinance à payer à M. [Y] [G] la somme de 4 000 euros.