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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 30 mai 2024, n° 22/01625

DOUAI

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Ticket For The Moon (SAS)

Défendeur :

Cemel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gilles

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Bubbe

Avocats :

Me Mourot, Me Cazaux, Me Chevalier

T. com. Lille Métropole, du 22 mars 2022…

22 mars 2022

La société Ticket for the Moon, créé le 19 mars 2007, diffusant la marque Tikamoon (ci après la société Tikamoon), est spécialisée dans la vente de meubles et mobiliers en bois massif exclusivement sur Internet, sur son site http://www.tikamoon.com/.

La société Cemel exerce la même activité, avec un premier site Internet 'Histoire de teck', puis, à compter du 8 octobre 2012, avec le site 'Teck & Co', et enfin depuis le 15 novembre 2016 avec le site http://www.boisdessusboisdessous.com/ (le site BDBD), pour les meubles et objets d'intérieur.

Par jugement contradictoire du 22 mars 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que la société Cemel n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Tikamoon,

- débouté la société Tikamoon de ses demandes visant à faire cesser des actes de concurrence déloyale commis par la société Cemel à son encontre, et à ordonner sous astreinte la suppression de l'ensemble des contenus reproduits dans le site BDBD,

- débouté la société Tikamoon de ses demandes visant à condamner la société Cemel à l'indemniser de ses préjudices de perte de chiffre d'affaires, pour les investissements réalisés et d'image (sic),

- débouté la société Tikamoon de sa demande subsidiaire visant à la désignation d'un expert aux fins d'établir le montant des préjudices subis, et de sa demande en tout état de cause, de publication du jugement,

- débouté la société Cemel de ses demandes à titre reconventionnel de condamnation de la société Tikamoon à lui verser la somme de 18 029,25 euros en réparation de ses préjudices,

- condamné la société Tikamoon à payer à la société Cemel la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

- condamné la société Tikamoon aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 avril 2022, la société Tikamoon a interjeté appel aux fins de réformation ou annulation du jugement en ce qu'il :

- a dit que la société Cemel n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Tikamoon,

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes principales, subsidiaires et accessoires,

- l'a condamnée à payer à la société Cemel la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- a dit qu'il n'y avait pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 juin 2022, la société Tikamoon a formé une seconde déclaration d'appel aux mêmes fins.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 29 septembre 2022, la société Cemel a formé un appel incident, demandant la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de 18 029,25 euros à titre de dommages-intérêts (pour le préjudice de nuisance et le coût des recherches en interne pour la défense).

Le 12 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état ordonnait la jonction des deux affaires.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 31 octobre 2023, la société Tikamoon demande à la cour de :

A titre liminaire

- dire que les instances RG 22/01625 et 22/02979 présentent un lien de connexité tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble,

- ordonner la jonction des instances RG 22/01625 et 22/02979,

I. A titre principal

- constater que le jugement rendu le 22 mars 2022 par tribunal de commerce de Lille Métropole est fondé sur des éléments de fait résultant d'investigations personnelles du tribunal, non soumis aux débats contradictoires des parties,

- dire, en conséquence, que le jugement est nul, pour violation des principes directeurs du procès civil,

Statuant à nouveau,

- dire que la société Cemel a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Tikamoon,

En conséquence, et sauf à parfaire,

- ordonner la cessation immédiate des actes de concurrence déloyale commis par la société Cemel à l'encontre de la société Tikamoon,

- ordonner la suppression, sous 48h à compter de la signification 'du jugement' (sic) à venir de l'ensemble des contenus reproduits servilement et notamment :

o La présentation des meubles mis en ambiance sur les photographies des produits,

o L'arborescence des pages du site Internet,

o La page d'accueil,

o Les pages « pièces »,

o La présentation des fiches produits,

- assortir cette injonction de suppression des contenus d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Cemel à lui verser les sommes de :

- 467 232,95 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice de perte de chiffre d'affaires subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société Cemel,

- 155 460 euros à titre d'indemnisation pour les investissements réalisés dans le cadre de la refonte de son site internet, dont la société Cemel a pu profiter « sans bourse délier »,

- 100 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice d'image du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société Cemel,

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas le montant du préjudice mentionné ci-avant :

- désigner M. [K] [J] en qualité d'expert ou tel expert qui plaira à la cour avec la mission ci-après :

- réunir tous les éléments lui permettant d'établir le montant du préjudice subi par la société Tikamoon du fait des agissements parasitaires et de concurrence déloyale de la société Cemel,

- éventuellement, convoquer les parties et entendre leurs explications,

- établir, sur la base de la méthodologie proposée par Tikamoon et non contestée par Cemel, le montant du préjudice de captation des investissements financiers et intellectuels subi par Tikamoon du fait des agissements parasitaires et de concurrence déloyale de la société Cemel,

- établir, sur la base de la méthodologie proposée par Tikamoon et non contestée par Cemel, le montant du préjudice de la captation de la clientèle subi par Tikamoon du fait des agissements parasitaires et de concurrence déloyale de la société Cemel,

- établir le montant du préjudice d'image subi par Tikamoon du fait des agissements parasitaires et de concurrence déloyale de la société Cemel,

- fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie au fond de statuer sur le préjudice subi.

II. A titre subsidiaire

- infirmer le jugement en ce qu'il en ce qu'il :

- a dit que la société Cemel n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Tikamoon,

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes principales, subsidiaires et accessoires,

- l'a condamnée à payer à la société Cemel la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- a dit qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Cemel de sa demande à titre reconventionnel de condamnation de la société Tikamoon à lui verser la somme de 18 029,25 euros en réparation de ses préjudices,

En conséquence, et statuant à nouveau,

- ordonner la cessation immédiate des actes de concurrence déloyale commis la société Cemel à l'encontre de la société Tikamoon,

- ordonner la suppression, sous 48h à compter de la signification du jugement à venir de l'ensemble des contenus reproduits servilement et notamment :

o La présentation des meubles mis en ambiance sur les photographies des produits,

o L'arborescence des pages du site Internet,

o La page d'accueil,

o Les pages « pièces »,

o La présentation des fiches produits,

- assortir cette injonction de suppression des contenus d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Cemel à lui verser les sommes de :

- 467 232,95 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice de perte de chiffre d'affaires subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société Cemel,

- 155 460 euros à titre d'indemnisation pour les investissements réalisés dans le cadre de la refonte de son site internet, dont la société Cemel a pu profiter « sans bourse délier » ;

- 100 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice d'image du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société Cemel,

En tout état de cause

- dire irrecevable la demande incidente de la société Cemel au titre de l'indemnisation du préjudice de nuisance prétendument subi,

- débouter la société Cemel de l'ensemble de ses demandes incidentes,

- ordonner la publication, dans trois journaux de presse généraliste et trois journaux de presse professionnelle au choix de la société Tikamoon et aux frais de la société Cemel d'un communiqué judiciaire sur la décision à intervenir,

- ordonner la publication dudit communiqué sur la page d'accueil accessible au public du site Internet www.boisdessusboisdessous.com,

- condamner la société Cemel à verser à la société Tikamoon la somme de 67 258,95 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Cemel aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 7 novembre 2023, la société Cemel demande à la cour de :

- débouter la société Tikamoon de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il en ce qu'il a :

- dit que la société Cemel n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Tikamoon,

- débouté la société Tikamoon de l'ensemble de ses demandes principales, subsidiaires et accessoires,

- condamné la société Tikamoon à lui payer la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- dit qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Tikamoon à lui verser la somme de 18 029,25 euros en réparation de ses préjudices (préjudice de nuisance et temps passé par les dirigeants et collaborateurs de l'entreprise),

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Tikamoon à lui payer la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice de nuisance subi,

En tout état de cause, au surplus,

- condamner la société Tikamoon à la somme de 26 203,07 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 24 janvier 2024, l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 15 février 2024 et mise en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

Au visa des articles 6, 7 et 16 du code de procédure civile, la société Tikamoon expose que le jugement est nul alors que le tribunal a fondé sa décision sur des recherches personnelles, qu'il a reprises partiellement, et a retenu des faits non débattus contradictoirement, au surplus non pertinents et contraires aux pièces produites.

La société Cemel conteste la nullité du jugement, alors que le tribunal a consulté les sites Internet des concurrents qu'elle avait évoqués (à l'exception des 3Suisses) et avait la possibilité de se fonder sur des faits non allégués par les parties, mais soumis au débat contradictoire. Elle affirme que les points de suspension peuvent signifier un sous-entendu et ne font pas partie du dispositif. Au visa de l'article 114 du code de procédure civile, elle soutient que la société Tikamoon ne justifie pas d'un grief, alors que la comparaison avec de nombreux autres sites ne pouvait que mettre en lumière la singularité du sien. Sur l'évolution des sites Internet, elle indiquait que le préjudice s'évalue au jour où le juge statue.

Aux termes de l'article 7 du code de procédure civile, 'le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans les débats. Parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions.'

Selon l'article 16 du même code, 'le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité le parties à présenter leurs observations.'

Il résulte de ces deux derniers textes que le juge ne peut fonder sa décision sur le résultat d'investigations personnelles ou de connaissances personnelles acquises hors des débats judiciaires.

En l'espèce, le tribunal a expressément indiqué que : 'Pour étayer son appréciation de l'existence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, le tribunal a consulté, outre les sites des parties et leurs pièces justifiant de l'évolution de ces sites dans le temps, les sites Internet de nombreux vendeurs de meubles en ligne concurrents, parmi lesquels notamment http://www.khahomedesign.com, http://www.wanda-collection.com, http://www.maisonsdumonde.com/FR/fr, http://www.interiors.fr, http://www.lotusea.fr, http://www.alfredetcompagnie.com, http://www.3suisses.fr/C-2943947-salon'salle-a-manger.htm, http://www.meuble-house.fr, http://www.camif.fr/meuble.html, http://www.home24.fr, http://www.miliboo.com, http://www.gautier.fr ...'

Parmi ces douze sites, onze ont été cités par la société Cemel dans ses conclusions et il apparaît que le partenariat de la société Tikamoon avec les 3 Suisses est évoqué en sa pièce 4.

Pour autant, il convient de retenir que la liste reprise par le tribunal n'est pas exhaustive et que le site Internet des 3 Suisses n'est pas analysé par les parties, ni n'a fait l'objet d'un débat entre elles.

En outre, au regard des modifications fréquentes des sites de vente en ligne, il ne peut être retenu que l'examen de ces sites par le juge à l'occasion du délibéré était susceptible de l'éclairer sur les évolutions antérieures des sites des parties et l'existence des fautes invoquées par la société Tikamoon à l'encontre de la société Cemel dans l'évolution de son site Internet.

En conséquence, si certaines pages de ces sites ont été produites par les parties, ces dernières n'ont pas pu débattre des sites dans la version consultée par le tribunal, ni s'assurer de la pertinence de l'ensemble des sites consultés, au regard du caractère non exhaustif de la liste visée.

Ainsi, il apparaît que les premiers juges n'ont pas pris en compte uniquement des faits expressément invoqués par les parties, ou des faits adventices ou même seulement tirés du dossier mais bien des éléments recueillis, hors débat, à l'initiative même du tribunal et non soumis à la contradiction entre les parties, en dehors du cadre procédural strict réglementant les vérifications personnelles du juge (articles 179 à 183 du code de procédure civile), sans qu'il y ait besoin pour la société Tikamoon d'invoquer ou de justifier d'un grief.

Il ne peut donc qu'être fait droit à la demande d'annulation du jugement déféré.

Sur le parasitisme

Le parasitisme se définit comme 'l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire' (Com. 26 janv. 1999, no 96-22.457).

La société Tikamoon faisant valoir que le site BDBD a repris l'ensemble de ses innovations, au fil du temps, en copiant son identité visuelle, il convient de procéder dans un premier temps à une analyse chronologique des deux sites, étant observé qu'ils ont tous deux pour objet la vente de meubles en bois exotique, avant de procéder à une analyse thématique.

Il est rappelé enfin que la charge de la preuve des faits de concurrence déloyale et parasitaire appartient à la société Tikamoon, demanderesse.

I. Analyse chronologique

* sur le site initial de BDBD

Il ressort des frises comparatives des sites, réalisées par l'appelante, (pages 14 et 91 de ses conclusions) et des pièces afférentes produites par les parties, que le site Teck&Co, créé en 2012, par la société Cemel, et le site BDBD, créé en novembre 2016, présentent la même couleur bleu-gris, assez claire, pour le fond, que le premier site présente déjà un salon de jardin en situation en extérieur et que le site originel de BDBD reprend la même photographie d'empilement de meubles en équilibre que le site de 2012 (photographie qui apparaît toujours le 6 juillet 2020), les autres clichés laissant apparaître, de manière non alignée, des biens à vendre, présentés dans une lumière et des couleurs douces, la moitié présentant des objets à forme arrondie. Le site BDBD ajoute la couleur orange pâle pour mettre en valeur certaines informations sur la page.

A l'inverse, le site de la société Tikamoon, en mars 2016, utilise une couleur de fond gris et gris foncé, les clichés mettent en valeur des meubles à lignes très géométriques, présentés à quatre par ligne, avec des lumières et des couleurs froides. La seule note de couleur présente sur la page se situe dans le titre avec la fin du nom de Tikamoon présentant les lettres 'Moon' en vert. Il apparaît en outre que le nom de Tikamoon est en haut à gauche de la page d'accueil alors que celui de BDBD est au centre.

Ainsi, si la société Tikamoon fait état de l'antériorité des choix éditoriaux pour la refonte de son site, il convient de relever que la mise en ligne du site de BDBD en novembre 2016 est bien antérieure à celle de la refonte de celui de la société Tikamoon, intervenue en décembre 2016.

De même, si elle évoque des recherches internes pour refléter sa singularité, il ressort des pièces qu'elle produit que la société Tikamoon a pris pour modèle d'inspiration d'autres sites Internet concurrents, notamment celui de Home 24 et de La Redoute, ainsi que d'autres sites non concurrents (site MenLook, vente de vêtements), tant sur les options de présentation des produits que sur la navigation sur le site Internet (sa pièce 35).

Enfin, la société Cemel justifie de démarches de recherches, sérieuses et originales, pour la définition de sa nouvelle marque BDBD dès octobre 2015, aboutissant à la mise en ligne de son site en novembre 2016, soit avant la mise en ligne de la refonte de celui de la société Tikamoon, intervenue le 19 décembre 2016. Elle produit également des études pour améliorer le taux de conversion de son site, démontrant le sérieux de son investissement et de sa volonté d'améliorer son propre site par ses propres moyens, qui s'élèvera entre octobre 2015 et janvier 2020 à plus de 120 000 euros. (Pièces 6 à 9, 52 à 55 de l'intimée).

* sur la refonte du site Tikamoon en juin et novembre 2017

Il ressort de la comparaison des sites de Tikamoon avant et après la refonte de novembre 2017 que le nom de Tikamoon est dorénavant au centre de la page d'accueil, une large photographie remplace les trois photographies de la première ligne, présentes en 2016 et juin 2017, et que l'alignement par quatre des meubles de la ligne suivante est remplacé par un alignement par trois puis par deux. L'identité visuelle avec des clichés très géométriques ainsi qu'une lumière et des couleurs froides est conservée. La photographie centrale détaille une table ou un bureau sur fond gris foncé. Aucun prix n'apparaît sur la page d'accueil. Le site met en valeur l'expérience de la société Tikamoon depuis 2007 et une des cartouches reprend l'annonce de la livraison gratuite, en blanc sur fond noir. La couleur verte de la fin du nom est conservée.

En janvier 2018, il apparaît que le site BDBD a connu des évolutions présentant désormais une grande photographie centrale en page d'accueil avec un bandeau, annonçant la livraison offerte, suivie d'une ligne de trois photographies présentant des meubles en vedette, avec les prix, sous filtre gris. L'identité visuelle avec une lumière et des lignes douces est conservée. La photographie centrale met en valeur une pièce à vivre avec canapé, coussins, table basse et buffet en arrière plan. La couleur orange de 2016 a disparu.

Dès lors, l'identité visuelle des deux sites reste bien distincte, étant relevé que le site BDBD utilise déjà un bandeau pour les annonces.

* sur le site Tikamoon en novembre 2018

Si la grande photographie centrale est conservée sur le site de Tikamoon, le fond est désormais gris-bleu clair. La photographie présente un montage avec un buffet bas, accompagné d'une plante et d'une personne. Sur la deuxième ligne, le site a conservé la même photographie dans la cartouche de gauche que sur la version 2017 et la cartouche de droite présente toujours les offres promotionnelles en blanc sur fond noir. Un rappel des promotions est signalé dans les onglets supérieurs en noir, alors qu'il était en rouge pour l'année 2017 et n'existait pas pour les années précédentes.

Le 9 janvier 2019, le site BDBD a conservé sa présentation avec une photographie centrale et réduit à deux le nombre de cartouches suivantes, qui présentent toujours le même filtre gris. Le bandeau est désormais au-dessus de la photographie centrale et plus petit. L'identité visuelle reste la même avec un buffet mis en valeur par des décorations aux lignes rondes, sur un fond clair avec une lumière douce.

Il convient de relever que les deux buffets sont très différents, s'agissant d'un buffet bas et dissymétrique pour la société Tikamoon couleur acajou, visible entièrement, celui du site de BDBD étant bicolore, bouleau et chêne foncé, symétrique, et présenté coupé dans la hauteur.

Il ressort de la comparaison des deux sites que leurs identités visuelles restent bien distinctes.

* sur le site Tikamoon en août 2019

La société Tikamoon a supprimé l'onglet supérieur promotionnel, la photographie centrale, plus grande, comporte un encart blanc rappelant la promotion en cours. La photographie illustre une table sans chaise, sur fond gris foncé et gris clair, une femme marchant en arrière-plan. Les deux photographies ne sont plus de la même taille sur le deuxième rang, la cartouche de droite comportant les promotions en blanc sur fond noir étant désormais moins large.

Le 13 novembre 2019, le site BDBD a conservé la grande photographie centrale, illustrant une table, avec des chaises de séries différentes, couleur bois et noir, un peu en désordre et avec des objets de décoration aux lignes courbes. La lumière est identique à celle des clichés des années précédentes. Les deux cartouches inférieures sont restées égales et avec le même filtre gris.

Il apparaît à nouveau que les sites sont bien distincts, avec leur propre identité visuelle.

* la comparaison du 6 juillet 2020

La société Cemel a fait réaliser un constat d'huissier le 6 juillet 2020, soit cinq jours après la signification de l'assignation de la société Tikamoon devant le tribunal de commerce de Lille Métropole. Il ressort de ce constat que les pages d'accueil sont tout à fait différentes, présentant une table en bois clair avec des vases ronds, dans une pièce claire avec la mention 'vente flash' en caractères blancs, pour le site BDBD et une photographie centrale quasi noire, laissant apparaître les pieds de la table et le décor posé sur le plateau noir, avec la mention 'vente privée' en blanc pour le site de Tikamoon. La page d'accueil du site BDBD affiche trois photographies des nouveautés mises en valeur sous un texte, tandis que celle du site de la société Tikamoon reprend deux lignes de trois photographies, pour chaque catégorie de meubles (meubles sous vasques, tables basses...) avec la mention d'un prix à 'partir de'. L'huissier de justice constate que la navigation sur le site se fait par menu déroulant sur le site de la société Tikamoon alors qu'il ouvre une page de sous-catégorie pour le site BDBD.

Les clichés retenus dans ses propres conclusions par la société Tikamoon pour la comparaison de la page de sous-catégorie 'table basse' laissent apparaître en 2020, des différences patentes de présentation avec la présence d'une photographie placée en-tête sur toute la largeur de la page sur le site de Tikamoon, qui laisse la place à un texte explicatif, placé sous le sigle BDBD, sur le site de l'intimée, qui contient des photographies moins grandes, en hauteur et en largeur, que celles retenues pour la présentation des meubles sur le site de Tikamoon (page 32 de ses conclusions).

Dès lors, il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'identité visuelle et la présentation des sites de Tikamoon et de BDBD sont distinctes, étant observé que le site BDBD a gardé le même style de photographie et de lumière depuis 2012.

II. Analyse thématique

* sur la présentation par pièces

Si la société Cemel ne conteste pas que la présentation par pièces de la société Tikamoon était antérieure à la mise en ligne de son site, il convient de relever que d'autres sites Internet retiennent cette présentation, qui n'apparaît donc pas particulièrement originale ou attachée au site de la société Tikamoon alors que sept des dix-sept concurrents analysés par les parties ont adopté une telle présentation.

* sur l'offre des produits

A titre liminaire, il convient de rappeler que les parties vendent toutes les deux des meubles en bois exotique sur un site Internet. Il ressort en outre des pièces produites qu'elles ont eu au moins un fournisseur en commun jusqu'en 2017. Si une certaine similitude des produits est ainsi inévitable, il appartient à la cour de déterminer si la société Tikamoon justifie qu'elle dépasse les limites de la concurrence loyale.

La société Tikamoon fait valoir des similitudes entre deux meubles vasques, consoles, tables basses et tables.

La société Cemel répond que les meubles sont de la même essence, avec des dimensions standard et que d'autres concurrents présentent les mêmes. Elle souligne que l'identité des meubles vendus ne concernerait que quatre meubles sur plus de 1100 références.

En l'espèce, si les deux meubles vasques présentent des similitudes, il convient de relever que les photographies de mise en ambiance diffèrent de manière importante, au point que le meuble apparaît beaucoup plus clair et dans les tons orangés sur le site de BDBD en raison d'un fond clair, alors qu'il semble présenter une teinte chêne moyen sur le site de Tikamoon en raison d'un fond gris et gris foncé. En outre, les vasques, miroirs, accessoires et fond diffèrent totalement entre les deux clichés, étant observé que la mise en ligne du meuble sur le site de Tikamoon est intervenue le 19 décembre 2017 alors que celle du site BDBD est du 8 octobre 2019.

Par ailleurs, s'agissant de la table prise en photographie devant un mur en briques gris, les clichés ne sont pas datés, interdisant de retenir que la société Cemel aurait copié la société Tikamoon, faute pour cette dernière d'établir l'antériorité.

En outre, il est manifeste que les deux tables à trois pieds, présentées par la société Tikamoon comme identiques, sont d'une hauteur différente, l'une faisant office de table basse, avec un plateau bicolore, et l'autre de table d'appoint, avec un simple plateau en bois, étant observé que la société Tikamoon n'apporte aucun élément quant à des droits spécifiques attachés à cette forme de table.

De même, si les deux sites présentent une console à vendre, la console-bureau du site de BDBD paraît beaucoup plus sombre et ne semble pas présenter de tiroir, tandis que la console de la société Tikamoon est plus claire et présente un tiroir, étant précisé que près cinq années séparent les deux clichés, pour une console dont la société Tikamoon n'établit pas l'originalité.

Enfin, il ne peut être retenu que les deux meubles vasques repris dans la 'story' Instagram présentée par la société Tikamoon puissent faire naître une quelconque confusion dans l'esprit d'un consommateur moyen, alors que le premier est symétrique, bicolore, en bois clair, avec des ouvertures de portes et tiroirs en encoche, avec trois petits tiroirs au centre et deux vasques rondes, tandis que le second est en bois couleur acajou et dissymétrique (les deux portes étant l'une contre l'autre, et les cinq tiroirs larges, en partie droite), avec des vasques carrées.

A l'inverse, il ressort de la comparaison chronologique réalisée par la société Tikamoon que les meubles mis en valeur sur la page d'accueil ne sont pas identiques et que cette différence se maintient au fil de l'évolution des sites : en 2016, la société Tikamoon présentait un buffet bas et une table basse en bois rectangulaire, alors que le site BDBD présentait une table basse carrée avec un dessus en verre et une table de salle à manger carrée en bois clair, les mêmes différences se prolongeant au fil des années.

Dès lors, il n'apparaît pas que la société Tikamoon apporte suffisamment d'éléments pour établir que la société Cemel vende de manière fautive des meubles identiques aux siens.

* sur la présentation des meubles en ambiance

Si la société Tikamoon indique que la mise en ambiance des meubles est une spécificité de son site, il convient de relever que d'autres sites de vente de meubles en ligne présentent également des meubles mis en ambiance, tant sur la page d'accueil que sur la page de présentation des produits, notamment le site Made.com visé par l'intimée.

En outre, la comparaison des pages d'accueil et des pages présentant les meubles mis en ambiance (notamment les tables basses reprises par l'appelante dans ses conclusions), laisse apparaître deux ambiances différentes entre le site de la société Tikamoon (couleurs foncées, lignes géométriques mises en valeur) et le site BDBD (couleurs douces, lignes rondes), caractéristiques de l'identité visuelle des deux sites.

Dès lors, si une mise en ambiance existe sur le site BDBD, l'ambiance du site est tout à fait distincte de celle de celui de la société Tikamoon et il ne peut être reproché à la société Cemel de mettre en ambiance ces meubles, s'agissant d'une technique marketing utilisée par de nombreux sites de vente en ligne.

* sur l'originalité du site de la société Tikamoon

Si les deux sites présentent une page de sous-catégorie afin d'améliorer la navigation, il convient de relever que dès l'origine, le site BDBD présentait les prix de certains produits et qu'il ne peut lui être fait le reproche de les avoir enlevés dès la page d'accueil ou la page de sous-catégorie, dans le cadre des opérations de refonte de son site.

En outre, il ressort des frises chronologiques établies par la société Tikamoon que le site BDBD a présenté un bandeau promotionnel sur la page d'accueil dès janvier 2018 (capture du 5 janvier 2018) alors que si elle affirme en avoir mis en place un sur sa page d'accueil en mai 2018, elle ne produit que la page d'accueil de son site reprenant l'opération Black Friday, qui se déroule en novembre. Il apparaît dès lors que la société Tikamoon ne justifie pas de l'antériorité du bandeau promotionnel, ce dernier étant au surplus particulièrement courant sur les sites de vente en ligne et apparaissant sur les pages d'accueil de nombreux sites communiquées par les parties.

De plus, si elle fait valoir le positionnement des garanties sur la page d'accueil, la société Tikamoon indique elle-même que les garanties présentées sous l'image centrale sur son site depuis mai 2018, ont été positionnées au-dessous puis au-dessus de cette image par le site BDBD en novembre puis décembre 2018. Il ressort en outre de l'étude des autres sites de vente en ligne produits par les parties que la présence des garanties en page d'accueil est reprise par d'autres sites de vente en ligne.

Si elle conteste l'utilisation d'un carrousel d'images en page d'accueil par le site BDBD, la société Tikamoon reconnaît que ce procédé est courant sur les sites de vente en ligne, étant observé que, par nature, il est destiné à mettre en valeur certains produits ou opérations commerciales, le carrousel présent sur la page d'accueil du site de Tikamoon ne présentant en outre pas de caractéristique particulière.

Au surplus, il convient de relever que le site BDBD communique sur le recyclage du bois utilisé, positionnement qui lui est propre et revêt ainsi une démarche de 'singularité marketing', non retenue par la contre-expertise produite par la société Tikamoon, évoquant un clonage du site de cette dernière par l'intimée.

De manière générale, si à certains moments, les sites des sociétés Tikamoon et Cemel ont pu présenter des éléments en commun (par exemple l'encart blanc sur la photographie centrale avec les offres promotionnelles en cours, ou les avis clients et presse sous forme de citation), d'une part, l'analyse complète des sites Internet des parties laisse apparaître des différences et des choix éditoriaux propres au site BDBD (notamment les cartouches sous filtre gris en page d'accueil, le nom de la marque au centre, la couleur gris-bleu du site), qui constituent l'identité du site et qui restent inchangés depuis sa mise en ligne et d'autre part, la comparaison avec les autres sites produits par les parties ne permet pas de retenir que l'ensemble de ces éléments soient caractéristiques du seul site de la société Tikamoon.

* sur la communication sur les réseaux

La société Tikamoon expose que la société Cemel a reproduit la même communication sur les réseaux en diffusant des vidéos sur les coulisses d'une séance photos qui reprendrait les mêmes codes que ceux qu'elle a utilisés.

Pour autant, la société Tikamoon note elle-même l'usage de vidéos de coulisses de shooting photos par d'autres concurrents, étant observé que les vidéos retranscrivent l'univers de chaque marque (sobre et géométrique pour la société Tikamoon, détendu et chaleureux pour la société Cemel).

* sur l'opération Black Friday

Si la société Tikamoon reproche à la société Cemel d'avoir cessé avec un jour d'avance, en novembre 2019, une promotion spécifique sur les salles de bains pour mettre en place une opération globale en raison du Black Friday, il est rappelé que cette opération concerne la très grande majorité des sites de vente en ligne, pour tout type de biens.

Par ailleurs, il ressort de la comparaison des pages d'accueil pour l'opération Black Friday de 2018 (indiquée pour le mois de mai par la société Tikamoon), le site BDBD laisse apparaître un encart noir sur la page d'accueil, tandis que le site de Tikamoon utilise le fond de la photographie centrale pour insérer la mention en caractères blancs. La présence des encarts noirs et blancs va d'ailleurs alterner sur les deux sites en page d'accueil, le site BDBD conservant l'encart à droite de l'image centrale au fil des ans, tandis que celui du site de la société Tikamoon va varier.

* En conséquence, il convient de retenir que si certains éléments ont pu se trouver communs aux deux sites Internet, ils se retrouvent également sur de nombreux autres sites de vente en ligne, sans que la société Tikamoon n'invoque ni ne justifie de spécificités les concernant pour son site. Les deux sites présentent une identité visuelle distincte, l'utilisation des améliorations de présentation et mise en page étant répandue chez leurs concurrents, au regard de l'étude comparative portant sur dix-sept d'entre eux par l'intimée et sans qu'une réelle confusion ne puisse être retenue.

Enfin, si la société Tikamoon produit une étude de confusion, il convient de relever que la méthodologie de cette étude n'est pas détaillée, notamment afin de permettre d'en vérifier l'objectivité et le sérieux de l'analyse, notamment quant aux choix des 200 personnes sur les 80 000 internautes ayant répondu. En outre, il apparaît que la commande de la société Tikamoon auprès de cette agence est expressément 'de prouver la similarité des présentations et des visuels présentés sur le site Tikamoon et le site concurrent BDBD pour in fine démontrer la confusion induite dans l'esprit de l'internaute', libellé ne permettant pas de retenir l'objectivité et l'impartialité de la démarche de l'entreprise sollicitée (Pièce 11 de la société Tikamoon). Dès lors, cette étude ne pourra être retenue.

En conséquence, il convient de retenir que la société Tikamoon ne justifie pas de faits de concurrence déloyale ou de parasitisme de la part de la société Cemel et sera déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre.

Sur le non-respect des opérations promotionnelles

Sur le non-respect de la réglementation, la société Tikamoon relève l'arrêt anticipé d'une promotion en cours, le non-respect des horaires des soldes d'été 2018 et 2019 et conteste avoir elle-même contrevenu aux horaires des soldes d'hiver 2021, la preuve apportée par la société Cemel étant insuffisamment probante quant à l'horaire.

La société Cemel affirme avoir respecté la réglementation relative à son activité commerciale, s'agissant des soldes d'été 2018, reconnaissance entrecoupée d'une journée pour la promotion devant finir le 21 novembre 2019, avant le Black Friday. Elle répond que Tikamoon elle-même ne respecte pas la durée des soldes, pour l'hiver 2021.

En l'espèce, s'agissant de la fin anticipée d'une journée de la promotion de trois jours portant sur les salles de bains, afin de mettre en place les réductions du Black Friday, jusqu'à -30%, il apparaît que cette promotion portait sur une réduction ciblée de 10 %, sur les seuls meubles de salle de bain, sans que la société Tikamoon ne justifie que les meubles initialement visés par la promotion aient vu leurs prix modifiés.

Enfin, si la société Tikamoon justifie que le site de la société Cemel proposait toujours les soldes dans la nuit suivant la fin des soldes 2018 et 2019, aucun élément ne permet de retenir que ce maintien ait pu causer une distorsion réelle de la concurrence au regard d'une part de l'heure nocturne des deux constats et d'autre part des parts de marché de la société Cemel, telles que reprises par l'appelante dans l'analyse de son préjudice (pièces 25 et 26 de la société Tikamoon).

Dès lors, il convient de retenir que la société Tikamoon ne justifie pas de faits de concurrence déloyale ou de parasitisme de la part de la société Cemel et sera déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle

Au visa de l'article 1335 du code civil, la société Tikamoon expose que l'intimée a présenté une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, reprenant les mêmes moyens quant à la supposée stratégie de nuisance de Tikamoon, devant le juge de l'exécution qui l'a déboutée. Elle conclut que l'autorité de la chose jugée rend irrecevable toute nouvelle demande identique. Sur le fond, elle conteste toute action destinée à nuire à la société Cemel.

La société Cemel reprend les éléments évoquant une stratégie de nuisance de la part de Tikamoon (tentative de débauchage d'un fournisseur, exclusivité imposée à un studio photos, dénonciation anonyme auprès du FSC, référencement abusif sur Google). Elle fait valoir son propre préjudice, distinct de la résistance abusive tranchée par le juge de l'exécution.

Selon l'article 1355 du code civil, 'L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité'.

En l'espèce, il convient de relever que la demande indemnitaire présentée devant le juge de l'exécution par la société Cemel intervient dans le cadre d'une instance en contestation de saisie-attribution, alors que la société Cemel invoque la résistance abusive de Tikamoon à l'exécution d'une décision de justice.

A l'inverse, dans le cadre de la présente instance, la société Cemel invoque la responsabilité délictuelle de la société Tikamoon, évoquant la commission de fautes en lien avec un préjudice qu'elle détermine.

Dès lors, le fondement de l'action étant différent, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la société Cemel.

Sur le fond, il convient de relever que la société Cemel produit deux courriels d'un fournisseur pour des faits de 2017 et d'un gérant de studio photographique pour des faits de 2015, mettant en cause la société Tikamoon, sans qu'il ne ressorte de ces messages que leur auteur est informé qu'il est destiné à être produit en justice, la société Cemel ne produisant en outre aucun autre élément permettant d'étayer ces deux courriels.

De même, si certains résultats sur le moteur de recherches 'Google' avec la requête 'bois dessus bois dessous' affichent un résultat pour le site de la société Tikamoon, il apparaît que, dans un premier temps, cinq des sept résultats renvoient au site BDBD, le dernier concernant le site ManoMano.fr et dans un second temps, sept résultats renvoient au site BDBD, deux sur celui de la société Tikamoon et le dernier sur ManoMano.fr, le site BDBD apparaît en premier sur les résultats affichés en liste sous les exemples de produits proposés par le moteur de recherches.

Dès lors, à défaut d'autres éléments, il convient de retenir que la société Cemel ne justifie pas de la stratégie de nuisance de la société Tikamoon qu'elle invoque, et sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Tikamoon sera condamnée à verser la somme de 26 203,07 euros, correspondant aux honoraires versés et au temps rendu nécessaire pour préparer la défense.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Tikamoon sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rappelle que la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 22/01625 et 22/02979 a été ordonnée le 12 janvier 2023,

Annule le jugement ;

Saisie de l'entier litige au fond,

Déboute la société Tikamoon de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société Cemel de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne la société Tikamoon à verser à la société Cemel la somme de 26 203,07 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tikamoon aux dépens.