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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 11 juin 2024, n° 22/02377

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ambulances (SARL)

Défendeur :

Autoribeiro France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, Mme Verrier

Avocats :

Me Glaentzlin, Me Matrat-Salles, Me Nicod

T. com. Poitiers, du 19 sept. 2022, n° 2…

19 septembre 2022

Selon devis accepté du 4 février 2019, la société [Localité 4] Ambulances a commandé à la société Autoribeiro France, qui exploite une activité de carrosserie et construction mécanique sous l'enseigne 'AR France', un véhicule Mercedes neuf 'Sprinter' 316 CDI de type fourgon aménagé en ambulance pour un prix de 67.948 euros TTC.

L'engin lui a été livré le 25 février 2019.

Elle a refusé de signer le bon de livraison, en raison d'un dysfonctionnement affectant la table A200 de chargement/déchargement des patients et d'une odeur anormale dans l'habitacle.

Les défauts ayant persisté malgré l'intervention du concessionnaire Mercedes local, la société [Localité 4] Ambulances, refusant la solution de remplacement de l'ensemble table/ brancard que lui proposait la venderesse, a mandaté un expert qui a confirmé l'existence de défauts.

Elle l'a ensuite fait assigner par acte du 9 janvier 2020 devant le juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers, qui a ordonné une expertise le 22 juin 2020.

Au vu du rapport déposé par le technicien, M. [L], le 25 novembre 2020, la société [Localité 4] Ambulances a fait assigner la société Autoribeiro France devant la juridiction consulaire par acte du 21 mai 2021 pour l'entendre condamner, à titre principal sur le fondement du manquement du vendeur à l'obligation de délivrance conforme, subsidiairement du vice caché, plus subsidiairement de sa responsabilité contractuelle, à lui payer les sommes suivantes, compte-tenu des versements de 4.320 euros et 710,40 euros entre-temps opérés par sa cocontractante :

.318,90 euros au titre des frais de main d'oeuvre pour remplacer la table électrique

.167.579,37 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier

.3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Autoribeiro France a conclu au rejet de cette action.

Par jugement du 19 septembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a :

* déclaré la société [Localité 4] Ambulances recevable et bien fondée en son action

* dit qu'Autoribeiro France n'avait pas manqué à son obligation de délivrance conforme

* débouté [Localité 4] Ambulances de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés

* dit qu'Autoribeiro France n'avait pas commis de manquement vis à vis de [Localité 4] Ambulances au titre de l'article 1231-1 du code civil

* pris acte du règlement par Autoribeiro France de la somme de 4.320 euros TTC correspondant aux frais de remise en état de l'ensemble du matériel ainsi que de celle de 710,40 euros concernant la remise en état de désordres mineurs

* débouté la société [Localité 4] Ambulances de sa demande de condamnation d'Autoribeiro France à lui payer les sommes de 318,90 euros TTC en remboursement d'une facture et de 167.579,37 euros HT à titre de dommages et intérêts

* reçu la société Autoribeiro en sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, l'y a dite mal fondée et l'en a déboutée

* débouté la société [Localité 4] Ambulances de sa demande en désignation d'un expert pour évaluer son préjudice économique

* rejeté toutes les autres demandes, fins et conclusions des parties

* condamné la société [Localité 4] Ambulances aux dépens et à payer à la société Autoribeiro la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu, en substance :

- que le véhicule livré était matériellement et fonctionnellement conforme à la commande, de sorte qu'Autoribeiro n'avait pas manqué à son obligation de délivrance

- que les défauts affectant le véhicule n'avaient pas empêché de l'utiliser de façon intensive depuis l'origine, à raison de 78.000 kilomètres en moyenne par an ;

- que le vendeur avait d'emblée proposé une solution qui permettait selon l'expert de résoudre tous les dysfonctionnements ; que selon l'expert, le véhicule, affecté à du personnel compétent et réactif, pouvait être normalement utilisé ;

- que les défauts, avérés, affectant la table et le brancard devaient certes êtres repris pour éviter tout risque ; que pour autant, les défauts établis ne rendaient pas la chose impropre à son usage ou sa destination et ne présentaient pas le degré de gravité requis pour mobiliser la garantie des vices cachés

- que la société Autoribeiro répondait au titre de sa responsabilité contractuelle des frais de remplacement prématuré de la batterie auxiliaire et de réparations des défauts, et que le tribunal prenait acte qu'elle en avait réglé le coût, pour un total de 4.320 et 710 euros TTC

- que pour le reste, elle n'était pas responsable du préjudice invoqué par sa cliente, lequel procédait uniquement de la décision de celle-ci de remplacer l'équipement table et brancard d'Autoribeiro par un modèle concurrent

- que le préjudice allégué au titre de la perte de chiffre d'affaires n'était pas démontré

- qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise comptable

- que l'action de la demanderesse n'était pas abusive.

La société [Localité 4] Ambulances a relevé appel le 23 septembre 2022.

La société Autoribeiro France a saisi le conseiller de la mise en état par conclusions transmises par la voie électronique le 22 janvier 2024 d'un incident tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'appelante n°2 adverses, au motif qu'elle avait fait dans ses conclusions d'intimée un appel incident portant sur le rejet par le tribunal de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et que l'appelante devait y répondre dans les trois mois en application des articles 910, alinéa 1 et 122 du code de procédure civile, de sorte que les conclusions n° 2 transmises dix mois plus tard étaient tardives et, partant, irrecevables.

La SARL [Localité 4] Ambulances a demandé au conseiller de la mise en état de dire que les conclusions de la société Autoribeiro France ne contiennent aucun appel incident ou, à tout le moins, que cet appel incident est irrecevable, et par conséquent de débouter la société Autoribeiro de l'ensemble de ses demandes et de dire et juger recevables ses propres conclusions n° 2.

Par ordonnance du 22 février 2024, le conseiller de la mise en état a :

* dit que les conclusions d'intimée n°1 transmises par la voie électronique le 8 mars 2023 par la société Autoribeiro France ne contenaient aucun appel incident

* rejeté en conséquence la prétention d'Autoribeiro France à voir déclarer irrecevables les conclusions d'appelante n° 2 pour tardiveté à répondre à son appel incident

* dit recevables les conclusions n° 2 d'appelante de [Localité 4] Ambulances du 9 janvier 2024

* invité les parties en application des articles 782 et 907 du code de procédure civile, à faire, par voie de conclusions, toutes observations sur le mode d'évaluation du préjudice financier dont la société [Localité 4] Ambulance sollicite l'indemnisation à hauteur de 167.579,37 euros HT en tant qu'il s'agit d'une perte de chiffre d'affaires alors que sauf circonstances particulières, a priori non invoquées en l'espèce, seule la perte de marge brute constitue un préjudice indemnisable.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 9 janvier 2024 par la SARL [Localité 4] Ambulances

* le 8 mars 2023 par la SAS Autoribeiro France.

La SARL [Localité 4] Ambulances demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles l'ayant déclarée recevable en son action et ayant débouté Autoribeiro France de sa demande reconventionnelle de condamnation pour procédure abusive, et statuant à nouveau, de :

- prendre acte du règlement par la société Autoribeiro de la somme de 4.320 euros TTC correspondant aux frais de remise en état de l'ensemble du matériel ainsi que de la somme de 710,40 euros TTC concernant la remise en état des désordres mineurs

Par conséquent :

- dire que la société Autoribeiro a gravement manqué à son obligation de délivrance conforme de la chose vendue sur le fondement de l'article 1603 et suivants du code civil

-à tout le moins, juger que la garantie des vices cachés due par la société Autoribeiro lui est acquise sur le fondement de l'article 1641 et suivants du code civil

-à tout le moins, dire que la société Autoribeiro a commis un manquement vis à vis de la société [Localité 4] Ambulances sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil

- condamner la société Autoribeiro à verser à la société [Localité 4] Ambulances une somme complémentaire de 318,90 euros au titre des frais de main d'oeuvre liés au remplacement de la table électrique et du brancard

- condamner la société Autoribeiro à verser à la société [Localité 4] Ambulances une somme de 167.579,37 euros HT au titre d'une perte de chiffre d'affaires entre le 15 mars 2019 et le 15 mars 2020

-à tout le moins : désigner un expert afin d'évaluer le préjudice économique qu'elle a subi

- débouter la société Autoribeiro de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause

- condamner la société Autoribeiro à verser à la société [Localité 4] Ambulances une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance

condamner la société Autoribeiro aux dépens de première instance incluant les frais d'expertise

- condamner la société Autoribeiro à verser à la société [Localité 4] Ambulances une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel

condamner la société Autoribeiro aux entiers dépens d'appel.

Elle considère que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de leur constat du règlement de 4.320 et 710,40 euros par la société Autoribeiro, qui traduit selon elle la reconnaissance par celle-ci de sa responsabilité.

Elle soutient que la société Autoribeiro a manqué à son obligation de délivrance conforme puisque le véhicule livré, destiné au transport des patients, présentait le jour même de sa livraison, comme l'expert judiciaire l'a confirmé, des désordres préoccupants, avec des à-coups permanents pour monter et descendre le brancard, un fonctionnement aléatoire de la commande électrique pour manoeuvrer le brancard et de son mécanisme d'accrochage et de libération, qui n'étaient pas compatibles avec le transport sanitaire de patients et nécessitaient un remplacement pur et simple du brancard. Elle indique n'avoir en effet pas souhaité voir le vendeur procéder au remplacement du matériel à l'identique puisqu'elle était échaudée par ses dysfonctionnements. Elle fait valoir qu'il ne lui avait jamais transmis d'offre de règlement pécuniaire avant le 14 septembre 2021.

Elle soutient subsidiairement que la venderesse doit garantir ces vices cachés, qu'elle est réputée connaître en tant que professionnelle. Elle soutient que les défauts étaient graves, puisque le brancard pouvait à tout moment se détacher intempestivement, au risque de faire chuter le patient.

Plus subsidiairement, elle considère que la responsabilité contractuelle de la venderesse est engagée, puisqu'elle devait prendre en charge tous les coûts inhérents au vieillissement de ses équipements dans le délai de 24 mois de la mise en service.

Elle indique que son préjudice se compose :

.du coût de remise en état de l'ensemble du matériel, pour de 4.320 euros TTC

.des frais de reprise des désordres mineurs, pour 710,40 euros TTC

.du coût de la main d'oeuvre afférent au remplacement de la table, pour 318,90 euros

.du chiffre d'affaires qu'elle a perdu en n'utilisant ce véhicule que sur des transports de longues distances afin d'éviter des manipulations du brancard défectueux qui auraient pu mettre en péril ses clients et lui valoir un retrait de son agrément de transporteur sanitaire par l'ARS, cette perte s'établissant à 167.579,37 euros HT sur la période du 15 mars 2019 au 15 mars 2020, sauf pour la cour à ordonner une expertise comptable afin de la faire chiffrer par un technicien.

La SAS Autoribeiro France demande à la cour :

- de débouter la société [Localité 4] Ambulances de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Autoribeiro de sa demande reconventionnelle de condamnation pour procédure abusive

et statuant à nouveau :

- de condamner la société [Localité 4] Ambulances à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la procédure engagée abusivement à son encontre

- de condamner la société [Localité 4] Ambulances à lui payer la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la société [Localité 4] Ambulances aux entiers dépens.

Elle indique que le véhicule qu'elle a livré était conforme à la commande ; qu'il était en parfait état de fonctionnement ; que la cliente l'ayant avisée d'un dysfonctionnement affectant la table de chargement motorisée A200, son service après-vente s'est immédiatement mobilisé pour rechercher une solution réparatoire ; qu'elle a remplacé la batterie additionnelle, ce qui a rendu le système à nouveau opérationnel ; qu'à nouveau alertée ultérieurement sur le dysfonctionnement de cette table, elle a décidé de la remplacer à neuf pour régler le problème, en proposant de commander une nouvelle table, sans que sa cliente ne valide toutefois cette proposition ; qu'elle s'est heurtée au refus de [Localité 4] Ambulances de communiquer avec elle ; qu'elle n'a pas été informée de l'intervention unilatérale d'un expert qui ne l'a pas convoquée à ses opérations et qui devait conclure à la nécessité de remplacer la table, ce qui confirme la validité de la solution qu'elle proposait depuis le début ; qu'elle a de nouveau proposé ce remplacement mais toujours en vain, sa cliente préférant voir instituer une expertise judiciaire; que le technicien a lui aussi conclu à la nécessité de remplacer la table en indiquant que la solution proposée par le vendeur aurait permis de régler les problèmes; qu'au reçu des conclusions de l'expert judiciaire, elle a réitéré par la voix de son conseil sa proposition, mais s'est de nouveau heurtée à un refus.

Elle indique avoir alors spontanément procédé sans attendre l'issue de la procédure au paiement de la somme totale de 5.030,40 euros correspondant au coût de la table électrique et au coût de réfection des désordres mineurs.

Elle conteste avoir commis des manquements susceptibles d'engendrer sa condamnation à indemniser sa cocontractante, en soutenant :

.que la chose délivrée est conforme

.que les défauts constatés étaient mineurs et qu'elle a proposé d'y remédier sur le champ

.que le préjudice invoqué est inexistant, le véhicule ayant constamment et d'emblée pu être utilisé normalement et le seul problème avéré concernant selon l'expert non pas le véhicule mais le brancard, qui pouvait causer un léger inconfort de transfert pour les malades, ce qui n'a pas empêché [Localité 4] Ambulances d'utiliser son ambulance de façon intensive depuis son acquisition en 2019.

Elle récuse la comparaison faite par l'appelante entre le chiffre d'affaires réalisé avec l'ambulance précédente et le véhicule litigieux, en objectant qu'elle repose sur des tableaux non probants et qu'il faut de toute façon considérer le chiffre d'affaires global de l'entreprise.

Elle estime que la société [Localité 4] Ambulances est seule responsable de son préjudice, et que l'évaluation qu'elle en fait n'est pas sérieuse.

Elle maintient que l'action adverse est abusive.

L'ordonnance de clôture est en date du 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la réalité et la nature de défauts affectant le véhicule livré

Il ressort des productions, du rapport d'expertise unilatéral et du rapport d'expertise judiciaire, ainsi que des explications des parties, que le fourgon équipé en ambulance commandé, neuf, par la société [Localité 4] Ambulances à la société Autoribeiro lui a été livré le25 février 2019.

L'acquéreur a signalé des dysfonctionnements de la table A 200 et une odeur désagréable à l'intérieur du véhicule et a refusé de signer le procès-verbal de réception tout en prenant possession du véhicule.

La société Autoribeiro, suspectant un défaut de la batterie de servitude, qui permet à la table de fonctionner moteur éteint, l'a remplacée le jour-même, sous garantie (cf rapport Ader p. 3).

L'odeur désagréable a disparu après ce changement (cf rapport d'expertise judiciaire p.4) , mais le problème de fonctionnement de la table, avec des à-coups et arrêts aléatoires, étant réapparu de façon intermittente et ayant été signalé à Autoribeiro le 15 mars 2019, celle-ci a dépêché chez le client un technicien qui diagnostiquait à nouveau un problème de batterie et faisait poser le 20 mars une nouvelle batterie dans le cadre de sa garantie.

Le client ayant signalé en avril 2019 que le défaut de la table continuait à se manifester par intermittence, la société Autoribeiro a transmis à ses frais un garagiste local, qui l'a paramétrée et remise au client, une nouvelle carte mère pour la table.

La société [Localité 4] Ambulances lui ayant fait savoir que le problème persistait, la société Autoribeiro, après lui avoir demandé de lui transmettre une vidéo pour visualiser le dysfonctionnement, lui a proposé le 15 mai le remplacement sans frais par un brancard manuel couplé avec une table électrique, ce que [Localité 4] Ambulances a refusé, saisissant d'abord son assureur qui faisait diligenter un expertise par le Cabinet Ader, puis le juge des référés, qui a ordonné une expertise.

L'expert judiciaire [Y] [L], qui a recueilli les explications des parties et examiné contradictoirement le véhicule litigieux ainsi qu'un véhicule semblablement équipé qu'il avait autorisé l'entreprise Autoribeiro à apporter à son accedit, note que ce véhicule, neuf, a présenté des dysfonctionnements de l'équipement ambulance dès les premières utilisations, que certains désordres ont été corrigés au début mais qu'ensuite, la communication entre les parties a été rompue, et que cette rupture de dialogue n'a pas permis de résoudre techniquement les désordres constatés, qui n'ont pu que s'aggraver au cours des utilisations.

Il indique que le véhicule totalise 119.040 kilomètres et qu'il est dans un très bel état général.

Il consigne 'certains désordres qui peuvent être considérés comme mineurs', tels l'absence de freinage des roues du brancard, l'absence de blocage directionnel des roues du brancard, l'impossibilité de verrouiller le harnais, la défaillance de deux des quatre feux de pénétration en calandre, un décollement de la garniture d'éléments de rangement, une déformation de la chaîne porteuse et une infiltration d'eau par la custode, en indiquant qu'une remise en état de ces désordres peut être envisagée par un remontage des garnitures de frein sur chaque roue, une révision ou un remplacement des manettes de commande directionnelle des roues, un échange du vérin de commande de verrouillage des jambes du brancard, un échange des ampoules ou des fusibles des feux pénétrants, un remplacement de la chaise porteuse et une dépose/remontage de la custode en l'ajustant parfaitement.

Il indique que 'd'autres désordres sont plus préoccupants', tels le dysfonctionnement aléatoire du mouvement de rentrée ou de sortie du brancard, la mauvaise libération du brancard de dessus de table, les à-coups permanents pour monter et descendre le brancard, le fonctionnement aléatoire de la commande électrique de mouvement de brancard sur la table, et le fonctionnement aléatoire du mécanisme de décrochage et de libération du brancard, en indiquant que la remise en état de ces désordres consisterait à remplacer intégralement la table et son brancard, ce qui permettrait également de résoudre un grand nombre de désordres mineurs précédemment cités.

Il indique que les désordres constatés sur le véhicule ne l'immobilisent pas mais que cette ambulance doit être utilisée par du personnel compétent, averti et réactif.

Il constate à la lecture des fiches de compte-rendus du service après-vente d'Autoribeiro que celle-ci a commandé le 27 juin 2019 une table A200 qui lui a été livrée le 3 juillet 2019; estime que l'entreprise avait bien l'intention de remplacer cette table en défaut ; et retient que techniquement, elle était en mesure de résoudre les problèmes de dysfonctionnement, indiquant ne pouvoir dire pourquoi l'opération, 'techniquement simple', n'a pas pu aboutir.

Il déclare n'être pas en mesure de chiffrer les préjudices subis par [Localité 4] Ambulances en indiquant que l'ambulance présente des désordres et dysfonctionnements qui ne permettent pas une utilisation satisfaisante du véhicule, mais que par contre, un personnel qualifié, compétent et connaissant toutes les particularités de cette ambulance peut tout à fait l'utiliser même si cela n'entraîne un léger inconfort de transfert pour les malades, et qu'il lui est difficile de reconnaître un préjudice de perte de jouissance de l'utilisation de cette ambulance parce qu'à la date de sa réunion d'expertise le 6 août 2020 elle avait tout de même parcouru 117.000 km depuis son acquisition le 26 février 2019 soit à peine 18 mois ce qui équivaut à une moyenne de 78.000 km/an.

En réponse à un dire de la société [Localité 4] Ambulances, l'expert judiciaire a consigné que celle-ci déclarait avoir perdu confiance dans la société Autoribeiro pour remédier aux dysfonctionnements mais a indiqué :

'Sur le plan technique, nous considérons tout de même que la proposition de la SARL Autoribeiro est tout à fait acceptable. Le matériel que cette société se propose de remplacer et qui nous a été présenté en fonctionnement peut être installé sans modification de la structure de l'ambulance tout en réduisant au minimum le délai d'immobilisation du véhicule'

ajoutant :

'Le nouvel équipement proposé par la SARL Autoribeiro devrait se substituer au matériel en place sans modifier son principe de fonctionnement'.

M. [L] conclut :

'(...) Le véhicule Mercedes Sprinter que nous avons examiné est dans un très bel état général. Seul l'équipement ambulance présente des désordres et des dysfonctionnements.

Nous avons retenu 2 types de désordres sur ce véhicule, ceux que nous considérons mineurs qui peuvent être résorbés par de petites interventions et ceux plus importants pour lesquels nous préconisons le remplacement intégral de la table et du brancard. Cette dernière préconisation permettrait de régler également de nombreux désordres mineurs.

Selon le compte-rendu SAV de la société Autoribeiro France, la table A200 qui aurait permis de résoudre tous les dysfonctionnements sur l'ambulance de la société [Localité 4] Ambulance avait été livrée prête à être montée sur l'ambulance. Nous ne sommes pas en mesure de dire pourquoi cette intervention n'a pu être réalisée.

Affecté à du personnel compétent et réactif, le véhicule peut être normalement utilisé.

Cependant, le risque d'aggravation des dommages ne peut être écarté, il est donc absolument nécessaire de procéder à une remise en état de tout l'équipement ambulance (table, brancard).

Nous estimons que ni le vendeur, ni l'acheteur du véhicule ne pouvait déceler les désordres qui sont apparus progressivement en cours d'utilisation.'.

Ces conclusions, circonstanciées et argumentées, sont convaincantes.

Elles ne sont pas contredites.

* sur la garantie et/ou la responsabilité recherchée d'Autoribeiro France

La SARL [Localité 4] Ambulances reprend à titre principal en cause d'appel comme fondement de son action le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

Le défaut de conformité qui ouvre une action sur le fondement de l'obligation de délivrance est limité aux différences entre le bien désigné dans le contrat et le bien livré. La non-conformité de la chose livrée à son usage ne relève pas d'un manquement à l'obligation de délivrance mais du vice caché. (cf Cass. 1° civ. 20..03.2019 P n° 18-12919).

En l'espèce, où le véhicule Mercedes 'Sprinter' équipé en ambulance qui a été livré le 25 mars 2019 à la société [Localité 4] Ambulances est celui dont elle avait passé commande, mais présente des défauts de la table et du brancard qui affectent son usage à titre d'ambulance, le tribunal a dit à bon droit que les défauts de la chose vendue ne relevaient pas de sa délivrance conforme mais constituaient des vices caché tels que prévus par l'article 1641 du code civil.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il ressort des productions, et des conclusions non réfutées de l'expert judiciaire, que le véhicule livré à la société [Localité 4] Ambulances a présenté des défauts.

La société Autoribeiro ne conteste ni la réalité ni la nature de ces défauts, et contrairement à ce que soutient l'appelante devant la cour, la juridiction consulaire n'a aucunement refusé de tirer les conséquences de ses constatations en disant que la société Autoribeiro répondait des frais de remplacement prématuré de la batterie auxiliaire et du coût de réparations de ces défauts dont, à raison, elle a pris acte que celle-ci avait d'ores-et-déjà réglé le coût, pour un total de 4.320 et 710 euros TTC, à sa cliente, laquelle ne formulait au titre de ces vices cachés ni une demande en résolution de la vente, ni une demande en réduction de prix, mais seulement en paiement du coût de leur réparation, qui s'avérait déjà réglé au jour des débats, ainsi qu'elle en convenait elle-même expressément.

Le tribunal a débouté pertinemment la société [Localité 4] Ambulances de sa demande en remboursement, pour 318,90 euros, du coût de la main d'oeuvre afférent au remplacement de la table, en indiquant que la demanderesse était responsable de son propre préjudice puisqu'elle avait refusé que cette prestation fût exécutée, sans frais pour elle, par la venderesse.

Il ressort en effet des productions, et des analyses argumentées de l'expert judiciaire :

- d'une part, que la société Autoribeiro a d'emblée, et constamment ensuite, assumé ses obligations de venderesse en répondant aux sollicitations de sa cliente en vue de remédier aux défauts intermittents de l'équipement table-brancard, pour lequel elle a changé le jour-même de la livraison 25 février 2019 la batterie de servitude ; fait diligence en cinq jours pour la changer à nouveau le 20 mars après avoir été avisée de la persistance de dysfonctionnements ; a au mois d'avril, devant une nouvelle réclamation, transmis à ses frais au garagiste de sa cliente une nouvelle carte mère pour la table, ce qui témoigne d'une réactivité constante et adaptée ; puis, devant la persistance de dysfonctionnements de la table/brancard dont sa cliente l'avertit au début du mois de mai 2019, lui a proposé le 15 mai le remplacement sans frais du brancard avec une table électrique, réitérant ensuite constamment par la voix de son conseil cette proposition, après le rapport Ader, au reçu de l'assignation en référé puis au reçu du rapport de l'expert judiciaire

- d'autre part, que le remplacement proposé était une opération techniquement simple, à laquelle la société Autoribeiro était capable de procéder ; qui n'aurait nécessité aucune modification de la structure de l'ambulance ; qui aurait réduit au minimum le délai d'immobilisation du véhicule ; et qui aurait permis de remédier à la fois aux dysfonctionnement de l'équipement, qui était manifestement affecté d'un défaut initial mais d'un type et modèle exempt de défaut de conception, comme M. [L] l'a constaté sur un autre véhicule où il fonctionnait parfaitement, l'intimée ayant indiqué à sa cliente sans être démentie que ce modèle équipait des milliers d'ambulances dans plusieurs pays

- et enfin, que ce dysfonctionnement n'avait jamais empêché la société [Localité 4] Ambulances d'utiliser le véhicule comme ambulance, l'expert indiquant expressément qu'il avait constamment pu l'être avec un personnel compétent et seulement un 'léger inconfort' pour les patients transportés, et la société [Localité 4] Ambulances, qui a de fait utilisé le véhicule de façon soutenue comme l'a constaté l'expert à son kilométrage, n'établissant pas avoir rencontré d'obstacle pour l'exploiter dans sa fonction d'ambulance.

L'appelante n'apparaît pas fondée dans ces conditions à avoir argué d'une perte de confiance dans la capacité d'Autoribeiro à remédier à de tels dysfonctionnements et à refuser son offre satisfactoire de remplacement intégral de la table et du brancard qu'elle lui proposait en exécution de son obligation de vendeur légalement tenu à garantie.

Elle n'est pas davantage fondée à soutenir subsidiairement que l'intimée aurait engagé sa responsabilité contractuelle, alors que le régime de la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale (cf Cass. Civ 1° 14.05.1996 P n° 94-13921), et alors que par ailleurs la société Autoribeiro France n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à ses obligations, ayant assumé la garantie contractuelle de 24 mois qu'elle devait à sa cocontractante.

S'agissant de la prétention de la société [Localité 4] Ambulances à être indemnisée de la perte de chiffre d'affaires qu'elle affirme avoir subie en raison du dysfonctionnement de la table/brancard, elle a été rejetée à bon droit par les premiers juges.

Ainsi que le conseiller de la mise en état l'a mis dans la cause en invitant en application des articles 782 et 907 du code de procédure civile les parties à faire, par voie de conclusions, toutes observations à ce titre, ce à quoi elles n'ont pas donné suite, la somme de 167.579,37 euros HT que la société [Localité 4] Ambulances réclame à la société Autoribeiro France à titre d'indemnisation correspond à une perte de chiffre d'affaires alors que sauf circonstances particulières, ici ni établies, ni invoquées, seule la perte de marge brute constitue un préjudice indemnisable (Cass Com. 25.10.2017 P n° 16-14520 ou 12.02.2013 P n° 11-20670 et 05.01.2016 P n° 13-22563).

Le préjudice invoqué par l'appelante est tiré d'une comparaison qu'elle trace entre le chiffre d'affaires réalisé avec l'ambulance précédente, un Renault 'Master', et le véhicule litigieux, au vu de tableaux qu'elle s'est établis à elle-même et dont le caractère probant, contesté par l'intimée, n'est ni vérifiable ni établi.

La société Autoribeiro France est en outre fondée à objecter que la seule comparaison pertinente pour apprécier le préjudice allégué serait à opérer entre le chiffre d'affaires global de l'entreprise sur les exercices considérés et non sur celui attribué à un véhicule, dont l'utilisation est contingente, et qui peut être remplacé par un autre.

La société [Localité 4] Ambulances ne rapporte aucun élément probant établissant qu'elle a subi un préjudice financier en relation de causalité avec les dysfonctionnements de son véhicule Mercedes 'Sprinter', dont l'expertise montre qu'il a été utilisé de façon intensive et sans interruption ni immobilisation dès le jour de son acquisition.

À considérer même pour les besoins du raisonnement, que la société [Localité 4] Ambulances ait subi un préjudice économique pour n'avoir pu utiliser pleinement le véhicule dans sa fonction de transports de patients en raison des dysfonctionnements de la table/brancard, alors que l'expert judiciaire retient qu'il a constamment pu être utilisé comme ambulance par un personnel attentif et seulement avec un léger inconfort pour les patients, elle serait l'auteur de son propre préjudice, en ayant refusé sans nécessité ni motif légitime la proposition satisfactoire de la venderesse de remplacer intégralement l'équipement qui aurait selon l'expert judiciaire, non démenti, entièrement remédié aux défauts, sans désorganisation pour elle.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire.

Il le sera aussi en conséquence en ce qu'il a rejeté sa demande d'expertise subsidiairement formulée en vue d'évaluer son préjudice.

* sur la demande pour procédure abusive formulée par Autoribeiro France

Le conseiller de la mise en état a dit par ordonnance du 22 février 2024 que la société Autoribeiro n'avait pas valablement formé d'appel incident.

Elle ne peut donc demander à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive qu'elle formule devant la cour est recevable à la regarder comme portant sur la procédure d'appel, ce qu'elle a confirmé à l'audience être le cas.

À cet égard, la société [Localité 4] Ambulances n'a pas fait dégénérer en abus son droit de soumettre à la cour un nouvel examen de ses prétentions.

Cette demande sera ainsi rejetée.

* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront confirmés.

La société [Localité 4] Ambulances succombe devant la cour et supportera donc les dépens d'appel.

Elle versera à l'intimée une indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris

ajoutant :

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

DÉBOUTE la SAS Autoribeiro France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

CONDAMNE la SARL [Localité 4] Ambulances aux dépens d'appel

LA CONDAMNE à payer 2.500 euros à la SAS Autoribeiro France en application de l'article 700 du code de procédure civile.