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Décisions

CA Metz, 1re ch., 11 juin 2024, n° 22/00358

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

G

Défendeur :

B

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseillers :

Mme Devignot, Mme Dussaud

Avocats :

Me Roulleaux, Me Bai-Mathis, Me Dehaudt

TJ Metz, du 20 oct. 2021, n° 17/02486

20 octobre 2021

Le 17 octobre 2014 a été signée une promesse unilatérale de vente en l'étude de Me [W], notaire à [Localité 13]. M. [N] [B] et Mme [U] [D] épouse [B] (ci-après les époux [B] ou [N] et [U] [B]) se sont engagés à vendre à M. [Y] [G], également preneur en place en vertu d'un bail à long terme signé à son profit le 21 novembre 2002, un ensemble de parcelles sises à [Localité 9] cadastrées :

Section

Numéro

Lieudit

Surface

38

39

[Adresse 11]

16ha 07a 14ca

38

[Cadastre 7]

[Adresse 11]

1ha 64a 32ca

38

[Cadastre 8]

[Adresse 11]

7ha 76a 53ca

38

22

[Localité 12]

5ha 91a 50ca

Concernant la parcelle cadastrée section 38 n° [Cadastre 2], les époux [B] se sont réservés la propriété de 50a le long du chemin communal.

Le prix a été convenu entre les parties pour un montant de 133 768,95 euros, et la promesse a été faite pour une durée expirant le 31 décembre 2020 à 16h.

Par acte notarié du même jour, les époux [B] ont signé une reconnaissance de dette à M. [G] pour un montant de 50 000,00 euros, à payer en compensation sur le prix de vente des parcelles objets de la promesse.

[U] [B] est décédée le 27 octobre 2014 et [N] [B] le 3 novembre 2014, laissant pour recueillir leur succession :

Mme [A] [B] ;

Mme [J] [B] ;

Mme [L] [B].

(Ci-après désignées « consorts [B] »).

Par lettre du 8 juin 2015 adressée par Me [W], notaire à [Localité 13], les consorts [B] ont contesté la promesse unilatérale de vente.

Par lettre du 25 novembre 2016 adressée via le service juridique de la chambre de l'agriculture de la Moselle à Me [W], notaire à [Localité 13], M. [Y] [G] a demandé l'exécution de la promesse de vente.

Par LRAR en date du 20 mars 2017, les consorts [B] ont notifié à M. [Y] [G] la révocation de la promesse unilatérale de vente consentie par leurs parents.

Par acte d'huissier délivré le 4 septembre 2017, M. [Y] [G] a assigné les consorts [B] devant le tribunal de grande instance de Metz.

Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

Déclaré M. [Y] [G] recevable en sa demande ;

Débouté les consorts [B] de leur demande d'annulation de la promesse unilatérale de vente notariée du 17 octobre 2014 consentie par les époux [B] à M. [Y] [G] ;

Débouté M. [Y] [G] de ses demandes tendant à voir les consorts [B] condamnés à passer la vente objet de la promesse de vente en date du 17 octobre 2014 par devant notaire ;

Débouté M. [Y] [G] de sa demande tendant à voir dire que le présent jugement vaudra acte de vente ;

Condamné solidairement les consorts [B] à payer à M. [Y] [G] la somme de 13.376,90 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Débouté M. [Y] [G] de sa demande de dommages et intérêts plus ample ;

Débouté les consorts [B] de leur demande en annulation de reconnaissance de dette du 17 octobre 2014 ;

Condamné solidairement les consorts [B] à payer à ce titre à M. [Y] [G] la somme de 50.000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Condamné solidairement les consorts [B] à payer à M. [Y] [G] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les consorts [B] de leur demande sur le même fondement ;

Condamné solidairement les consorts [B] aux dépens ;

Prononcé l'exécution provisoire du jugement.

Le 9 février 2022, par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz, M. [Y] [G] interjetait appel.

Par ses dernières conclusions du 1er juin 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] [G] demande à la cour d'appel de :

« Recevoir M. [G] en son appel et le dire bien fondé.

Rejeter au contraire l'appel incident des dames [B] et le dire mal fondé.

Infirmer le jugement entrepris en date du 20 octobre 2021 en ce qu'il :

A débouté M. [G] de sa demande tendant à voir les Dames [B] à passer la vente, objet de la promesse de vente du 17 octobre 2014 par-devant notaire ;

A débouté M. [G] de sa demande tendant à voir dire que le jugement à intervenir vaudrait acte de vente ;

A subsidiairement limité le montant des dommages et intérêts à celui de la clause pénale soit la somme de 13 376,90 € et a débouté M. [G] du surplus de sa demande.

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Vu l'arrêt prononcé par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 juin 2021 sous le numéro 20-17 .554,

Condamner solidairement les Dames [A] [B], [J] [B] et [L] [B] à exécuter la promesse de vente en date du 17 octobre 2014 portant sur les terrains sis à [Localité 9] section 38 n° [Cadastre 6], section 38 n° [Cadastre 7], section n°[Cadastre 8] et section 38 n° [Cadastre 2] en signant en l'étude de Maître [W], notaire à [Localité 13], l'acte authentique de vente et ce, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Juger qu'à défaut, l'arrêt à intervenir vaudra acte de vente et sera publié au Livre Foncier conformément aux termes de la promesse.

Subsidiairement, et à défaut de réalisation de la vente, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les dames [B] au paiement de la somme de 50 000,00 au titre de la reconnaissance de dette.

Mais l'infirmer sur le montant des dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamner solidairement les Dames [B] à payer à M. [Y] [G] la somme de 70 920,83 € à titre de dommages et intérêts et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 13 376,90 € et à compter de l'arrêt à intervenir sur le surplus.

Confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les dames [B] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement les Dames [B] en tous frais et dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel. »

Par leurs dernières conclusions du 7 mars 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [B] demandent à la cour d'appel de :

« Vu les anciens articles 414-1, 414-2, 1109, 1112, 1116 et 1134 du Code civil,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] [G] de ses demandes à voir les consorts [B] condamnés à passer la vente objet de la promesse de vente en date du 17 octobre 2014 par-devant notaire et de sa demande tenant à voir dire que le jugement vaudra acte de vente ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] [G] de sa demande de dommages et intérêts plus ample ;

Infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Debouter M. [Y] [G] de l'ensemble de ses moyens, conclusions et prétentions,

Dire et juger que la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2014 consentie par les époux [B] à M. [Y] [G] est nulle,

Dire et juger que la reconnaissance de dette du 17 octobre 2014 consentie par les époux [B] à M. [Y] [G] est nulle,

Subsidiairement,

Constater l'absence de levée de l'option régulière par M. [Y] [G] de la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2014,

En tout état de cause,

Condamner M. [Y] [G] à payer aux consorts [B] la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du CPC,

Condamner M. [G] aux entiers frais et dépens. »

Le 14 décembre 2023, le conseiller de la mise en l'état a prononcé la clôture de l'instruction du dossier.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la demande d'annulation de la promesse unilatérale de vente et les demandes subséquentes

Le fait pour Mmes [B] d'adresser à M. [G] le 20 mars 2017 une lettre de révocation de la promesse unilatérale de vente signée par leurs parents le 17 octobre 2014 ne caractérise pas une approbation expresse ou tacite de cet acte de leur part, ni une confirmation de l'acte ou une renonciation claire et non équivoque à en invoquer la nullité. Il ne s'agit pas non plus d'une exécution volontaire de la promesse unilatérale de vente, puisqu'au contraire elles entendaient la révoquer.

La révocation de la promesse n'a pas eu pour effet de couvrir toute irrégularité susceptible d'affecter l'acte. Les moyens de nullité soulevés par les intimées doivent donc être examinés.

Sur le fondement des articles 414-1 et 414-2 du code civil

Selon l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article 414-2 du code civil stipule que :

« De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 2224. »

Il en ressort qu'après le décès de la personne qui a conclu un acte juridique autre qu'une donation ou un testament ne peut être attaqué pour absence de consentement que si la preuve d'une altération des facultés mentales est rapportée et si, de plus, au moins l'une des conditions 1° à 3° précitées est remplie.

En l'espèce il n'est ni allégué ni démontré que l'une des conditions prévues par le 2° ou le 3° du deuxième alinéa de l'article 414-2 sont remplies s'agissant de [N] [B] et/ou de [U] [D] épouse [B].

Dès lors la promesse unilatérale de vente qu'ils ont passée le 17 octobre 2014 ne peut être attaquée après leur décès par leurs héritières que si cette promesse porte en elle-même la preuve de l'altération des facultés mentales de l'un de [N] [B] et/ou de [U] [D] épouse [B].

Il n'est pas contesté que la promesse de vente ne portait que sur des terres à vocation agricole, et non pas sur la surface qui avait été classée en 2008 en zone 2UA du PLU et avait vocation à devenir constructible.

Il existe une différence d'environ 22 ares entre la surface de terrain que les promettant se sont réservés dans l'acte du 17 octobre 2017, décrite comme « surface d'environ 50 ares le long du chemin communal se trouvant au sud de (la) parcelle » cadastrée commune de [Localité 9] section 38 n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 12] en nature de terre, prés, d'une part, et la surface « approchée et indicative » de 72 ares le long du chemin rural, située sur cette même parcelle, qui avait été classée en zone 2AU du plan local d'urbanisme quelques années auparavant (cf. courrier du maire en date du 17 décembre 2008).

Cependant l'inexactitude de l'acte du 17 octobre 2014 concernant la surface que les promettants entendaient se réserver ne constitue pas en elle-même la preuve certaine d'une altération des facultés mentales de [N] [B] et/ou de [U] [D] épouse [B].

En effet cette inexactitude pourrait notamment résulter d'une simple erreur, ou d'une négligence à vérifier la surface exacte située en zone à urbaniser, erreur ou négligence susceptible d'être commise par une personne en pleine possession de ses facultés intellectuelles et de discernement.

Dès lors aucune des trois conditions alternatives prévues par l'article 414-2 du code civil n'est remplie, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette la demande d'annulation sur le fondement des articles 414-1 et 414-2 du code civil, sans qu'il y ait lieu d'examiner les certificats médicaux et les attestations de témoins versés aux débats.

Sur le fondement des vices du consentement

Selon l'article 1109 du code civil, dans sa version applicable à la date de la promesse de vente du 17 octobre 2014, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Conformément à l'article 1110 du code civil l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l'intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

En l'espèce il ressort de la désignation des parcelles objet de la promesse et des débats, et en particulier des conclusions de M. [G] p. 9, que M. et Mme [B] ont entendu se réserver la partie située au sud de la parcelle cadastrée commune de [Localité 9] section 38 n° [Cadastre 2], le long du chemin communal qui avait vocation à devenir constructible et qui l'est devenue, qu'ils n'ont entendu ne lui vendre que des parcelles à vocation agricole, et que la partie constructible des parcelles était expressément exclue de l'opération de vente.

Il résulte d'une lettre du maire de [Localité 9] en date du 17 décembre 2008 qu'une surface « approchée et indicative » de 72 ares située sur la parcelle section 38 n° [Cadastre 2], le long du chemin rural, a été classée en zone à urbaniser 2AU du plan local d'urbanisme, et que [N] [B] souhaitait qu'elle devienne constructible. Il n'est pas contesté que cette surface de 72 ares environ est devenue constructible. De surcroît dans une lettre du 8 mai 2016, postérieure à l'acte et au décès des promettants, M. [G] a rappelé au maire de [Localité 9] que M. et Mme [B] avaient souhaité obtenir « deux places à bâtir le long du chemin communal ».

Il ressort ainsi des débats et des pièces versées par les parties que M. et Mme [B] voulaient posséder depuis des années une surface constructible le long du chemin communal au sud de la parcelle section 38 n° [Cadastre 2] et avaient fait des démarches pour cela, qu'ils voulaient conserver la totalité de la surface classée en zone à urbaniser, et qu'il avait été expressément convenu entre les parties que la promesse ne portait que sur des terres agricoles.

Or l'acte signé le 17 octobre 2014 ne détermine pas la surface exclue de la vente en fonction de la surface réelle effectivement urbanisable de la parcelle section 38 n° [Cadastre 2], mais en indiquant qu'elle avait environ 50 ares. De plus la contenance totale des parcelles objet de la promesse a été très précisément indiquée dans l'acte, soit 30ha 89a 31 ca. Le cumul des surfaces des parcelles vendues permet de constater que cette contenance totale a été déterminée en déduisant exactement 50 ares de la surface de la parcelle section 38 n° [Cadastre 2]. En outre le prix de l'ensemble des parcelles est indiqué globalement dans l'acte, et non pas en fonction d'un prix de l'hectare ou de l'are.

En s'engageant de manière irrévocable à vendre la parcelle cadastrée commune de [Localité 9] section 38 n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 12] en nature de terre, prés, à l'exception d'une « surface d'environ 50 ares le long du chemin communal se trouvant au sud de ladite parcelle » (et non pas d'environ 72 ares) et en promettant de lui vendre diverses parcelles agricoles d'une contenance totale de 30ha 89a 31 ca (et non pas d'une contenance totale d'environ 30ha 67a 31ca), [N] et [U] [B] ont commis une erreur sur les qualités essentielles des terrains concernés. En effet ils ont à la fois commis une erreur sur la surface des terres qu'ils promettaient de vendre (erreur d'environ 22 ares), ainsi qu'une erreur sur la nature (à urbaniser et non pas agricole) de 22 ares de terres qu'ils promettaient de vendre.

De plus cette erreur sur les qualités essentielles des terrains vendus était excusable pour [N] et [U] [B]. Il ressort effectivement à la fois des certificats médicaux, des actes de décès des promettants, et des attestations de témoins produits par les intimées qu'à la date de l'acte du 17 octobre 2014 ils étaient en fin de vie, et épuisés par leur maladie et leurs traitements.

Enfin cette erreur était déterminante de leur consentement, sachant que la surface constructible ou ayant vocation à le devenir était expressément exclue de la vente.

En conséquence le jugement est infirmé en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la promesse de vente. La promesse de vente est annulée.

Sur les conséquences de l'annulation de la promesse de vente

L'annulation de la promesse de vente entraîne son anéantissement rétroactif.

En conséquence, par substitution de motifs, le jugement est confirmé en ce qu'il déboute M. [G] de ses demandes tendant à condamner les consorts [B] à passer la vente et à dire que le jugement vaudra acte de vente.

Par ailleurs l'anéantissement de l'acte entraîne celui de la clause pénale qu'il contient, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne Mmes [B] à payer à M. [G] la somme de 13 376,90 euros au titre de la clause pénale.

Enfin la demande subsidiaire de M. [G] en dommages-intérêts en raison de la rétractation de la promesse de vente par les héritières est mal fondée, la promesse annulée étant privée d'effet.

II- Sur la demande d'annulation de la reconnaissance de dette

Sur la demande en annulation pour absence de cause

Selon l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable au litige, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

En vertu de l'article 1132 du code civil, dans sa version applicable au litige, la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée.

Cette disposition institue une présomption d'existence et de licéité de la cause de l'obligation.

Par ailleurs selon l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Enfin conformément à l'article 1319 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, l'acte authentique (reçu par notaire) fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il incombe à celui qui a souscrit une reconnaissance de dette, ou à ses héritiers, de démontrer que son engagement manquait de cause, et non au créancier de rapporter la preuve du versement effectif de la somme litigieuse entre les mains du débiteur.

La reconnaissance de dette signée devant notaire a pour effet de rapporter la preuve de l'existence de la dette et d'en prévoir le remboursement. Dès lors que [N] et [U] [B] ont signé une reconnaissance de dette d'un montant de 50 000 euros il n'incombe pas à M. [G] de rapporter la preuve de versements antérieurs du même montant. En revanche il incombe aux héritières de [N] et [U] [B] de prouver que la reconnaissance de dette est nulle pour absence de cause ainsi qu'elles le soutiennent.

Or elles ne produisent pas d'élément de preuve objectif à cet égard.

Conformément à l'article 202 du code de procédure civile l'attestation ne doit contenir que la description des faits auxquels l'auteur de l'attestation a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Les attestations de M. [Y] [O] et de M. [I] [O], qui relatent des déclarations faites par un tiers, M. [X] [R], selon lesquelles M. [G] aurait pu faire signer n'importe quoi à [N] et [U] [B], sont des témoignages indirects dépourvus de valeur probante. Au demeurant il n'est pas allégué que M. [R] avait été lui-même témoin direct des relations financières et patrimoniales entre M. [G] et [N] et [U] [B] tout au long de leur vie, ni de discussions entre eux quant à l'existence ou l'inexistence d'une dette de 50 000 euros.

La preuve de l'absence de cause de la reconnaissance de dette n'est pas rapportée. Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande d'annulation pour absence de cause.

Il a déjà été observé plus haut que [N] [B] et/ou de [U] [D] épouse [B]. n'étaient pas sou sauvegarde de justice, et qu'aucune procédure aux fins de curatelle ou de tutelle n'a été engagée de leur vivant pour protéger l'un d'eux

Dès lors, en application de l'article 414-2 du code civil cité plus haut, la reconnaissance de dette qu'ils ont signée le 17 octobre 2014 ne peut être attaquée après leur décès par leurs héritières que si cet acte porte en lui-même la preuve de l'altération des facultés mentales de [N] [B] et/ou de [U] [B].

Or en soi le fait pour [N] [B] et/ou [U] [B] de reconnaître l'existence d'une dette de 50 000 euros envers M. [G] ne constitue pas une preuve que leurs facultés mentales étaient altérées. La reconnaissance de dette est un acte susceptible d'être signé par une personne saine d'esprit qui s'estime débitrice. Par ailleurs en raison de l'existence de la dette reconnue, le mécanisme de la compensation entre celle-ci et le prix de vente prévu dans la promesse de vente était juridiquement fondé.

Aucune des conditions visées par les 1° à 3° de l'article 414-2 du code civil n'est remplie, de sorte que la reconnaissance de dette ne peut pas être annulée sur le fondement des articles 414-1 et 414-2 du code civil.

Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande d'annulation sur ce fondement.

Sur le fondement des vices du consentement

Selon l'article 1109 du code civil, dans sa version applicable à la date de la promesse de vente du 17 octobre 2014, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

En application de l'article 9 du code de procédure civile il incombe à Mmes [B] et [O] de rapporter la preuve du vice du consentement de leur parent résultant de l'erreur, de la violence ou du dol qu'elles allèguent.

Concernant l'erreur

Conformément à l'article 1110 du code civil l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à Mmes [B] de prouver que, le cas échéant, [N] et [U] [B] ont commis une erreur sur les qualités essentielles de la reconnaissance de dette qu'ils ont signée.

Or elles ne produisent aucun élément de preuve concernant une éventuelle erreur sur la substance même de la dette objet de l'acte.

Concernant la violence

Selon l'article 1111 du code civil, dans sa version applicable au litige, la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite.

En vertu de l'article 1112 du code civil il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.

Il résulte des certificats médicaux, actes de décès et attestations versés aux débats que M. et Mme [B] étaient épuisés et en fin de vie lorsqu'ils ont signé la reconnaissance de dette.

Cependant sentant leur fin proche, [N] et [U] [B] pouvaient vouloir respecter une parole donnée ou reconnaître une dette antérieure, afin de partir en paix.

Mmes [B] ne prouvent pas que M. [G] leur a inspiré d'une quelconque manière la crainte de s'en prendre à leur personne s'ils ne signaient pas la reconnaissance de dette. De même il n'est pas invoqué ni démontré de dépendance économique de la part de [N] et [U] [B] envers M. [G]. Il n'est pas prouvé par les intimées que M. [G] a exercé une violence psychologique, physique ou économique, ni exercé une contrainte, des pressions ou des menaces à l'égard de leurs parents. Aucun élément de preuve n'est produit par les appelantes en ce sens.

Il a déjà été observé que les attestations de M. [Y] [O] et de M. [I] [O], qui relatent des déclarations faites par un tiers, M. [X] [R], concernant une supposition faite par celui-ci, sont des témoignages indirects dépourvus de valeur probante.

Enfin M. [G] affirme, sans être démenti, que Mmes [B] se sont opposées à ce que le notaire, Me [W], qui a reçu la reconnaissance de dette, soit entendu au cours de la procédure de première instance devant le tribunal.

Le vice du consentement découlant d'une violence alléguée n'est pas démontré.

Concernant le dol

Selon l'article 1116 du code civil le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Mmes [B] ne prouvent pas que M. [G] a commis des man'uvres pour déterminer [N] et [U] [B] à signer une reconnaissance de dette. Elles ne démontrent pas non plus que M. [G] détenait une information qu'ils n'auraient pas détenue à cet égard.

L'existence d'un dol par man'uvre ou par réticence dolosive n'est pas prouvée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la reconnaissance de dette pour vice du consentement.

III- Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est infirmé s'agissant des dépens et de la condamnation des consorts [B] à payer une indemnité à M. [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il est confirmé en ce que leur demande d'indemnité est rejetée.

Chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions. Il y a lieu de partager les dépens de première instance et d'appel entre Mmes [B] d'une part, et M. [G], d'autre part.

Les demandes réciproques en indemnités prévues par l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

Débouté M. [Y] [G] de ses demandes tendant à voir Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] condamnés à passer la vente objet de la promesse de vente en date du 17 octobre 2014 par-devant notaire ;

Débouté M. [Y] [G] de sa demande tendant à voir dire que le présent jugement vaudra acte de vente ;

Débouté M. [Y] [G] de sa demande de dommages et intérêts ;

Débouté Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] de leur demande en annulation de reconnaissance de dette du 17 octobre 2014 ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer à ce titre à M. [Y] [G] la somme de 50.000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer à M. [Y] [G] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] aux dépens ;

Infirme le jugement en ce qu'il a :

Débouté Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] de leur demande d'annulation de la promesse unilatérale de vente notariée du 17 octobre 2014 consentie par les époux [B] à M. [Y] [G] ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer à M. [Y] [G] la somme de 13 376,90 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer à M. [Y] [G] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] de leur demande sur le même fondement ;

Condamné solidairement Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Déclare la promesse unilatérale de vente notariée du 17 octobre 2014 consentie par M. [N] [B] et Mme [U] [D] épouse [B] à M. [Y] [G] nulle et de nul effet ;

Rejette la demande formée par M. [Y] [G] tendant à la condamnation de Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à lui payer la somme de 13 376,90 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal ;

Condamne in solidum Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer la moitié des dépens de première instance, et condamne M. [Y] [G] à payer l'autre moitié ;

Rejette les demandes réciproques indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [A] [B], Mme [J] [B], et Mme [L] [B] épouse [O] à payer la moitié des dépens de la procédure d'appel, et condamne M. [Y] [G] à payer l'autre moitié ;

Rejette les demandes réciproques indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.