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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 juin 2024, n° 23/05455

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adeva (SAS)

Défendeur :

Société Industrielle d'Équipement Moderne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseiller :

Mme Lehmann

Avocats :

Me Bouze, Me Drillon

CA Paris n° 23/05455

6 juin 2024

ARRET :

Réputé contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu la décision rendue le 20 février 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur la demande de la société Adeva (SAS) en nullité de la marque verbale LE CHAI n°13 4 033 023, dont est titulaire la société Sideme (SA), pour défaut de caractère distinctif au regard de la totalité des produits pour lesquels la marque a été enregistrée à savoir en classe 11 les 'Caves à vin réfrigérées', l'a rejetée comme mal fondée.

Vu le recours formé à l'encontre de cette décision par la société Adeva (SAS) le 20 mars 2023 et les conclusions remises au greffe au soutien de ce recours le 19 juin 2023 et le 23 février 2024 (conclusions dites récapitulatives) aux fins de voir la cour dire et juger, par voie de réformation, que la marque LE CHAI n°13 4 033 023 doit être annulée comme étant descriptive et non pas distinctive pour les 'Caves à vin réfrigérées' et condamner la société Sideme au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les observations écrites en date du 18 janvier 2024 du directeur général de l'INPI concluant à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a pertinemment reconnu à la marque contestée un caractère distinctif, qui la rend apte à satisfaire à sa fonction essentielle de garantie d'origine des produits revendiqués.

Le ministère public ayant été avisé de la date de l'audience.

SUR CE, LA COUR :

Sur la procédure, il est observé que la Société industrielle d'équipement moderne - Sideme (SA) n'est pas représentée devant la cour faute d'avoir constitué avocat alors même qu'elle s'est vue signifier, conformément aux dispositions des articles 902 et 911 du code de procédure civile, la déclaration de recours suivant acte d'huissier de justice du 16 mai 2023 remis à l'Etude et les conclusions récapitulatives de la société requérante suivant acte d'huissier de justice du 22 février 2024 remis à personne habilitée.

Par application des dispositions de l'article 473 alinéa 1er du code de procédure civile il sera statué par un arrêt de défaut.

Il est rappelé, à titre liminaire, que les recours à l'encontre des décisions du directeur général de l'INPI statuant sur une demande en nullité d'une marque (décisions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle) sont , en vertu des dispositions de l'article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle, des recours en réformation qui défèrent à la cour la connaissance de l'entier litige, en fait et en droit, et rendent les parties recevables à présenter des moyens nouveaux et à produire des pièces nouvelles.

Pour conclure à la réformation de la décision objet du recours et à la nullité de la marque contestée 'LE CHAI' n°13 4 033 023 pour défaut de caractère distinctif, la société ADEVA fait valoir que le terme 'chai' relève du vocabulaire de base de la viniculture française en ce qu'il désigne un lieu destiné à la vinification mais aussi, par extension, un lieu où sont emmagasinées les bouteilles de vin ou d'alcool ; qu'il a pour synonymes, selon le dictionnaire électronique des synonymes, les mots 'cave, cellier et magasin' ; qu'il partage avec une 'cave à vin', qui se définit comme un lieu d'entreposage et de conservation du vin dans des conditions adaptées pour ce type de produit, la même nature et la même fonction ; qu'en conséquence, le public pertinent composé d'amateurs de vin et de professionnels tels que les restaurateurs et les vendeurs de vin percevra immédiatement le signe verbal LE CHAI comme désignant une cave à vin réfrigérée ; un tel signe ne peut donc constituer une marque car il est descriptif des produits visés dans l'enregistrement et inapte à remplir la fonction d'indication de l'origine commerciale de ces produits qui est la fonction essentielle de la marque.

Ceci posé, il importe de rappeler que la marque verbale française LE CHAI n°13 4 033 023 a été déposée pour désigner en classe 11 les 'caves à vin réfrigérées' le 17 septembre 2013 et qu'elle relève des dispositions antérieures à l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 entrée en vigueur le 11 décembre 2019.

Sont donc applicables en l'espèce, ceci n'étant pas au demeurant contesté, les dispositions de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, issues de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992, aux termes desquelles : ' Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie au regard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif: (...)

a ) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service;

b ) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service'.

Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des articles 2 et 3 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont elles assurent la transposition, et d'où il résulte que le caractère distinctif auquel doit satisfaire un signe pour pouvoir être enregistré à titre de marque est une exigence autonome et, est dépourvu de caractère distinctif le signe qui, par lui-même, ne conduit pas le public pertinent à penser que les produits en cause proviennent d'une entreprise déterminée et ne lui permet pas de les distinguer de ceux d'autres entreprises.

Le public pertinent est, au regard des produits en cause, un public de consommateurs normalement informés, raisonnablement attentifs et avisés ainsi qu'il a été retenu par le directeur général de l'INPI qui observe justement que les 'caves à vin réfrigérées' sont destinées aux professionnels de la restauration et de la vente de vin mais aussi au consommateur moyen amateur de vin.

Il ressort des pièces produites par la société requérante, que le 'chai' désigne selon le dictionnaire Larousse un 'lieu destiné à la vinification et à la conservation ou uniquement à la conservation des vins' et, selon le dictionnaire Petit Robert un 'lieu en rez-de-chaussée où l'on emmagasine les alcools, les vins en fûts'.

Il en découle que le 'chai', en ce qu'il est le lieu de la vinification, à savoir la transformation du raisin en vin, et de la conservation des vins en fûts, sert à la phase d'élevage du vin allant de la prise en charge de la récolte de raisin jusqu'à la mise en bouteille.

A cet égard, le directeur général de l'INPI relève pertinemment dans ses observations que le ' maître de chai' désigne la personne responsable de l'élevage du vin qui, à ce titre, pilote et supervise toutes les étapes de la fabrication du vin.

Les 'caves à vin réfrigérées' couvertes par la marque contestée désignent des objets de plus ou moins grande taille, relevant de la catégorie des appareils électroménagers, dans lesquelles sont entreposées et conservées les bouteilles de vin dans des conditions optimales de température ; ces objets trouvent leur place dans les restaurants, dans les bars ainsi que chez les particuliers, dans la cuisine ou dans la salle à manger.

Il suit des observations qui précèdent que le 'chai' et la 'cave à vin réfrigérée' sont, certes, tous deux évocateurs de l'univers du vin, mais répondent à des définitions différentes et ne partagent ni la même nature, ni la même fonction dès lors que le premier est un lieu destiné à l'élevage et à la fabrication du vin jusqu'à sa mise en bouteille, tandis que la seconde est un objet où sont entreposées et conservées des bouteilles de vin à bonne température.

Ainsi, le signe verbal LE CHAI constitutif de la marque contestée ne sera pas regardé par le consommateur moyen des produits en cause comme descriptif de ces produits ou d'une caractéristique de ces produits.

La marque présente donc un caractère distinctif pour désigner des 'caves à vin réfrigérées', ce qui la rend apte à satisfaire à la fonction essentielle de la marque de garantie d'origine des produits revendiqués.

La décision du directeur général de l'INPI est en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande en nullité de la marque pour défaut de caractère distinctif.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt de défaut,

Confirme la décision, objet du recours,

Rejette la demande de la société Adeva au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.