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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 11 juin 2024, n° 20/11751

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Advanced Technik Terminal (SAS)

Défendeur :

Volkswagen Group France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Ouvrel, Mme Allard

Avocats :

Me Alias, Me Perrymond, Me Sabates, Me Schreck, Me Guedj, Me Bousquet, Me Vogel et Vogel

TJ Draguignan, du 24 nov. 2020, n° 18/04…

24 novembre 2020

Le 29 août 2016, M. [Y] [F] a acquis auprès de la société par actions simplifiée Advanced Technik Terminal (la SAS ATT), au prix de 19 600 €, un véhicule automobile d'occasion de marque Audi, modèle A4, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 15 juin 2010 et affichant un kilométrage de 74 039 km.

En octobre 2016, il s'est plaint auprès de son vendeur d'une surconsommation d'huile de moteur.

Après une expertise amiable ayant confirmé l'existence d'une surconsommation d'huile antérieure à la vente et rendant le véhicule impropre à son usage, M. [F] a assigné la SAS ATT devant le juge des référés afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 29 mars 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a fait droit à sa demande et désigné M. [I] en qualité d'expert. Les opérations ont été étendues à la société anonyme (SA) Volkswagen Group, exploitante de la marque AUDI, par ordonnance en date du 18 août 2017.

L'expert a déposé son rapport le 27 février 2018.

Par acte du 19 juin 2018, M. [F] a assigné la SAS ATT devant le tribunal de grande instance de Draguignan en résolution de la vente et afin d'obtenir des dommages-intérêts.

La SAS ATT a appelé en cause la SA Volkswagen Group France par acte du 20 août 2018.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- déclaré irrecevables car prescrites les demandes de la SAS ATT à l'encontre de la SA Volkswagen Group France ;

- débouté la SAS ATT de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire ;

- prononcé la résolution de la vente intervenue entre M. [F] et la SAS ATT ;

- ordonné à M. [F] de restituer le véhicule aux frais de la SAS ATT et la restitution par cette dernière du prix de vente ;

- condamné la SAS ATT à payer à M. [F] la somme de 4 633 € en réparation des frais occasionnés par la vente et à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la SAS ATT à payer, au titre des frais irrépétibles, à M. [F] la somme de 2 000 € et à la SA Volkswagen Group France une somme de 1 000 € ;

- condamné la SAS ATT aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a considéré que :

Sur l'action de la SAS ATT contre le constructeur : le véhicule ayant été mis en circulation le 15 juin 2010, les demandes formulées par la société ATT contre la société Volkswagen, constructeur, sont prescrites ;

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise : la SAS ATT ayant été dûment convoquée aux opérations d'expertise, l'expert n'a pas violé le principe du contradictoire, en dépit du délai de seulement neuf jours entre la convocation et la date des premières opérations, étant en outre observé que la société ATT a pu présenter ses observations lors des opérations d'expertise ultérieures ;

Sur l'action en garantie des vices cachés :

- l'expertise amiable et l'expertise judiciaire concluent toutes deux que le véhicule est affecté d'un vice caché, antérieur à la vente, que l'acheteur ne pouvait déceler et qui le rend impropre à l'usage auquel il est destiné, dès lors qu'il consomme autour de 6 litres aux 1 000 km, contre 0 et 0,25 litres aux 1 000 km pour une consommation normale, contraignant son propriétaire à remettre sans cesse de l'huile dans le moteur pour éviter une panne mécanique majeure ;

- le vice est grave en ce qu'il affecte des éléments essentiels du moteur et, si une réparation est susceptible de solutionner la surconsommation d'huile, elle diminuerait la valeur du véhicule ;

- lorsqu'il est professionnel, le vendeur est présumé de mauvaise foi, de sorte que la SAS ATT doit indemniser M. [F] des frais de location d'un garage, ainsi que d'une perte de chance de jouir du véhicule dans des conditions normales et du préjudice moral résultant de tous les dérangements que le vice lui a causés.

Par acte du 30 novembre 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SAS ATT a relevé appel de cette décision en visant tous les chefs de son dispositif.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 avril 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 20 juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SAS ATT demande à la cour de :

' infirmer le jugement du 24 novembre 2020 ;

Statuant à nouveau,

' annuler le rapport d'expertise judiciaire ;

' débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes ;

Subsidiairement,

' juger que le véhicule n'est affecté d'aucun vice caché antérieur à la vente et le rendant impropre à son usage ;

' débouter M. [F] de sa demande de résolution de la vente ;

En toutes hypothèses,

' lui donner acte de ce qu'elle propose de prendre en charge les frais de réparation s'élevant à la somme de 4 553,70 € selon l'expert ;

' condamner la SA Volkswagen Group France à la relever et la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

' condamner M. [F] à lui verser 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner ce dernier aux entiers dépens.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire en ce qu'il a convoqué les parties à la première réunion en leur laissant un délai de seulement neuf jours, sans prendre au préalable leurs convenances et ce vice lui fait grief compte tenu du caractère déterminant des constatations opérées hors la présence des parties ;

- le défaut mis en évidence n'est pas rédhibitoire mais réparable et aucun élément ne prouve qu'après réparation la valeur du véhicule serait moindre ;

- en tout état de cause, le prix de vente ne saurait être restitué dans son intégralité, puisque sa valeur vénale au jour où la cour statue est moindre que lors de la vente et qu'il convient de tenir compte de la jouissance que l'acheteur en a retirée depuis ;

- les frais d'assurance sont la contrepartie de l'utilisation du véhicule, de même que les frais de location d'un garage ;

- il n'existe aucun préjudice de jouissance en ce que M. [F] a utilisé le véhicule et qu'aucune pièce ne prouve qu'il a été empêché de se déplacer avec d'autres véhicules à sa disposition ;

- dès lors qu'elle a proposé la prise en charge du coût de réparation du véhicule, M. [F] ne peut utilement se plaindre d'une quelconque résistance abusive de sa part.

Subsidiairement, elle considère que la SA Volkswagen Group France doit la relever et la garantir de toute condamnation et que l'action n'est pas prescrite, en ce que le délai de prescription de l'action n'a pu commencer à courir avant qu'elle ait eu connaissance du vice.

Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident, régulièrement notifiées le 29 avril 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [F] demande à la cour de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et condamné la SAS ATT au paiement de la somme de 19 600 € contre restitution du véhicule, ainsi que 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d'expertise ;

' l'infirmer en ce qui concerne les préjudices ;

En conséquence,

' condamner l'appelante à lui payer les sommes de :

' 5 057,78 € au titre du remboursement des primes d'assurance,

' 3 905 € au titre du remboursement de la location du garage,

' 15 000 € au titre du préjudice de jouissance,

' 5 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- l'expert a respecté le principe du contradictoire dès lors que les parties ont été convoquées aux réunions et qu'en tout état de cause, la société ATT, qui était présente aux deux dernières réunions, a pu fait valoir ses observations ;

- les défauts affectant le véhicule constituent des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil, indétectables pour un acheteur profane et rendant le véhicule impropre à son usage, puisque l'expert a relevé une surconsommation d'huile empêchant une circulation du véhicule dans des conditions normales ;

- il importe peu que le vice soit réparable et que le vendeur ait proposé d'assumer le coût de la réparation, la résolution de la vente devant être prononcée dès lors qu'il la demande ;

- le prix de vente doit être intégralement restitué au titre de la remise des parties dans leur situation antérieure à la vente ;

- il subit des préjudices que la résolution de la vente ne répare pas, de sorte que la SAS ATT, en sa qualité de professionnelle, présumée comme telle connaitre le vice, doit les réparer ;

- ses préjudices correspondent aux frais d'assurance en pure perte du véhicule entre 2016 et mars 2021, aux frais de location d'un garage, à raison de 71 € par mois entre 2016 et la date de restitution du véhicule, outre la privation de jouissance, qui ne peut être contestée quand bien même des amis l'ont occasionnellement dépanné en lui prêtant un véhicule ;

- la SAS ATT a résisté de mauvaise foi à ses demandes, lui causant un préjudice qui doit également être réparé.

Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées le 18 mai 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la SA Volkswagen group demande à la cour de :

' constater qu'elle vient aux droits de la SA Volkswagen Group France (RCS de Soissons n° 602 025 538) suite à une opération d'apport partiel d'actif ;

' confirmer le jugement rendu le 24 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la SAS ATT à son encontre ;

Subsidiairement,

' débouter la SAS ATT de ses demandes à son encontre ;

En tout état de cause,

' débouter toutes parties de toutes demandes dirigées à son encontre ;

' condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, distraits au profit de son avocat.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la mise en circulation du véhicule a eu lieu le 15 juin 2010 ;

- si en application de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, l'action du vendeur intermédiaire contre le vendeur initial est enfermée dans un délai de cinq ans en application de l'article L 110-4 du code de commerce courant à compter de la vente initiale ;

- le droit spécial dérogeant au droit général, la SAS ATT ne peut se prévaloir des dispositions du droit général de la prescription pour soutenir que l'action engagée à son encontre le 20 février 2018 n'est pas prescrite ;

- l'action en garantie des vices cachés ne peut, en tout état de cause, prospérer à son encontre, en ce que, d'une part la SAS ATT ne rapporte pas la preuve d'un défaut antérieur à la première mise en circulation du véhicule, d'autre part le défaut affectant le véhicule est réparable et non rédhibitoire ;

- en cas de résolution du contrat, la restitution du prix incombe au vendeur et n'est pas un préjudice ouvrant droit à indemnisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise

Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les règles régissant la nullité des actes de procédure.

S'agissant d'un vice de forme, la nullité n'est encourue que si la preuve d'un grief est rapportée.

L'expert est tenu au respect du contradictoire, qui constitue, pour les parties au procès, une garantie fondamentale.

En conséquence, il doit convoquer les parties et leurs défenseurs aux opérations d'expertise.

En l'espèce, l'expert a organisé une première réunion d'expertise le 22 juin 2017 à [Localité 4].

Le rapport fait état de l'absence à cette réunion du représentant de la SAS ATT, mentionnée comme étant 'excusée'.

Le rapport ne mentionne pas la date des courriers de convocation adressés aux parties.

Il résulte néanmoins des pièces produites par la SAS ATT que celle-ci a été convoquée à la réunion du 22 juin 2017 par un courrier du 13 juin 2017.

Sa demande afin d'obtenir un report de la réunion a été rejetée par l'expert.

Rien n'oblige l'expert à recueillir les convenances des parties avant la fixation d'une date de réunion d'expertise, étant rappelé qu'il est tenu d'un devoir de célérité.

Certes, en l'espèce, l'expertise a eu lieu à [Localité 4], dans le département de l'Isère alors que la SAS ATT a son siège à [Localité 5] et son avocat son cabinet à [Localité 6], mais la distance est, à elle seule, insuffisante pour considérer que l'expert, en les convoquant à une date fixée neuf jours après la convocation, soit un délai raisonnable, et en refusant de renvoyer la réunion à une date ultérieure, a violé le principe du contradictoire.

La première réunion avait pour objectif la réalisation d'investigations techniques, plus exactement une mesure de la jauge litigieuse et l'expert a soumis avant le dépôt de son rapport à la SAS ATT et à son conseil les données issues de cette réunion, afin qu'ils puissent en débattre contradictoirement. Il a, par ailleurs, annexé à son rapport les observations du conseil de la SAS ATT contestant la pertinence des mesures prises lors de la réunion du 22 juin 2017 et a indiqué la suite qu'il convenait d'y réserver en répondant à ces observations.

Dès lors que les parties ont été à même de faire valoir leurs explications au vu des éléments sur lesquels l'expert se fonde et que celui-ci indique dans son rapport la suite qu'il leur a donnée, aucune nullité n'est encourue.

Par conséquent, la demande d'annulation du rapport d'expertise n'est pas fondée et doit être rejetée.

Sur le vice caché

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon les termes de l'article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Le succès d'une action en garantie des vices cachés suppose donc de la part du demandeur la preuve d'un défaut antérieur à la vente, caché lors de celle-ci et rendant la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine ou en diminuant significativement l'usage.

En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire contradictoire fait ressortir les éléments suivants :

Lors de l'examen visuel réalisé le 22 juin 2017, un suintement d'huile a été observé sur le flanc droit du moteur. L'expert précise que le niveau d'huile est de 15 mm sous le maximum, qui est de 24 mm, que le bouclier arrière est maculé d'un dépôt gras et que la ligne d'échappement, qui est normalement sèche sur un bloc moteur, est saturée de suies grasses. Il a ensuite réalisé un appoint d'huile pour en porter le niveau à 24 mm, scellé les orifices et relevé le kilométrage du véhicule qui s'élevait à cette date à 82 639.

Lors de la seconde réunion d'expertise, qui a eu lieu le 17 juillet 2017, l'expert, relevant que le véhicule avait parcouru 255 kilomètres depuis le 22 juin 2017, a constaté que le niveau d'huile se situait dans la zone non graduée de la jauge, qu'après vidange; il restait 3 l d'huile dans le carter moteur, pour une contenance 4,6 l et qu'en conséquence, le véhicule avait consommé 1,6 litres pour 255 kilomètres, soit 6,3 litres pour 1 000 kilomètres.

Selon lui, un véhicule fonctionnant dans de bonnes conditions, consomme en moyenne entre 0 et 0.25 litres aux 1 000 kilomètres et une consommation d'un litre pour 1 000 kilomètres est le maximum admissible sur des moteurs en fin de vie ayant parcouru plusieurs centaines de milliers de kilomètres. Or, en l'espèce, compte tenu du calcul opéré à partir des constatations réalisées sur le véhicule, il a été nécessaire d'ajouter 1 litre d'huile moteur tous les 158 kilomètres pour un véhicule qui ne totalisait pas encore 90 000 kilomètres.

Il ajoute que le véhicule ayant été vendu comme un quatre temps classique, devait se tenir dans les normes avec une consommation d'huile proche de zéro.

Interpellé sur la pertinence de sa méthodologie, l'expert a considéré que l'utilisation du système de contrôle électronique du véhicule n'était pas assez transparent, dès lors qu'il obligeait à passer par les outils diagnostics fournis par VW Group qu'il ne pouvait lui même maitriser et qu'une mesure empirique (contrôle à la jauge) était suffisante. Il ajoute avoir contrôlé le bon étalonnage de la jauge d'atelier et précise que les parties ont pu le vérifier, de même que le technicien GSA Millenium, que ce soit en ce qui concerne la mesure au maxi lors de la première réunion ou celle de constatation lors de la deuxième réunion.

Selon lui, la consommation d'huile relevée est tellement en dehors des normes qu'une analyse du fluide n'aurait apporté aucun élément supplémentaire, pas plus que la détermination au millilitre près de la consommation aux mille kilomètres.

L'expert indique qu'après le changement du séparateur d'huile par le garage Patrick, la mise à jour du calculateur par la SAS ATT aurait dû éveiller ses soupçons concernant l'état du moteur, puisque cette avarie est le talon d'Achille de ce type de moteur. La société ATT le conteste, mais, en tout état de cause, il importe peu qu'elle n'ait pas eu connaissance du vice lorsqu'elle a vendu le véhicule.

Enfin, si l'utilisation d'une huile non adaptée au véhicule peut être à l'origine d'une surconsommation, l'expert n'a, en l'espèce, identifié aucun élément démontrant que l'huile utilisé par le garage Patrick, qui a assuré le suivi et l'entretien du véhicule, n'était pas adaptée.

La SAS ATT ne produit aucun élément remettant utilement en cause les constatations techniques réalisées par l'expert lors d'une réunion à laquelle elle avait été régulièrement convoquée.

Dans ces conditions, il est établi que la consommation d'huile du véhicule est anormale.

Selon l'expert, le vice n'était pas décelable par un acheteur non professionnel. Par ailleurs, la consommation d'huile est telle que le véhicule n'est pas utilisable. Il est, effet, admis qu'une consommation anormale peut avoir des conséquences graves sur les pièces du moteur, ce qui contraint l'utilisateur du véhicule à la contrôler en permanence et à effectuer fréquemment des remises à niveau.

L'usage du véhicule est en donc très diminué, de sorte qu'il doit être considéré que M. [F] ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il avait connu ce défaut.

Certes, l'expert a considéré que le véhicule était réparable et la SAS ATT a d'ailleurs proposé de prendre en charge le coût de la réparation, qui s'élève à 4 553,70 €.

Cependant, il importe peu qu'il s'agisse d'un vice non rédhibitoire auquel il est aisé de mettre fin.

Le terme rédhibitoire ne qualifie pas le vice mais l'action.

Or, l'article 1644 du code civil donne à l'acheteur, dès lors que la preuve du vice caché est rapportée, le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix (action rédhibitoire, du latin redhibere, à savoir, faire reprendre une chose vendue) ou seulement estimatoire (garder la chose et de se faire rendre une partie du prix).

Ce choix s'exerce sans que l'acheteur ait à le justifier, de sorte que le faible coût de la réparation nécessaire pour remettre la chose en état ne peut lui être opposé pour rejeter l'action rédhibitoire.

Par ailleurs, l'offre du vendeur d'effectuer les réparations nécessaires à la remise en état du véhicule ne fait pas davantage obstacle, même si les réparations sont modiques, à l'action en résolution de la vente, le juge n'ayant pas à prendre en considération l'éventuelle facilité de la réparation, ni à mesurer l'étendue et la disparition possible du préjudice dont souffre la victime.

Il n'y a donc pas lieu de distinguer selon la gravité du vice, dès lors que celui-ci suffit à fonder la mise en jeu de la garantie.

M. [F], qui démontre que le véhicule était atteint, au moment de la vente, d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, a choisi la résolution de la vente, de sorte qu'il doit être fait droit à cette demande.

La résolution de la vente a pour conséquence, de plein droit, la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ce qui implique restitution du véhicule et remboursement par le vendeur du prix payé par l'acheteur, sans qu'il y ait lieu à réfaction de celui-ci afin de tenir compte de la jouissance du véhicule depuis la vente.

En effet, les dispositions des articles 1352 et suivants du code civil, particulièrement de l'article 1352-3 du code civil selon lequel la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée, sont issues de la l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrées en vigueur le 1er octobre 2016, de sorte qu'elles sont inapplicables au présent litige, afférent à un contrat de vente conclu le 29 août 2016.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et ordonné les restitutions qui en découlent.

Sur la demande de dommages-intérêts

En application de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

En l'espèce, la SAS ATT est vendeur professionnel de véhicules automobiles.

En conséquence, elle doit réparer l'intégralité des dommages qui sont la conséquence du vice caché affectant le véhicule vendu.

M. [F] sollicite l'infirmation du chef de dispositif du jugement qui a condamné la SAS ATT à lui payer 4 633 €.

Ses demandes devant la cour sont les suivantes :

' 5 057,78 € au titre du remboursement des primes d'assurance,

' 3 905 € au titre du remboursement de la location du garage,

' 15 000 € au titre du préjudice de jouissance,

' 5 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il ne formule aucune demande au titre d'un préjudice moral.

S'agissant des primes d'assurances, elles sont la contrepartie de l'usage du véhicule. L'assurance de dommages est obligatoire en matière de véhicule automobile, même si celui-ci est immobilisé. En l'espèce, M. [F] ne conteste pas avoir continué à utiliser le véhicule au moins jusqu'en 2018. Les frais exposés pour l'assurer ne l'ont donc pas été en pure perte. Par ailleurs, pour obtenir réparation de ses préjudices, l'acheteur doit démontrer l'existence d'un lien de causalité direct et immédiat entre le vice caché et le dommage invoqué. Tel n'est pas le cas des primes d'assurance acquittées jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, puisque M. [F] a continué jusqu'à cette date à circuler avec le véhicule. S'agissant de la période postérieure, le véhicule, bien qu'immobilisé devait être assuré.

Il lui appartenait donc de signaler à son assureur qu'il était immobilisé afin que celui-ci adapte le montant des primes. La perte subie entre le 27 février 2018 et le 24 novembre 2020, date de la décision du premier juge qui a ordonné la résolution de la vente, ne saurait donc excéder la valeur des primes strictement nécessaires à l'assurance d'un véhicule non roulant.

Au regard de ces éléments, il sera alloué à M. [F] une somme de 500 €.

S'agissant des frais de location du garage, M. [F] justifie par une attestation de la SARL Régie immobilia datée du 13 février 2018, qu'il loue un garage depuis le 1er décembre 2013 contre un loyer mensuel de 71 €. Cette location est antérieure à l'acquisition du véhicule litigieux. Elle n'est donc pas une conséquence du vice caché, excepté pour la période postérieure au dépôt du rapport d'expertise qui a conclu à l'existence d'un vice rendant le véhicule impropre à son usage. En effet, à compter du jour où le véhicule n'a plus été utilisé, M. [F] ne pouvait le laisser en permanence en stationnement sur la voie publique, sauf à courir le risque d'une détérioration.

En conséquence, il est fondé à obtenir l'indemnisation des loyers acquittés alors que, du fait du vice affectant le véhicule, il n'était pas en mesure d'user du véhicule, soit du 27 février 2018 au 24 novembre 2020, date du jugement ayant ordonné la résolution de la vente.

Il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 2 371,40 € (71 €/30 jours x 1002 jours).

S'agissant du préjudice de jouissance, il sera rappelé que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit. Ce principe a notamment pour conséquence que le montant de l'indemnité ne doit être ni inférieur, ni supérieur au préjudice subi et doit permettre une réparation intégrale sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit.

En l'espèce, il n'est pas démontré que le véhicule était totalement hors d'usage. Le rapport d'expertise fait ressortir que M. [F] a continué à l'utiliser au moins un certain temps.

Cependant, l'usage en a été très fortement diminué par l'effet du vice et les risques induits par la surconsommation d'huile.

Le préjudice de jouissance ne peut être contesté et doit être réparé.

En application du principe de réparation intégrale du dommage, le tiers responsable est tenu d'indemniser la victime sans pouvoir exiger de celle-ci qu'elle produise des justificatifs de dépenses, notamment de frais de location d'un véhicule de remplacement ou démontre qu'elle ne disposait d'aucune solution de remplacement.

En tenant compte du fait que M. [F] n'a pas été totalement privé de l'usage du véhicule entre le jour de la vente et le jour du jugement ayant prononcé la résolution de la vente, la cour estime à 3 000 € la privation jouissance du véhicule dans des conditions normales.

La défense à une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Le seul rejet des prétentions d'un plaideur, y compris par confirmation en appel d'une décision de première instance, ne caractérise pas automatiquement un abus.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas à elle seule constitutive d'une faute, sauf s'il est démontré que le demandeur ne peut, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions.

En l'espèce, si la SAS ATT est déboutée de ses demandes, M. [F] ne caractérise aucun abus dans l'exercice par celle-ci de son droit de soumettre le litige à un tribunal afin que le juge apprécie, à la lumière de conclusions d'expertise contestées, la pertinence des demandes de cette dernière, étant observé qu'à défaut d'être en mesure de prouver qu'une proposition commerciale a été adressé à M. [F] dès 2017, l'expert a, quant à lui, acté sa proposition de prendre en charge les frais de remise en état.

La demande de dommages-intérêts pour résistance abusive doit, en conséquence, être rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

La SAS ATT, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel et n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie d'allouer à M. [F] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Sur l'action récursoire de la SAS ATT à l'encontre de la société Volkswagen

L'article 1648 du code civil impose à l'acheteur d'intenter l'action en garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Selon l'article L. 110-4 du code de commerce les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

De l'articulation entre ces différents délais, il résulte que l'article L.104-10 du code de commerce instaure un délai butoir, tout en conservant à l'article 1648 du code civil son autonomie, avec pour effet d'enfermer l'action en garantie des vices cachés à l'encontre d'un vendeur commerçant dans le délai de prescription qui lui est applicable.

En conséquence, l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale.

En l'espèce, le délai prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce a commencé à courir à compter de 15 juin 2010, qui correspond à la première vente du véhicule et donc à sa première mise en circulation. Il s'est achevé cinq ans plus tard le 15 juin 2015.

En conséquence, l'action récursoire de la SAS ATT à l'encontre de la société Volkswagen, constructeur, fondée sur la garantie des vices cachés et engagée le 20 août 2018, est tardive, et comme telle irrecevable.

Succombant sur l'action récursoire, la SAS ATT n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la société Volkswagen à l'indemniser de ses frais irrépétibles.

L'équité justifie de dire n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Volkswagen Group France au titre des frais exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SAS ATT de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, prononcé la résolution de la vente intervenue entre M. [F] et la SAS ATT, ordonné à M. [F] de restituer le véhicule aux frais de la SAS ATT et la restitution par cette dernière du prix de vente, soit la somme de 19 600 €, condamné la SAS ATT à payer, au titre des frais irrépétibles, à M. [F] la somme de 2 000 € et à la SA Volkswagen Group France une somme de 1 000 €, condamné la SAS ATT aux dépens et déclaré irrecevable l'action récursoire de la SAS ATT à l'encontre de la SA Volkswagen Group France ;

L'INFIRME en ce qu'il a condamné la SAS ATT à payer à M. [F] la somme de 4 633 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS ATT à payer à M. [Y] [F], à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes :

- 500 € en réparation de la perte causée par les frais d'assurances du véhicule,

- 2 371,40 € en réparation de la perte causée par les frais de location du garage,

- 3 000 € en réparation de son préjudice de jouissance ;

DÉBOUTE M. [Y] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

DÉBOUTE la SAS ATT de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;

CONDAMNE la SAS ATT à payer à M. [Y] [F] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par celui-ci devant la cour ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Volkswagen group France, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

CONDAMNE la SAS ATT aux dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.