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DĂ©cisions

CA Paris, PĂŽle 5 ch. 6, 12 juin 2024, n° 22/09376

PARIS

ArrĂȘt

Infirmation

PARTIES

DĂ©fendeur :

Crédit Industriel et Commercial (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Bailly

Conseillers :

Mme Sappey-Guesdon, Mme Chaintron

Avocats :

Me Bellichach, Me Noachovitch, Me Desclozeaux

* * * * *

M. [B] [I] exerce la profession d'administrateur de biens sous l'enseigne « L'immobiliÚre de [Localité 6] ' Cabinet CP [I] » et est le syndic d'environ 250 copropriétés, chacune étant titulaire d'un compte bancaire ouvert dans les livres de la société anonyme Crédit industriel et commercial en son agence située dans le huitiÚme arrondissement de [Localité 7].

Le cabinet CP [I] est également titulaire d'un compte bancaire ouvert dans les livres du CIC, en son agence située dans le dix-neuviÚme arrondissement de [Localité 7], sur lequel M. [I] recevait notamment le rÚglement de ses honoraires de gestion par virements des comptes de copropriété.

Le 7 octobre 2009, M. [I] a déposé plainte contre Mme [F] [Y], employée par le cabinet CP [I] le 17 juillet 2000 en qualité d'aide-comptable puis de comptable, aprÚs avoir constaté le détournement de sommes importantes, par virement et par chÚques, lui ayant valu un licenciement pour faute lourde.

Considérant que le CIC avait contribué à son dommage en raison de divers manquements, M. [I] l'a fait assigner en responsabilité devant le tribunal judiciaire de Paris par exploit d'huissier du 7 mai 2014.

Par ordonnance du 3 février 2015, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale en cours devant le tribunal correctionnel de Paris.

Par jugement du 7 mars 2018, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré Mme [Y] coupable du chef d'abus de confiance et l'a condamnée à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement intégralement assortie du sursis simple et à une peine d'amende de 5 000 euros. Mme [W] [J] épouse [C] et M. [M] [C], respectivement la mÚre et le beau-pÚre de Mme [Y] ont, quant à eux, été déclarés coupables du chef de recel d'abus de confiance et condamnés chacun à une peine d'amende de 25 000 euros intégralement assortie du sursis simple.

Les intĂ©ressĂ©s ayant interjetĂ© appel sur les dispositions civiles, la cour d'appel de Paris a, par arrĂȘt du 26 novembre 2019, confirmĂ© la condamnation solidaire des consorts [Y] et [C] Ă  payer d'une part au cabinet CP [I] la somme de 1 486 894,25 euros, et, d'autre part, Ă  M. [I] la somme de 335 000 euros en rĂ©paration de son prĂ©judice matĂ©riel et 5 000 euros en rĂ©paration de son prĂ©judice moral.

Le 12 juin 2020, M. [I] a demandé le rétablissement de l'affaire civile contre la banque au rÎle.

Par un jugement contradictoire du 21 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné M. [I] à payer au CIC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [I] aux dépens ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 11 mai 2022, M. [I] a interjeté appel de cette décision contre le CIC.

Par ses derniÚres conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2024, M. [I] et la société par action simplifiée [I] demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et 31 et 700 du code de procédure civile, de :

- Constater l'intervention forcée, puis le désistement de la société par actions simplifiée [I], la présente procédure ayant été réintégrée dans le patrimoine de M. [I] exerçant sous le nom commercial du cabinet CP [I] ;

- Infirmer le jugement rendu le 21 avril 2022 ('),

En conséquence, statuant à nouveau :

- Condamner le CIC Ă  verser Ă  M. [I] exerçant sous le nom commercial du cabinet CP [I] une somme de 1 486 894,25 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en rĂ©paration de sa perte de chance ;

- Condamner le CIC Ă  verser Ă  M. [I] la somme de 288 000 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en rĂ©paration de sa perte de chance de vendre son appartement plus cher ;

- Condamner le CIC Ă  verser Ă  M. [I] la somme de 420 000 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en rĂ©paration de son obligation d'avoir souscrit un prĂȘt ;

- Condamner le CIC Ă  verser Ă  M. [I] la somme de 110 474,55 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en rĂ©paration du coĂ»t des intĂ©rĂȘts et des assurances souscrites pour les prĂȘts ;

- Condamner le CIC à verser à M. [I] la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- Condamner le CIC à verser à M. [I] exerçant sous le nom commercial du cabinet CP [I] la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- Condamner le CIC à payer à M. [I] exerçant sous le nom commercial du cabinet CP [I], ainsi qu'à M. [I], la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le CIC à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jacques Bellichach, avocat postulant au barreau de Paris, et ce conformément aux dispositions prévues par l'article 699 du code de procédure civile en faisant valoir :

- qu'en vertu de l'article 328 et 329 du code de procĂ©dure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu'elle Ă©lĂšve une prĂ©tention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement Ă  cette prĂ©tention. En l'espĂšce, M. [I] exerçait Ă  titre individuel, en son nom propre, sous le nom commercial du cabinet CP [I]. Le 4 juillet 2022, soit postĂ©rieurement Ă  la dĂ©claration d'appel, M. [I] a cĂ©dĂ© son fonds de commerce Ă  S.A.S. [I]. Aux termes de cet acte il Ă©tait prĂ©vu la cession de l'ensemble du patrimoine corporel, et incorporel. Le prĂ©sent litige a donc Ă©tĂ© transmis par la cession. Le 10 aout 2022, la S.A.S. [I] intervenait donc volontairement par conclusions, venant aux droits du cabinet CP [I], et aux cotĂ©s de M. [I]. Les termes de l'acte de cession de fonds de commerce ne correspondaient toutefois pas Ă  la volontĂ© des parties. En consĂ©quence, le 16 fĂ©vrier 2023 un avenant Ă  l'acte de cession de fonds de commerce a Ă©tĂ© rĂ©gularisĂ© entre la S.A.S. [I] et le cabinet CP [I] prĂ©voyant que le prĂ©sent litige retournait dans le patrimoine de M. [I]. En consĂ©quence, M. [I] fait valoir que la S.A.S. [I] se dĂ©siste de son intervention volontaire, au profit du cabinet CP [I] qui rĂ©cupĂšre donc la marche de ce procĂšs, et son intĂ©rĂȘt Ă  agir, au mĂȘme titre qu'au stade de la premiĂšre instance et de la dĂ©claration d'appel, aux cĂŽtĂ©s de M. [I] en son nom propre,

- qu'en application des articles 1134 et 1147 du code civil, les Ă©tablissements bancaires sont soumis Ă  une obligation de vigilance, impliquant qu'ils doivent ĂȘtre attentifs aux opĂ©rations bancaires des clients et dĂ©terminer un niveau d'alerte quand une opĂ©ration bancaire s'avĂšre anormale. La chambre commerciale de la Cour de cassation a apportĂ© des prĂ©cisions en jugeant le 12 juillet 2017 que cette obligation de vigilance ne concerne que les anomalies dites apparentes, comme les anomalies matĂ©rielles ou intellectuelles, notamment lorsque certains Ă©lĂ©ments laissent penser Ă  une opĂ©ration illicite. La cour d'appel de Lyon a rappelĂ© rĂ©cemment dans un arrĂȘt en date du 5 octobre 2023 que si les professionnels de la banque doivent respecter un devoir de non-immixtion dans les affaires de leur clientĂšle professionnelle, ils demeurent tenus Ă  l'Ă©gard de leurs clients « d'un devoir de vigilance et de mise en garde sur les opĂ©rations bancaires suspectes ». Il convient de faire application de ces jurisprudences en l'espĂšce. Si le CIC prĂ©tend que Mme [Y] Ă©tait expressĂ©ment habilitĂ©e par M. [I] Ă  procĂ©der Ă  des opĂ©rations bancaires, cette derniĂšre Ă©tait employĂ©e en qualitĂ© d'aide-comptable puis de comptable et Ă©tait naturellement habilitĂ©e Ă  rĂ©aliser, dans le cadre de ses fonctions, des opĂ©rations bancaires pour le compte de M. [I]. Cette habilitation ne lui permettait pas de faire des virements Ă  elle-mĂȘme ou Ă  des tiers complaisants. Les dĂ©tournements de chĂšques et de virements sont cependant intrinsĂšquement frauduleux en ce qu'ils n'ont pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec le consentement de M. [I] et ne peuvent ĂȘtre prĂ©sumĂ©s consentis par ce dernier, Mme [Y] ayant sciemment dĂ©passĂ© le cadre de sa propre habilitation,

- que le CIC a, de toute Ă©vidence, manquĂ© Ă  son obligation de vigilance compte tenu de l'apparence notable et manifeste d'anomalies qui auraient dĂ» ĂȘtre dĂ©tectĂ©es par un banquier normalement diligent : (i) le CIC connaissait parfaitement la destination des fonds encaissĂ©s, lesquels Ă©taient exclusivement affectĂ©s au rĂšglement des honoraires du cabinet CP [I], Ă©tant rappelĂ© que le CIC et le cabinet CP [I] entretiennent des relations commerciales et financiĂšres de longue date. (ii) Le CIC n'ignore pas que, depuis de nombreuses annĂ©es, les honoraires du cabinet CP [I] sont versĂ©s sur un compte unique, en l'occurrence le compte N°100 175 02. Le CIC n'a pas procĂ©dĂ© Ă  la moindre vĂ©rification et ne s'est aucunement assurĂ©e que le numĂ©ro de compte crĂ©diteur correspondait bien Ă  celui de M. [I]. (iii) Mme [Y], employĂ©e par M. [I], Ă©tait titulaire d'un compte au sein de la mĂȘme agence et les virements ont Ă©tĂ© effectuĂ©s Ă  destination dudit compte. Le CIC ne saurait donc ignorer que les rĂšglements de copropriĂ©tĂ©s ne pouvaient avoir pour destinataires une salariĂ©e du cabinet, par ailleurs cliente de cette mĂȘme banque, et les proches de cette derniĂšre. (iv) Le numĂ©ro de compte ne correspondait pas au destinataire des fonds, lequel Ă©tait expressĂ©ment libellĂ© sur l'ordre de virement en l'occurrence « CP [I] ». (v) Le CIC Ă©tant Ă©galement la banque recevant les virements dĂ©tournĂ©s, elle aurait Ă©galement dĂ» s'apercevoir, sur les comptes de particuliers aux faibles revenus, qu'il est anormal de recevoir de telles sommes, outre le libellĂ© de ces lignes de crĂ©dits explicites quant Ă  leur illicĂ©itĂ© manifeste. La quantitĂ© des crĂ©dits aux comptes ainsi que leur montant et leur libellĂ© Ă©taient suspects au premier coup d''il. En tout, plus d'1,4 millions d'euros ont Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©s au fil des annĂ©es (dont 1 087 319,27 euros au profit des consorts [Y] et [C]), toujours par le mĂȘme moyen. Les initiales « HG », abrĂ©viation « d'honoraires de gestion », apparaissent sur une grande majoritĂ© des virements. Or, Mme [Y] exerçait la profession d'aide comptable au moment des faits et Ă©tait donc salariĂ©e, ce qui aurait dĂ» alerter le CIC. Par ailleurs, l'article L. 563-3 du code monĂ©taire et financier, dans sa version applicable au litige, prĂ©voit que les organismes financiers se renseignent auprĂšs du client en prĂ©sence d'opĂ©rations inhabituelles ou complexes et semblant dĂ©nuĂ©s de justification Ă©conomique ou d'objet licite, dont le montant unitaire ou total est supĂ©rieur Ă  150 000 euros en application de l'article R. 563-2 du mĂȘme code. Or, en l'espĂšce, les opĂ©rations effectuĂ©es Ă  destination des comptes appartenant aux consorts [Y] et [C] portent sur une somme prĂšs de dix fois supĂ©rieure. Une partie de ces virements Ă©taient immĂ©diatement retransfĂ©rĂ©s sur d'autres comptes, ce qui devait Ă©veiller la vigilance du CIC sur l'origine et la destination de ces fonds.

- que l'agence du CIC OpĂ©ra a Ă©tĂ© exclusivement crĂ©Ă©e pour gĂ©rer des comptes de copropriĂ©taires, et serait donc une agence spĂ©cialisĂ©e. Le rĂšglement d'honoraires au syndic de copropriĂ©tĂ© professionnel est assimilĂ© Ă  un acte de commerce en vertu du code de commerce et ne peut s'effectuer qu'au syndic de copropriĂ©tĂ©. Ainsi le CIC aurait dĂ» refuser les opĂ©rations de rĂšglement d'honoraires sur les comptes de particuliers. Par ailleurs, en vertu de la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970, nul ne peut s'immiscer dans la gestion immobiliĂšre sans ĂȘtre titulaire d'une carte professionnelle. Le CIC a donc participĂ©, pendant cinq ans, Ă  une infraction sur la gestion des copropriĂ©tĂ©s et une fraude fiscale Ă  la TVA, les montants virĂ©s incluant cette derniĂšre.

- qu'Ă  compter de l'annĂ©e 2003, le CIC a proposĂ© la mise en place d'un outil qu'il estimait sĂ©curisĂ© dĂ©nommĂ© Filbanque, permettant de suivre les comptes et de procĂ©der Ă  des opĂ©rations en ligne. Afin de procĂ©der Ă  un virement, il suffisait pour le dĂ©tenteur du compte de crĂ©er un ou plusieurs comptes bĂ©nĂ©ficiaires au moyen d'un code unique. En revanche, une fois le destinataire crĂ©Ă©, la modification des coordonnĂ©es personnelles de ce dernier ne nĂ©cessitait aucun code. C'est dans ces conditions que, de 2003 Ă  2009, Mme [Y] a pu facilement modifier les coordonnĂ©es bancaires du cabinet CP [I], en les remplaçant tantĂŽt par les siennes, tantĂŽt par celles de ses proches, avant de les effacer pour les remplacer de nouveau par les coordonnĂ©es du cabinet afin que son stratagĂšme passe inaperçu. Au regard de son propre cas, M. [I] a contactĂ© la Banque de France pour que des mesures soient prises afin d'ĂȘtre certain que ces dĂ©tournements n'arrivent plus, et avait Ă©galement demandĂ© Ă  ĂȘtre informĂ© des mesures qui avaient pu ĂȘtre prises Ă  l'Ă©poque, et si ses comptes avaient Ă©tĂ© contrĂŽlĂ©s. Toutefois, il n'a pu qu'ĂȘtre informĂ© que sa demande a Ă©tĂ© prise en compte mais qu'aucune information ne lui sera divulguĂ© au nom du secret bancaire. Le CIC s'est Ă  prĂ©sent rendu compte des failles de son systĂšme et, afin d'Ă©viter d'engager sa responsabilitĂ© Ă  l'avenir et de protĂ©ger ses clients, a fait Ă©voluer son dispositif de sĂ©curitĂ© et mis en place des mĂ©canismes empĂȘchant la fraude dont a Ă©tĂ© victime M. [I],

- , Ă  titre liminaire, que contrairement aux prĂ©tentions du CIC, il justifie d'un intĂ©rĂȘt Ă  agir nĂ© et actuel. Il souffre toujours de la situation litigieuse Ă©tant donnĂ© que son prĂ©judice n'a pas Ă©tĂ© rĂ©parĂ© et ne le sera jamais. Le 26 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmĂ© le jugement correctionnel du 7 mars 2018 et a condamnĂ© les consorts [Y] et [C] Ă  verser une somme d'un montant total de 1 838 894,25 euros, tous prĂ©judices confondus, Ă  M. [I] au titre des dommages et intĂ©rĂȘts. Me [D] [E] a Ă©tĂ© mandatĂ©e par le cabinet CP [I] pour procĂ©der Ă  l'exĂ©cution de cette condamnation. Si la condamnation a Ă©tĂ© prononcĂ©e en 2019, Me [D] [E] atteste au 29 mars 2021, soit un an et demi aprĂšs le prononcĂ© de la condamnation, qu'elle ne parvient pas Ă  recouvrer la crĂ©ance due, ce qui tĂ©moigne du fait que le prĂ©judice du cabinet CP [I] n'a jamais Ă©tĂ© rĂ©parĂ© et ne le sera pas au regard de la prĂ©caritĂ© de la situation financiĂšre des consorts [Y] et [C].

- dans un premier temps, qu'il a subi un prĂ©judice de perte de chance. Un arrĂȘt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 mars 1975 a Ă©tabli plusieurs critĂšres permettant de caractĂ©riser la perte de chance : le prĂ©judice doit, d'une part, ĂȘtre certain et direct, il doit, d'autre part, ĂȘtre indemnisable. En l'espĂšce, M. [I] a Ă©tĂ© victime d'un dĂ©tournement de la somme de 1 486 894,95 euros, par l'action de Mme [Y], qui a profitĂ© de la nĂ©gligence de la Banque CIC. Ce dĂ©tournement a engendrĂ© un prĂ©judice total de 1 838 894,25 euros. Son prĂ©judice est ainsi certain et direct. Son prĂ©judice est, en outre, indemnisable. M. [I] ne pourra jamais rĂ©cupĂ©rer le montant de ses pertes subies par l'escroquerie subie par le biais des consorts [Y] et [C], qui ont dĂ©pensĂ© tout l'argent dĂ©tournĂ© et qui ne disposent pas de revenus permettant le recouvrement d'une crĂ©ance aussi importante, comme l'atteste Me [D] [E]. Le prĂ©judice subi par M. [I] est donc constituĂ© par la perte de chance d'Ă©viter, ou Ă  tout le moins de limiter considĂ©rablement, les dĂ©tournements effectuĂ©s par Mme [Y] Ă  son dĂ©triment.

- dans un deuxiĂšme temps, qu'il a subi un prĂ©judice matĂ©riel issu de la vente d'un bien et de la conclusion de plusieurs prĂȘts par lui. A la suite des malversations commises par Mme [Y], et les manquements du CIC Ă  ses obligations de surveillance, le cabinet CP [I] a souffert de problĂšmes de trĂ©sorerie consĂ©quents. M. [I], exerçant son activitĂ© de syndic en nom personnel et supportant personnellement les pertes de celle-ci, a dĂ» vendre un appartement dont il avait hĂ©ritĂ© de son pĂšre et auquel il accordait une grande valeur sentimentale pour remettre Ă  flot la trĂ©sorerie du syndic et Ă©viter un dĂ©pĂŽt de bilan. Dans la prĂ©cipitation et malgrĂ© un marchĂ© peu favorable, M. [I] s'est trouvĂ© contraint de vendre ledit appartement de quarante-et-un virgule cinq mĂštres carrĂ©s, sis [Adresse 3], pour la somme de 165 000 euros le 14 avril 2008. Si M. [I] n'avait pas Ă©tĂ© contraint de vendre le bien Ă  ce moment-lĂ , il aurait pu vendre l'appartement au prix de 453 553 euros, au regard des prix moyens au mĂštre carrĂ© des six ventes rĂ©alisĂ©es en 2020. La diffĂ©rence entre ce prix et celui auquel il a dĂ» vendre l'immeuble constitue pour lui un prĂ©judice de 288 000 euros. Cette perte est imputable directement aux malversations de Mme [Y], mais Ă©galement aux manquements du CIC Ă  ses obligations de contrĂŽle et de surveillance des opĂ©rations bancaires. La vente de son appartement ne suffisant pas, M. [I] a aussi dĂ» trouver de la trĂ©sorerie afin d'Ă©viter une liquidation judiciaire. Il a donc contractĂ© plusieurs emprunts Ă  hauteur de 170 000 euros, 180 000 euros et enfin 70 000 euros afin de payer les impĂŽts de sa sociĂ©tĂ© et remettre de l'argent dans la trĂ©sorerie du cabinet CP [I]. Ces prĂȘts ont entrainĂ© un coĂ»t total de 110 474,55 euros (intĂ©rĂȘts et assurances), au titre duquel il demande aussi indemnisation.

- dans un troisiĂšme temps, qu'il a subi un prĂ©judice moral. Il a Ă©tĂ© particuliĂšrement affectĂ© par les faits car il avait toute confiance en Mme [Y], qui travaillait au cabinet CP [I] depuis neuf ans lorsqu'il s'est aperçu des faits. Il accordait aussi toute confiance au CIC, avec qui il faisait affaires depuis des annĂ©es pour la gestion de ses opĂ©rations bancaires. Il a ainsi Ă©tĂ© touchĂ© par la trahison de son employĂ©e, mais aussi du CIC, son audition de partie civile devant le magistrat instructeur en date du 1er aoĂ»t 2013 faisant par ailleurs ressortir que cette affaire l'empĂȘchait de dormir la nuit. M. [I] fait valoir qu'il a Ă©galement Ă©tĂ© peinĂ© par les mesures qu'il a Ă©tĂ© obligĂ© de prendre Ă  la suite des dĂ©tournements commis par Mme [Y] afin de permettre la survie de son cabinet et d'Ă©viter le licenciement de ses salariĂ©s, Ă  savoir la vente de l'appartement qu'il avait reçu en hĂ©ritage et pour lequel il avait un certain attachement sentimental,

- dans un quatriĂšme temps que le cabinet CP [I] a subi un prĂ©judice moral. La demande au titre du prĂ©judice moral formĂ©e par le cabinet CP [I] ne fait pas « double emploi » avec la demande formĂ©e Ă  titre personnel par M. [I], et doit ĂȘtre dĂ©clarĂ©e recevable, comme l'a relevĂ© la cour d'appel de Paris dans son arrĂȘt du 26 novembre 2019. Le cabinet CP [I] travaille depuis de longues annĂ©es avec le CIC et a subi un lourd prĂ©judice car il s'est vu « trahi » par cette derniĂšre, alors qu'il lui avait accordĂ© sa confiance pour la gestion de ses opĂ©rations financiĂšres,

- en ce qui concerne son préjudice de perte de chance que si le CIC avait satisfait à son devoir de vigilance, elle aurait pu remarquer les nombreuses anomalies matérielles affectant les opérations. Si les mesures de sécurité actuelles avaient été mises en place à l'époque, le CIC aurait pu éviter l'intégralité des détournements.

- en ce qui concerne son prĂ©judice matĂ©riel, qu'il a Ă©tĂ© jugĂ© dans l'arrĂȘt rendu par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 2019 qu'il a personnellement souffert Ă  hauteur de 335 000 euros du dommage directement causĂ© par les infractions d'abus de confiance et de recel. L'existence du prĂ©judice matĂ©riel a donc Ă©tĂ© dĂ©finitivement jugĂ©e et est revĂȘtue de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e. Ce prĂ©judice rĂ©sulte directement du manquement du CIC Ă  son devoir de vigilance, en ce qu'elle n'a pas repĂ©rĂ© des anomalies matĂ©rielles, apparentes et Ă©videntes, et en ce qu'elle n'a pas mis en 'uvre les procĂ©dures nĂ©cessaires pour Ă©viter les dĂ©tournements. En cela, le CIC n'a pas empĂȘchĂ© ou limitĂ© les dĂ©tournements rĂ©alisĂ©s par Mme [Y] au prĂ©judice de M. [I], et se doit de l'indemniser de son entier prĂ©judice matĂ©riel.

- en ce qui concerne son prĂ©judice moral, que son « enchaĂźnement de malchance » aurait tout Ă  fait pu ĂȘtre arrĂȘtĂ© dĂšs les prĂ©misses des dĂ©tournements de Mme [Y], si le CIC avait rĂ©pondu Ă  ses obligations de surveillance, comme elle Ă©tait censĂ©e le faire en tant que banque.

- en ce qui concerne le préjudice moral du cabinet CP [I], que la confiance qu'accordait ce dernier au CIC a été ébranlée lorsque M. [I], exerçant au nom du cabinet CP [I], s'est rendu compte que la banque avait permis à Mme [Y] de détourner des sommes trÚs importantes à son insu et ce, sans effectuer aucun contrÎle pendant plus de sept ans, obligation pourtant intrinsÚque à son rÎle de banque,

- que le CIC se fonde exclusivement sur l'encaissement de chĂšques falsifiĂ©s, alors que son prĂ©judice repose essentiellement sur des virements frauduleux. Mme [Y] Ă©crivait l'ordre des chĂšques avec un stylo-bille Ă  encre effaçable, pour les effacer ensuite et les rĂ©Ă©crire Ă  son profit. L'exemple des chĂšques pris par le CIC n'est donc pas reprĂ©sentatif du prĂ©judice subi par M. [I], et ne constituerait qu'un moyen pour le CIC de tenter d'Ă©chapper Ă  sa responsabilitĂ©. Le dĂ©tournement des sommes a Ă©tĂ© essentiellement rĂ©alisĂ© Ă  partir des rĂšglements des frais de gestion et, de maniĂšre rĂ©siduelle, sur le rĂšglement des honoraires de gestion eux-mĂȘmes versĂ©s par fraction au cabinet [I]. Elles Ă©taient ainsi indĂ©celables par l'Ă©quipe comptable et M. [I] lui-mĂȘme. Ce dernier Ă©tait, par ailleurs, dans l'impossibilitĂ© de relever les dĂ©bits ou crĂ©dits sur son compte commercial, les sommes ayant Ă©tĂ© effectivement dĂ©tournĂ©es par Mme [Y]. Elles n'ont donc jamais Ă©tĂ© crĂ©ditĂ©es sur le compte commercial, rendant impossible leur pointage. L'ensemble des honoraires reçus provenant des comptes de copropriĂ©tĂ©, le versement des honoraires est rĂ©alisĂ© aprĂšs vĂ©rification de la facture. Un rapprochement est ensuite effectuĂ© entre les factures et le compte de copropriĂ©tĂ©. A partir du moment oĂč tous les comptes de copropriĂ©tĂ© font l'objet d'un rapprochement, et sont approuvĂ©s en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, M. [I] n'avait aucun intĂ©rĂȘt Ă  financer un nouveau rapprochement entre ses factures et les comptes de copropriĂ©tĂ©.

- que les exemples de chÚques communiqués par le CIC correspondent à ceux d'un compte commercial du Cabinet CP [I]. Ils n'ont donc aucun lien avec les chÚques des comptes bancaires des copropriétés détournés par Mme [Y] et avec le présent litige. Dans le cadre de la procédure pénale, l'audition de Mme [S], chef comptable, relate que cette derniÚre n'avait jamais signé de chÚque en blanc, ce qu'elle confirme à ce jour. Mme [K], gestionnaire au sein du cabinet CP [I], atteste aussi sur l'honneur avoir rédigé tous les chÚques émis par l'un des comptes commerciaux du cabinet. Elle précise en outre que M. [I] n'avait pas pour usage de faire signer des chÚques en blanc. Il résulte également de la procédure pénale que Mme [Y] a reconnu utiliser un stylo-bille à encre effaçable sur quelques chÚques, dont elle effaçait l'ordre et le remplaçait par un autre aprÚs qu'ils aient été signés par le service comptable.

- qu'en tout Ă©tat de cause et sur le fondement de l'ensemble de ces Ă©lĂ©ments, il n'est pas possible de retenir une « nĂ©gligence extrĂȘme » de la part du cabinet CP [I] et de M. [I], de nature Ă  constituer une faute de la victime et Ă  exonĂ©rer le CIC de toute responsabilitĂ©. M. [I] fait valoir que c'est le CIC qui a commis une « nĂ©gligence extrĂȘme » en ne relevant pas les nombreux flux d'argent aux libellĂ©s pouvant interpeller et aux montants consĂ©quents,

- que si la relation de commettant Ă  prĂ©posĂ© est effectivement Ă©tablie entre Mme [Y] et lui, il existe une limite Ă  l'irresponsabilitĂ© de principe dont jouit le prĂ©posĂ©, celle de la faute pĂ©nale intentionnelle, tel que l'a jugĂ© la Cour de cassation dans un arrĂȘt « Cousin » en date du 14 dĂ©cembre 2001. DĂšs lors que le prĂ©posĂ© a commis une faute pĂ©nale intentionnelle, il engage sa responsabilitĂ© personnelle, peu importe qu'il ait excĂ©dĂ© ou non les limites de sa mission. Or, Mme [Y] a commis une faute pĂ©nale intentionnelle, en l'espĂšce un abus de confiance, pour laquelle elle a Ă©tĂ© reconnue coupable et condamnĂ©e par le tribunal correctionnel de Paris le 7 mars 2018. Ce jugement a Ă©tĂ© confirmĂ© par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 2019. Il rĂ©sulte aussi de l'attestation de M. [N], expert-comptable du cabinet CP [I], que M. [I] n'avait aucun moyen de savoir que les montants n'arrivaient finalement pas sur son compte en banque. En effet, Mme [Y] Ă©tait la personne en charge d'effectuer l'encaissement des chĂšques, les rĂšglements et le lettrage des factures acquittĂ©es par les copropriĂ©tĂ©s. Le CIC invoque la responsabilitĂ© du commettant du fait de son prĂ©posĂ© en se prĂ©tendant « tiers lĂ©sĂ© », au seul motif qu'il a Ă©tĂ© assignĂ© en justice. Le CIC ne fait donc aucunement Ă©tat d'un prĂ©judice direct et certain et, s'il estime en avoir subi un, aurait dĂ» assigner Mme [Y].

Par ses derniÚres conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, la société Crédit Industriel et Commercial demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1353 et 1384 alinéa 5 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige, L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier, et 6, 9 et 31 du code de procédure civile, de :

- Juger que le CIC n'a commis aucun manquement à son obligation de vigilance, dÚs lors que les virements litigieux ont été émis par une préposée habilitée et qu'il n'existe aucune anomalie intellectuelle apparente ;

- Juger que M. [I] ne justifie pas d'anomalies apparentes décelables par la banque s'agissant des chÚques détournés par Mme [Y] ;

- Juger que M. [I] a commis de graves négligences à l'origine directe et exclusive des préjudices prétendument subis ;

- Juger que M. [I] et la S.A.S. [I] n'apportent pas la preuve des préjudices subis, ni du lien de causalité avec les prétendus manquements du CIC ;

En conséquence :

- DĂ©bouter M. [I] et la S.A.S. [I] de l'ensemble de leurs demandes ;

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 21 avril 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris ;

En toute hypothĂšse :

- Enjoindre Ă  M. [I] d'avoir Ă  justifier du montant effectivement subi ;

- Condamner M. [I] à payer au CIC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en exposant :

- qu'en matiĂšre de responsabilitĂ© bancaire, la banque est tenue Ă  un devoir de non-ingĂ©rence Ă  l'Ă©gard de son client et demeure dans les normes professionnelles de la prudence en limitant ses contrĂŽles Ă  l'apparence des choses. Le devoir de non-ingĂ©rence ne cĂšde donc au devoir de vigilance qu'en prĂ©sence d'opĂ©rations oĂč l'anomalie est apparente, qu'elle soit matĂ©rielle (grattage, surcharge, rajout) ou intellectuelle (mouvements anormaux), ce qui n'est pas le cas en l'espĂšce. La jurisprudence prĂ©cise qu'aucune anomalie apparente ne pouvait ĂȘtre relevĂ©e si l'ordre de paiement avait bien Ă©tĂ© donnĂ© par le titulaire du compte et que le compte Ă©tait suffisamment provisionnĂ©, comme c'est bien le cas en l'espĂšce.

- qu'aux termes de ses derniÚres conclusions signifiées le 5 mars 2024, M. [I] invoque un manquement du CIC sur le fondement de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au moment des faits. Cependant, s'agissant des dispositions de l'article L563-3 du code monétaire et financier, relatives aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ces derniÚres concernent exclusivement la relation de la banque avec la justice et le régulateur dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et ne sont donc pas source de responsabilité civile, comme cela ressort par ailleurs de la jurisprudence constante.

- en ce qui concerne les virements litigieux opĂ©rĂ©s par Mme [Y], que M. [I] n'apporte pas la preuve de ses prĂ©tentions alors qu'il rĂ©clame au CIC la somme de 2 335 368,80 euros. En violation des articles 1353 du Code civil et 6 et 9 du code de procĂ©dure civile, M. [I] se contente de s'appuyer sur le jugement correctionnel rendu le 7 mars 2018 par le tribunal correctionnel de Paris pour justifier des dĂ©tournements subis, sans communiquer ni les avis d'opĂ©rĂ© des virements litigieux, ni les relevĂ©s de compte concernĂ©s, ni mĂȘme un tableau rĂ©capitulatif recensant les opĂ©rations frauduleuses avec leur date, leur montant, et le compte bĂ©nĂ©ficiaire. Dans le cadre de son service de caisse, tout Ă©tablissement bancaire est en principe tenu, en qualitĂ© de banquier du donneur d'ordre, d'exĂ©cuter tous les transferts de fonds sollicitĂ©s, et ce avec ponctualitĂ© et exactitude, Ă  dĂ©faut de quoi il est susceptible d'engager sa responsabilitĂ©.

- que l'article L. 133-3 du code monĂ©taire et financier dĂ©finit l'opĂ©ration de paiement, et donc le virement, comme l'action consistant notamment Ă  transfĂ©rer des fonds indĂ©pendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bĂ©nĂ©ficiaire. Par suite, lorsqu'il faut Ă©tablir le consentement du donneur d'ordre Ă  l'opĂ©ration de paiement proprement dite, c'est sa volontĂ© d'exĂ©cuter l'ordre qu'il convient d'examiner, en vĂ©rifiant qu'elle s'est manifestĂ©e « sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement », comme cela ressort de l'article L.133-7 du mĂȘme code. La jurisprudence fait application de ces rĂšgles pour dĂ©cider que la responsabilitĂ© de la banque ne peut, par exemple, ĂȘtre engagĂ©e au titre de l'exĂ©cution de virements litigieux dĂšs lors que l'ordre de virement a Ă©tĂ© Ă©mis selon le dispositif convenu contractuellement entre les parties et que le contrĂŽle formel de sa confirmation ne permettait pas au banquier de relever une anomalie. En l'espĂšce, M. [I] feint d'ignorer que les virements litigieux ont Ă©tĂ© Ă©mis et validĂ©s par le biais du systĂšme sĂ©curisĂ© de banque Ă  distance Filbanque, par Mme [Y], comptable expressĂ©ment habilitĂ©e par M. [I] Ă  Ă©mettre ce type opĂ©rations. A ce titre, Mme [Y] disposait d'un accĂšs « B@D », d'un identifiant et d'un mot de passe personnel Filbanque. En outre, en sa qualitĂ© de dĂ©lĂ©guĂ©e du cabinet CP [I], Mme [Y] avait le pouvoir de saisir et valider les virements, ce qui n'est pas contestĂ© par M. [I]. Par ailleurs, le jugement correctionnel prĂ©cise que Mme [Y] « Ă©tait en possession des codes permettant d'ordonner ces virements comme les autres aides comptables du cabinet » et « avait l'autorisation d'effectuer ces virements par internet Ă  partir du cabinet ou d'ailleurs ». Ainsi, Mme [Y] est rĂ©putĂ©e avoir Ă©tĂ© expressĂ©ment autorisĂ©e par son employeur Ă  effectuer lesdits virements puisqu'elle bĂ©nĂ©ficiait, Ă  la date des virements litigieux, d'un profil dĂ©lĂ©guĂ© autorisant ce type d'opĂ©rations ainsi que l'ajout de bĂ©nĂ©ficiaires. En l'espĂšce et au vu des conditions gĂ©nĂ©rales Filbanque, les virements litigieux Ă©manent bien du cabinet CP [I], en ce qu'il est fait usage du code secret qui l'identifie et que la connexion intervient depuis un site internet sĂ©curisĂ© auquel le client n'a accĂšs que par l'usage d'un code qui a la nature d'une signature personnelle. Ainsi, les virements rĂ©alisĂ©s par le titulaire du compte Ă  partir de son espace en ligne sont rĂ©putĂ©s avoir Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec son consentement. L'usage du code secret personnel par la prĂ©posĂ©e autorisĂ©e peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme traduisant la volontĂ© du client, M. [I], ou en tout cas le caractĂšre autorisĂ© de l'opĂ©ration de paiement et exclue ainsi toute restitution. Le cabinet CP [I] Ă©tait, par ailleurs, contractuellement responsable du « contrĂŽle de l'utilisation des services Filbanque par ses mandataires ou collaborateurs » et il s'est contractuellement engagĂ© Ă  ne pas « contester les opĂ©rations effectuĂ©es par l'intermĂ©diaire de ces services », comme cela ressort de l'article 2.2.2 du contrat Filbanque. Par consĂ©quent et compte tenu de l'utilisation du systĂšme sĂ©curisĂ© Filbanque par une prĂ©posĂ©e habilitĂ©e pour ce faire, la banque ne pouvait aller au-delĂ  de ses obligations sans enfreindre le devoir de non-ingĂ©rence auquel elle Ă©tait tenue Ă  l'Ă©gard de son client, comme en tĂ©moigne par ailleurs la jurisprudence rĂ©cente rendue en la matiĂšre. Si M. [I] fait Ă©tat d'un arrĂȘt rendu le 5 octobre 2023 par la Cour d'appel de Lyon, ayant prononcĂ© un partage de responsabilitĂ© Ă  cinquante-cinquante entre la banque et son client, les faits ne sont pas transposables Ă  la prĂ©sente espĂšce. En effet, il s'agissait d'une « fraude au prĂ©sident » pour un unique virement de 186 280 euros intervenu « suite au piratage de la boite mail du PDG » du client de la banque.

- que M. [I] ne démontre pas non plus, aux termes de ses conclusions d'appelant, l'existence d'anomalies intellectuelles apparentes qui auraient dû attirer l'attention du CIC : (i) Le volume d'affaires avec le cabinet CP [I] était particuliÚrement important avec notamment plus de deux-cent-cinquante comptes ouverts au nom des différents syndicats de copropriétaires et des flux annuels trÚs élevés. (ii) Le montant des virements litigieux émis par Mme [Y] n'était pas inhabituel, s'agissant dans leur majorité de virements d'un montant inférieur à 1 000 euros, ce que confirme expressément le jugement correctionnel. (iii) Les virements litigieux étaient étalés dans le temps, courant sur une période de plus de sept ans, entre 2002 et 2009. (iv) Les virements litigieux n'ont pas rendu les comptes bancaires débiteurs. Or, en matiÚre d'anomalies intellectuelles, la jurisprudence est davantage sévÚre, les banques n'engageant pas leur responsabilité dÚs lors que les chÚques ont une apparence de régularité parfaite. Il n'existait, en l'espÚce, aucune anomalie matérielle ou intellectuelle de nature à alerter le CIC.

- que si M. [I] semble Ă©galement lui reprocher de ne pas avoir dĂ©tectĂ© le caractĂšre anormal des virements crĂ©dits sur le compte des consorts [Y] et [C], il ne prĂ©cise pas quels virements litigieux auraient Ă©tĂ© encaissĂ©s dans les livres du CIC, sur quels comptes et pour quels montants, de sorte que, compte tenu de cette carence probatoire, il conviendrait de rejeter cette prĂ©tention. Il ressort, par ailleurs, de la procĂ©dure pĂ©nale, que de nombreux virements avaient pour bĂ©nĂ©ficiaires des comptes ouvertes dans d'autres Ă©tablissements bancaires, de sorte que la responsabilitĂ© du CIC ne saurait ĂȘtre recherchĂ©e en sa qualitĂ© de banque rĂ©cipiendaire de ces virements. M. [I] n'a pas non plus assignĂ© lesdites banques rĂ©ceptionnaires. En toute hypothĂšse, le cabinet CP [I] Ă©tait l'employeur de Mme [Y] de sorte que la prĂ©sence de virements de ce dernier au bĂ©nĂ©fice du compte de sa prĂ©posĂ©e ne revĂȘtait pas un caractĂšre anormal de nature Ă  alerter le CIC, qui n'a donc pas manquĂ© Ă  son devoir de vigilance.

- en ce qui concerne les chĂšques remis Ă  l'encaissement par Mme [Y], une nouvelle violation de l'article 1353 du code civil et des articles 6 et 9 du code de procĂ©dure civile par M. [I], ce dernier n'ayant pas versĂ© aux dĂ©bats la copie de l'ensemble des chĂšques litigieux permettant au tribunal d'apprĂ©cier une Ă©ventuelle falsification apparente, ni mĂȘme la liste des chĂšques en question, leur date, leur montant et leur bĂ©nĂ©ficiaire. M. [I], alors qu'il rĂ©clame des sommes consĂ©quentes au CIC, se contente de s'appuyer sur le jugement correctionnel rendu le 7 mars 2018 par le tribunal correctionnel de Paris qui n'Ă©tablit nullement la prĂ©sence d'anomalies apparentes sur les chĂšques en question. Ainsi, M. [I] Ă©choue Ă  apporter la preuve d'anomalies apparentes dĂ©celables par un employĂ© normalement diligent en ce qui concerne les chĂšques remis Ă  l'encaissement par Mme [Y] et ses proches, chĂšques dont il n'est par ailleurs pas Ă©tabli clairement qu'ils auraient Ă©tĂ© falsifiĂ©s par cette derniĂšre. M. [I] ne prĂ©cise pas non plus quels chĂšques auraient Ă©tĂ© encaissĂ©s sur des comptes ouverts dans les livres du CIC et pour quel montant, Ă©tant rappelĂ© qu'il ressort de la procĂ©dure pĂ©nale que de nombreux chĂšques ont Ă©tĂ© remis sur des comptes ouverts dans d'autres Ă©tablissements bancaires, de sorte que la responsabilitĂ© du CIC ne peut ĂȘtre recherchĂ©e s'agissant desdits chĂšques en qualitĂ© de banquier prĂ©sentateur. Le CIC fait valoir qu'il communique quelques exemples de chĂšques Ă©mis par le cabinet CP [I] remis Ă  l'encaissement par Mme [Y], sur lesquels on ne remarque aucune surcharge, altĂ©ration ou grattage en ce qui concerne le bĂ©nĂ©ficiaire indiquĂ©. Il apparaĂźt que Mme [Y] a rempli ces chĂšques en indiquant leur montant et leur date, puis les a fait signer sans ordre Ă  la responsable comptable du cabinet CP [I], Mme [S], ou au comptable, M. [Z] avant d'ajouter le bĂ©nĂ©ficiaire de son choix ou les faisaient signer avec l'ordre qui lui convenait, de sorte que les chĂšques en question ne comportent en rĂ©alitĂ© aucune anomalie, apparente ou non. Cela ressort notamment des dĂ©clarations de Mme [Y] dans le cadre de la procĂ©dure pĂ©nale. Il ressort aussi de la procĂ©dure pĂ©nale que Mme [S] et M. [Z] signaient les chĂšques les uns Ă  la suite des autres sans effectuer de vĂ©rification. Le dossier pĂ©nal fait Ă©galement ressortir que de nombreux chĂšques remis Ă  l'encaissement par Mme [Y] sur son compte CIC ont Ă©tĂ© validĂ©s par la comptabilitĂ© du cabinet CP [I],

- qu'il ressort de la jurisprudence constante que le demandeur doit justifier d'un intĂ©rĂȘt nĂ© et actuel. En l'espĂšce, le CIC n'est pas en mesure de dĂ©terminer le prĂ©judice effectivement subi par M. [I] et le cabinet CP [I] car il ne sait pas dans quelle mesure le sinistre subi a Ă©tĂ© pris en charge par la sociĂ©tĂ© d'assurance de ces derniers, l'activitĂ© de syndic de copropriĂ©tĂ© Ă©tant nĂ©cessairement assurĂ©e. Il rĂ©sulte, par ailleurs, de l'acte de cession de fonds de commerce dont se prĂ©vaut M. [I] que des cautionnements d'un montant de 9 550 000 euros ont Ă©tĂ© conclus par la sociĂ©tĂ© AXA, notamment, au profit du cĂ©dant, M. [I]. De mĂȘme, le CIC n'est pas en mesure de dĂ©terminer les sommes qui ont pu ĂȘtre recouvrĂ©es par M. [I] auprĂšs de Mme [Y] dont il apparaĂźt, Ă  l'Ă©tude de la procĂ©dure pĂ©nale, qu'elle Ă©tait propriĂ©taire au moins d'un parking et de divers comptes courants sur lesquels M. [I] a par ailleurs diligentĂ© des mesures conservatoires. Le CIC n'est Ă©galement pas en mesure de dĂ©terminer les sommes qui ont pu ĂȘtre recouvrĂ©es par M. [I] auprĂšs de Mme [W] [J] Ă©pouse [C] et de M. [M] [C], condamnĂ©s solidairement avec leur fille et belle-fille dans le cadre de la procĂ©dure pĂ©nale, Ă  indemniser son prĂ©judice matĂ©riel, et qui sont propriĂ©taires au moins d'une maison situĂ©e dans l'Orne. Si par impossible et par extraordinaire, il devait ĂȘtre considĂ©rĂ© que le CIC a commis une faute dans l'exĂ©cution des virements frauduleux et dans le cadre de la vĂ©rification des chĂšques remis Ă  l'encaissement par Mme [Y] ou ses proches, et que la responsabilitĂ© du CIC est engagĂ©e Ă  l'Ă©gard de M. [I], il conviendra en toute hypothĂšse d'enjoindre Ă  M. [I] d'avoir Ă  justifier du montant du prĂ©judice effectivement subi et notamment du fait qu'il n'a perçu aucune somme de la part des consorts [Y] et [C],

- que seule constitue une perte de chance rĂ©parable la disparition actuelle et certaine d'une Ă©ventualitĂ© favorable. Une fois caractĂ©risĂ©e, la perte de chance peut devenir indemnisable. L'indemnisation de la chance perdue ne se confond cependant pas avec le bĂ©nĂ©fice que la victime aurait retirĂ© de la survenance de l'Ă©vĂšnement favorable. La chance Ă©tant par nature alĂ©atoire, la rĂ©paration de la perte d'une chance doit ĂȘtre mesurĂ©e Ă  l'aune de la chance perdue et ne peut ĂȘtre Ă©gale Ă  l'avantage qu'elle aurait procurĂ© si elle s'Ă©tait rĂ©alisĂ©e. L'indemnisation doit donc prendre en compte l'alĂ©a selon les chances de succĂšs qu'avait la victime, comme l'exige la Cour de cassation. Cette derniĂšre casse par ailleurs systĂ©matiquement toutes les dĂ©cisions du fond qui indemnisent la totalitĂ© du gain espĂ©rĂ©. A ce titre, M. [I] n'est en aucun cas fondĂ© Ă  rĂ©clamer au CIC la somme de 1 486 894,25 euros soit en rĂ©alitĂ© la totalitĂ© des sommes dĂ©tournĂ©es par Mme [Y], au titre de sa perte de chance allĂ©guĂ©e et ne peut solliciter qu'une fraction plus ou moins importante du prĂ©judice subi, selon la probabilitĂ© de survenance de l'avantage espĂ©rĂ©. De mĂȘme, la demande formĂ©e au titre du prĂ©judice subi par M. [I] du fait de la vente de son appartement afin de « combler les dĂ©ficits crĂ©es par les dĂ©tournements » de Mme [Y] est particuliĂšrement mal fondĂ©e et doit ĂȘtre rejetĂ©e. M. [I] rĂ©clame en effet une somme de 288 000 euros Ă  titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en rĂ©paration de sa « perte de chance de vendre son appartement plus cher ». En premier lieu, le CIC fait valoir que l'acte de vente de cet appartement date du 27 octobre 2004, soit au dĂ©but des dĂ©tournements commis par Mme [Y], alors mĂȘme que la dĂ©couverte des faits litigieux remonte Ă  la fin de l'annĂ©e 2009, de sorte qu'il n'existe aucun lien entre cette vente et les difficultĂ©s financiĂšres allĂ©guĂ©es par M. [I]. En outre, M. [I] ne justifie Ă  aucun moment que les sommes provenant de la vente de cet appartement ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pour « renflouer » la situation comptable du cabinet CP [I]. Par ailleurs, l'Ă©valuation de ce poste de prĂ©judice n'est pas sĂ©rieuse et serait malhonnĂȘte, dans la mesure oĂč M. [I] prend pour base d'Ă©valuation le prix du mĂštre carrĂ© dans le vingtiĂšme arrondissement de [LocalitĂ© 7] en 2020, soit sa valeur la plus haute sur toute la pĂ©riode. Seul le prix moyen du mĂštre carrĂ© entre 2004 et aujourd'hui pourrait, le cas Ă©chĂ©ant, ĂȘtre retenu comme base d'Ă©valuation,

- que les demandes de M. [I] formĂ©es au titre du prĂ©judice subi du fait de la souscription des prĂȘts doivent aussi ĂȘtre rejetĂ©es. Ce dernier ne dĂ©montre Ă  aucun moment que les prĂȘts en question ont Ă©tĂ© souscrits pour faire face Ă  des difficultĂ©s de trĂ©sorerie, ni mĂȘme que les fonds prĂȘtĂ©s ont Ă©tĂ© injectĂ©s dans l'activitĂ© du cabinet CP [I], Ă©tant prĂ©cisĂ© qu'il semble qu'il s'agisse de prĂȘts personnels, et non de prĂȘts professionnels. Par ailleurs, Monsieur [I] ne communique pas les contrats de prĂȘt en intĂ©gralitĂ©, ce qui permettrait de dĂ©terminer l'objet de ces financements, mais uniquement les tableaux d'amortissements,

- que la demande formée par M. [I] au titre de son préjudice moral n'est pas non plus justifiée. Les négligences de M. [I] dont le CIC fait état excluent, par ailleurs, toute réparation s'agissant d'un préjudice moral qui n'est qu'allégué,

- que la demande au titre du prĂ©judice moral formĂ©e par le cabinet CP [I] Ă  hauteur de 15 000 euros doit Ă©galement ĂȘtre rejetĂ©, cette demande faisant double emploi avec celle formĂ©e en son nom personnel par M. [I], et ce d'autant plus que le cabinet CP [I] n'a pas la personnalitĂ© morale et n'a donc pas qualitĂ© Ă  agir et former des demandes dans le cadre de la prĂ©sente procĂ©dure,

- qu'il est de principe que le dommage subi ne peut ouvrir droit Ă  rĂ©paration qu'Ă  la condition qu'il soit uni par un lien de causalitĂ© avec le fait dommageable. Cette condition est posĂ©e explicitement, dans le domaine de la responsabilitĂ© contractuelle, Ă  l'article 1151 du code civil devenu l'article 1231-4, aux termes duquel la rĂ©paration porte seulement sur « ce qui est une suite immĂ©diate et directe de l'inexĂ©cution ». Or, en l'espĂšce, le CIC fait valoir qu'il dĂ©montre que la nĂ©gligence et l'absence de discernement et de vigilance de M. [I] constituent la cause principale, sinon unique, des prĂ©tendus prĂ©judices subis. En toute hypothĂšse, M. [I] ne dĂ©montre pas non plus le lien de causalitĂ© entre la vente de l'appartement courant 2004 et les prĂ©tendues fautes reprochĂ©es au CIC. Dans le mĂȘme sens, les demandes formĂ©es au titre du prĂ©judice subi du fait de la souscription des prĂȘts doivent ĂȘtre rejetĂ©es, le lien de causalitĂ© n'Ă©tant pas dĂ©montrĂ©,

- que la cour d'appel de Paris a retenu, Ă  juste titre, dans un arrĂȘt rendu le 5 dĂ©cembre 2013, que « l'extrĂȘme nĂ©gligence » de la victime exonĂ©rait totalement la banque de sa responsabilitĂ© pour avoir payĂ© de faux chĂšques, dans une affaire similaire Ă  la prĂ©sente espĂšce, oĂč une comptable avait dĂ©tournĂ© des fonds au prĂ©judice de son employeur. En outre, aux termes d'un arrĂȘt en date du 17 juin 2020, la Cour de cassation a jugĂ© valable la mise hors de cause d'une banque dans une espĂšce similaire oĂč une prĂ©posĂ©e avait dĂ©tournĂ© des fonds au prĂ©judice de son employeur, sans avoir fait l'objet d'aucun contrĂŽle par ce dernier. En l'espĂšce, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence prĂ©citĂ©e, M. [I] a commis de trĂšs graves nĂ©gligences qui sont Ă  l'origine exclusive des prĂ©judices subis. Il apparaĂźt que M. [I] n'a exercĂ© aucune surveillance sur l'activitĂ© de sa prĂ©posĂ©e, et ce, pendant plus de sept ans puisqu'il a Ă©tĂ© rappelĂ© que les opĂ©rations litigieuses se sont dĂ©roulĂ©es entre le 1er janvier 2002 et le 30 septembre 2009. De mĂȘme, ni M. [I], ni sa chef comptable, Mme [S], n'ont surveillĂ© les comptes bancaires du cabinet CP [I] alors qu'ils recevaient mensuellement les relevĂ©s de compte et qu'ils avaient accĂšs au service de banque Ă  distance Filbanque. De surcroĂźt, il apparaĂźt que M. [I] et ses services comptables n'ont exercĂ© aucun contrĂŽle rigoureux s'agissant de la comptabilitĂ© du cabinet CP [I]. En effet, des contrĂŽles mĂȘmes sommaires auraient dĂ» leur permettre de dĂ©tecter un « trou » de trĂ©sorerie de prĂšs d'1,5 millions d'euros. A ce titre, lors de son audition par le juge d'instruction, M. [I] a dĂ©clarĂ© que du fait du nombre important de factures, ces derniĂšres n'Ă©taient pas payĂ©es Ă  lui. Comme elles n'ont pas non plus Ă©tĂ© encaissĂ©es sur son compte commercial, il ne s'est rendu compte qu'a posteriori des agissements de Mme [Y], ce qui Ă©quivaut, selon le CIC, Ă  une reconnaissance de sa lĂ©gĂšretĂ© particuliĂšrement blĂąmable. Mme [Y] a aussi prĂ©cisĂ© dans le cadre de la procĂ©dure pĂ©nale qu'« elle n'avait jamais effacĂ© l'ordre sur les chĂšques ». Soit elle prĂ©parait le chĂšque sans ordre, soit elle mettait l'ordre qui lui convenait et qui Ă©tait alors validĂ© parce que pas vĂ©rifiĂ©. Mme [S] et M. [Z] signaient les chĂšques les uns Ă  la suite des autres sans vĂ©rification effective. Lorsqu'il n'y avait pas d'ordre sur les chĂšques, elle mettait alors celui qui lui convenait a posteriori avec signature. Mme [Y] expliquait, en outre, qu'il n'y avait pas de contrĂŽle en raison du nombre important de chĂšques qui leur Ă©taient soumis. Enfin, M. [I] et ses services comptables n'effectuaient aucune vĂ©rification s'agissant des chĂšques qui leur Ă©taient prĂ©sentĂ©s pour signature. Mme [S], chef comptable, ou M. [Z], comptable, auraient ainsi sciemment signĂ© de nombreux chĂšques sans ordre, ou Ă  l'ordre des consorts [Y] et [C],

- qu'aucun rapprochement bancaire n'a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©. Cette opĂ©ration a pourtant pour objectif de vĂ©rifier l'Ă©tat rĂ©el de la trĂ©sorerie, de mettre Ă  jour les Ă©critures comptables, d'identifier des oublis ou erreurs Ă©ventuels ou de repĂ©rer des factures manquantes ou les chĂšques non encaissĂ©s et aurait pu permettre au cabinet CP [I] de s'assurer que ses comptes bancaires correspondent avec ses relevĂ©s bancaires Ă  une date donnĂ©e. Ce contrĂŽle a minima n'a pas Ă©tĂ© effectuĂ© en l'espĂšce, pas plus qu'une vĂ©rification de la cohĂ©rence entre les encaissements et les factures Ă©mises. La dĂ©faillance du service comptabilitĂ© du cabinet CP [I] est d'autant plus manifeste qu'il apparaĂźt qu'il n'y a eu aucun suivi du rĂšglement effectif des factures Ă©mises. Cette dĂ©faillance est Ă  l'origine directe du prĂ©judice invoquĂ© puisque si des investigations Ă©lĂ©mentaires sur les factures impayĂ©es avaient Ă©tĂ© menĂ©es, la fraude aurait pu ĂȘtre dĂ©couverte rapidement. Mme [S] a, par ailleurs, reconnu dans le cadre de la procĂ©dure pĂ©nale les dĂ©faillances de la comptabilitĂ© du cabinet CP [I]. M. [I] serait ainsi particuliĂšrement mal fondĂ© Ă  se prĂ©valoir de nĂ©gligences allĂ©guĂ©es du CIC alors qu'il n'a exercĂ© aucun contrĂŽle sur sa salariĂ©e et et n'a dĂ©tectĂ© la fraude trĂšs consĂ©quente qu'aprĂšs plus de sept ans. Plus gĂ©nĂ©ralement, il apparaĂźt qu'aucune procĂ©dure de contrĂŽle n'Ă©tait mise en 'uvre par M. [I] au sein de sa sociĂ©tĂ© en vue de limiter les risques d'erreurs comptables voire de dĂ©tournements,

- que la responsabilitĂ© du commettant du fait de son prĂ©posĂ© est une responsabilitĂ© de plein droit, dont le commettant ne s'exonĂšre que s'il prouve, cumulativement, « que son prĂ©posĂ© a agi hors des fonctions auxquelles il Ă©tait employĂ©, sans autorisation, et Ă  des fins Ă©trangĂšres Ă  ses attributions » tel qu'il ressort d'un arrĂȘt de la Cour de cassation du 19 mai 1988. A contrario, lorsque le commettant victime ne rapporte pas la preuve des trois conditions cumulatives exonĂ©ratoires de responsabilitĂ© prĂ©citĂ©es, il peut se voir opposer les fautes de son prĂ©posĂ© qui cause un prĂ©judice Ă  un tiers, en l'espĂšce au CIC, qui se voit aujourd'hui assignĂ© en responsabilitĂ©. Dans la prĂ©sente affaire, M. [I] n'a exercĂ© aucun contrĂŽle sur sa prĂ©posĂ©e, et, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, sur les comptes du cabinet CP [I], laissant toute latitude Ă  Mme [Y], expressĂ©ment habilitĂ©e Ă  Ă©mettre les virements litigieux par l'intermĂ©diaire du systĂšme Filbanque, pour le faire. C'est donc M. [I], en sa qualitĂ© de commettant, qui doit rĂ©pondre des fautes graves commises par sa prĂ©posĂ©e, Mme [Y].

L'ordonnance de clÎture a été rendue le 23 avril 2024.

MOTIFS

M. [I] verse aux débats un avenant du 15 février 2023 à l'acte de cession du fonds de commerce de l'ImmobiliÚre de [Localité 6] aux termes duquel il est entendu entre les parties que c'est à M. [I] que doivent revenir les éventuelles sommes de la présente procédure, qui ne font pas partie des éléments d'actifs incorporels du fonds, de sorte que, la société CIC ne s'y opposant pas, il y a lieu de déclarer M. [I] recevable tant personnellement qu'en sa qualité d'exploitant précédent de l'ImmobiliÚre de [Localité 6].

En vertu des articles 1231-1 du code civil et L131-2 du code monétaire et financier, il incombe au banquier tiré de vérifier la régularité formelle du chÚque qui doit comporter toutes les mentions exigées par la seconde de ces dispositions, qu'il ne présente aucune anomalie décelable par un préposé normalement diligent, tels grattage, surcharge, altération visible mais, en revanche, il résulte du principe de non ingérence dans les affaires de son client que le banquier n'a pas à s'enquérir de la conformité du montant du chÚque ou de son bénéficiaire aux habitudes de son client, sauf circonstances constituant une anomalie matérielle ou intellectuelle apparente.

La banque prĂ©sentatrice du chĂšque est quant Ă  elle tenue, en vertu des articles 1240 du code civil et de la mĂȘme disposition du code monĂ©taire et financier comme la banque du tireur, de s'assurer de la rĂ©gularitĂ© matĂ©rielle du titre et de sa rĂ©gularitĂ© apparente en ce qu'il comporte toutes les mentions obligatoires de l'article L132-2 du code monĂ©taire et financier.

C'est Ă  juste titre que le tribunal a relevĂ©, Ă©tant observĂ© que les formules de chĂšques ne sont pas produites, dĂšs lors que M. [I] ne fait pas valoir que les chĂšques auraient comportĂ©s des anomalies matĂ©rielles dĂ©celables - ce que conforte les dĂ©clarations de [F] [Y] aux services de police selon lesquelles elle utilisait une encre effaçable ou qu'elle faisait signer des chĂšques sans ordre -, la responsabilitĂ© du CIC en sa qualitĂ© de banque tirĂ©e ne peut ĂȘtre retenue Ă  ce titre puisque, contrairement Ă  ce qui est soutenu par M. [I], elle n'avait pas Ă  s'interroger sur la qualitĂ© des destinataires des chĂšques qui prĂ©sentaient une apparence normale et qu'il n'est pas anormal que des chĂšques soient tirĂ©s sur un compte ouvert par un syndic au nom d'une copropriĂ©tĂ© au bĂ©nĂ©fice de divers intervenants.

Il en est de mĂȘme de la sociĂ©tĂ© CIC en sa qualitĂ© de banque prĂ©sentatrice des chĂšques, teneur de compte de [F] [Y] et de membres de sa famille, s'agissant de leur apparence matĂ©rielle non anormale, ses obligations au regard des anomalies intellectuelles Ă©tant apprĂ©ciĂ©es ci-aprĂšs au mĂȘme titre que pour les virements reçus sur ces comptes, la sociĂ©tĂ© Cic Ă©tant prise en sa qualitĂ© de teneur de compte.

Il est constant que l'essentiel des dĂ©tournements de fonds opĂ©rĂ©s par [F] [Y], employĂ©e comme aide comptable par le cabinet [I], ont Ă©tĂ© opĂ©rĂ©s au moyen de nombreux virements, Ă  partir du compte des copropriĂ©tĂ©s qui n'ont pas Ă©tĂ© au bĂ©nĂ©ficie du compte du cabinet [I] comme ils devaient l'ĂȘtre s'agissant d'honoraires mais au bĂ©nĂ©fice de son propre compte dans les livres de la sociĂ©tĂ© CIC, de celui de sa mĂšre, [W] [J] Ă©pouse [C], de son mari [M] [C], de ses frĂšres [T] [Y], [G] [C], Ă©tudiant Ă  l'Ă©poque, sur leurs comptes Ă©galement dĂ©tenus dans les livres du CIC ainsi que sur diffĂ©rents comptes de tiers, comme celui du meilleur ami de [F] [R], [X] [A], ouverts dans les livres d'autres Ă©tablissements bancaires comme le CrĂ©dit Foncier ou la Bnp PARIBAS.

Il est également constant que l'essentiel des détournements ont été effectués pour des sommes inférieures à 1 000 euros par des virements au moyen de l'interface internet de la banque dénommée Filbanque, la convention prévoyant que le cabinet [I] pouvait déléguer les codes d'accÚs et que tel avait été le cas de [F] [Y] qui était habilité à effectuer, seule, ces virements.

A cet Ă©gard, la circonstance que le dĂ©lĂ©gataire ait eu la facultĂ©, jusqu'au renforcement des mesures de sĂ©curitĂ© du systĂšme en 2009, de crĂ©er un nouveau bĂ©nĂ©ficiaire ne contrevient Ă  aucune disposition lĂ©gale ni conventionnelle Ă©tant prĂ©cisĂ© que, tout au contraire, l'extrait des conditions gĂ©nĂ©rales du contrat du service Filbanque produit par la CIC stipule que le souscripteur peut demander l'attribution d'une ou plusieurs carte d'authentification mais qu'alors, il lui appartient 'sous sa seule responsabilitĂ© de surveiller l'usage qui est fait par les dĂ©lĂ©guĂ©s des dĂ©lĂ©gations ainsi confĂ©rĂ©es', de sorte que cela ne peut ĂȘtre reprochĂ© Ă  faute Ă  la banque.

En sa qualité de prestataire de services de paiement du payeur réalisant un virement SEPA comme en l'espÚce, le CIC est essentiellement soumis aux dispositions des articles L133-4 et suivants du code monétaire et financier issus de l'ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiements transposant la directive N°2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur, son article L 133-21 disposant notamment, en ses alinéas 1 et 5 que 'un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique' et 'si l'utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l'identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépÎt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l'exécution correcte de l'ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement'.

Il n'est pas contesté par M. [I] que les ordres de virement ont été exécutés par une personne habilitée conformément à la demande et que les sommes ont rejoint le bénéficiaire souhaité du compte désigné par le seul IBAN.

Il en rĂ©sulte qu'aucune mauvaise exĂ©cution de l'opĂ©ration ne peut ĂȘtre reprochĂ©e Ă  la banque.

Les obligations de vigilance et de dĂ©claration imposĂ©es aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 Ă  L. 561-22 du code monĂ©taire et financier ont pour seule finalitĂ© la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les victimes d'agissements frauduleux ne peuvent s'en prĂ©valoir pour rĂ©clamer des dommages-intĂ©rĂȘts Ă  l'organisme financier, Ă©tant ajoutĂ© qu'en l'espĂšce aucun soupçon de cette nature n'est Ă©tayĂ© quant aux opĂ©rations rĂ©alisĂ©es.Le prestataire de services de paiement est tenu d'un devoir de non immixtion dans les affaires de son client et n'a pas, en principe, Ă  s'ingĂ©rer, Ă  effectuer des recherches ou Ă  rĂ©clamer des justifications des demandes de paiement rĂ©guliĂšrement faites.

Contrairement Ă  ce que soutient M. [I], la circonstance que les virements devaient ĂȘtre faits au nom du cabinet [I] en paiement d'honoraires d'un syndic ne devait pas entraĂźner de vigilance de la banque Ă  laquelle il n'appartenait pas de le vĂ©rifier non plus que de s'assurer du respect de la loi Hoguet, la banque prestataire de services au titre d'un virement SEPA n'ayant pas Ă  contrĂŽler la lĂ©galitĂ© du virement bancaire.

S'il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l'obligation de vigilance de l'établissement de crédit prestataire de services de paiement, c'est à la condition que l'opération recÚle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle.

Or, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que compte tenu du volume d'affaire et des opérations du cabinet [I], de la relative modicité de chaque somme virée - de 170 à 950 euros selon les listings annexés aux procÚs-verbaux de police produits - et de la période au cours de laquelle ils sont intervenus, le CIC n'a pas manqué à son obligation de vigilance en sa qualité de prestataire de services de paiement du payeur, le cabinet [I] en tant que mandataire des copropriétés dont la nature et les contours sont rappelés ci-dessus.

En revanche, dans le cadre du présent litige, la société CIC n'a pas seulement eu le rÎle de prestataire de services de paiement du cabinet [I] mais a également été la banque dans les livres de laquelle étaient ouverts, non seulement le compte des copropriétés gérées par le cabinet [I] et son propre compte commercial mais également les compte notamment de [F] [Y] ainsi que de sa mÚre et de son beau-pÚre, qui ont été bénéficiaires de la majorité des virements litigieux.

Ainsi que l'a relevĂ© le tribunal, il ressort des exploitations de ces comptes par les enquĂȘteurs dans le cadre de l'information judiciaire :

- que le compte de [F] [Y] a Ă©tĂ© crĂ©ditĂ© entre le mois de fĂ©vrier 2004 et le 30 septembre 2009 de 587 virements pour des montants divers - parfois au nombre de quatre le mĂȘme jour - et portant de nombreuses fois la mention 'HG' sur les relevĂ©s de compte pour honoraires de gestion, le tout pour un montant de 261 527,21 euros,

- que le compte des Ă©poux [C] a, quant Ă  lui, du mois de janvier 2002 Ă  dĂ©cembre 2007 Ă©tĂ© crĂ©ditĂ© de 468 virements de mĂȘme type pour un montant total de 231 394,41 euros et que du mois de mai 2009 au 30 septembre 2009 ce ne sont pas moins de 407 virements qui ont Ă©tĂ© portĂ©s au crĂ©dits pour un montant total de 224 749,32 euros,

- que l'exploitation de tous les comptes des époux [C] a fait ressortir l'existence de 1 679 virements créditeurs et dépÎt de chÚques du cabinet [I] entre le 31 janvier 2012 et le 30 septembre 2019 pour un montant total de 1 087 319 euros,

- que les comptes suivants ont été frauduleusement crédités, entre 2002 et 2009, de sommes de 101 225,76 euros pour [X] [A], de 29 219,95 euros pour [T] [Y], 7 602,06 euros pour [G] [C],

- que le total des virements et chĂšques examinĂ©s par les enquĂȘteurs porte le prĂ©judice Ă  la somme de 1 486 894,25 euros, retenu par la cour d'appel statuant au pĂ©nal dans son arrĂȘt de condamnation.

Contrairement Ă  ce qu'a jugĂ© le tribunal, Ă©tant Ă©tabli que le CIC Ă©tait Ă  la fois la banque du cabinet [I] en tant que mandataire des copropriĂ©tĂ©s et pour son compte propre et des rĂ©ceptionnaires des virements membre de la famille de [F] [Y], la circonstance que cette derniĂšre, employĂ©e par ledit Ă©tablissement en qualitĂ© d'aide comptable au salaire de moins de 2 000 euros mensuels et les Ă©poux [C], Mme Ă©tant sans ressources et M. exerçant la profession d'Ă©boueur Ă  la Ville de Paris au salaire de 2 500 euros mensuels, soient bĂ©nĂ©ficiaires de centaines de virements pour des sommes certes toujours infĂ©rieures Ă  1 000 euros mais qui constituent un total considĂ©rable alors qu'il n'Ă©tait portĂ© Ă  la connaissance de la banque aucun exercice d'une activitĂ© commerciale, mĂȘme annexe, constitue une anomalie manifeste qui aurait dĂ» la conduire Ă  satisfaire Ă  don obligation de vigilance, son abstention engageant sa responsabilitĂ© dĂ©lictuelle.

C'est Ă  juste titre que le CIC fait valoir que ce manquement relevĂ©, constituĂ© d'une abstention fautive d'avoir exercer son obligation de vigilance, ne peut qu'ĂȘtre Ă  l'origine d'une perte de chance d'Ă©viter le dĂ©veloppement du dommage Ă  partir du moment oĂč les opĂ©rations ont constituĂ© des anomalies dont l'Ă©valuation doit notamment tenir compte de cette date.

A cet égard et contrairement à ce que soutient la banque, si les conclusions de M. [I] ne comportent pas de calculs récapitulatifs puisque les écritures se réfÚrent essentiellement à la condamnation pénale intervenue, cette derniÚre s'appuie toutefois sur les éléments précis des procÚs-verbaux de police et les piÚces permettant d'apprécier non seulement le manquement relevé ci-dessus mais le préjudice sont produites aux débats et issues de la procédure pénale.

Il en ressort notamment (cotes pĂ©nales D 218, D235 et D296) que les agissements dĂ©lictueux de [F] [Y] ont dĂ©butĂ©s dĂšs l'annĂ©e 2002 mais par des versements en espĂšces, que les virements ont dĂ©butĂ©s au crĂ©dit de son compte seulement en 2004 mais qu'en revanche, ils ont dĂ©butĂ©s au profit du compte des Ă©poux [C] dans les livres du CIC dĂšs le mois d'octobre 2002, constituant une anomalie intellectuelle dĂšs la fin de ladite annĂ©e (3 virements en octobre pour un total de 3 915 euros, 7 en novembre pour un total de 3 794,35 euros et 7 en dĂ©cembre pour prĂšs de 4 000 euros, soit 11 642 euros en trois mois en provenance du mĂȘme compte Ă©galement dĂ©tenu dans les livres de la banque) et au mĂȘme au dĂ©but de l'annĂ©e 2003, lors de laquelle les virements ont continuĂ©s de maniĂšre comparable.

Par ailleurs, c'est vainement que le CIC excipe de ce que M. [I] serait redevable à son égard des fautes de son employée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 ancien du code civil alors que le commettant n'a pas à répondre des fautes intentionnelles ayant été pénalement sanctionnées d'un préposé commises à son préjudice.

En revanche, c'est Ă  juste titre que le CIC fait valoir que le cabinet [I] a commis des fautes de nĂ©gligences ayant contribuĂ© Ă  la constitution de son prĂ©judice puisque le dĂ©roulement des faits tels qu'Ă©tablis par l'enquĂȘte pĂ©nale montre qu'il n'Ă©tait exercĂ© aucun contrĂŽle sur l'activitĂ© de l'aide comptable [F] [Y] alors que c'est Ă  tort, en particulier, que M. [I] expose qu'il pouvait se contenter d'examiner la rĂ©gularitĂ© des comptes des copropriĂ©tĂ©s selon les rĂšgles applicables Ă  ces derniĂšres, son compte professionnel et notamment le paiement des honoraires de gestion devant Ă©galement ĂȘtre sujet Ă  contrĂŽle interne alors qu'il rĂ©sulte de l'attestation de l'expert comptable du 2 aoĂ»t 2019 qu'aucun rapprochement n'Ă©tait fait avec le chiffre d'affaire du cabinet et 'qu'aucune mission de suivi des comptes bancaires, ni des grands livres des comptes des diffĂ©rentes copropriĂ©tĂ©s et par consĂ©quence, je n'avais pas non plus la possibilitĂ© de faire un rapprochement avec votre propre comptabilitĂ©'.

M. [I] expose, sans ĂȘtre utilement contredit, qu'il a Ă©tĂ© dans l'impossibilitĂ© de recouvrer des sommes auprĂšs des consorts [Y] [C] et, Ă  nouveau sans ĂȘtre contredit, qu'il n'Ă©tait pas assurĂ© pour de tels faits, une police n'ayant Ă©tĂ© contractĂ©e qu'ultĂ©rieurement.

S'agissant du prĂ©judice matĂ©riel, la somme de 1 486 894,25 euros retenue par la juridiction pĂ©nale, qui rĂ©sulte des Ă©lĂ©ments prĂ©cis d'enquĂȘte retracĂ©s par les procĂšs-verbaux, peut ĂȘtre prise en compte comme Ă©lĂ©ment d'apprĂ©ciation dans son entiĂšretĂ© sans que n'importe qu'elle soit Ă©galement constituĂ©e de chĂšques frauduleux et de virements Ă  destination de compte non dĂ©tenus dans les livres du CIC puisque la vigilance exercĂ©e par ce dernier aurait permis d'obvier Ă  la perpĂ©tration des infractions sous toutes leurs formes.

Mais il faut tenir compte, Ă  la fois de ce que seule une perte de chance est indemnisĂ©e et de ce que la faute de la victime, caractĂ©risĂ©e ci-dessus, vient diminuer l'indemnisation de sorte qu'au regard des piĂšces produites, des explications et des Ă©lĂ©ments retenus par la cour, la sociĂ©tĂ© Cic doit ĂȘtre condamnĂ©e Ă  payer Ă  M. [I] ayant exercĂ© sous l'enseigne l'ImmobiliĂšre de [LocalitĂ© 6] Cabinet [I] la somme de 450 000 euros de dommages-intĂ©rĂȘts avec intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal Ă  compter du prĂ©sent arrĂȘt, qui Ă©value le dommage, et non de l'assignation.

Contrairement Ă  ce que soutient M. [I], l'Ă©valuation du prĂ©judice faite dans le cadre de l'instance pĂ©nale l'opposant Ă  [F] [Y] et aux consorts [C] n'est pas revĂȘtue de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e, la banque n'ayant pas Ă©tĂ© partie au litige sur intĂ©rĂȘts civils.

Compte tenu de la date du dĂ©but des dĂ©tournements, de leur ampleur nĂ©cessairement progressive compte tenu du mode opĂ©ratoire et de la date de cession d'un bien immobilier par M. [I], le lien de causalitĂ© entre le moins value entraĂźnĂ©e par cette vente datĂ©e du 14 avril 2008 dont le produit aurait renflouer et le manquement de la banque n'est pas Ă©tabli Ă  suffisance, cette prĂ©tention devant donc ĂȘtre rejetĂ©e.

M. [I] ne peut utilement se faire un prĂ©judice Ă  la fois de sommes empruntĂ©es pour renflouer la trĂ©sorerie du cabinet [I] - qui ont Ă©tĂ© non pas payĂ©es mais perçues- et du coĂ»t des prĂȘts, seul ce dernier pouvant constituer un prĂ©judice.

Mais c'est Ă  juste titre que le CIC fait valoir que M. [I] ne dĂ©montre pas Ă  suffisance, par la production de tableaux d'amortissement et d'une page de communication d'une offre de prĂȘt de 70 000 euros en date du 14 septembre 2011, que leur souscription est en lien avec la situation du Cabinet [I] et que ce dernier en a bĂ©nĂ©ficiĂ©, de sorte que ce chef de demande doit ĂȘtre rejetĂ©.

Le prĂ©judice moral est la consĂ©quence de la commission des infractions pĂ©nales et il n'est pas dĂ©montrĂ© qu'il est rĂ©sultĂ© un dommage de cette nature du manquement de la banque, la demande de ce chef doit ĂȘtre rejetĂ©e.

Le jugement doit ĂȘtre infirmer en consĂ©quence de ce qui prĂ©cĂšde, la sociĂ©tĂ© CIC condamnĂ© aux entiers dĂ©pens ainsi qu'Ă  payer Ă  M. [I] la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procĂ©dure civile.

PAR CES MOTIFS

CONSTATE le désistement de la société [I] et la reprise de l'action par M. [B] [I] exerçant anciennement sous l'enseigne l'ImmobiliÚre de [Localité 6] ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant Ă  nouveau,

JUGE que la société Crédit industriel et Commercial n'a pas manqué à ses obligations de prestataire de services de paiement et de banque tirée de chÚques ;

JUGE que la société Crédit industriel et Commercial a manqué à son obligation de vigilance en sa qualité de banque teneur de comptes ;

JUGE que M. [B] [I] exerçant anciennement sous l'enseigne l'ImmobiliÚre de [Localité 6] a commis des négligences ayant participé au dommage ;

CONDAMNE, en consĂ©quence, la sociĂ©tĂ© CrĂ©dit industriel et Commercial Ă  payer Ă  M. [B] [I] exerçant anciennement sous l'enseigne l'ImmobiliĂšre de [LocalitĂ© 6] la somme de 450 000 euros avec intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal Ă  compter du prĂ©sent arrĂȘt ;

DÉBOUTE M. [B] [I] et M. [B] [I] exerçant anciennement sous l'enseigne l'ImmobiliĂšre de [LocalitĂ© 6] de toute autre demande indemnitaire ;

CONDAMNE la société Crédit industriel et Commercial à payer à M. [B] [I] exerçant anciennement sous l'enseigne l'ImmobiliÚre de [Localité 6] la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Crédit industriel et Commercial aux entiers dépens de qui seront recouvrés par Maßtre [O] [H], comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

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