CA Caen, 2e ch. civ., 7 juin 2024, n° 22/03076
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Martray (SCI)
Défendeur :
Amélie (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Emily
Conseillers :
Mme Courtade, M. Gouarin
Avocats :
Me Pieuchot, Me Bourdin, Me Delom de Mezerac, Me Naud
ARRET prononcé publiquement le 07 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
La SCI Le Martray, dont M. [E] [K] et son épouse, Mme [O] [K] sont les associés gérants, est propriétaire d'un ensemble immobilier à usage mixte de commerce et d'habitation situé [Adresse 2]).
Par acte sous seing privé du 20 septembre 2010, la SCI Le Martray a consenti aux époux [K] le renouvellement du bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 2], pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2010, moyennant un loyer annuel initial fixé à 30.000 euros hors taxes et hors charges, le bail stipulant une clause d'indexation annuelle basée sur l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE.
Par acte authentique du 30 mars 2012, les époux [K] ont vendu leur fonds de commerce de bar tabac hôtel restaurant jeu loto, qu'ils exploitaient en nom propre dans les locaux susvisés, à la SNC Le Martray.
Par acte authentique du 15 septembre 2017, la SNC Le Martray a vendu ce fonds de commerce à la SNC Amélie.
Par acte d'huissier de justice du 29 mars 2019, la société bailleresse SCI Le Martray a délivré à la SNC Amélie un congé avec offre de renouvellement en sollicitant la fixation du loyer du bail renouvelé à 45.000 euros par an, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2019.
Par acte d'huissier de justice du 19 avril 2019, la SNC Amélie a indiqué à la SCI Le Martray qu'elle consentait au renouvellement du bail, mais qu'elle contestait toute augmentation de loyer.
En l'absence d'accord sur le montant du bail renouvelé, la SCI Le Martray a assigné, par acte d'huissier de justice du 5 juillet 2019, la SNC Amélie devant le juge des loyers commerciaux de Caen aux fins notamment de voir fixer le loyer du bail renouvelé, à compter du 1er octobre 2019 à la somme de 45.000 euros hors taxes et hors charges par an.
Par jugement du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Caen a constaté que les parties étaient d'accord sur le renouvellement du bail commercial des locaux situés à [Adresse 2], à compter du 1er octobre 2019 et a ordonné, avant-dire droit, une expertise judiciaire sur la fixation du prix du bail commercial à compter du 1er octobre 2019, désignant M. [D] [C] en qualité d'expert judiciaire.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 31 décembre 2021.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Caen a notamment :
- dit n'y avoir lieu au déplafonnement du loyer commercial ;
- dit que le prix du loyer du bail renouvelé, à la date du 1er octobre 2019 pour une durée de neuf ans, s'établit à la somme annuelle de 33.930,54 euros hors taxes et hors charges, par application de la clause d'indexation contractuelle ;
- condamné la SCI Le Martray à payer à la SNC Amélie la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de toutes autres demandes ;
- condamné la SCI Le Martray au paiement des dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration du 8 décembre 2022 , la SCI Le Martray a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 30 août 2023, la SCI Le Martray demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau,de :
- Fixer le montant du loyer du bail renouvelé comme suit :
- à compter du 1 er octobre 2019, à la somme de 45.000 euros hors taxes par an ;
- à compter du 19 septembre 2022, date de la notification du mémoire n°2 après dépôt d'expertise de la SCI Le Martray, à la somme de 52.810 euros hors taxes par an,
aux conditions du bail en cours, toutes clauses et conditions du bail restant inchangées.
En toute hypothèse,
- Débouter la SNC Amélie de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Dire et juger que la SNC Amélie sera tenue au paiement des intérêts au taux légal dus sur la majoration du prix au titre des loyers échus depuis le 1er octobre 2019, et ce, au fur et à mesure des échéances contractuelles, jusqu'au jour du parfait paiement, outre anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- Condamner la SNC Amélie à payer à la SCI Le Martray une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la SNC Amélie aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- accorder à la SELARL [U] et associés représentée par Me [F] [U] le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 4 mars 2024, la SNC Amélie demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que le loyer doit être fixé à la valeur locative,de fixer la valeur locative à la somme annuelle de 34.688,57 euros hors taxes. Elle demande en outre à la cour, en toute hypothèse, de débouter la SCI Le Martray de l'ensemble de ses demandes, et de condamner cette dernière à lui à verser une indemnité de 4.000 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2024.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
Il n'est pas contesté par les parties que le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 2019.
L'expert judiciaire a retenu dans son rapport du 31 décembre 2021 que le loyer du bail renouvelé en cause devait être plafonné et fixé par la variation de l'ILC, conformément aux dispositions de l'article L145-34 du code de commerce, à la somme de 33 930,54 euros HT par an.
La SCI Le Martray conteste les cconclusions de l'expert et soutient qu'il existe plusieurs motifs de déplafonnement du loyer.
Aux termes de l'article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Ces éléments s'apprécient dans les conditions fixées aux articles R145-3 à R145-11.
L'article L145-34 du code de commerce plafonne les variations des loyers des baux renouvelés ou révisés à la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires sauf en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 et sauf clause du contrat relative à la durée du bail.
Il précise qu'en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Il résulte de ces dispositions que constitue un motif de déplafonnement du nouveau loyer une modification notable des critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 de nature à présenter un intérêt pour l'activité commerciale exercée par le preneur.
Sur la modification des caractéristiques des lieux donnés à bail
Selon l'article R145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
L'appelante fait valoir que l'aménagement par le locataire de deux terrasses commerciales au cours du bail écoulé et l'installation d'enseignes lumineuses en hauteur sur les trois façades sont des améliorations notables en cours de bail et ne peuvent que conduire à une augmentation de la commercialité du local.
L'intimée soutient qu'il n'y a eu aucune modification des caractéristiques des lieux loués.
L'expert judiciaire relève qu'il n'existe pas de différence notable au niveau de la description des locaux à l'exception d'une terrasse extérieure ouverte de chaque côté de l'accès au bar et salles de restaurant.
L'expert a effectué une recherche sur Google street view et comparé deux photographies de 2008 et 2013 faisant apparaître que la terrasse était déjà utilisée en 2008 même sans aménagement au niveau de l'emprise du store banne.
L'expert relève qu'il n'y a pas de modification notable quant à l'emprise de la terrasse, la moitié de cette emprise étant par ailleurs sur le domaine public, et qu'il n'y a pas eu d'extension de la capacité d'accueil de la clientèle.
Ces constatations de l'expert judiciaire ne sont pas remises en cause par les pièces de la SCI Le Martray.
Il sera relevé que l'extension d'une terrasse sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative ne fait pas partie des locaux loués.
Il en ressort que la preuve d'une modification notable des caractéristiques du local n'est pas démontrée.
L'expert judiciaire ne fait pas mention des enseignes lumineuses qui au vu des photographies communiquées n'apparaissent pas devoir être retenues comme des modifications notables des caractéristiques des lieux loués.
Sur l'évolution des facteurs de commercialité
Selon l'article R145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
L'appelante fait valoir :
- l'importance de la ville qu'elle décrit comme active et bien située par rapport aux autres communes de l'agglomération,
- un quartier où sont situés les locaux loués très commercial bénéficiant d'un flux de véhicules journalier important,
- l'implantation de nouvelles entreprises,
- un nombre de résidences en augmentation sur la commune,
- un nouveau quartier en cours de construction,
- la création d'équipements collectifs,
- la création d'une halle multi-activités (marché couvert),
- la création d'une voie verte pédo-cyclable reliant l'ancienne SMN aux mines du sud de [Localité 3],
- la création d'une zone d'activité située à [Localité 6] et de zones industrielles à [Localité 7] et à [Localité 5],
- l'installation d'un dépôt Décathlon à [Localité 4],
- l'extension de la terrasse et l'installation des enseignes.
L'intimée conteste toute évolution favorable des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce qu'elle exploite et indique une baisse de la population de la commune et la concurrence exercée par l'installation de la boulangerie [Z].
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la commune de [Localité 1] n'a pas connu d'évolution significative de sa population sur les dix dernières années, que le nombre de logements n'a pas varié de manière significative (+6%) et qu'il n'y a pas eu de modification en termes d'aménagements urbains sur la commune.
L'expert relève que le quartier n'est pas très commerçant.
Le local loué est situé à environ 1 kilomètre du centre-bourg, au niveau d'un carrefour donnant accès de chaque côté à la zone artisanale et au centre-bourg.
L'expert relève que si le commerce ne bénéficie pas de la commercialité du centre-bourg, il bénéficie cependant d'une densité du trafic routier et d'une bonne visibilité.
L'expert amiable désigné par la SNC Amélie conclut également à une absence d'évolution particulièrement favorable des facteurs locaux de commercialité.
A l'appui de ses allégations, la SCI Le Martray produit un rapport d'expertise amiable qui relève :
- une augmentation de population de 107 personnes en 9 ans sans justifier de sa source d'information et alors que l'expert judiciaire a indiqué ne pas avoir trouvé le chiffre de la population 2019,
- 154 logements supplémentaires,
- l'implantation d'une clinique vétérinaire en 2017[Adresse 2],
- l'implantation de la société Visiomed en 2017 et de Keolis en 2018,
- l'inauguration d'une halle multi-activités le 25 septembre 2010,
- la création d'une voie pédo-cyclable.
Il sera constaté que la localisation des entreprises, de la halle et de la voie cyclable par rapport au commerce de la SNC Amélie n'est pas précisée.
Il n'est pas justifié que le nombre d'entreprises a sensiblement augmenté dans la zone industrielle située à proximité du commerce, aucun élément de comparaison n'étant fourni et s'il est fait état de la création d'un nouveau parc d'activités, sa situation et la réalité des commerces implantés ne sont pas justifiées par les pièces communiquées.
De la même manière, la création de zones industrielles dans d'autres communes n'a pas nécessairement un impact direct pour le commerce loué, aucun élément en ce sens n'étant fourni.
L'augmentation très relative de la population et des logements, sans précision sur la situation de ces derniers, n'est pas significative, étant précisé que l'établissement est situé en dehors du centre-bourg.
L'implantation de la boulangerie [Z] à proximité, qui est tenue par les anciens exploitants de l'établissement Le Martray et qui propose de la restauration à emporter, peut être considérée comme une concurrence et n'est en toute hypothèse pas un élément favorable pour la SNC Amélie, le moyen selon lequel celle-ci n'a pas intenté une action judiciaire pour concurrence déloyale étant inopérant.
Par ailleurs, si un restaurant a fermé sur la commune, il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un restaurant traditionnel n'entrant pas dans la même catégorie que le restaurant Le Martray.
Il a en outre été retenu qu'il n'y avait pas de modification notable quant à l'emprise de la terrasse et qu'il n'y a pas eu d'extension de la capacité d'accueil de la clientèle.
Concernant les enseignes, il n'apparaît pas qu'elles constituent une modification des facteurs de commercialité.
Il ressort de ces éléments, que la SARL Le Martray ne rapporte pas la preuve d'une modification notable des facteurs de commercialité ayant un intérêt pour le commerce de la SNC Amélie.
Sur les travaux d'amélioration
L'appelante soutient que les époux [K], anciens locataires qui exploitaient en nom propre, le fonds de commerce, ont réalisé les travaux suivants :
- en 2002 : travaux de mise aux normes et de rénovation des 6 chambres d'hôtel initiales pour la somme totale de 48.648 euros,
- en 2007 : renouvellement et mise en place d'installations et d'équipements de cuisine professionnels pour une somme de 72.627,16 euros,
- en 2008 : travaux de rénovation, d'agencement et de mise aux normes du bar, des 3 salles de restaurant et du tabac pour une somme de 203.546,14 euros,
- en 2009 : création du loto FDJ,
- à l'été 2010: aménagement dans une ancienne grange de 6 chambres d'hôtel.
Elle explique que par leur nature et leur envergure, ces travaux sont des travaux d'amélioration qui doivent donc être valorisés dans le loyer à l'occasion du second renouvellement du bail suivant leur accomplissement, qu'ils constituent donc un motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2019, date du second renouvellement.
La SNC Amélie fait valoir que l'appelante ne justifie pas de la nature et de l'éventuelle importance des travaux, ni de ce qu'elle n'en a pas même partiellement assumé le coût, qu'au contraire les pièces établissent que c'est la SCI Le Martray qui a fait réaliser les 6 nouvelles chambres et que le loyer a déjà été déplafonné lors du bail précédent.
Selon l'article R145-8 du code du commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Il convient de préciser que les travaux d'amélioration doivent être distingués des travaux modifiant les caractéristiques des locaux, le déplafonnement lors du second renouvellement du bail n'étant possible que dans l'hypothèse de travaux d'amélioration financés par le preneur.
Les travaux de 2002 apparaissent dans un document comptable au nom de Mme [O] [K] intitulé 'tableau d'amortissement du 01.10.2010 au 30.09.2011" avec comme précision : 'douche+wc', 'mise en confor.hotel', 'vitrification hotel' pour des sommes respectives de 2.920,25 euros, 45.166,98 euros et 561,77 euros.
La nature de ces travaux n'est pas déterminée étant précisé que les travaux de mise aux normes ne sont pas des travaux d'amélioration.
Par ailleurs, il n'est pas établi que la SCI Le Martray n'a pas pris en charge même pour partie ces travaux par le biais notamment d'une diminution du loyer perçu étant rappelé que les époux [K] sont les associés gérants de la SCI Le Martray et que le justificatif du montant du loyer sur la période d'amortissement des travaux n'est pas fourni.
Les travaux de 2007 apparaissent dans le bilan de Mme [K] du 19 décembre 2007 pour un montant de 72.627,16 euros sous le titre 'inst. Agencement div' sans plus de précision sur leur nature.
Il n'est pas plus établi que la SCI Le Martray n'a pas pris en charge même pour partie ces travaux par le biais notamment d'une diminution du loyer perçu.
Concernant les travaux de 2008, qui correspondent à des travaux importants de rénovation, d'aménagement et de mise aux normes ( démolition, plomberie, carrelage, faux-plafonds, cloisons- doublage, changement des miroiteries de la façade, électricité, fabrication de meubles...), la déclaration préalable a été déposée au nom de la SCI Le Martray, personne morale, représentée par Mme [K].
Le bilan de Mme [K] au 18 décembre 2008 fait apparaître au titre des immobilisations des travaux pour un coût de 201.789,21 euros sans aucune précision sur une diminution ou non du montant du loyer.
L'appelante ne justifie pas des travaux de 2009.
Concernant les travaux de 2010, le dossier de dépôt d'une demande de permis de construire pour la création de six nouvelles chambres d'hôtel fait apparaître la SCI Le Martray représentée par M. [K] comme maître de l'ouvrage. Le financement des travaux par les preneurs n'est pas établi.
Il en ressort que la preuve d'un financement de travaux d'amélioration par le preneur n'est pas rapportée, étant précisé que l'expert désigné par la SCI Le Martray ne fait aucunement référence à des travaux d'amélioration financés par le preneur.
Il convient de relever de surcroît que le loyer du précédent bail conclu le 20 septembre 2010 a déjà été déplafonné puisqu'il est passé, selon l'expert judiciaire, de 18.554,97 euros à 30.000 euros alors que le renouvellement du bail a eu lieu après les travaux invoqués. Or, seuls les travaux financés par le bailleur peuvent faire l'objet d'un déplafonnement lors du premier renouvellement.
Sur la monovalence
Selon l'article R140-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
La SCI Le Martray soutient que les locaux donnés à bail sont monovalents.
L'objet du bail est l'exploitation d'un fonds de commerce de bar, hôtel, restaurant, jeux, loto, débit de tabac, journaux.
L'expert judiciaire précise que l'activité ne se limite pas à l'hôtellerie et que bien au contraire cette activité s'avère être annexe aussi bien en ce qui concerne la surface brute exploitée, 26% de la surface totale, qu'en ce qui concerne le chiffre d'affaires inférieur à 10 % du montant total.
Il convient de relever que les deux expertises amiables concluent également à l'absence de monovalence des locaux.
Il n'apparaît pas ainsi que les locaux ont été construits en vue d'une seule utilisation ni qu'un changement d'affectation nécessiterait des travaux d'un coût trop important par rapport à la valeur de l'immeuble.
Les locaux ne peuvent donc être qualifiés de monovalents.
Sur la modification des modalités de fixation du prix
L'article R145-8 du code de commerce édicte qu'il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
L'appelante fait valoir que le bail a été conclu à compter du 1er octobre 2010 entre la SCI Le Martray représentée par M. [K] en sa qualité de gérant et Mme [K] et que le loyer du bail commercial a pour cette raison été fixé à un prix inférieur à la valeur locative.
Ce moyen ne peut cependant être retenu dès lors que le loyer a été au contraire déplafonné lors du bail conclu le 20 septembre 2010 et qu'il a été fixé à 30.000 euros alors que le loyer plafonné aurait été de 18.554,97 euros.
La SCI Le Martray ne justifie pas que le montant de 30.000 euros ne correspondait pas à la valeur locative.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au déplafonnement du loyer et en ce qu'il a fixé le prix du loyer du bail renouvelé à la somme de 33. 930,54 euros hors taxes et hors charges, par application de la clause d'indexation contractuelle.
Le complément de loyer entre le loyer payé suivant le bail expiré et le nouveau loyer de renouvellement produit des intérêts de retard au taux légal à compter de la demande en fixation du nouveau loyer et jusqu'à son paiement.
En l'espèce, la demande ayant été formée par acte d'huissier en date du 5 juillet 2019, la SNC Amélie est tenue au paiement des intérêts au taux légal sur la majoration du loyer impayée, à compter de la date de renouvellement du bail soit à compter du 1er octobre 2019 et au fur et à mesure des échéances contractuelles.
Il sera fait droit à la demande d'anatocisme sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du code de procédure et aux dépens, exactement appréciées, seront confirmées.
La SCI Le Martray, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, à payer à la SNC Amélie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SNC Amélie au paiement des intérêts de retard au taux légal dus sur la majoration du prix du loyer au titre des loyers échus à compter du 1er octobre 2019 et ce, au fur et à mesure des échéances ;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêt ;
Condamne la SCI Le Martray à payer à la SNC Amélie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la SCI Le Martray aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués sur la cause qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.