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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 11 juin 2024, n° 21/03278

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Erramuzpe Automobiles (SAS)

Défendeur :

Société Ambulances de la Vallée (SARL), Kia Motors (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Moulayes, Mme Martin de la Moutte

Avocats :

Me Saint Geniest, Me Leclair, Me Boguet, Me Sorel, Me Pariente

T. com. Bayonne, du 10 oct. 2016, n° 201…

10 octobre 2016

Le 20 décembre 2011, la Sarl Ambulances de la Vallée a acquis un véhicule Kia pour un prix de 20.304,50 euros auprès du concessionnaire de la marque, la Sas Erramuzpe Automobiles, avec une garantie contractuelle du constructeur de 7 ans ou 150.000 km.

A la suite d'une panne survenue le 5 novembre 2013, la Sarl Ambulances de la Vallée a saisi le tribunal de commerce de Bayonne pour obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance du 6 mars 2014, [X] [B] a été désigné expert. Il a déposé son rapport le 7 mai 2015.

Par actes des 10 et 20 novembre 2015, la Sarl Ambulances de la Vallée a assigné la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France devant le tribunal de commerce de Bayonne aux fins de:

les voir condamner conjointement et solidairement à réparer l'intégralité du préjudice subi par elle arrêté au 10 octobre 2015, soit au titre des pertes objectives la somme de 176.544 €, au titre de la réparation de son préjudice moral la somme de 10.000 € et 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

voir condamner la Sas Erramuzpe Automobiles à réparer et livrer le véhicule Kia en état de marche sous peine d'une astreinte définitive de 500 € par jour de retard,

ordonner l'exécution provisoire,

condamner conjointement et solidairement la Sas Kia Motors France et la Sas Erramuzpe Automobiles aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Par jugement du 10 octobre 2016, le tribunal de commerce de Bayonne a :

rejeté toute responsabilité de la Sas Kia Motors France et débouté la Sarl Ambulances de la Vallée de toutes ses prétentions à son égard,

dit que la Sas Erramuzpe Automobiles est responsable du litige existant,

condamné la Sas Erramuzpe Automobiles à régler à la Sarl Ambulances de la Vallée la somme de 53.471 € à titre de préjudice,

rejeté la demande de préjudice moral,

condamné la Sas Erramuzpe Automobiles à effectuer la réparation sur le véhicule Kia de la Sarl Ambulances de la Vallée dans les 15 jours ouvrables de la signification du jugement et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard passé cette date,

condamné la Sas Erramuzpe Automobiles à régler la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la Sarl Ambulances de la Vallée,

rejeté la demande d'article 700 de la Sas Kia Motors France vis à vis de la Sarl Ambulances de la Vallée,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la Sas Erramuzpe Automobiles aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 10 novembre 2016, la Sas Erramuzpe Automobiles a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 29 janvier 2019, la cour d'appel de Pau a :

infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

déclaré la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France responsables in solidum du préjudice subi par la Sarl Ambulances de la Vallée,

condamné in solidum la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France à payer à la Sarl Ambulances de la Vallée la somme de 55.885 € HT au titre de la réparation de son préjudice,

débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

condamné in solidum la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France aux dépens de première instance d'appel,

condamné in solidum la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France à payer à la Sarl Ambulances de la Vallée la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

autorisé les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux de dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

La société Kia Motors France a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 10 mars 2021, la Cour de cassation a :

cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Pau

remis l'affaire et les parties en l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse

condamné la société Ambulances de la Vallée aux dépens

rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'agit d'une cassation totale de l'arrêt de la cour d'appel de Pau.

Par déclaration notifiée le 16 juillet 2021, la Sas Erramuzpe a saisi la cour d'appel de Toulouse, cour de renvoi, à l'effet de statuer suite à l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 2021.

La clôture est intervenue le 12 décembre 2022.

L'affaire, qui devait être appelée à l'audience du 10 janvier 2023, a été défixée puis fixée à l'audience du 28 novembre 2023.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n° 2 notifiées le 5 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Erramuzpe Automobiles demandant de :

réformer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne en date du 10 octobre 2016 en ce qu'il a :

rejeté toute responsabilité de la société Kia Motors

imputé toute la responsabilité du litige à la société Erramuzpe Automobiles

condamné la société Erramuzpe Automobiles au paiement d'une somme de 53.471 € en réparation du préjudice subi

condamné la société Erramuzpe Automobiles à effectuer les réparations sur le véhicule dans les 15 jours ouvrables de la signification du jugement

condamné la société Erramuzpe Automobiles au paiement d'une indemnité de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise

en conséquence, débouter la société Ambulances de la Vallée de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Erramuzpe Automobiles

condamner la partie succombant au paiement d'une somme de 1.823,24 € au bénéfice de la société Erramuzpe Automobiles au titre du coût de son intervention réparatoire non prise en charge par le constructeur au titre de sa garantie contractuelle

condamner la partie succombant au paiement d'une somme de 3.000 € au bénéfice de la société Erramuzpe Automobiles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont les frais d'expertise.

Vu les conclusions n° 2 notifiées le 17 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Kia Motors France demandant, au visa des articles 1134, 1147 et 1161 anciens du code civil, de :

à titre principal :

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 10 octobre 2016 en ce qu'il a rejeté toute responsabilité de la société Kia Motors France,

débouter la société Ambulances de la Vallée de toutes ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Kia,

débouter la société Erramuzpe Automobiles de toutes ses prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Kia,

à titre subsidiaire :

infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 10 octobre 2016 en ce qu'il a chiffré le préjudice subi par la société Ambulances de la Vallée à 53.471€,

statuant à nouveau, débouter la société Ambulances de la Vallée de toute prétention à ce titre

en tout état de cause :

condamner la société Erramuzpe Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

condamner la société Erramuzpe Automobiles aux entiers dépens dont distraction au profit de la société d'avocats Armand Associés, Me Pariente.

Vu les conclusions notifiées le 16 décembre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Ambulances de la Vallée demandant de :

confirmer partiellement le Jugement entrepris en ce qu'il a dit la Sas Erramuzpe Automobiles responsable du litige existant ;

infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

retenant au besoin la responsabilité de la Sas Kia Motors Frange en ce que le constructeur a cru devoir limiter sa prise en charge dans, le cadre de sa garantie,

condamner solidairement la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France, ou l'une à défaut de l'autre, à indemniser l'entier préjudice de la Sarl Ambulances de la Vallée ;

condamner solidairement la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la Sarl Ambulances de la Vallée la somme de :

perte de facturation 6.456 x 34 mois 219.504 €

perte de marge VSL / Taxi 1,207 x 34 mois 41.038 €

coût assurance 2.672 €

coût crédit-bail 9.761 € Soit une somme de 272.975 €

économie de carburant 554 x 34 mois 18.836 €

économie d'entretien 256 x 34 mois 8.704 €

soit une somme de 27.540 € Soit un préjudice total de 272.975 € - 27.540 € = 245.435 € HT

condamner solidairement la Sas Erramuzpe Automobiles et la Sas Kia Motors France, ou l'une à défaut de l'autre, à verser à la Sarl Ambulances de la Vallée la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Motifs de la décision :

- sur la portée de la cassation :

Conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 29 janvier 2019 et a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt.

La cour d'appel de Toulouse est donc saisie de l'entier litige.

La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Pau au visa de l'article 1641 du code civil pour défaut de base légale aux motifs que la cour n'avait pas dit en quoi le vice allégué rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné ou en diminuait tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un prix moindre.

- Sur le fondement de la responsabilité recherchée :

Devant la cour de renvoi, la sarl Ambulances de la Vallée, demandeur à l'action, ne précise aucun texte à l'appui de son action et se borne à évoquer le fait, que suite à la panne du 5 novembre 2013 caractérisée, après deux années de circulation, par l'arrêt brutal du moteur et l'impossibilité de le démarrer, elle ne recherche que la responsabilité de la SAS Erramuzpe Automobiles, garagiste, en relevant que l'expert judiciaire n'avait pas retenu de vice caché ni le fait que le désordre, caractérisé par mise en court circuit du faisceau électrique d'injection, par dégradation de contact sur le boîtier de la centrale d'injection ECM, rendait le véhicule impropre à sa destination.

La cour en déduit que la demanderesse à l'action ne recherche plus que la responsabilité contractuelle du garagiste tenue à une obligation de résultat sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil mais également la garantie contractuelle de la société Kia puisqu'elle sollicite la condamnation solidaire du garagiste et du constructeur à réparer les préjudices qu'elle allègue.

La SAS Erramuzpe Automobiles, pour s'exonérer de toute responsabilité, rappelle qu'elle est intervenue en qualité de réparateur mandaté par la seule société Kia Motors, tenue d'intervenir, tant au titre de la garantie contractuelle, initialement recherchée, que de la garantie des vices cachés, et non à la demande de la sarl Ambulances de la Vallée.

Elle rappelle qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle n'est pas intervenue avant la panne. Elle a posé un diagnostic, puis a commandé un faisceau neuf que la société Kia Motors lui a livré mais qui souhaitait son intervention dans le cadre de la garantie contractuelle, n'ayant jamais donné d'accord de prise en charge de la main d'oeuvre nécessaire au remplacement du faisceau ; elle ne l'a donc pas posé d'emblée. Elle insiste sur le fait qu'elle s'était engagée à procéder à la réparation du véhicule dès l'accord officiel de la société Kia Motors pour la prise en charge dans le cadre de la garantie du constructeur.

Elle conteste, par ailleurs, l'existence de tout lien de causalité entre le préjudice subi et une faute dans le retard de prise en charge du véhicule dès lors qu'elle ne pouvait intervenir sans l'accord de son mandant, pendant et à l'issue des opérations d'expertise. Enfin elle considère que les préjudices allégués ne sont pas justifiés et rappelle qu'elle a exécuté le jugement qui lui imposait d'exécuter les travaux de réparation dans un délai de 15 jours de la signification du jugement et attend toujours la prise en charge au titre de la garantie contractuelle du constructeur. soit 1.823,24 euros.

La cour en déduit qu'elle allègue de la seule responsabilité du constructeur pour vice caché dès lors que la défectuosité est établie, selon elle, depuis l'origine même si son apparition a été progressive.

De son coté, la société Kia Motors, constructeur, considère qu'elle ne doit pas la garantie constructeur en l'absence de vice caché à défaut pour le demandeur d'établir que le vice existait avant la vente et retient la faute exclusive de la société Erramuzpe Automobiles à l'origine du préjudice alors que cette dernière aurait dû procéder au remplacement du faisceau immédiatement dès la pièce fournie par elle-même au titre de la garantie avant les opérations d'expertise et alors que le garagiste a dégradé les contacts électriques nécessitant de procéder au changement des centrales ECM et ECU, aggravant ainsi les désordres.

Par ailleurs, elle s'oppose à la thèse de la SAS Erramuzpe Automobiles selon laquelle dès lors que la défectuosité de la chose est établie, il s'agit nécessairement d'un vice engageant la garantie contractuelle sans qu'aucune faute du vendeur soit à prouver.

Examinant les divers fondements juridiques allégués tout en rappelant qu'il appartient au demandeur de justifier de ses demandes, la cour relève que ni le demandeur ni l'expert judiciaire n'ont retenu l'existence d'un vice caché.

En effet, en application de l'article 1641 du code civil pour que le vendeur se trouve tenu à garantie, il faut que les 4 conditions suivantes soient réunies :

- la chose doit avoir un défaut ;

- ce défaut doit la rendre impropre à l'usage auquel elle était destinée;

- le défaut doit être caché ;

- le défaut doit être antérieur ou concomitant à la vente.

Et selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il incombe aux juges du fond de constater que le le vice allégué rend la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée ou diminue celui-ci au point que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix (Com.,12 juillet 2017,pourvoi n15-21.845 ).

En l'espèce, selon le rapport de l'expert judiciaire, le désordre provient d'une panne de court circuit par mise en contact puis dégradation de frottement de son faisceau électrique sur le boîtier de la centrale d'injection ECM.

L'expert judiciaire a expliqué que ce contact pouvait exister au moment de la vente du véhicule ou ne s'être établi que progressivement, qu'il était donc peu décelable à l'achat puisqu'il fallait de surcroît connaître son existence et il insiste surtout sur le fait que ce vice n'a pas pas empêché l'usage du véhicule au cours des 125.000km déjà parcourus. Il en déduit que le vice ne rend pas le véhicule impropre à sa destination.

En revanche, il a dénoncé les conditions de l'intervention et de la réparation de la société Erramuzpe Automobiles qui est, selon lui, à l'origine du préjudice subi par la société Ambulances de la Vallée. Il a insisté sur le fait que le garage désigné par la société Kia Motors a engagé une recherche de la panne, « laquelle s'avérait fastidieuse, conduisant à la dégradation des pins du connecteur de jonction sur la centrale ECM, le garage n'étant pas en possession de l'outillage vérificateur de la continuité électrique de l'ensemble du faisceau » et il a souligné le fait que l'utilisation d'un trombone a même été évoquée. Il a relevé que le garage Erramuzpe Automobiles avait alors décidé de procéder au remplacement du faisceau qui a été commandé mais non mis en place par suite de l'assignation du 27 janvier 2014 par la société Ambulances de la Vallée.

Enfin, l'expert judiciaire a écarté l'hypothèse d'un mauvais usage et/ou entretien du véhicule par la société Ambulances de la Vallée et celle de l'intervention de la société Adour Diesel lors de la pose d'un taximètre, comme origine de la survenance du désordre.

L'expert judiciaire a conclu que « la société Erramuzpe par les mauvaises conditions de son intervention et de la réparation supporte toute la responsabilité du préjudice subi par la sarl Ambulances de la Vallée ».

La cour déduit de ces seuls éléments produits aux débats qu'à défaut de la production d'autres éléments probants, les conclusions de l'expert judiciaire qui précise que « l'appréciation du vice caché n'est pas idoine », ne permettent pas d'affirmer que le vice décelé était préexistant à la vente du véhicule ou en germe avant son acquisition. En revanche, rien n'explique le contact qui est un risque aléatoire de dégradation du faisceau dans le temps et qui a pu s'être établi progressivement, comme le fait observer également la société Erramuzpe Automobiles.

Cette seule hypothèse ne permet pas d'en déduire nécessairement l'existence d'un vice de conception antérieure à la vente.

En revanche, la panne, provenant du dysfonctionnement du faisceau électrique sur le boîtier de la centrale d'injection ECM, a rendu le véhicule impropre à sa destination, qui est tout simplement de rouler à l'aide du moteur, alors qu'il n'avait pas atteint le kilométrage couvert par la garantie contractuelle.

La condition de l'existence du vice antérieurement à la vente n'est donc pas remplie avec certitude et ce d'autant moins que le véhicule a pu être utilisé pendant plus de 125.000km sans aucun dysfonctionnement. La garantie des vices cachés ne peut donc être retenue.

Toutefois, devant l'indigence des pièces produites, la cour constate que la société Kia Motors n'a pas refusé sa garantie contractuelle d'emblée quand le garage Erramuzpe Automobile lui a demandé de fournir un faisceau de remplacement, preuve qu'elle admettait la mise en jeu de sa garantie contractuelle dès lors que les 150 000km n'avaient pas encore été parcourus par le véhicule.

La cour ne dispose ni du contrat de vente ni des conditions de la garantie contractuelle que les parties n'ont pas produites mais toutes s'entendent pour dire que la panne a eu lieu en période de garantie contractuelle.

Dès lors, la cour constate que la garantie contractuelle en ce qui concerne le remplacement de la pièce défectueuse n'a pas été contestée par le constructeur et doit couvrir les frais de main d'oeuvre de remplacement de la pièce défectueuse.

Par ailleurs, la période d'immobilisation du véhicule dans le garage de la société Erramuzpe Automobiles est liée à la procédure de référé expertise, engagée par l'acquéreur dès le 6 mars 2014, à laquelle non seulement la société Kia Motors ne s'est pas opposée mais a, se surcroît, demandé à voir compléter la mission de l'expert judiciaire sur le défaut d'entretien du véhicule ou d'intervention adéquate (cf ordonnance de référé expertise du 6 mars 2014), ce faisant elle prenait le risque de se voir opposer la longueur de ladite procédure et l'immobilisation du véhicule, avant de procéder à la réparation du véhicule par sa faute.

Dans la mesure où, selon les conclusions de l'expert judiciaire, la réparation consistait uniquement dans le seul remplacement du faisceau défectueux dans le cadre de la garantie contractuelle du vendeur et que cette pièce avait été fournie par la société Kia Motors au garage, il convient d'analyser si l'intégralité du préjudice ne résulte pas du refus de remplacer immédiatement le faisceau et d'examiner la portée des manipulations peu conformes aux règles de l'art du garagiste pour diagnostiquer l'origine de la panne comme l'a retenue l'expert judiciaire.

Sur la responsabilité de la société Erramuzpe Automobiles, cette dernière ne critique pas expressément les observations de l'expert judiciaire dans sa méthode utilisée pour rechercher l'origine de la panne et les outils utilisés. Elle se borne à indiquer qu'elle attendait les instructions de son mandant pour intervenir et remplacer le faisceau défaillant.

La société Kia Motors indique qu'en envoyant au garagiste la pièce neuve, elle l'autorisait nécessairement à procéder à la réparation, et ce d'autant plus, qu'elle n'a jamais été sollicitée pour renouveler son autorisation expresse.

Force est de constater qu'aucune pièce n'est produite par le vendeur et par le garagiste pour établir la réalité de leurs échanges et des instructions reçues par le second ni celles sollicitées par lui.

La cour en déduit que la société Kia Motors en fournissant la pièce a autorisé le garagiste à procéder à la réparation mais ne s'étant pas opposée à l'expertise judiciaire pour rechercher l'existence d'un vice caché, elle a nécessairement demandé au garagiste de suspendre les réparations en fonctions des conclusions de l'expert judiciaire jusqu'au dépôt de son rapport.

Sur la volonté de rechercher la cause de la panne par une procédure en référé initiée par la sarl Ambulances de la Vallée et confortée et complétée par le concepteur vendeur du véhicule, il convient d'en déduire que le garagiste ne pouvait intervenir avant le dépôt des conclusions de l'expert judiciaire. Il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir procédé immédiatement à la réparation.

En revanche, du jour où l'expert judiciaire a confirmé que la seule réparation idoine était de remplacer la pièce défaillante, le garagiste devait intervenir sauf à solliciter expressément l'autorisation de la société Kia Motors, ce que le garagiste n'a pas fait.

Enfin, sur les mauvaises manipulations du garagiste pour parvenir au diagnostic de la panne telles qu'elles ont été mises en exergue par l'expert judiciaire, elles existent et ne sont pas sérieusement contestées mais elles ne sont pas à l'origine de la panne et l'expert judiciaire n'affirme pas qu'elles ont aggravé le désordre ni empêché la réparation. Il a simplement indiqué que la recherche de la panne a été fastidieuse et a conduit à la dégradation des pins du connecteur de jonction sur la centrale ECM en raison de l'utilisation d'un mauvais outillage.

La cour en déduit qu'en remplaçant l'ECM, la mauvaise intervention du garage n'a pas empêché la seule réparation à effectuer depuis la panne, le remplacement de l'ECM.

Dès lors la seule faute de la société Erramuzpe Automobiles consiste dans le retard pris pour réparer le véhicule entre le dépôt du rapport de l'expert judiciaire le 7 mai 2015 et la réparation effective le 2 décembre 2016, telle qu'attestée par sa facture (pièce 3) soit durant 18 mois.

La société Kia Motors sera tenue, outre sa garantie contractuelle, du fait de son comportement procédural, à indemniser la sarl Ambulance de la Vallée des conséquences liées au retard dans la seule réparation à effectuer entre la panne et le dépôt du rapport de l'expert judiciaire soit durant 17 mois.

- sur les préjudices allégués à indemniser :

Le véhicule en panne correspondait à l'activité taxi parmi les 3 activités exercées par la sarl Ambulances de la Vallée : ambulance, VSL et Taxi.

L'expert judiciaire a relevé que pour justifier de ses préjudices la société Ambulances de la Vallée produit deux notes de son expert comptable dans lesquelles il ressort qu'elle a utilisé un véhicule VSL en lieu et place d'un taxi pour substituer le véhicule en panne et éviter un effondrement du chiffre d'affaires.

L'expert judiciaire relève que l'expert comptable présente le résultat de ses calculs mais n'a communiqué aucun document comptable à l'appui de ses calculs. Il en est de même devant la cour de renvoi. En outre, iI n'est justifié ni du coût de l'assurance de ce seul véhicule ni du coût du crédit bail de ce seul véhicule.

En réalité, comme le relève l'expert judiciaire, il convient de ne retenir que la perte d'exploitation liée à la seule perte de marge VSL/taxi dès lors qu'il n'est pas établi que l'activité VSL en a subi les conséquences. La perte de facturation Taxi ne se justifie pas en plus.

La cour ne peut retenir que les calculs de marge d'exploitation et ceux de la diminution des coûts d'entretien et d'essence faits par l'expert comptable.

Et eu égard aux calculs présentés par l'expert comptable, il convient de relever que la perte de marge VSL/taxi mensuelle était de 1207 euros et l'économie de carburant et d'entretien mensuelles respectivement de 554 euros et 256 euros soit un montant mensuel d'indemnisation de 1207- (554+256) = 397 euros par mois.

La faute de la société Kia Motors, qui n'a pas ordonné la réparation immédiate, a conduit à immobiliser le véhicule de novembre 2013 au 7 mai 2015 soit durant 17 mois. Elle doit donc indemniser la sarl Ambulances de la Vallée du montant suivant 6749 euros (= 397x 17) de perte d'exploitation.

La faute de la société Erramuzpe Automobiles, qui n'a pas effectué la réparation immédiatement après le dépôt du rapport de mai 2015 mais uniquement en décembre 2016, a conduit à prolonger d'autant l'immobilisation du véhicule. La société Erramuzpe Automobiles doit indemniser la sarl Ambulances de la Vallée d'un montant de 7146 euros (=397x 18 mois) de perte d'exploitation.

- sur la demande de la SAS Erramuzpe Automobiles de paiement de sa facture de 1823,24 euros au titre du coût de son intervention réparatoire non prise en charge par le constructeur :

A l'examen de la facture produite en pièce 3, la facture de 1823,24 euros HT allégué comprend 22 intitulés d'intervention et seule l'intitulé 22 correspond au « remplacement faisceau moteur et calculateur moteur » sans prix associé puisqu'il a été fourni par le constructeur dans le cadre de la garantie et aucun autre intitulé ne porte sur la main d'oeuvre mais uniquement sur le remplacement de diverses pièces (pneu, filtre à air, filtre à huile, balai essui, jeu balai, batterie etc ') qui n'ont pas de lien avec la réparation de la panne litigieuse.

Dès lors, il incombe à la seule sarl Ambulances de la Vallée de régler la facture de réparation et de remise en état de son véhicule.

Il convient de condamner la sarl Ambulances de la Vallée à payer la somme de 1823,24 euros à la SAS Erramuzpe Automobiles comme elle le demande.

- sur les demandes accessoires :

eu égard à l'issue du litige, la société Kia Motors et la sas Erramuzpe Automobiles seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de l'arrêt cassé en application de l'article 639 du cpc et les frais d'expertise judiciaire.

Elles seront condamnées à verser 3.000 euros de frais irrépétibles à la société Ambulances de la vallée en application de l'article 700 du cpc pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 10 mars 2021,

- Confirme le jugement uniquement en ce qu'il a condamné la sas Erramuzpe Auomobiles à effectuer la réparation sur le véhicule Kia de la sarl Ambulances de la Vallée dans les 15 jours de la signification du jugement

- Infirme le jugement sur les autres chefs du jugement et statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

- Dit que la responsabilité de la société KIA Motors est engagée au titre de sa garantie contractuelle pour la période comprise entre la panne du véhicule et la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire

- Dit que la responsabilité contractuelle de la SAS Erramuzpe Automobiles est engagée pour la période comprise entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et la réparation effective du véhicule

- Condamne la société Kia Motors à verser à la sarl Ambulances de la Vallée la somme de 6749 euros à titre de dommages-intérêts

- Condamne la société Errazmupe Automobiles à verser à la sarl Ambulances de la Vallée la somme de 7146 euros à titre de dommages-intérêts

- Condamne la sarl Ambulances de la Vallée à verser à la société Errazmupe Automobilesla somme de 1823,24 euros.

- Condamne in solidum la société Kia Motors et la sas Erramuzpe Automobiles aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et les dépens afférents à la décision cassée en application de l'article 639 du code de procédure civile.

- Condamne in solidum la société Kia Motors et la sas Erramuzpe Automobiles à payer à la sarl Ambulances de la Vallée la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel.