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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 28 mai 2024, n° 23/00394

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ici & Là Ile de (SAS)

Défendeur :

Villa Ici & La (SAS), Casa (SARL), Antilles Finances (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ramage

Vice-président :

Mme Pelatan

Conseiller :

M. Plumenail

Avocats :

Me Auteville, Me Fouilleul, Me Fonchy, Me Yaoudarene

TJ Fort-de-France, du 21 juill. 2023, n°…

21 juillet 2023

EXPOSÉ DU LITIGE,

La S.A.S. ICI & LÀ - ILE DE [Localité 9], ayant pour nom commercial ICI & LÀ, exploite depuis 1990 une agence immobilière installée à [Localité 9], notamment pour des locations de courtes durées de villas haut de gamme, principalement localisées sur l'île.

Elle est titulaire de huit marques déposées à l'INPI entre 1991 et 2013, soit cinq verbales : ICI & LÀ ILE DE [Localité 9]' ; 'ICI ET LA' (marque française); 'ICI ET LÀ'; (marque internationale); 'EXTRAORDNIARY VILLAS FOR EXTRAORDINARY PEOPLE' (marque française); 'EXTRAORDNIARY VILLAS FOR EXTRAORDINARY PEOPLE' (marque internationale) ; et trois semi-figuratives reprenant le logo ICI & LÀ soit bleu et rouge soit gris soit bleu.

La SAS ICI & LÀ - ILE DE [Localité 9] propose à la location la 'CASA [7]' appartenant à la SARL ANTILLES FINANCES. La SARL ANTILLES FINANCES est une société co-gérée par [G] [L] et [V] [L], ayant pour activité le conseil aux entreprises et aux particuliers, la propriété et la gestion de tous les biens immobiliers et mobiliers, réfection, rénovation, réhabilitation.

La SAS VILLA ICI & LÀ utilise pour nom commercial « ICI & LA » et a pour activité la réalisation de plans de construction de maisons individuelles, la gestion de valeurs immobilières, l'administration et la gestion de participations dans des sociétés commerciales.

La SARL CASA [5], appartenant pour 50 % à [G] [L], est propriétaire du nom de domaine « casa-ici-et-la.com » depuis le 05 novembre 2021 et a pour objet social la promotion immobilière, marchand de bien.

Faisant valoir que l'usage des termes 'ICI ET LÀ' 'ICI & LÀ' et 'ICI-LA' présente de forte similitude avec les marques déposées et constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées et un trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux, la SAS ICI & LÀ - ILE DE [Localité 9] a mis en demeure la SARL ANTILLES FINANCES de cesser l'usage illicite de ces termes.

Par actes d'huissier de justice en date des 13 septembre 2022, 12 et 18 janvier 2023, la SAS ICI & LÀ - ILE DE [Localité 9] a fait assigner la SARL ANTILLES FINANCES, la SAS VILLA ICI & LÀ et la SARL CASA [5] devant le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, statuant en référé, aux fins de voir notamment supprimer l'usage du logo litigieux sous astreinte et les condamner à lui payer des dommages et intérêts.

Par ordonnance en date du 21 juillet 2023, le juge des référés a :

- « déclaré irrecevable la SAS ICI&LA-ILE DE [Localité 9] à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES en référé-contrefaçon, et prononcé la mise hors de cause de la SARL ANTILLES FINANCES,

- déclaré par conséquent irrecevable la SARL ANTILLES FINANCES en ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques, et invité les parties à mieux se pourvoir ;

Vu l'absence de trouble manifestement illicite,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] et invitons les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES, la SAS VILLA ICI & LÀ, la SARL CASA [5] (ensemble) la somme de 2.00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] aux dépens,

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire. »

Par déclaration reçue le 28 septembre 2023, la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, l'appelante demande d'in'rmer l'ordonnance du juge des référés, et faisant droit à nouveau, de :

« Vu les articles L716-4-6, L716-4-10 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 835 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Réformer l'ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Fort de France en ce qu'elle :

- déclare irrecevable la SAS ICI & LA-ILE DE [Localité 9] à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES en référé-contrefaçon et prononce la mise hors de cause de la SARL ANTILLES FINANCES,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la SAS ICI & LA-ILE DE [Localité 9] et en ce qu'elle invite la SAS ICI & LA ' ILE DE [Localité 9] à mieux se pourvoir,

- condamne la SAS ICI & LA-ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES, la SAS VILLA ICI & LÀ, la SARL CASA [5] (ensemble) la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de la procédure civile,

- condamne la SAS ICI & LA ' ILE DE [Localité 9] aux dépens,

Confirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'elle :

- déclare irrecevable la SARL ANTILLES FINANCES en ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques et invite la SARL ANTILLES FINANCES et autres parties intimées à mieux se pourvoir,

Et statuant à nouveau :

- juger la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] recevable et bien fondée en ses demandes,

- juger les sociétés CASA [5], VILLAS ICI & LA et ANTILLES FINANCES mal fondées en leurs demandes ;

En conséquence :

Sur la contrefaçon vraisemblable de marques,

- juger que l'usage des termes « ICI & LÀ » sur les pages du site internet accessibles à partir de l'adresse www.casa-ici-et-la.com constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977,

- juger que l'usage des termes « ICI-LA » sur la page internet Instagram accessible à partir de l'adresse https :

//www.instagram.com/casa-ici-la / constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977,

- juger que l'usage des termes « ICI ET LA » au sein de l'adresse du site internet www.casa-ici-et-la.com constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977 ;

- juger que l'usage des termes « ICI & LÀ », « ICI-LA » ou « ICI ET LA » à titre d'identité visuelle de la société VILLA ICI & LA constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977, et ce quel que soit le support de communication sur lequel l'identité visuelle est reproduite,

- juger que le dépôt et l'usage du nom de domaine casa-ici-et-la.com constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977,

- juger que l'usage à titre de pseudonyme de 'CASA-ICI-LA' constitue une contrefaçon vraisemblable des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977,

- juger que la responsabilité de la société CASA [5] est engagée à ce titre ;

Sur le trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux,

- juger que l'usage à titre de dénomination sociale de VILLA ICI & LA constitue un trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux,

- juger que l'usage des termes « ICI & LÀ », « ICI-LA » ou « ICI ET LA » à titre d'identité visuelle de la société VILLA ICI & LA constitue un trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux, et ce quel que soit le support de communication sur lequel l'identité visuelle est reproduite,

- juger que la responsabilité de la société CASA [5] est engagée à ce titre,

- juger que la responsabilité de la société VILLA ICI & LA est engagée à ce titre ;

En conséquence :

- ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'1 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, l'arrêt immédiat de toute diffusion des termes 'ICI & LA', 'ICI ET LA' et 'ICI-LA' sur les adresses et pages des sites internet : www.casa-ici-et-la.com, https ://www.instagram.com/casa-ici-la/ et, de manière plus générale, à titre d'identité visuelle de la société CASA [5], et ce quel que soit le support de communication sur lequel l'identité visuelle est reproduite,

- ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, à la société VILLA ICI & LÀ de modifier sa dénomination sociale de manière à faire supprimer l'usage et la diffusion des termes 'ICI & LÀ',

- INTERDIRE aux sociétés CASA [5], VILLA ICI & LA et ANTILLES FINANCES de faire usage des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977 sur le territoire français, sous quelque forme, support et à quelque titre que ce soit, et notamment en tant que marque, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, balise méta, mentions légales ou lien hypertextes notamment sur leur site internet et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai d'1 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner la société CASA [5] à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] une provision sur dommage de 40.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques,

- condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] une provision sur dommage de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] la somme de 12.000€ au titre des frais irrépétibles engagés en première instance au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et 15.000€ au titre des frais irrépétibles engagés en appel ainsi qu'aux entiers dépens,

- juger que la responsabilité de la société ANTILLES FINANCES est engagée à raison des faits illicites susvisés et que cette dernière sera tenue in solidum des condamnations financières prononcées à hauteur de 50% de leur montant ;

- débouter les sociétés CASA [5], VILLAS ICI & LA et ANTILLES FINANCES de l'intégralité de leurs demandes. »

Aux termes de leurs dernières conclusions, la SAS VILLA ICI & LÀ et la SARL CASA [5] demandent à la cour de :

« A titre liminaire,

Vu les articles 12, 31, 32, 122, 123, 700, 699 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les articles L711-1-1, L711-2, L714-3, L711-2.4°, L714-5, L713-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1103, 1104, 1112-1 1231-1, 1217, 1240, 1991 et suivants du Code civil,

Vu les jurisprudences précitées,

Vu les pièces produites,

Vu l'ordonnance en date du 21 juillet 2023.

(')

Confirmer la décision rendue par le président du tribunal de Fort-de-France en date du 21 juillet 2023 en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la SAS ICI & LA ILE DE [Localité 9] à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES en référé contrefaçon, et prononcé la mise hors de cause de la SARL ANTILLES FINANCES,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la SAS ICI ET LA ILE DE [Localité 9] et invité les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la SAS ICI ET LA ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS ICI ET LA ICLE DE [Localité 9] aux dépens.

Infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la SARL ANTILLES FINANCES en ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques, et invité la SARL ANTILLES FINANCES et autres parties à mieux se pouvoir.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes en contrefaçon des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ',

- constater l'absence d'atteinte possible eu égard à la nullité et la déchéance demandée des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ, dont est titulaire la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9],

- prononcer la nullité des marques dont est titulaire la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] à savoir :

' la marque française verbale « ICI & LA ILE DE [Localité 9] » déposée le 13 octobre 1997 (n°97699019),

' la marque française et internationale verbale « ICI ET LA » déposée le 25 novembre 2011 (n°1106211),

' la marque française verbale « ICI ET LA » déposée le 31 octobre 2011 (n°3870731),

' la marque française semi figurative « ICI & LA » déposée le 7 octobre 2013 (n°4037891),

' la marque française semi figurative « ICI & LA VILLA RENTALS COMPANY REAL ESTATE [Localité 9] F.W.I » déposée le 7 octobre 2013 (n°403789),

' la marque française semi figurative « ICI & LA REAL ESTATE COMPANY VILLA RENTALS [Localité 9] F.W.I » déposée le 7 octobre 2013 (n°4037977).

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour venait à considérer la validité des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ' :

- débouter la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes en contrefaçon des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ',

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, l'arrêt immédiat de toute diffusion de termes 'ICI & LÀ', 'ICI ET LA' et 'ICI-LA' sur les adresses et pages des sites internet : www.casa-ici-et-la.com, https : //www.instagram.com/casa-ici-la/ et, de manière plus générale, à titre d'identité visuelle de la société CASA [5], et ce quel que soit le support de communication sur lequel l'identité visuelle est reproduite,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'1 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, à la société VILLA ICI & LÀ de modifier sa dénomination sociale de manière à faire supprimer l'usage et la diffusion des termes 'ICI & LÀ',

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'interdire aux sociétés CASA [5], VILLA ICI & LA et ANTILLES FINANCES de faire usage des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977 sur le territoire français, sous quelque forme, support et à quelque titre que ce soit, et notamment en tant que marque, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, balise méta, mentions légales ou lien hypertextes notamment sur leur site internet et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner la société CASA [5] à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] une provision sur dommage de 40 000 euros en réparation du préjudice prétendument subi du fait des actes de contrefaçon de marques,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 15.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de juger que la responsabilité de la société ANTILLES FINANCES est engagée à raison des faits illicites susvisés et que cette dernière sera tenue in solidum des condamnations financières prononcées à hauteur de 50% de leur montant ;

A titre reconventionnel :

- ordonner à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de produire l'ensemble des éléments utiles permettant de justifier de l'exploitation desdites marques précitées de manière effective et régulière,

- condamner reconventionnellement la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] pour manquement à son obligation de conseil à l'égard de la société ANTILLES FINANCES,

- condamner en conséquence, la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] au paiement d'une provision sur dommage de 8.000 euros au titre de réparation du préjudice subi,

- condamner reconventionnellement la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] pour manquement à ses obligations de recherche de locataires et de gestion au titre du contrat de mandat de gestion de location saisonnière,

- condamner en conséquence, la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] au paiement d'une provision sur dommage de 1.600.176,696 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses manquements contractuels.

En tout état de cause,

Sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile :

- condamner la société ICI & LA ILE DE [Localité 9], aux entiers dépens.

Sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile :

- autoriser la société FIDAL à recouvrer directement contre la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans recevoir provision.

Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- condamner la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] à payer à la société ANTILLES FINANCES la somme de 10 000,00 €. »

Aux termes de ses dernières conclusions, la SARL ANTILLES FINANCES sollicite :

« A titre liminaire,

Vu les articles 12, 31, 32, 122, 123, 700, 699 et suivants du Code de procédure civile

Vu les articles L711-1-1, L711-2, L714-3, L711-2.4°, L714-5, L713-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1103, 1104, 1112-1 1231-1, 1217, 1240, 1991 et suivants du Code civil,

Vu les jurisprudences précitées,

Vu les pièces produites,

Vu l'ordonnance en date du 21 juillet 2023 ;

(')

Confirmer la décision rendue par le président du tribunal de Fort-de-France en date du 21 juillet 2023 en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la SAS ICI & LA ILE DE [Localité 9] à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES en référé contrefaçon, et prononcé la mise hors de cause de la SARL ANTILLES FINANCES,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la SAS ICI ET LA ILE DE [Localité 9] et invité les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la SAS ICI ET LA ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS ICI ET LA ICLE DE [Localité 9] aux dépens.

Infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la SARL ANTILLES FINANCES en ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques, et invité la SARL ANTILLES FINANCES et autres parties à mieux se pouvoir.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,

- juger la société ANTILLES FINANCES recevable et bien fondée en ses demandes,

- prononcer la nullité des marques dont est titulaire la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] à savoir :

' la marque française verbale « ICI & LA ILE DE [Localité 9] » déposée le 13 octobre 1997 (n°97699019),

' la marque française et internationale verbale « ICI ET LA » déposée le 25 novembre 2011 (n°1106211),

' la marque française verbale « ICI ET LA » déposée le 31 octobre 2011 (n°3870731),

' la marque française semi figurative « ICI & LA » déposée le 7 octobre 2013 (n°4037891),

' la marque française semi figurative « ICI & LA VILLA RENTALS COMPANY REAL ESTATE [Localité 9] F.W.I » déposée le 7 octobre 2013 (n°403789),

' la marque française semi figurative « ICI & LA REAL ESTATE COMPANY VILLA RENTALS [Localité 9] F.W.I » déposée le 7 octobre 2013 (n°4037977).

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la cour venait à considérer la validité des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ' :

- débouter la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes en contrefaçon des marques 'ICI ET LA' et 'ICI & LÀ',

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, l'arrêt immédiat de toute diffusion de termes 'ICI & LÀ',

' ICI ET LA' et 'ICI-LA' sur les adresses et pages des sites internet : www.casa-ici-et-la.com, https://www.instagram.com/casa-ici-la/ et, de manière plus générale, à titre d'identité visuelle de la société CASA [5], et ce quel que soit le support de communication sur lequel l'identité visuelle est reproduite ;

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'1 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, à la société VILLA ICI & LÀ de modifier sa dénomination sociale de manière à faire supprimer l'usage et la diffusion des termes 'ICI & LÀ',

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes d'interdire aux sociétés CASA [5], VILLA ICI & LA et ANTILLES FINANCES de faire usage des marques enregistrées n°97699019, n°3870731, n°4037895, n°4037891, n°4037977 sur le territoire français, sous quelque forme, support et à quelque titre que ce soit, et notamment en tant que marque, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, balise méta, mentions légales ou lien hypertextes notamment sur leur site internet et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner la société CASA [5] à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] une provision sur dommage de 40 000 euros en réparation du préjudice prétendument subi du fait des actes de contrefaçon de marques,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de condamner in solidum la société CASA [5] et VILLA ICI & LÀ à verser à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 15.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de ses demandes de juger que la responsabilité de la société ANTILLES FINANCES est engagée à raison des faits illicites susvisés et que cette dernière sera tenue in solidum des condamnations financières prononcées à hauteur de 50% de leur montant ;

A titre reconventionnel :

- ordonner à la société ICI ET LA ILE DE [Localité 9] de produire l'ensemble des éléments utiles permettant de justifier de l'exploitation desdites marques précitées de manière effective et régulière,

- condamner reconventionnellement la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] pour manquement à son obligation de conseil à l'égard de la société ANTILLES FINANCES,

- condamner en conséquence, la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] au paiement d'une provision sur dommage de 8.000 euros au titre de réparation du préjudice subi,

- condamner reconventionnellement la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] pour manquement à ses obligations de recherche de locataires et de gestion au titre du contrat de mandat de gestion de location saisonnière,

- condamner en conséquence, la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] au paiement d'une provision sur dommage de 1.600.176,696 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses manquements contractuels.

En tout état de cause,

Sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile :

- condamner la société ICI & LA ILE DE [Localité 9], aux entiers dépens.

Sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile :

- autoriser la société FIDAL à recouvrer directement contre la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans recevoir provision.

Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- condamner la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] à payer à la société ANTILLES FINANCES la somme de 10 000,00 €. »

La clôture de l'instruction est intervenue le 07 mars 2024.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 22 mars 2024 et la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées et au jugement déféré.

MOTIFS,

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que les demandes tendant à voir «dire et juger», «constater», «rappeler » ou « observer » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de sorte qu'il n'en sera pas fait mention dans le dispositif.

De plus, le dispositif du présent arrêt sera limité aux strictes prétentions formées par les parties constituées, étant rappelé qu'il n'a pas vocation à contenir les moyens venant au soutien des demandes, peu important que ces moyens figurent dans le dispositif des conclusions. Enfin et en application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

I - Sur la contrefaçon de marque

A ' Sur la vraisemblance de l'atteinte portée à la marque ICI & LA

L'appelante soutient que les quatre conditions nécessaires pour établir la contrefaçon de marque reprochée prévues à l'article L713-2 du code de la propriété intellectuelle sont remplies en l'espèce, à savoir :

- l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou services,

- l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque enregistrée,

- l'usage de ce signe pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée,

- l'existence d'un risque de confusion (incluant le risque d'association) entre le signe litigieux et la marque enregistrée.

Elle argue en outre qu'en vertu de l'article L.716-4-6 du même code, la seule vraisemblance de la contrefaçon suffit à autoriser le juge des référés à prendre toutes mesures pour faire cesser les actes fautifs et prononcer les mesures provisionnelles réparatrices. Elle reproche au juge des référés d'avoir écarté le grief de contrefaçon de marques aux motifs que les usages des signes en concurrence ne sont pas « strictement identiques », considération faite de l'univers mexicain du signe CASA ICI & LA et de l'ajout du terme CASA au sein du signe litigieux. Elle soutient ainsi qu'il n'est pas nécessaire que les usages soient strictement identiques pour que le caractère vraisemblable de la contrefaçon soit établi mais que le caractère similaire suffit à caractériser l'acte de contrefaçon en vertu de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, caractérisé en l'espèce selon elle par les éléments suivants :

- ICI & LA est une locution utilisée dans le domaine du voyage et non dans l'immobilier ;

- ICI & LA est utilisée de manière similaire par les deux sociétés ;

- les deux sociétés évoluent dans le même secteur d'activité et utilisent ICI & LA pour des produits et services identiques.

Les intimées soutiennent en réplique que la marque « ICI ET LA » est purement descriptive et ne répond pas à l'exigence de distinctivité posée aux articles article L711-1-1 et L711-2 1° et 2° du code de la propriété intellectuelle. Ils estiment que la marque verbale « ICI ET LA », qui n'a aucune représentation graphique particulière, ne permet pas au consommateur moyen de faire le lien entre le service proposé et la SAS ICI & LA ILE DE [Localité 9] et que par l'utilisation d'une expression courante de la langue française (« Ici et là »), la société ICI & LA ILE DE [Localité 9] tente de s'arroger un droit privatif sur une expression usuelle. En conséquence, ils estiment que le juge des référés, s'il retient sa compétence, ou le juge du fond, devra prononcer la nullité des marques litigieuses et débouter l'appelante de ses demandes.

Le juge des référés a considéré, sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile, L716-4-6, L111-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle, que le demandeur devait d'une part démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite consistant en l'usage du signe distinctif de la marque pour des produits similaires ou identiques et d'autre part démontrer la distinctivité intrinsèque de la marque et la distinctivité acquise par l'usage que la société en a fait.

Il a ensuite jugé que la marque verbale 'ICI ET LA' utilise une locution empruntant au langage courant, et que le fait que 'ICI ET LA' ne soit pas uniquement attaché à l'immobilier mais aussi au voyage ne rend pas la marque arbitraire concernant l'immobilier à [Localité 9]. Ensuite, il a estimé que ni les carrés espacés figuratifs utilisés (3 carrés bleu et blanc) ni la typologie utilisée n'étaient originaux au point de révéler une marque distinctive.

Enfin, le juge a considéré que l'utilisation faite par les sociétés VILLA ICI & LA et CASA [5] de la locution ne sont pas strictement identiques et que la typologie ainsi que l'univers graphique utilisés par ces sociétés s'apparentaient au Mexique avec l'apposition du mot 'CASA'.

S'agissant de l'utilisation par la société VILLA ICI & LA de la locution en tant que nom de société et l'utilisation par la société CASA [5] de l'adresse du site internet 'casa ici et là', le juge a estimé que le trouble manifestement illicite n'était pas caractérisé car les deux univers choisis sont différents, auditivement la locution 'CASA' les rend distinctif, de sorte que la confusion engendrée par l'utilisation de ces termes ne semblait pas évidente, malgré une locution commune et une similitude conceptuelle, jugeant que la location de villas de luxe à [Localité 9] n'étant pas un concept hors du commun.

La cour retient qu'aux termes de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.

En l'espèce, l'appelante ne peut donc demander une mesure pour empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon que si elle apporte des éléments de preuve rendant vraisemblable le fait qu'il est porté atteinte à ses droits.

C'est à bon droit que le juge des référés a jugé qu'il n'était pas compétent pour 'prononcer la nullité des marques' verbales et semi figurative utilisées par la SAS ICI & LA-ILE DE [Localité 9]. En effet, lorsque les marques ont été déposées et enregistrées, elles sont, à ce titre, valides jusqu'à ce qu'il en soit décidé différemment par le juge compétent et cette validité s'impose au juge de l'évidence. En conséquence, il convient de confirmer la décision du juge des référés en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques, et invité les parties à mieux se pourvoir au fond. Le même raisonnement doit être suivi s'agissant de la demande aux fins de déchéance partielle des marques ICI & LÀ pour défaut d'usage sérieux depuis au moins 5 ans sur le fondement de l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle. La demande reconventionnelle visant à ordonner à l'appelante de produire l'ensemble des éléments utiles premettant de justifier de l'exploitation des marques de manière effective et régulière se trouve en conséquence dépourvue d'objet.

S'agissant de la SARL CASA [5]

Sur les allégations de contrefaçon, il ressort de l'examen des éléments en cause d'une part que l'appelante exploite une agence immobilière installée à [Localité 9], spécialisée dans la vente, la location de villas haut de gamme, et la gestion de propriétés tandis que la SARL CASA [5] a pour activité la promotion immobilière, marchand de biens, la mise à disposition, par location ou sous location ou autres moyens, de chambres, d'appartements ou de maisons, meublés ou non, de tourisme ou non, et propose notamment en location sur la Côte-d'Azur et à [Localité 9] des villas de luxe. Il résulte de ces éléments que ces deux sociétés proposent des maisons haut de gamme à la location de courte durée, touristiques, sur l'île de [Localité 9], soit un service identique.

Comme l'a fait le juge des référés, l'appréciation de la similitude des marques litigieuses doit s'effectuer aux termes d'un examen global sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

Au plan visuel, s'agissant de l'usage de la locution « ICI ET LA », la cour constate que l'ajout du terme CASA devant la locution n'en fait pas une reproduction identique comme l'a justement relevé le juge des référés. La typographie de la locution, bien différentes, ne rend pas non plus les deux utilisations de la locution similaires. De même, les logos ne présentent aucune similitude ni par les couleurs utilisés, ni par l'univers graphique : tandis que le sigle ICI & LA est représenté dans des carrés sur fonds bleu et blanc ou bleu et rose, le sigle CASA ICI & LA est représenté d'une couleur uniforme (soit blanche, soit verte) avec un dessin de cactus. Les univers graphiques ne sont dès lors ni identiques ni similaires.

Au plan phonétique, de la même manière l'ajout du mot « CASA » n'en fait pas une reproduction identique de la marque déposée par l'appelante. Toutefois, il existe une certaine similitude entre ces deux emplois, le seul élément de différenciation étant le terme 'CASA'. Toutefois, l'ajout du terme « CASA » à la locution « ICI & LA » est insuffisant à éliminer tout risque de confusion pour le consommateur moyen de villas de luxe à [Localité 9], dans la mesure où ce terme entre dans le champ lexical particulier à l'activité de location de villas exercée par l'appelante. En effet, le terme « casa » désignant la maison en langue espagnole, le consommateur moyen peut vraisemblablement être amené à penser que « CASA ICI & LA » est une « maison » proposée à la location par « ICI & LA ».

Enfin, d'un point de vue conceptuel, les deux sociétés proposent le même type de biens à la location au même endroit géographique et notamment la même maison appelée « CASA [7] », et la seule différence entre les deux appellations est le terme « CASA », lequel est peu distinctif s'agissant d'un terme usité dans le champ lexical de la location de biens immobiliers dans un cadre touristique. En outre, les termes « CASA ICI ET LA » sont utilisés par la SARL CASA [5] notamment dans le nom de domaine de son site internet ainsi que sur le réseau social instagram, de manière très apparente sur chaque page, de sorte que le consommateur n'a aucun moyen de savoir qu'il ne s'agit ni d'une dénomination sociale ni du nom commercial de la société mais un simple slogan. Dans ces conditions, il existe vraisemblablement un risque de confusion avec la marque ICI & LA appartenant à l'appelante.

Ainsi, l'analyse de l'ensemble de ces éléments conduit à retenir que la dénomination CASA ICI & LA est manifestement proche de la marque ICI & LA, l'ajout du terme « CASA » soit « maison » en langue française n'ayant aucune originalité, alors que le nom de ICI & LA a précisément été enregistré pour exercer une activité d'agence immobilière proposant notamment des maisons à la location, tout comme CASA ICI & LA, et ce, même si le terme ICI & LA est une expression empruntée au langage courant.

En conséquence, c'est par une appréciation erronée des éléments versés aux débats que le juge des référés a jugé que l'existence d'une contrefaçon n'était pas évidente et a débouté de ses demandes et invité à mieux se pourvoir la SAS ICI & LA-ILE DE [Localité 9] alors que la terminologie CASA ICI & LA dans le contexte sus-développé est similaire à la marque ICI & LA et crée vraisemblablement un risque de confusion dans l'esprit du consommateur.

L'ordonnance sera infirmée sur ce point et il sera enjoint sous astreinte à la SARL CASA [5] de cesser l'utilisation du terme « CASA ICI & LA ».

S'agissant de la SAS VILLA ICI & LÀ

L'appelante demande qu'il soit ordonné à la SAS VILLA ICI & LA sous astreinte de modifier sa dénomination sociale de manière à faire supprimer l'usage et la diffusion des termes « ICI & LA ».

Il résulte de l'extrait K-bis versé aux débats que le siège social de la SAS VILLA ICI & LA est situé à [Localité 3] (59) et que cette société a pour activité la réalisation de plans de construction de maison individuelle et la commercialisation de contrat de construction depuis le 02 décembre 2019.

Dès lors, aucun des éléments versés aux débats par l'appelante ne permet de constater que cette société exerce dans un domaine d'activité identique ou similaire à celui de l'appelante, alors qu'il s'agit de la première condition posée par l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle. Pour cette même raison, bien que similaire à la marque ICI & LA, il n'est pas démontré avec la vraisemblance attendue dans le cadre du référé que cette terminologie porte confusion dans l'esprit du consommateur puisque ce dernier peut clairement identifier chacune des sociétés à un service différent dans une région géographique différente.

Dans ces conditions, la cour confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] formée à l'encontre de la SAS VILLA ICI & LÀ sur le fondement de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle.

S'agissant de la SARL ANTILLES FINANCES

La SARL ANTILLES FINANCES sollicite la confirmation de l'ordonnance qui a prononcé sa mise hors de cause.

La SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] soutient que la société ANTILLES FINANCES, propriétaire du bien immobilier « la CASA [7] », engage in solidum sa responsabilité civile dès lors que, n'ignorant pas l'atteinte aux droits considérés et l'exercice déloyal du commerce subis par la société appelante, elle a délibérément apporté son assistance aux fautes commises :

- en autorisant la mise en location du bien immobilier par un agent qui pourrait exercer illégalement la profession,

- en acceptant la diffusion d'un site portant atteinte aux droits des tiers,

- en profitant indûment du produit des activités fautives,

- en dissimulant à la justice l'identité de la personne responsable pour permettre à celle-ci d'échapper à toute condamnation judiciaire.

Elle rappelle que les sociétés ANTILLES FINANCE, CASA [5] et VILLA ICI & LA sont toutes trois contrôlées et gérées par la même personne, M. [G] [L].

Comme l'a retenu le juge des référés, il n'est pas contesté ni contestable que la SARL ANTILLES FINANCES n'utilise pas le nom 'ICI ET LA' dont il est demandé l'interdiction de l'utilisation. Le débat sur la contrefaçon de marque ne concerne dès lors pas cette société et c'est d'ailleurs sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle que l'appelante sollicite sa condamnation in solidum avec SAS VILLA ICI & LA et la SARL CASA [5].

En conséquence, si la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] dispose bien d'un intérêt à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES sur le terrain de la responsabilité délictuelle, cette action excède la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.

L'odonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a mis hors de cause la SARL ANTILLES FINANCES et il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES, l'appelante étant invité à mieux se pourvoir au fond.

B - Sur la demande de dommages et intérêts

En application de l'article L716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction saisie peut accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.

L'appelante sollicite la condamnation à titre provisionnel de la société CASA [5] à lui payer la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques.

Elle reproche à la SARL CASA [5] d'avoir, en contrefaisant des marques enregistrées, indûment profité de l'image, de l'ancienneté et de la valeur de ces marques pour lesquelles elle a beaucoup investi avec notamment d'importantes charges de publicité et de valorisation des marques. Elle argue également d'une dévalorisation de la marque ICI & LA, ayant causé une perte du fruit de ses investissements.

Les intimés soutiennent que l'appelante ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué et se contente d'alléguer des montants théoriques auxquels elle ajoute ses propres frais de publicité, sans aucun lien direct ou indirect avec le bien immobilier la CASA [7].

Il résulte des éléments du débat que le caractère non sérieusement contestable du préjudice n'est pas démontré par l'appelante. En effet, elle fonde ses demandes sur des estimations des bénéfices retirés par la SARL CAS [5] et ne démontre pas un dommage subi par sa propre société avec l'évidence requise en référé.

En conséquence, la SAS ICI & LA ' ILE DE [Localité 9] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon de marque.

II ' Sur la demande de dommages intérêts en réparation du trouble manifestement illicite tiré d'agissements déloyaux

A ' Sur l'existence du trouble manifestement illicite

Sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil, l'appelante sollicite la condamnation à titre provisionnel in solidum des sociétés CASA [5] et VILLA ICI & LA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements déloyaux commis par la société CASA [5] avec l'assistance de la société ANTILLES FINANCES.

Le juge des référés a énoncé que le contentieux relatif à la concurrence déloyale entre deux sociétés commerciales relevait de manière exclusive du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France.

Sur ce premier point, la cour rappelle que le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur la concurrence déloyale lorsqu'une action en contrefaçon est par ailleurs engagée, ce qui est le cas en l'espèce.

Ensuite, il découle des développements précédents l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par la SARL CASA [5] envers l'appelante caractérisé par l'utilisation des termes « CASA ICI & LA » en contrefaçon de sa marque déposée ICI & LA, trouble qui cessera par l'injonction faite à la SARL CASA [5] de cesser de faire usage de ces termes.

L'appelante soutient en outre que l'usage du signe ICI & LÀ par la société CASA [5] porte atteinte au nom commercial 'ICI & LÀ' de la société appelante mais comme il vient d'être rappelé, la cessation de cet usage a déjà été ordonnée.

L'appelante fait également grief à la SARL CASA [5] de proposer une activité de location immobilière sur internet, sous un nom quasiment identique au sien, sans justifier d'une carte professionnelle l'autorisant à se prévaloir de la qualité d'agent immobilier à l'égard de la clientèle, estimant ainsi que la société CASA [5] commet une faute qui engage sa responsabilité civile extracontractuelle à l'égard de la société appelante dont le préjudice consisterait, notamment, en une atteinte particulière à son image et sa réputation.

Comme rappelé précédemment, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de trancher la question de la responsabilité délictuelle des parties au litige. Cet argument ne caractérise en tout état de cause pas un trouble manifestement illicite contrairement à ce que semble indiquer l'appelante aux termes de ses conclusions.

L'appelante expose ensuite que la SARL CASA [5], qui propose à la location la villa CASA [7] de même que l'appelante, crée la confusion dans l'esprit du consommateur entre son site internet et celui de l'appelante, causant ainsi à cette dernière un préjudice en ce que ses services de plus grande valeur se trouvent associés à ceux de www.casa-ici-et-la.com. Là encore, cet argument ne saurait caractériser un trouble manifestement illicite avec l'évidence requise en référé.

Enfin, compte tenu des secteurs d'activité éloignés de la SAS ICI & LA ' ILE DE [Localité 9] et de la SAS VILLA ICI & LA ainsi que de leur éloignement géographique, contrairement à ce qui est allégué par l'appelante, la dénomination sociale VILLA ICI & LA n'est pas une copie déloyale de son nom commercial caractérisant un trouble manifestement illicite.

B ' Sur l'indemnisation

En vertu du second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, le trouble manifestemant illicite est caractérisé par l'atteinte vraisemblable aux droits de la marque ICI & LA et du nom commercial ICI & LA de la société appelante. Cette dernière estime le préjudice subi en raison de la concurrence déloyale au regard des résultats possiblement obtenus par la société CASA [5] du fait de la mise en location de la maison CASA [7] essentiellement grâce au site internet www.casa-ici-et-la.com. Elle propose un calcul fondé sur les revenus engendrés par la société CASA [5] depuis le 5 novembre 2021 grâce à la location du bien immobilier « CASA [7] » en supposant un taux d'occupation de 75 %.

Les intimés font valoir que le préjudice allégué par l'appelante est théorique et que cette dernière cherche à obtenir un bénéfice illégitime au moyen d'indemnités punitives.

La cour retient de ces développements que le préjudice allégué par l'appelante ne présente pas un caractère non sérieusement contestable et relève dès lors de l'appréciation du juge du fond.

En conséquence, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

III ' Sur les demandes reconventionnelles

La SARL ANTILLES FINANCES soutient que la SAS ICI & LA ' ILE DE [Localité 9] a manqué à plusieurs de ses obligations relatives au contrat de mandat, à savoir ses obligations d'information et de conseil, d'exécution de bonne foi de ses engagements contractuels et de gestion de la location saisonnière de la villa CASA [7]. Elle sollicite ainsi la réparation des préjudices subis du fait de ces manquements contractuels soit :

- 8.000 euros à titre de réparation du préjudice subi pour manquement à son obligation de conseil,

- 1.600.176,696 euros en réparation du préjudice subi pour manquement à ses obligations de recherche de locataires et de gestion au titre du contrat de mandat.

La SAS ICI & LA ILE DE [Localité 9] fait valoir en réplique que de telles demandes excédent les pouvoirs du juge des référés et qu'en tout état de cause, elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles.

Le juge des référés a jugé que la SARL ANTILLES FINANCES ayant sollicité et obtenu sa mise hors de cause à titre principal, ses demandes reconventionnelles étaient irrecevables.

La cour, qui a infirmé la mise hors de cause de la SARL ATILLES FINANCES, déclare recevables les demandes reconventionnelles de cette dernière mais retient que lesdites demandes excèdent les prérogatives du juge des référés, juge de l'évidence, lequel ne peut se prononcer sur la responsabilité contractuelle des parties, l'analyse du manquement aux obligations contractuelles étant réservée au juge du fond.

En conséquence, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la SARL NTILLES FINANCES qui sera invitée à mieux se pourvoir au fond.

IV - Sur les demandes accessoires

La cour infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES, la SAS VILLA ICI & LA, la SARL CASA [5] (ensemble) la somme de '2.00 euros' par application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SAS ICI &

LA - ILE DE [Localité 9] aux dépens.

Succombant au principal, la SARL CASA [5] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] sera condamnée à payer à la SAS ANTILLES FINANCES la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

INFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] à agir à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES en référé-contrefaçon, et prononcé la mise hors de cause de la SARL ANTILLES FINANCES,

- déclaré par conséquent irrecevable la SARL ANTILLES FINANCES en ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] et invité les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] à payer à la SARL ANTILLES FINANCES, la SAS VILLA ICI & LA, la SARL CASA [5] (ensemble) la somme de 2.00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS ICI&LA - ILE DE [Localité 9] aux dépens ;

CONFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des marques, et invité les parties à mieux se pourvoir,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] formée à l'encontre de la SAS VILLA ICI & LÀ sur le fondement de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle,

Statuant à nouveau,

ENJOINT à la SARL CASA [5] de cesser l'utilisation de la terminologie « CASA ICI & LA » ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] à l'encontre de la SARL ANTILLES FINANCES sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'appelante étant invité à mieux se pourvoir au fond ;

DÉBOUTE la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon de marque ;

DÉBOUTE la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement du trouble manifestement illicite causé par la concurrence déloyale ;

DÉCLARE recevables les demandes reconventionnelles de la SARL ANTILLES FINANCES ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la SARL ANTILLES FINANCES et l'invite à mieux se pourvoir au fond ;

CONDAMNE la SARL CASA [5] aux dépens de première instance ;

Condamne la SARL CASA [5] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS ICI & LA - ILE DE [Localité 9] la somme de 2.500 euros pour les frais exposés en première instance ;

CONDAMNE la SAS ICI& LA-ILE DE [Localité 9] la somme de 2 500€ au titre des frais irrépétibles engagés en première instance ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir constater la déchéance partielle des marques ICI & LÀ pour défaut d'usage sérieux depuis au moins 5 ans sur le fondement de l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

CONDAMNE la SARL CASA [5] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la SARL CASA [5] et de 2.500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.