CA Versailles, ch. civ. 1-2, 11 juin 2024, n° 22/07672
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
France Pac Environnement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
M. Pinoy, Mme Thivellier
Avocats :
Me Karm, Me Mendes Gil, Me Gourion-Richard, Me Zaoui-Ifergan
EXPOSE DU LITIGE
Le 17 octobre 2018, à la suite d'un démarchage à domicile, Mme [S] [J] a acquis de la société France Pac Environnement une installation photovoltaïque financée par un crédit, conclu le 24 octobre suivant, de 24 900 euros au taux débiteur fixe de 4,84 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 198,72 euros hors assurance, souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance.
Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert, à l'encontre de la société France Pac Environnement, une procédure de liquidation judiciaire et désigné la société S21Y en qualité de liquidateur.
Soutenant que des irrégularités affectaient le contrat de vente, que son consentement aurait été vicié en raison de man'uvres dolosives et que le contrat serait dépourvu de cause, Mme [J] a, par actes d'huissier de justice signifiés les 16 et 18 novembre 2021, fait assigner les sociétés France Pac Environnement et BNP Paribas Personal Finance en annulation des contrats principal et de crédit affecté, et subsidiairement, en résolution de ces contrats, en restitution des sommes versées au titre du crédit et en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 19 septembre 2022, le tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prohibition des poursuites individuelles soulevée par la société BNP Paribas Personal Finance,
- annulé le contrat d'acquisition d'installation photovoltaïque conclu le 17 octobre 2018 entre la société France Pac Environnement et Mme [J], et le contrat de crédit affecté à cette acquisition conclu le 24 octobre 2018 entre Mme [J] et la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné la société BNP Personal Finance à restituer à Mme [J] toutes les mensualités payées en exécution du contrat de crédit annulé, avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2021,
- rejeté le surplus des demandes de Mme [J] et toutes celles de la société BNP Personal Finance,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
- condamné la société BNP Personal Finance à payer à Mme [J] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration déposée au greffe le 21 décembre 2022, la société BNP Personal Finance a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2023, la société BNP Personal Finance, appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie le 19 septembre 2022 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prohibition des poursuites individuelles qu'elle a soulevée; en ce qu'il a annulé le contrat d'acquisition d'une installation photovoltaïque conclu le 17 octobre 2018 entre la société France Pac Environnement et Mme [J], et le contrat de crédit affecté à cette acquisition qu'elle a conclu le 24 octobre 2018 avec Mme [J]; en ce qu'il l'a condamnée à restituer à Mme [J] toutes les mensualités payées en exécution du contrat de crédit annulé, avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2021; en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes, en ce compris sa demande subsidiaire en cas de nullité des contrats en condamnation de Mme [J] à lui payer la somme de 24 900 euros en restitution du capital prêté, sa demande plus subsidiaire de condamnation de Mme [J] à lui payer la somme de 24 900 euros à titre de dommages et intérêts, sa demande subsidiaire en condamnation de Mme [J] à restituer à ses frais l'installation à la société France Pac Environnement, sa demande subsidiaire de compensation des créances réciproques à due concurrence, sa demande de condamnation de Mme [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens; en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [J] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de Mme [J],
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de Mme [J] en l'absence de mise en cause du liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement,
A tout le moins,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [J] en nullité du contrat conclu avec la société France Pac Environnement,
- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de Mme [J] en nullité du contrat de crédit conclu avec elle,
- dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,
- débouter Mme [J] de sa demande en nullité du contrat conclu avec la société France Pac Environnement, ainsi que de sa demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle et de sa demande en restitution des mensualités réglées,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [J] en résolution du contrat conclu avec la société France Pac Environnement,
- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de Mme [J] en résolution du contrat de crédit conclu avec elle,
- dire et juger à tout le moins que les demandes de résolution des contrats ne sont pas fondées,
- débouter Mme [J] de sa demande en résolution du contrat conclu avec la société France Pac Environnement, ainsi que de sa demande en résolution du contrat de crédit conclu avec elle et de sa demande en restitution des mensualités réglées,
En tout état de cause,
- constater que Mme [J] est défaillante dans le remboursement du crédit,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 7 septembre 2022,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 17 163,98 euros avec les intérêts au taux contractuel de 4,84 % l'an à compter du 7 septembre 2022 sur la somme de 17 163,98 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées à Mme [J] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées, soit la somme de 12 855,17 euros,
- condamner Mme [J], en tant que de besoin, à lui restituer cette somme de 12 855,17 euros,
Subsidiairement,
- condamner Mme [J] à lui régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et lui enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,
Subsidiairement, en cas de nullité ou résolution des contrats,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [J] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins l'en débouter,
- condamner, en conséquence, Mme [J] à lui régler la somme de 24 900 euros en restitution du capital prêté avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019, date du déblocage,
En tout état de cause, déclarer irrecevables la demande de Mme [J] visant à la privation de sa créance, ainsi que sa demande en dommages et intérêts,
A tout le moins, débouter Mme [J] de ses demandes,
Très subsidiairement,
- limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour Mme [J] d'en justifier,
- en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que Mme [J] reste tenue de restituer l'entier capital à hauteur de 24 900 euros,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 24 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
- enjoindre à Mme [J], de restituer, à ses frais, le matériel installé chez elle à la Selarl S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et dire et juger qu'à défaut de restitution, elle restera tenue de la restitution du capital prêté,
- subsidiairement, priver Mme [J] de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,
- débouter Mme [J] de toutes autres demandes, ainsi que de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande, formée au titre des dépens,
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
En tout état de cause,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Mery Renda Karm Genique.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 16 juin 2023, Mme [J], intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 19 septembre 2022 par le tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie en ce qu'il a:
* annulé le contrat de vente qu'elle a conclu avec la société France Pac Environnement,
* annulé le contrat de crédit affecté qu'elle a conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance,
* ordonné le remboursement des échéances d'emprunt acquittées en exécution de l'offre préalable de crédit et qu'il l'a dispensée de rembourser le crédit,
A titre subsidiaire,
- déclarer recevable et fondé l'appel provoqué formé à l'encontre de la société France Pac Environnement,
- prononcer la résolution du contrat de vente qu'elle a conclu avec la société France Pac Environnement,
En conséquence,
- prononcer la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté qu'elle a conclu avec la société BNP Personal Finance,
- condamner la société BNP Personal Finance à rembourser le montant des échéances d'emprunt acquittées en exécution de l'offre préalable de crédit jusqu'au jour de la décision à intervenir, outre les mensualités acquittées postérieurement, assortie des intérêts au taux légal,
A titre très subsidiaire
- condamner la société BNP Personal Finance à lui verser la somme de 24 900 euros, à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés BNP Personal Finance et France Pac Environnement en toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner la société BNP Personal Finance à lui verser la somme de 24 900 euros, à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque,
- condamner la société BNP Personal Finance à verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,
- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Me Gourion-Richard, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société France Pac Environnement n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 8 février 2023, la déclaration d'appel lui a été signifiée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées selon les mêmes modalités le 31 mars 2023.
Mme [J] a fait assigner la société France Pac Environnement prise en la personne de la Selarl S21Y en sa qualité de mandataire liquidateur en appel provoqué et lui a signifié ses conclusions par acte de commissaire de justice en date du 20 juin 2023 remis à personne habilitée.
L'arrêt sera donc rendu réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 février 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de Mme [J]
La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que les demandes de Mme [J] sont irrecevables à défaut de présence régulière à l'instance de la partie venderesse.
Elle soutient qu'en première instance, la société France Pac Environnement n'était pas représentée par son liquidateur judiciaire que la demanderesse n'avait pas appelé en intervention forcée, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce.
Elle en déduit que l'action en nullité ou en résolution du contrat de vente est irrecevable et par voie de conséquence, toutes les demandes qui en résultent (nullité / résolution du contrat de crédit et privation de la créance de restitution de la banque). Elle rappelle à cet effet que l'application de l'article L. 312-55 du code de la consommation nécessite que le vendeur soit présent à l'instance et régulièrement représenté, à défaut de quoi, la demande de nullité est irrecevable.
Elle ajoute que la procédure n'a pas été régularisée en cause d'appel par l'appel provoqué formé par Mme [J] à l'encontre de la société France Pac Environnement, représentée par son liquidateur judiciaire, dans la mesure où un appel incident ou provoqué ne peut l'être que contre une personne qui était partie en première instance, ce que n'était pas le liquidateur. Elle en conclut que ce dernier n'a pas été régulièrement appelé à la présente procédure.
Mme [J] fait valoir que l'article L. 621-40 I du code de commerce posant le principe de l'arrêt des poursuites à l'encontre d'une société placée en liquidation judiciaire ne s'applique pas aux actions qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent, de sorte qu'une procédure collective ne s'oppose nullement à une action en nullité d'un contrat.
Elle relève que son action à l'encontre de la société France Pac Environnement ne vise qu'à établir la nullité du contrat qu'elle a conclu avec elle et qu'elle n'adresse à son encontre aucune demande en paiement de sommes d'argent, de sorte que son action est recevable.
Sur ce,
A titre liminaire, la cour relève que le tribunal de proximité a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société BNP Paribas Personal Finance tirée de la prohibition des poursuites individuelles, ce que l'appelante ne remet pas en cause en appel.
Il résulte de l'article L. 641-9 I du code de commerce, dans sa version applicable au jour de l'introduction de l'instance, que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
En application de l'article 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt.
Il résulte de l'article 126 du code de procédure civile que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.
Les actions en justice et voies de recours, lorsqu'elles intéressent des droits à caractère patrimonial, et sous réserve de l'exercice de droits propres, sont soumises à la règle du dessaisissement qui frappe le débiteur en liquidation judiciaire.
Il convient de relever qu'en première instance, Mme [J] n'a pas mis dans la cause le liquidateur judiciaire de la société venderesse et qu'en cause d'appel, la société BNP Paribas Personal Finance a, dans sa déclaration d'appel, intimé la société France Pac Environnement à laquelle elle a fait signifier ses conclusions sans mettre en cause son liquidateur.
En cause d'appel, Mme [J] a fait délivrer à l'encontre de la société France Pac Environnement, prise en la personne de la société S21Y en sa qualité de mandataire liquidateur de la société, une assignation aux fins d'appel provoqué par acte de commissaire de justice du 20 juin 2023.
Il ne peut cependant s'agir d'un appel provoqué puisque la société France Pac Environnement était déjà intimée par l'appelante et que son liquidateur n'est pas une partie distincte de la société venderesse mais son représentant légal.
Mme [J] a également, par ce même acte du 20 juin 2023, fait signifier ses conclusions d'appelante à la société France Pac Environnement, représentée par la société S21Y en sa qualité de liquidateur, de sorte qu'elle a, de ce fait, régularisé la procédure en appel en mettant en régulièrement en cause le liquidateur de la société venderesse.
Il convient en conséquence de déclarer recevables les demandes présentées par Mme [J].
Sur la demande en annulation des contrats de vente et de crédit
Au soutien de ses demandes visant à déclarer irrecevables et à tout le moins non-fondées les demandes en nullité des contrats de vente et de crédit, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir :
- que les dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation ne peuvent s'appliquer si les parties mettent en oeuvre de mauvaise foi les conditions de la nullité ou de la résolution du contrat principal en violation des dispositions de l'article 1103 du code civil.
- l'absence d'irrégularité formelle du bon de commande au regard de la désignation du matériel vendu. Elle fait grief au premier juge d'être allé au-delà des exigences posées par l'article L. 111-1 1° du code de la consommation en retenant que l'identification du matériel acquis ne serait pas suffisante en l'absence de mention des caractéristiques techniques visées au bon de commande alors que ce texte n'exige pas la désignation exhaustive de toutes les caractéristiques du matériel mais une désignation des caractéristiques essentielles du bien permettant à l'acquéreur d'identifier précisément le matériel acquis, ce qui résulte des mentions du bon de commande en cause. Elle soutient que la Cour de cassation a elle-même retenu que la marque du matériel n'était pas une caractéristique essentielle de l'installation (Civ. 2ème, 17 juin 2020, n°17-26.398 notamment). Elle affirme enfin que conformément au principe d'interprétation stricte, seule l'omission de la mention prévue par le texte pourrait conduire à la nullité du contrat et non sa seule imprécision qui ne peut conduire qu'à une action en responsabilité, et ce afin d'éviter une nullité systématique des bons de commande.
- l'absence d'irrégularité formelle du bon de commande au regard des modalités de paiement dans la mesure où la jurisprudence considère expressément que la mention du prix global à payer est suffisante (Civ. 2ème, 17juoin 2020, n°17-26.398).
- l'absence de nullité du bon de commande en l'absence de la preuve d'un préjudice qui résulterait des irrégularités alléguées.
A titre subsidiaire, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que la nullité résultant de l'irrégularité formelle du bon de commande est une nullité relative, susceptible de confirmation en cas d'exécution volontaire du contrat en connaissance de la mention prétendument omise ou incomplète du bon de commande, de sorte que l'irrégularité formelle n'est pas source de grief ou de contestation pour lui.
Elle relève qu'en l'espèce, Mme [J] a utilisé le matériel pendant 3 ans avant d'introduire son action et a continué postérieurement, de sorte qu'elle a donc poursuivi l'exécution des contrats en connaissance des caractéristiques de l'installation utilisée et des moyens allégués, ce qui doit être considéré comme un acte d'exécution volontaire valant confirmation. Elle ajoute qu'en application du principe de l'estoppel, elle ne peut adopter une attitude contradictoire en sollicitant d'un côté la nullité des contrats et de l'autre leur exécution.
Elle ajoute que Mme [J] ne rapporte pas la preuve du dol qu'elle invoque en relevant notamment que le bon de commande ne comporte aucun engagement quant à la rentabilité de l'opération et que sa demande de nullité pour absence de cause n'est pas fondée.
Poursuivant la confirmation du jugement déféré, Mme [J] fait valoir que le contrat conclu avec la société France Pac Environnement est nul en raison:
- du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation, en ce que le bon de commande ne comporte pas toutes les mentions obligatoires devant y figurer à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 221-8 prévues, à savoir en l'espèce, l'absence de mention de la marque, du modèle, des références et de la performance de l'onduleur, seconde pièce maîtresse de ce type d'installation, et de l'ensemble des autres matériels en faisant partie. Elle relève que la désignation des produits inscrits sur le bon de commande est plus que sommaire et non conforme aux exigences du code de la consommation en ce que leurs caractéristiques essentielles ne sont pas précisées. Elle ajoute que rien n'est indiqué concernant les modalités de pose et le délai de mise en service et que le détail du coût de l'installation n'est pas précisé, seul un montant global étant indiqué, ce qui est insuffisant pour déterminer le prix de chaque composant de l'installation et de chaque prestation.
- du dol qui a vicié son consentement par la présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation. Elle soutient que la société France Pac Environnement a commis des manoeuvres dolosives et a manqué à son devoir d'information en évoquant un système d'autofinancement, ce qui a déterminé son consentement alors qu'en réalité, elle doit rembourser sur ses propres deniers le prêt souscrit pour l'installation.
- de l'absence de cause en ce que l'objectif du contrat, à savoir l'autofinancement de la centrale puis la rentabilité de l'installation, est en réalité inatteignable et l'utilité du contrat dérisoire voire complètement illusoire, ce dont la société France Pac Environnement était parfaitement au fait avant la conclusion du contrat.
Elle soutient qu'en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, la confirmation d'un acte nul ne peut provenir de son exécution à défaut de connaissance du vice et de l'intention de le réparer, et que la reprise des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation au verso du bon de commande est insuffisante à révéler aux emprunteur le vice affectant le bon.
Elle affirme que rien ne permet de prouver qu'elle avait eu connaissance des vices affectant le bon de commande et que compte tenu de l'absence de conformité du contrat et des vices inhérents découverts postérieurement, il ne peut être supposé que son comportement pourrait traduire une régularisation expresse de l'acte. Elle soutient n'avoir aucunement accepté de renoncer aux irrégularités affectant le bon de commande en laissant s'exécuter le contrat et ce d'autant qu'elle ne s'est jamais vue préciser la nature exacte du matériel installé ni son prix distingué de sa mise en place et qu'elle s'est plainte du dysfonctionnement de l'installation comme l'a justement retenu le premier juge.
Sur ce,
Il convient de relever que les motifs invoqués par la société BNP Paribas Personal Finance et repris ci-dessus, s'ils devaient s'avérer fondés, ne sauraient entraîner l'irrecevabilité des demandes de Mme [J] visant à voir déclarer nuls les contrats de vente et de crédit mais leur rejet. L'appelante est en conséquence déboutée de sa demande d'irrecevabilité.
Sur le fond, en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.
La banque ne démontre pas que Mme [J] agirait de mauvaise foi dans sa demande en nullité ou en résolution du contrat de vente en ce qu'elle exercerait uniquement cette action pour remettre en cause le contrat principal tout en sachant qu'elle conserverait le matériel qui ne pourrait être récupéré ainsi qu'elle l'affirme.
Ce moyen inopérant est en conséquence écarté.
Le contrat de vente conclu le 17 octobre 2018 entre la société France Pac Environnement et Mme [J], après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, et le contrat de crédit conclu entre Mme [J] et la société BNP Paribas Personal Finance est un contrat de crédit affecté soumis aux dispositions des articles L. 312-44 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à compter du 1er juillet 2016.
En application de l'article L. 221-8 du code de la consommation, dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l'article L. 221-5, soit notamment les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
L'article L. 221-9 dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Selon l'article L. 111-1, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Aux termes de l'article L. 111-2, le professionnel doit également mettre à la disposition du consommateur, ou lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, qui sont précisées dans l'article R. 111-2.
Au cas d'espèce, le bon de commande du 17 octobre 2018 portait sur les biens et prestations suivants:
- panneaux solaires photovoltaïques avec Pac'System 4 bouches,
- frais de raccordement ERDF / EDENIS à la charge de (non renseigné)
- démarches pour obtenir le contrat d'obligation d'achat EDF / Edenis pendant 20 ans à la charge de la société France Pac Environnement,
- démarches pour obtenir l'attestation de conformité photovoltaïque du Consuel à la charge de la société France Pac Environnement,
- démarches administratives et mairie à la charge de la société France Pac Environnement,
- installation de panneaux solaires photovoltaïques comprenant 6 panneaux polycristallins 250 Wc certifié CE et NF pour une puissance globale de 1 500 Wc, panneaux de marque Francilienne ou Soluxtec,
- compteur client triphasé,
- prise en charge de l'installation complète comprenant panneaux, kit d'intégration GSE, onduleur, coffrets AC/DC, accessoires et fournitures,
- un chauffe-eau thermodynamique de marque Thaleos de 270 litres au sol,
- une batterie Enphase 1,2 Kw/h pour un compteur client triphasé,
- 7 radiateurs à inertie,
- pour un prix toutes taxes comprises de 24 900 euros.
Il convient donc de relever que ce bon de commande litigieux, particulièrement lacunaire, ne mentionne pas la marque exacte des panneaux photovoltaïques ni la marque de l'onduleur dont le nombre et la puissance ne sont au surplus pas précisés, ni celle des radiateurs dont la puissance n'est pas davantage indiquée, alors que constitue une caractéristique essentielle au sens des textes susmentionnés la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (1ère civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).
Ces omissions du bon de commande, qui ne constituent pas de simples imprécisions, caractérisent un défaut de conformité du contrat principal aux exigences du formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.
Au surplus, le bon de commande précise, au titre de la pré-visite, livraison et installation des produits: 'la visite du technicien ainsi que la livraison et installation des produits interviendront au plus tard dans les 6 mois à compter de la signature du bon de commande'.
Cette indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3° du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé et qu'un tel délai global ne permettait pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations (Civ. 1ère, 20 décembre 2023, n°22-13.014).
Le bon de commande, et subséquemment le contrat de vente, encourent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs invoqués par l'appelante et notamment le dol et l'absence de cause, l'annulation. Il convient de préciser que le prononcé de la nullité du bon de commande de nécessite pas la preuve d'un préjudice en résultant pour l'acquéreur contrairement à ce que soutient la banque.
Il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance n'établit pas la preuve de la connaissance par Mme [J], qui a poursuivi l'exécution du contrat, des caractéristiques de l'installation utilisée ni des vices affectant le bon de commande, ce qui ne saurait résulter de la seule reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur a déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation (1ère civ., 24 janvier 2024, pourvoi n°21-20.691).
Le seul fait que l'acquéreur ait laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux et en procédant à un remboursement anticipé partiel du prêt ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'il a eu connaissance des vices affectant le bon de commande en litige ni qu'il a eu l'intention de le réparer.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l'annulation du contrat de vente et, subséquemment, celle du contrat de crédit affecté en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation.
Le jugement déféré est confirmé de ces chefs.
Sur la restitution du capital prêté
La société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de Mme [J] visant à la décharger de son obligation de restituer le capital prêté du fait qu'elle a poursuivi l'exécution volontaire des contrats et les a confirmés, renonçant ainsi à opposer tout moyen de contestation afférent à une faute dans le déblocage des fonds.
Etant cependant rappelé que la cour a précédemment retenu que Mme [J] n'avait pas confirmé les irrégularités du bon de commande, ce qui en tout état de cause n'aurait eu pour seul effet que de priver d'effet sa demande de nullité du contrat sur ce fondement et non de rendre irrecevable sa demande visant à la privation de la créance de la banque, il convient de débouter l'appelante de cette demande.
Sur le fond, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de débouter Mme [J] de sa demande visant à la décharger de son obligation de restituer le capital prêté en l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité pouvant fonder l'engagement de la responsabilité de la banque.
Elle soutient qu'en cas de nullité du contrat de crédit, seule la responsabilité délictuelle de la banque peut être engagée, de sorte qu'il est exclu que sa responsabilité puisse être recherchée sur le fondement d'un manquement à ses obligations contractuelles qui sont supposées n'avoir jamais existé, ce qui ne permet pas à l'emprunteur de se prévaloir d'une faute dans le déblocage des fonds en cas de nullité des contrats.
Elle affirme n'avoir commis aucune faute liée à la vérification du bon de commande qui ne peut être déduite de la seule existence d'une irrégularité de ce bon. Elle soutient que l'existence même d'une obligation de vérifier la régularité du contrat principal est contestable en ce qu'il n'existe aucun texte ni obligation légale en ce sens. Elle ajoute que les dispositions du code de la consommation en matière de crédit à la consommation résultent de la transposition de la directive 2008/48/CE qui ne prévoit nullement à la charge des établissements de crédit une obligation de vérification de la régularité du bon de commande du vendeur, de sorte que la jurisprudence ne peut créer une telle obligation en violation du principe d'harmonisation maximale de la directive.
Elle soutient qu'en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande dans la mesure où il n'y avait aucune irrégularité manifeste qu'elle aurait été en mesure de détecter. Elle ajoute n'avoir commis aucune faute dans la vérification de la prestation financée, relevant avoir versé les fonds au vu d'une attestation de l'emprunteur valant ordre de paiement, ce qui l'exonère de toute responsabilité dans le versement des fonds conformément aux règles du mandat, et au vu du certificat de réalisation de la prestation signé par l'emprunteur, ajoutant que le contrôle ne doit porter que sur les prestations à charge de la société et non sur les autorisations données par des organismes tiers ni sur la réalisation du raccordement réalisé ultérieurement par EDF.
La société BNP Paribas Personal Finance relève qu'à supposer même qu'elle aurait commis une faute, celle-ci ne pourrait donner lieu à engagement de sa responsabilité qu'en cas de preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Or, elle soutient que l'installation au domicile de Mme [J] est bien achevée et fonctionnelle et que cette dernière ne justifie pas de ce que les rendements de son installation ne seraient pas conformes à ceux réalisés par ce type d'installation alors que la charge de la preuve lui incombe. Elle ajoute qu'à supposer qu'il y aurait eu des dysfonctionnements ultérieurs, ce qui n'est pas établi par une expertise contradictoire réalisée par un professionnel, de tels dysfonctionnements intervenus dans le cadre du service après-vente ne constituent pas un préjudice en lien de causalité avec une faute de sa part.
Mme [J] demande la confirmation du jugement déféré ayant ordonné le remboursement des échéances d'emprunt acquittées et l'ayant dispensée de rembourser le crédit.
Elle fait valoir que la banque a commis une faute en lui octroyant un crédit accessoire à un contrat principal nul alors qu'elle se doit de vérifier la régularité de ce contrat afin d'avertir ses clients qu'ils s'engagent dans une relation pouvant leur être préjudiciable, ce qui la prive de son droit d'obtenir le remboursement du capital, peu importe qu'elle ait signé une attestation de fin de travaux. Elle ajoute qu'un simple contrôle du contrat, du fait de son imprécision, l'aurait nécessairement conduite à refuser son financement.
Elle soutient que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans la libération des fonds à laquelle elle a procédé avant l'achèvement de l'installation, manquant ainsi à son obligation de s'assurer de l'exécution complète de la prestation financée qui comprend, outre la pose des panneaux, des prestations de service et n'est finalisée que par l'obtention du raccordement au réseau général EDF. Elle relève que la banque a libéré les fonds alors que les travaux n'étaient pas été achevés, l'installation ayant été faite avant même l'obtention de l'autorisation de travaux et sans passage du Consuel, sans qu'elle puisse se prévaloir de l'attestation de livraison qui ne présume aucunement de l'exécution totale et complète du contrat de vente et de la prestation de service.
Mme [J] affirme qu'en suite de l'annulation des contrats, les parties doivent être replacées dans la même situation que celle dans laquelle elles se trouvaient avant la conclusion du contrat et que les fautes personnelles de la banque lui interdisent de se prévaloir des effets de l'annulation pour réclamer le remboursement des fonds versés.
Sur ce,
* Sur la faute de la banque
Dans la logique de l'opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité comme le réaffirme de manière constante la Cour de cassation (notamment Civ. 1ère, 26 septembre 2018, n°17-14.951, Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°18-26-189, Civ. 1ère, 22 septembre 2021 n°19-21.968), y compris lorsque le contrat de prêt a été annulé.
En ne vérifiant pas la régularité formelle du bon de commande au regard des dispositions impératives du code de la consommation dont les irrégularités relevées ci-dessus étaient manifestes et aisément identifiables par un professionnel comme la banque, la société BNP Paribas Personal Finance a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.
Au surplus, il incombe au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée soit propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal (Cass. 1ère Civ., 3 mai 2018, pourvoi n°16-27.255, 1ère civ. 14 novembre 2019, n°18-20.459)
En l'espèce, le document destiné à la société BNP Paribas Personal Finance et qui a été signé par Mme [J], est libellé ainsi :
' Attestation de livraison:
L'emprunteur / acheteur reconnaît en signant la présente attestation sans réserve:
- que la livraison du bien et /ou la fourniture de la prestation de service si-dessus désigné(e) [PPV + BTD + BATTERIE + Radiateurs] a été pleinement effectué conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou le prestataire de service;
- que cette livraison est intervenue le 26.11.18
(...)
En conséquence, il demande au prêteur, par la signature de la présente attestation et en sa qualité d'emprunteur, de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de 'crédit accessoire à une vente.'
L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 26 novembre 2018, est peu détaillée quant à la nature de l'opération financée et n'est en outre pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que les démarches pour obtenir le contrat d'obligation d'achat EDF / Edenis pendant 20 ans, les démarches pour obtenir l'attestation de conformité photovoltaïque du Consuel et les démarches administratives et mairie étaient à la charge de la société France Pac Environnement.
En procédant au déblocage des fonds au vu d'une attestation qui ne permettait pas à la banque de se convaincre de l'exécution complète de l'intégralité des prestations stipulées au contrat principal de vente, la banque a, contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par Mme [J].
* Sur le préjudice
Si l'emprunteur peut invoquer la faute du prêteur pour échapper à la restitution de tout ou partie du capital, encore faut-il pour ce faire qu'il justifie de l'existence d'un préjudice consécutif (Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°18.26-189), ce que le premier juge n'a pas recherché.
En l'espèce, Mme [J] n'allègue d'aucun préjudice en lien causal avec cette faute pour s'opposer à la restitution du capital versé. Notamment, elle ne prétend pas que son installation n'est pas raccordée et ne fonctionne pas alors qu'elle revend de l'énergie à la société EDF (facture EDF - pièce 7 de l'appelante), ce que les pièces qu'elle produit et qu'elle ne discute pas dans ses conclusions (notamment une attestation de la société GEA du 16 novembre 2023 affirmant que l'installation n'est pas conforme et dangereuse - pièce 17, et la facture de la société GEA du 3 février 2024 - pièce 19 dans laquelle il est indiqué que l'inclinaison des panneaux est très défavorable à la rentabilité de l'ensemble; qu'ils n'auraient jamais dû être installés et que l'installation n'est pas rentable), ne permettent pas d'utilement contredire, étant ajouté qu'il ne s'agit pas d'une expertise réalisée contradictoirement entre les parties.
Dans ces conditions, alors que Mme [J] ne précise pas le préjudice qu'elle aurait subi, il apparaît qu'elle a reçu la contrepartie du contrat conclu avec la société venderesse et que la démonstration d'un préjudice en lien causal avec les conditions de libération du capital prêté n'est pas rapportée.
Il n'y a pas lieu, en considération de ce qui précède, de dispenser Mme [J] de la restitution du capital emprunté.
Elle sera, par suite, condamnée à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, sous déduction des échéances acquittées, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022, date de la demande en justice, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil et non du jour du versement des fonds (Civ. 1ère, 4 mai 1982, n°81-11.551).
Le chef du jugement qui a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [J] toutes les mensualités payées en exécution du contrat de crédit annulé est en conséquence infirmé.
Il est rappelé que le présent arrêt infirmatif, qui emporte obligation de restitution des sommes qui auraient été versées ou séquestrées en exécution de la décision infirmée, vaut titre exécutoire à cet effet.
Sur la demande de Mme [J] en dommages et intérêts
Mme [J] demande à la cour de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 24 900 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la négligence fautive de la banque.
Elle fait valoir que la société BNP Paribas Personal Finance a manqué à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et de mise en garde. Elle indique que son obligation de conseil et de vigilance était renforcée par l'obligation de mise en garde qui lui impose d'éclairer son client, consommateur profane, quant au caractère illusoire des rendements promis. Elle relève que la banque ne justifie pas du conseil qu'elle lui aurait apporté et notamment de l'avertissement quant à la rentabilité de l'opération qui ne pouvait pas être garantie et donc des risques liés à cette opération et l'importance du crédit dans son budget.
Elle affirme que la banque n'a pas vérifié sa situation financière; et qu'elle n'était pas en état de signer un crédit aussi lourd alors qu'elle percevait des revenus modestes de 1 800 euros, élevait seule son enfant et qu'elle supportait déjà le remboursement d'un prêt immobilier de 700 euros par mois. Elle en déduit que la société BNP Paribas Personal Finance ne l'a pas avisée des risques liés à l'importance de ce crédit dans ce budget.
Elle fait valoir que les fautes de la banque lui causent nécessairement un lourd préjudice et qu'elle doit faire face à une situation financière très difficile.
La société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de Mme [J] du fait qu'elle a confirmé les contrats par leur exécution volontaire de sorte qu'elle ne peut opposer des moyens ou exceptions y afférent.
Etant cependant rappelé que la cour a précédemment retenu que Mme [J] n'avait pas confirmé les irrégularités du bon de commande, ce qui en tout état de cause n'aurait eu pour seul effet que de priver d'effet sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement et non de rendre irrecevable sa demande, il convient de débouter l'appelante de cette demande.
Sur fond, elle soutient que la banque n'est pas tenus à un devoir de mise en garde ou de conseil concernant l'opportunité de l'opération principale envisagée.
Elle relève qu'en l'absence de risque d'endettement ressortant de la situation financière de l'emprunteur, l'établissement de crédit n'a pas de devoir de mise en garde vis-à-vis de ce dernier sur lequel repose la charge de la preuve. Elle indique qu'il doit justifier de sa situation financière non compatible avec l'octroi du prêt au moment de la conclusion de celui-ci sans pouvoir opposer à la banque une situation différente que celle qu'il lui a déclarée. Elle soutient qu'il ne ressort pas de la fiche de renseignements et des pièces produites par Mme [J] de risque d'endettement et qu'en conséquence, elle n'établit pas qu'elle aurait manqué à son devoir de mise en garde.
Elle relève qu'en tout état de cause, Mme [J] ne justifie d'aucun préjudice en lien de causalité avec une faute de la banque.
Sur ce,
Il est rappelé que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée (Com. 1er mars 2016, n°14-22.582), de sorte qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la banque relative au choix de Mme [J] de conclure un contrat d'achat d'une installation photovoltaïque.
En revanche, le devoir de mise en garde consiste pour l'établissement de crédit à alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt, il oblige les établissements de crédit à vérifier l'aptitude du client à rembourser le crédit consenti au regard de ses capacités financières au jour de sa souscription.
Ce devoir de mise en garde ne s'applique qu'aux clients non avertis, qui, compte tenu de leur formation, de leur situation personnelle, et de leur expérience ne sont pas en mesure d'apprécier les risques attachés à l'endettement résultat d'un contrat de prêt.
Ce devoir de mise en garde du banquier n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur qui doit être appréciée au regard de ses biens et ressources à la date de souscription du prêt.
En l'espèce, il n'est pas contestable que Mme [J] doit être considérée comme un emprunteur profane.
Dans la fiche de renseignements signée par Mme [J] et qui lui est donc opposable et les pièces justificatives produites, il est indiqué qu'elle exerce la profession d'employé de bureaux en secteur privé, qu'elle est célibataire avec un enfant à charge et accédante à la propriété; que ses revenus sont de 2 012 euros et ses charges (résidence principale) de 718 euros.
L'inadaptation d'un prêt aux capacités des emprunteurs et le risque d'endettement excessif s'apprécient au regard de l'ensemble des biens et revenus de l'emprunteur et non au regard des seuls revenus (Com., 8 mars2017, n°15-13.860, 14-29.766, Com., 29 mai 2019, n° 18-11.335).
Or, Mme [J], dont il est constant qu'elle est propriétaire de son logement, ne produit aucun élément sur la valorisation de cette habitation ni sur son prix d'achat.
Elle ne produit pas non plus, en cause d'appel, ses avis d'imposition permettant d'apprécier l'absence de toute épargne.
Dès lors, le fait que le ratio charges-revenus en y incluant la mensualité du crédit affecté, qui est de 198 euros, s'établisse à 45,8% et excède ainsi le taux d'endettement maximum habituellement autorisé de 33%, est insuffisant à démontrer une inadéquation du crédit consenti, en l'absence d'éléments probants sur le patrimoine de l'intéressée.
Il résulte de ce qui précède que Mme [J], qui a au surplus remboursé le prêt pendant plus de deux ans et a procédé à un remboursement anticipé partiel du prêt à hauteur de 5 000 euros en janvier 2021, ne démontre pas que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil et que, partant, sa responsabilité est engagée.
Par suite, Mme [J] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement déféré étant confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [J], qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étant infirmées.
Elle sera condamnée à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions déférées à la cour sauf en ce qu'il a annulé le contrat d'acquisition d'installation photovoltaïque conclu le 17 octobre 2018 entre la société France Pac Environnement et Mme [J], et le contrat de crédit affecté à cette acquisition conclu le 24 octobre 2018 entre Mme [J] et la société BNP Paribas Personal Finance ;
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [S] [J] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 900 euros, au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022, sous déduction de la totalité des sommes acquittées par Mme [J] en remboursement du prêt qui lui a été consenti ;
Rappelle qu'un arrêt infirmatif emporte obligation de restitution des sommes qui auraient été versées ou séquestrées en exécution de la décision infirmée et vaut titre exécutoire à cet effet;
Y ajoutant,
Déclare les demandes de Mme [J] recevables ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Mme [S] [J] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [S] [J] aux dépens de première instance et en cause d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Mery Renda Karm Genique en application de l'article 699 du code de procédure civile.