CA Douai, 2e ch. sect. 1, 6 juin 2024, n° 23/04959
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilles
Conseillers :
Mme Mimiague, Mme Bubbe
Avocats :
Me Laforce, Me Daré
EXPOSÉ DU LITIGE
Par ordonnance réputée contradictoire du 4 octobre 2023, le président du tribunal judiciaire de Douai a :
- constaté la résiliation du bail souscrit le 3 mai 2022 entre la SNC 421 et la SARL L.M, dirigée par M. [U] [T], concernant un emplacement situé sur le parking de la SNC 421 au [Adresse 1], à compter du 15 avril 2023,
- enjoint à la société L.M de libérer ces locaux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision,
- ordonné l'expulsion de la société L.M et celle de tous occupants de son chef, à défaut pour elle d'avoir quitté les lieux dans ce délai,
- assorti cette injonction, passé le délai précité, d'une astreinte provisoire, pendant un délai d'un mois, d'un montant de 50 euros par jour de retard,
- autorisé la SNC 421 à solliciter le concours d'un huissier, à se faire assister d'un serrurier ainsi que de faire appel au concours de la force publique afin d'assurer l'exécution de la décision,
- condamné la société L.M à payer à la SNC 421 les sommes de :
- 200 euros au titre des sommes dues arrêtées au mois de février 2023,
- 200 euros à titre d'indemnité mensuelle d'occupation sans droit ni titre, à compter du 15 avril 2023 et jusqu'à libération effective des lieux par lui et tous occupants de son chef,
- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 9 novembre 2023, la société L.M a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette ordonnance aux fins d'infirmation ou d'annulation.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la SARL L.M demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du commandement de payer les loyers en matière commerciale délivré le 14 février 2023,
- déclarer irrecevables la société 421 en sa demande de résiliation de bail et en ses demandes subséquentes,
- prononcer la résiliation du bail conclu le 3 mai 2022 entre les parties aux torts exclusifs de la société 421,
- condamner la société 421 à lui verser une somme de 25 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,
À titre subsidiaire, et si la Cour devait ne pas déclarer irrecevable la demande en résiliation de bail de la société 421,
- débouter la société 421de toutes ses demandes fin et conclusions,
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société 421, et ce, à compter du 1er décembre 2022, date à laquelle la société L.M a cessé d'exploiter, faute de pouvoir accéder librement à son lieu d'exploitation,
- condamner la société 421à lui verser une somme de 25 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,
En toute hypothèse,
- condamner la société 421 à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, la société 421 demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son action,
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- débouter la société L.M de ses demandes principales et subsidiaires présentées pour la première fois en cause d'appel,
- condamner la société L.M au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 6 mars 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 13 mars 2024.
La société L.M a été autorisée à produire en délibéré, avant le 23 mars 2024, ses observations sur le caractère nouveau de ses demandes, la société 421 ayant dix jours pour répondre.
La société L.M a transmis une note en délibéré sur le caractère reconventionnel et non nouveau de ses demandes, le 21 mars 2024.
Le 25 avril 2024, la société L.M a transmis l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai, rendue le 18 avril 2024, autorisant la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance querellée.
MOTIFS
Par ailleurs, la société 421 concluant au débouté de la société L.M en ses demandes qu'elle qualifie de nouvelles, il n'y aura pas lieu de statuer sur leur recevabilité, étant observé au surplus que les demandes présentées par la société L.M s'analysent comme des demandes reconventionnelles.
Sur la nullité du commandement
La société L.M soulève la nullité du commandement de payer les loyers, aux motifs qu'il aurait été signifié à l'adresse du bien loué et non à celle du siège social. Elle souligne avoir été empêchée d'accéder au lieu d'exploitation, faisant valoir que la boîte à lettres a été supprimée. Elle fait valoir que l'assignation a été délivrée à l'adresse du siège social.
Au visa de l'article 114 du code de procédure civile, la société 421 fait valoir que la société L.M n'apporte la preuve d'aucun grief.
En application des articles 649 et 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, il est constant que le commandement de payer les loyers a été délivré à domicile, à l'adresse du bien loué par la société 421 à la société L.M, cette adresse correspondant à celle de l'établissement secondaire déclaré sur l'extrait K-Bis de la société L.M.
Or, il convient de relever que la société L.M qui excipe de la nullité du commandement, ne fait valoir aucun grief particulier, étant observé, au surplus, qu'elle n'a plus versé aucun loyer depuis le mois de février 2023, qu'elle déclare un chiffre d'affaires nul depuis décembre 2022 pour l'activité de friterie et qu'elle n'apporte aucun élément permettant de retenir qu'elle aurait été en mesure de régulariser les causes du commandement.
Dès lors, il n'y aura pas lieu d'annuler le commandement de payer les loyers délivré le 14 février 2023.
Sur l'exécution et la résiliation du bail
Au visa des articles 834 du code de procédure civile, L.145-41 du code de commerce et 1225 du code civil, le président du tribunal judiciaire de Douai a retenu que les causes du commandement n'avaient pas été régularisées dans le délai, contractuel, de deux mois, constaté la résiliation du bail, autorisé l'expulsion sous astreinte de la locataire et l'a condamnée au paiement provisionnel du loyer échu et des indemnités d'occupation.
Pour s'opposer à la demande de résiliation du bail, la société L.M affirme que la société 421 n'a pas respecté son obligation de délivrance et n'est donc pas fondée à réclamer le paiement du loyer.
La société 421 affirme avoir toujours laissé à la société L.M l'accès au lieu loué, exposant que le constat produit par l'appelante démontre qu'elle y a accès librement et que le container servant de friterie est toujours sur place.
En application des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il appartient au demandeur d'établir le bien-fondé de ses demandes, en fournissant, conformément aux règles de droit, les preuves nécessaires au succès de ses prétentions.
En l'espèce, la société L.M produit :
- une sommation d'avoir à exécuter les clauses et conditions d'un bail commercial signifiée à la société 421 le 12 août 2022, portant sur une demande de remise de clefs du cadenas de la grille du parking, sur lequel est exercé l'activité de la société L.M,
- une attestation, datée du 8 novembre 2023, de Mme [Z] [T], associée de la société L.M, indiquant qu'elle n'a pas pu nettoyer la friterie et arroser les fleurs alors que les associés de la société L.M n'avaient pas reçu les nouvelles clefs en août 2022 et que lorsqu'elle a pu accéder à la friterie, elle avait constaté que l'eau avait été coupée,
- un constat de commissaire de justice du 18 août 2023, laissant apparaître que le container servant de friterie est couvert d'une bâche noire et que la mention de la mise à disposition du parking pour les clients de la friterie a été occultée.
Pour autant, il convient de relever que la société L.M justifie de la réalisation d'un chiffre d'affaires pour son activité de friterie entre les mois de juillet 2022 et de novembre 2022 inclus, ce dont il appert qu'elle a pu accéder au lieu loué et l'exploiter a minima jusqu'au 30 novembre 2022.
De plus, il ressort de l'attestation de Mme [T], qui ne précise pas les liens l'unissant à M. [T], gérant de la société L.M, que si elle a pu se présenter à plusieurs reprises sur le parking et ne pas réussir à accéder à la friterie, elle n'apporte aucune précision quant aux dates ou horaires concernés des visites qu'elle décrit, étant observé qu'elle évoque la nécessité d'arroser les plantes extérieures, permettant de retenir une période entre le 22 août et septembre 2022.
Enfin, il ressort du procès-verbal de constat d'août 2023 que la grille du parking est ouverte, permettant un libre accès à la friterie, et que les photos jointes issues du site internet Google Street View (page 3), laissant apparaître la friterie apparemment ouverte et fonctionnelle et la clôture non occultée, datent de juin 2023, la société L.M ne précisant pas quand ni par qui aurait été posée la bâche sur le container utilisé comme friterie ni l'occultation de la mention de la mise à disposition du parking pour les clients de la friterie, étant observé que le loyer a été réglé jusqu'au mois de janvier 2023 inclus et que la société L.M ne fait état d'aucune démarche à l'égard de sa bailleresse après le 12 août 2022, le procès-verbal de constat étant postérieur à l'assignation en référé délivrée le 3 août 2023.
Au surplus, il convient de relever que si un emplacement vide existe dans le grillage de la clôture, la société L.M ne justifie d'aucun élément permettant de retenir qu'une boîte à lettres ait été existante à l'entrée dans les lieux ni qu'elle aurait été supprimée par la bailleresse, l'emplacement existant sur les clichés de juin et août 2023.
Dès lors, il convient de retenir que la société L.M n'apporte pas d'élément permettant de retenir l'existence d'une faute de la société 421 durant l'exécution du bail et elle sera déboutée de sa demande de résiliation du bail, ainsi que de sa demande indemnitaire fondée sur les mêmes éléments.
Enfin, il est constant que les causes du commandement, signifié le 14 février 2023, n'ont pas été réglées dans le délai contractuel de deux mois.
Dès lors, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail au 15 avril 2023, enjoint à la société L.M de libérer les lieux, ordonné son expulsion sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et l'a condamnée au paiement du loyer de février 2023 ainsi que d'une indemnité d'occupation mensuelle de 200 euros jusqu'à libération des lieux.
Sur les demandes accessoires
L'équité ne commande pas de réformer les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ni d'accorder d'autres sommes en cause d'appel.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société L.M sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance querellée ;
Y ajoutant,
Déboute la société L.M de ses demandes reconventionnelles ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société L.M aux dépens.