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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 7 juin 2024, n° 23/01008

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Washington (SCI)

Défendeur :

Groupe TGS France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Emily

Conseillers :

Mme Courtade, M. Gouarin

Avocats :

Me Delom de Mezerac, Me Naud, Me Pajeot, Me Awatar

TGI Le Havre, du 11 juill. 2019, n° 16/0…

11 juillet 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Suivant acte sous seing privé signé le 6 janvier 2015, la société @Experts a procédé à la cession de sa clientèle d'expertise comptable à la SARL Exa Groupe déclarant se substituer la société Exa Groupe Expertise.

Le même jour, la SCI Washington a consenti à la société Exa Groupe un bail de courte durée de 2 ans expirant au 31 décembre 2016, portant sur un local à usage professionnel situé [Adresse 1] [Localité 5], composé de bureaux, exclusivement pour l'exercice de l'activité d'expertise comptable et commissariat aux comptes, moyennant un loyer annuel de 47.088 euros TTC payable d'avance en quatre échéances trimestrielles, outre une provision trimestrielle sur charges de 2.400 euros TTC.

En décembre 2015, le bailleur a demandé le paiement d'un arriéré de loyers et charges impayés au preneur, qui a refusé de s'exécuter au motif qu'il avait été trompé dans le cadre de la cession de clientèle et qu'une compensation des sommes dues à ce titre devait être opérée.

Le bailleur a fait signifier le 19 janvier 2016 au preneur un commandement de payer la somme de 31.305 euros visant la clause résolutoire insérée au bail.

Le même jour, le bailleur a fait procéder à une saisie conservatoire de créance dont le juge de l'exécution, par jugement en date du 8 mars 2016, a ordonné la mainlevée faute de justification de menace pesant sur le recouvrement de la créance.

Par acte d'huissier de justice du 19 février 2016, la SCI Washington a fait assigner la société Exa Groupe devant le tribunal de grande instance du Havre afin d'obtenir le paiement des loyers, taxes et charges impayés ainsi que la réparation de son préjudice.

En cours de procédure, le bail dérogatoire ayant pris fin le 31 décembre 2016, la SCI Washington a considéré qu'un bail commercial en avait pris la suite par application de l'article L. 145-5 du code de commerce, arguant d'un défaut de libération des locaux.

Par jugement en date du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance du Havre a :

- condamné la société Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 87.169,67 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail dérogatoire signé le 6 janvier 2015, à savoir les quatre trimestres de l'année 2016 et les charges de l'année 2015 (régularisation charges et taxe foncière) selon décompte arrêté au 4 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle,

- condamné la société Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 84.304,81 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail commercial ayant pris effet au 1er janvier 2017, à savoir les 4 trimestres de l'année 2017 et les deux premiers trimestres de l'année 2018, suivant décompte arrêté au 2 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle,

- dit que les intérêts ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux légal,

- condamné la société Exa Groupe à payer à la SCI Washington une indemnité de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société Exa groupe aux dépens.

La société Groupe Soregor venant aux droits de la société Exa Groupe a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 5 février 2021 devenu irrévocable à la suite du désistement du pourvoi en cassation constaté par ordonnance du 18 novembre 2021, la cour d'appel de Rouen a :

- déclaré irrecevables par application de l'article 910-4 du code de procédure civile les prétentions de la société Groupe Soregor venant aux droits de la société Exa Groupe tendant à entendre :

* dire et juger le bail signé entre les parties le 6 janvier 2015 nul et de nul effet pour défaut de cause ;

* constater que la clause résolutoire est acquise à compter du 19 février 2016 ;

* dire et juger qu'à tout le moins, aucune relation ne s'est poursuivie après le 5 janvier 2017 ;

Subsidiairement :

* dire et juger qu'un bail professionnel a pris effet au 1er janvier 2017 et qu'il a pris fin le 2 septembre 2017 ;

En tout état de cause :

* condamner la SCI Washington à payer à la société Groupe Soregor la somme de 9.810 euros en remboursement du dépôt de garantie et à rembourser l'intégralité des sommes versées au titre de l'exécution du jugement déféré ;

* condamner la SCI Washington à payer à la société Groupe Soregor la somme de 35.970 euros HT en remboursement du loyer versé pour l'année 2016 au titre de l'exécution du jugement déféré, ou à tout le moins 14.987,50 euros représentant la période des mois d'août à décembre 2016 ;

* condamner la SCI Washington à rembourser à la société Groupe Soregor toutes les sommes versées au titre des charges et taxe foncière pour les années 2015 et 2016 ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 87.169,67 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail dérogatoire signé le 6 janvier 2015 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamné la société Soregor venant aux droits de la SARL Exa Groupe à payer à la SCI Washington, en deniers ou quittances, la somme de 87.179,69 euros TTC en principal au titre des sommes dues sur le bail du 6 janvier 2015 ;

- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux intérêts et leur capitalisation ;

- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 84.304,81 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail commercial ayant pris effet au 1er janvier 2017 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- débouté la SCI Washington de ses prétentions au titre d'un bail à compter du 1er janvier 2017 ;

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Washington de sa demande en paiement de dommages et intérêts et en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens d'appel.

Le 19 juillet 2021, la SCI Washington a saisi la cour d'appel de Rouen d'une requête en omission de statuer et demandé à cette cour de juger la SCI Washington recevable et bien fondée en sa requête, de rectifier l'omission de statuer, d'intégrer au montant des condamnations à la charge de la société Groupe Soregor la somme de 276.611,43 euros TTC au titre de son occupation postérieure au 1er janvier 2017 suivant décompte arrêté au 17 octobre 2020 et de dire que les dépens resteront à la charge du Trésor public.

Par arrêt du 7 octobre 2021, la cour d'appel de Rouen a déclaré recevable en omission de statuer présentée par la SCI Washington, statuant sur la requête et complétant l'arrêt rendu le 5 février 2021 sous le n°19/3298, débouté la SCI Washington de sa demande dirigée à l'encontre de la société Groupe Soregor, venant aux droits de la société Exa groupe, en paiement d'indemnités d'occupation pour la période postérieure au 1er janvier 2017, dit n'y avoir lieu à allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de la procédure en rectification seront supportés par le Trésor public.

Par arrêt du 16 mars 2023, la Cour de cassation a, notamment, cassé et annulé cet arrêt sauf en ce qu'il déclare recevable la requête en omission de statuer présentée par la SCI Washington, remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Caen.

Pour statuer ainsi, la Cour a retenu que la restitution des lieux loués résulte de la remise des clés au domicile du bailleur sauf à constater que le bailleur a refusé de les recevoir.

Selon déclaration du 28 avril 2023, la SCI Washington a saisi cette cour.

Par dernières conclusions du 5 février 2024, la SCI Washington demande à la cour d'écarter des débats la sommation interpellative établie le 25 novembre 2020 par la SAS [O]-[I]-[E] à la requête de la société Groupe Soregor devenue Groupe TGS France, d'infirmer le jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal de grande instance du Havre sur le montant des sommes allouées au titre de la période postérieure au 1er janvier 2017, de débouter la société Groupe TGS France de toutes ses demandes, statuant à nouveau, de constater l'absence de remise des clefs et de libération des locaux donnés à bail par la société Groupe TGS France venant aux droits de la société Exa groupe à la SCI Washington, de condamner la société Groupe TGS France à lui verser, à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, soit 11.772 euros par trimestre, outre les taxes, charges et accessoires, de condamner en conséquence la société Groupe TGS France venant aux droits de la société Exa groupe à lui verser la somme de 525.852,47 euros TTC suivant décompte arrêté au 9 janvier 2024 incluant le 1er trimestre 2024, de condamner la société Groupe TGS France à lui verser des intérêts au taux légal à compter de chaque trimestre échu, d'ordonner la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année, de condamner la société Groupe TGS France à lui verser la somme de 10.000 euros à titre d'indemnité de procédure complémentaire ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 du 29 janvier 2024, la société Groupe TGS France, anciennement dénommée Groupe Soregor, venant aux droits de la société Exa groupe, demande à la cour à titre principal de juger que la remise des clefs des locaux est intervenue avant le terme du bail précaire conclu le 6 janvier 2015, de rejeter en conséquence la demande en paiement d'une indemnité d'occupation formée par la SCI Washington pour la période postérieure au 1er janvier 2017, prononcer la résiliation judiciaire du bail à compter du 1er janvier 2017.

Subsidiairement, elle demande à la cour de constater que la SCI Washington ne démontre pas l'existence d'une faute de la part de la société Exa groupe ni d'un quelconque préjudice qu'elle aurait subi, de débouter en conséquence la SCI de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure au 1er janvier 2017.

En tout état de cause, la société Goupe TGS France demande à la cour de débouter la SCI Washington de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 10.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions n°4 du 13 février 2024, la société Groupe TGS France, anciennement dénommée Groupe Soregor, venant aux droits de la société Exa groupe, demande à la cour à titre principal de juger que la remise des clefs des locaux est intervenue avant le terme du bail précaire conclu le 6 janvier 2015, de rejeter en conséquence la demande en paiement d'une indemnité d'occupation formée par la SCI Washington pour la période postérieure au 1er janvier 2017, prononcer la résiliation judiciaire du bail à compter du 1er janvier 2017.

Subsidiairement, elle demande à la cour de constater que la SCI Washington ne démontre pas l'existence d'une faute de la part de la société Exa groupe ni d'un quelconque préjudice qu'elle aurait subi, de débouter en conséquence la SCI de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure au 1er janvier 2017.

En tout état de cause, la société Goupe TGS France demande à la cour de débouter la SCI Washington de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 10.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 14 février 2024.

L'audience de plaidoirie s'est tenue le 22 février 2024.

Le 27 février suivant, le conseil de la SCI Washington a fait observer que les conclusions n°4 du 13 février 2024 évoquées par le rapporteur de l'affaire ne lui avaient pas été signifiées.

Le 13 mars 2024, la réouverture des débats a été ordonnée sur la recevabilité des conclusions n°4 remises au greffe le 13 février 2024 par la société Groupe TGS France.

Par conclusions du 3 avril 2024, la société Groupe TGS France demande à la cour débouter la SCI Washington de sa demande d'irrecevabilité des conclusions n°4 remises au greffe le 13 février 2024, de ne pas les écarter des débats, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 14 février 2024 et de renvoyer l'affaire à la mise en état pour permettre à la SCI Washington de conclure au fond.

Par conclusions du 3 avril 2024, la SCI Washington demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions n°4 remises au greffe le 13 février 2024 par la société Groupe TGS France, de les écarter des débats et de débouter celle-ci de sa demande révocation de l'ordonnance de clôture.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité des conclusions n°4 de l'appelante et la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Selon l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie.

En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure que les conclusions n°4 de la société Groupe TGS France ont été déposées au greffe le 13 février 2024 mais notifiées à un autre avocat que celui de la SCI Washington, de sorte que celle-ci n'en a pas eu connaissance et n'a pas été en mesure de les examiner et d'y répondre.

L'appelante n'invoque aucune cause grave survenue postérieurement à la clôture de la mise en état de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 14 février 2024 en application de l'article 803 du code de procédure civile, si bien que cette demande sera rejetée.

Les conclusions n°4 déposées au greffe le 13 février 2024 par la société Groupe TGS France seront donc déclarées irrecevables.

Il sera statué au regard des dernières conclusions de l'appelante en date du 29 janvier 2024.

2. Sur la saisine de la cour de renvoi

La saisine de la cour, saisie sur renvoi après cassation, se limite aux dispositions atteintes par la cassation de l'arrêt rendu le 7 octobre 2021 par la cour d'appel de Rouen sur la requête en omission de statuer déposée le 19 juillet 2021 par la SCI Washington portant sur sa demande de paiement par la société Groupe TGS France d'indemnités d'occupation à compter du 1er janvier 2017 égales au montant des loyers et charges du au titre du bail dérogatoire conclu le 6 janvier 2015.

Par ailleurs, il est relevé que l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel de Rouen est devenu irrévocable à la suite du désistement du pourvoi en cassation formé contre cet arrêt, constaté par ordonnance du 18 novembre 2021.

En conséquence, il ne sera pas statué sur les prétentions de la SCI Washington tendant à voir écarter des débats la sommation interpellative établie le 25 novembre 2020 par la SAS [O]-[I]-[E] à la requête de la société Groupe Soregor devenue Groupe TGS France.

3. Sur la demande d'indemnités d'occupation à compter du 1er janvier 2017

Selon l'article 1737 du code civil, le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

L'article 1240 dispose que tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il résulte de ces dispositions que la restitution des lieux loués résulte de la remise des clés au domicile du bailleur ou de son représentant sauf à constater que le bailleur a refusé de les recevoir et que seule une restitution régulière des locaux loués libère le locataire de toute obligation.

À défaut de restitution des lieux loués, le preneur peut être condamné au paiement d'une indemnité d'occupation, destinée à rémunérer la jouissance des lieux et à réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de l'occupation sans droit ni titre, jusqu'à la reprise effective des lieux par leur propriétaire.

Il ne peut être reproché au bailleur de ne pas s'être montré diligent pour reprendre possession de son bien.

La simple constatation que les clés ont été mises à disposition du bailleur ou que les locaux étaient effectivement vides ne suffit pas à prouver leur remise effective au bailleur.

La remise des clés est nécessaire même si le bailleur possède un double de celles-ci.

En l'espèce, le bail à durée déterminée conclu le 6 janvier 2015 a expiré de plein droit le 31 décembre 2016, date de son terme fixé par les parties, de sorte que la demande de la société Groupe TGS France tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de ce bail à compter du 1er janvier 2017 sera rejetée.

Aucune des pièces produites par la société Groupe TGS France n'est de nature à établir la remise des clefs des lieux loués au sens des dispositions précitées.

En effet, contrairement à ce que soutient la société Groupe TGS France, il est indifférent à cet égard que fin octobre 2015 le preneur ait informé ses clients par courriels du déménagement de son activité dans ses nouveaux locaux, que le personnel du preneur ait quitté les locaux loués en novembre 2015, laissant sur place le mobilier qu'elle avait trouvé à son arrivée dans les lieux et mentionnés à l'acte de cession, que le matériel informatique faisant l'objet d'une prestation de mise à disposition et maintenance suivant contrat arrivant à échéance au 31 décembre 2015 ait été restitué le 4 mars 2016 à la société SPI, que la facturation de l'électricité établie par le GIE Heracles ne lui ait plus été adressée et que le bailleur ait connaissance de cette situation en ce que M. [U] [G] est le gérant de la SCI Washington et de la société SPI, l'animateur du GIE Heracles ou l'occupant d'autres lots dans l'immeuble où sont situés les locaux litigieux.

L'attestation établie par M. [U] [L] le 16 septembre 2019 (pièce n°16 preneur), qui évoque une remise des clés des locaux le 29 février 2016 en même temps que la restitution des ordinateurs portables, est d'une valeur probante insuffisante en ce qu'elle émane d'un salarié du preneur, est la seule des attestations produites par ce dernier à évoquer une remise de ces clés et est contredite par le procès-verbal de restitution des matériels informatiques communiqué par le preneur lui-même, daté du 4 mars 2019 et non du 29 février 2019.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 février 2017, le bailleur a informé qu'en l'absence de remise des clés des locaux en cause il considérait qu'un bail commercial avait succédé au bail précaire conclu le 6 janvier 2016 et l'a mis en demeure de lui payer les loyers dus au titre des deux premiers trimestres de 2017. Le bailleur a réclamé le paiement des loyers suivants par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 27 avril et 27 juin 2017.

Il ne saurait être reproché au bailleur d'avoir adressé ses correspondances et fait signifier les actes de la procédure au preneur à l'adresse de son siège social, situé [Adresse 3] [Localité 5], et il ne peut en être tiré aucune conséquence sur une éventuelle reconnaissance par le bailleur de la remise des clés des locaux en cause.

Le défaut de remise effective des clés des locaux loués à l'expiration du bail constitue une faute imputable au preneur.

Le préjudice subi par le bailleur consiste dans l'occupation sans droit ni titre des locaux litigieux, dans l'impossibilité pour ce dernier d'en reprendre possession et d'en disposer.

À cet égard, la société Groupe TGS ne démontre pas que les locaux en cause ont été redonnés en location, le bailleur justifiant que la mise en location de locaux de bureau situés dans l'immeuble où sont également situés les locaux litigieux concernent d'autres locaux de bureaux dotés d'un accès au [Adresse 2] et non au [Adresse 1] [Localité 5] (pièce n°23 preneur).

Le préjudice subi par la SCI Washington sera justement indemnisé par le versement d'une indemnité d'occupation d'un montant égal aux loyer et charges prévus au bail ayant expiré le 31 décembre 2016, dont le requérant justifie du montant.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête en omission de statuer déposée le 19 juillet 2021 par la SCI Washington, d'infirmer le jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal de grande instance du Havre en ce qu'il a condamné la société Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 84.304,81 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail commercial ayant pris effet au 1er janvier 2017, à savoir les 4 trimestres de l'année 2017 et les deux premiers trimestres de l'année 2018, suivant décompte arrêté au 2 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle.

La cour statuant à nouveau de ce chef, il convient de condamner la société Groupe TGS France, venant aux droits de la société Exa groupe, à verser à celle-ci à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés une indemnité d'occupation égale au montant du loyer prévu au contrat du 6 janvier 2015, soit la somme de 11.772 euros par trimestre, outre les taxes, charges et accessoires, propre à assurer la réparation intégrale de son préjudice, et de condamner en conséquence la société Groupe TGS France, venant aux droits de la société Exa groupe, la somme de 525.852,47 euros TTC arrêtée au 9 janvier 2024, premier trimestre de l'année 2024 inclus.

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, cette condamnation à une indemnité d'occupation produira intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Les intérêts échus depuis au moins une année à compter du prononcé du présent arrêt seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

4. Sur les demandes accessoires

La société Groupe TGS France, qui succombe, sera condamnée aux dépens, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à la SCI Washington la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Vu les arrêts rendus le 5 février et 7 octobre 2021 par la cour d'appel de Rouen,

Vu l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la Cour de cassation,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la mise en état rendue le 13 février 2024 ;

Déclare irrecevables les conclusions n°4 déposées au greffe le 13 février 2024 par la société Groupe TGS France ;

Fait droit à la requête en omission de statuer déposée le 19 juillet 2021 par la SCI Washington ;

Infirme le jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal de grande instance du Havre en ce qu'il a condamné la SARL Exa Groupe à verser à la SCI Washington la somme principale de 84.304,81 euros au titre des loyers et charges impayés dans le cadre du bail commercial ayant pris effet au 1er janvier 2017, à savoir les 4 trimestres de l'année 2017 et les deux premiers trimestres de l'année 2018, suivant décompte arrêté au 2 mai 2018, et ce avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la SARL Groupe TGS France, venant aux droits de la SARL Exa groupe, à verser à la SCI Washington à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés une indemnité d'occupation égale au montant du loyer prévu au contrat du 6 janvier 2015, soit la somme de 11.772 euros par trimestre, outre les taxes, charges et accessoires ;

Condamne en conséquence la SARL Groupe TGS France, venant aux droits de la SARL Exa groupe, à payer à la SCI Washington la somme de 525.852,47 euros TTC arrêtée au 9 janvier 2024, premier trimestre de l'année 2024 inclus ;

Dit que cette condamnation à une indemnité d'occupation produira intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus depuis au moins une année à compter du prononcé du présent arrêt seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la SARL Groupe TGS France aux dépens et à payer à la SCI Washington la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la présente décision sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel de Rouen.