Livv
Décisions

CA Pau, 1re ch., 12 juin 2024, n° 23/01663

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/01663

12 juin 2024

CF/SB

Numéro 24/01952

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 12/06/2024

Dossier : N° RG 23/01663 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IRZB

Nature affaire :

Autres demandes relatives à la vente

Affaire :

[R] [E]

C/

[C] [G] [A]

[J] [F] épouse [A] Maître [I] [S] S.A.R.L. SOPHIE FOLLEY IMMOBILIER

SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES GAVES ET DU SALEYS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 Juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Mars 2024, devant :

Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [R] [E]

née le 01 Juillet 1965 à [Localité 13] ([Localité 13])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Maître BERQUE, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître DESTREE, de la SELARL VERBATEAM NANTES, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

Monsieur [C] [G] [A]

né le 05 Novembre 1968 à [Localité 15] ( ROYAUME UNI)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 20]/FRANCE

Représenté et assisté de Maître LAUVRAY de la SCP SALLEFRANQUE LAUVRAY, avocat au barreau de BAYONNE

Madame [J] [F] épouse [A]

née le 27 Juillet 1972 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée et assistée de Maître POTHIN-CORNU de la SELARL KARINE POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU

Maître [I] [S] - Notaire associé à la SELARL ETUDE [P] NOTAIRES ASSOCIES

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU

assisté de la SCP KHUN, avocats au barreau de PARIS

S.A.R.L. SOPHIE FOLLEY IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 6]

[Localité 20]

Représentée par Maître PARGALA de la SELARL AURELIE PARGALA, avocat au barreau de TARBES

assistée de Maître RAIMBAULT, de la SCP DELAVALLANDE-RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX

SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES GAVES ET DU SALEYS représenté par son Président domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 17]

[Localité 12]

Représenté par Maître BARNECHE de la SELARL FABIENNE BARNECHE, avocat au barreau de PAU

assisté de Maître BOISSY, de la SARL BOISSY AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 31 MAI 2023

rendue par le PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 23/00105

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 15 octobre 2020 établi par Maître [I] [S], notaire à [Localité 19], Madame [R] [E] a acquis de Monsieur [C] [A] et son épouse Madame [J] [F], une maison d'habitation située à [Localité 20] (64), commercialisée par la SARL Sophie Folley Immobilier.

Par ordonnance du 30 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau a ordonné l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire concernant les désordres affectant la couverture de la maison acquise par Mme [E], confiée à M. [W].

Par ordonnance du 20 avril 2022, la mission de l'expert a été étendue à de nouveaux désordres affectant le dallage de la piscine, le muret entourant la piscine ainsi que la présence de capricornes dans la charpente.

Par actes de commissaire de justice du 3 avril 2023, Mme [E] a fait assigner les époux [A], la SARL Sophie Folley Immobilier, Me [S] et le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau, aux fins d'extension de la mesure d'expertise aux désordres et non conformités affectant le système d'assainissement et le système d'évacuation des eaux usées de sa maison.

Suivant ordonnance contradictoire du 31 mai 2023 (RG n°23/00105), le juge des référés a :

- débouté Mme [E] de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes demandes plus amples et contraires,

- condamné Mme [E] aux dépens.

Le juge des référés a considéré :

- que Mme [E] ne démontre pas l'existence d'un motif légitime à voir ordonner l'extension de la mesure d'expertise dès lors qu'il n'est pas établi que les nouveaux désordres qu'elle invoque existaient lors de la vente et qu'ils ne résulteraient pas de travaux effectués récemment à sa demande,

- que la question de la conformité à la réglementation en vigueur du document du SPANC annexé à l'acte de vente est d'ordre juridique et relève de l'interprétation des textes applicables de sorte qu'elle ne peut relever de la mission d'un expert.

Par déclaration du 14 juin 2023 (RG n°23/1663), Mme [E] a relevé appel, critiquant l'ordonnance en ce qu'elle l'a :

- déboutée de sa demande tendant à dire son action recevable et bien fondée,

- déboutée de sa demande d'extension des opérations d'expertise aux désordres dénoncés affectant l'installation de l'assainissement de la maison,

- déboutée de sa demande tendant à rendre communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire à la SARL Sophie Folley Immobilier, Me [S], et au Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys,

- déboutée de sa demande tendant à contester et voir rejeter les demandes des parties en défense,

- déboutée de sa demande tendant à voir réserver les dépens.

Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Par ordonnance du 19 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions de Mme [F].

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 décembre 2023, Mme [R] [E], appelante, entend voir la cour :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- débouter Me [S], la SARL Sophie Folley Immobilier, M. [A], et le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- désigner tel expert qui plaira à la cour, et éventuellement M. [W] expert judiciaire déjà intervenu dans le cadre du litige concernant cette maison d'habitation, avec une mission portant sur les désordres et non-conformités affectant l'installation d'assainissement et le système d'évacuation des eaux usées avec la mission suivante :

- dire si les désordres et non conformités existent,

- si oui les décrire,

- en déterminer les conséquences sur le fonctionnement actuel de l'ouvrage,

- donner tous éléments sur l'ampleur et la date d'apparition de ces désordres et non conformités,

- dire s'ils sont de nature à rendre impropre à sa destination l'ouvrage ou à porter atteinte à sa structure,

- dire s'ils étaient apparents lors de la vente et si les vendeurs en avaient connaissance,

- dire si l'agent immobilier en avait connaissance et conscience,

- en déterminer les causes,

- donner tous éléments sur les responsabilités techniques en cause,

- donner son avis sur les éléments transmis avec l'acte de vente et notamment sur les rapports du SPANC joints à l'acte de vente, et recueillir tous éléments des parties permettant de donner un avis à la juridiction sur la conformité avec les documents visés par l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation,

- dire si des mesures urgentes doivent être envisagées, si oui les décrire, en chiffrer le coût et autoriser leur mise en 'uvre aux frais de qui il appartiendra,

- décrire les travaux de reprise pérennes et de remise en état du bâtiment,

- déterminer les coûts,

- donner tous éléments sur les préjudices subis et à subir,

- dire et juger que cette mesure d'expertise sera effectuée au contradictoire des parties intimées,

- débouter l'ensemble des parties en défense de leurs demandes, fins et conclusions et notamment de leurs demandes de mise hors de cause et de condamnation de la concluante à leur régler des sommes au titre de leurs frais engagés,

- réserver les dépens.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 145 du code de procédure civile, 1231-1 et suivants et 1224 du code civil, L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, 564 et suivants du code de procédure civile :

- qu'elle dispose d'un motif légitime de voir ordonner une expertise concernant l'assainissement de sa maison dès lors que les époux [A] ont eux-mêmes réalisé les travaux de création de l'installation d'assainissement et que d'après le SPANC, ils n'avaient pas reçu un avis favorable quant à sa conformité ; qu'elle dispose donc d'une action contre les époux [A] sur le fondement de la responsabilité décennale, de la garantie des vices cachés, et de l'obligation d'information et éventuellement du dol pour dissimulation d'informations,

- que des odeurs nauséabondes sont apparues lorsqu'elle a emménagé dans la maison à l'été 2021, que les divers professionnels qu'elle a contacté ont relevé plusieurs non conformités de l'installation rendant nécessaires et urgents des travaux de mise aux normes, ce qui a été confirmé par constat d'huissier de justice et par le SPANC, qui préconise la mise en oeuvre d'une évacuation temporaire,

- que les désordres ne proviennent pas de l'exécution de travaux par son paysagiste qui a stoppé toute intervention dès le constat de l'existence de tuyaux non raccordés ou détériorés,

- que le SPANC a affirmé qu'il aurait informé l'acquéreur des non conformités et aurait exigé une mise en conformité s'il avait été informé de la vente, et a reconnu des erreurs dans les documents établis sans vérification effective de l'installation,

- que le document du SPANC annexé à la vente ne semble pas être le document attestant la conformité de l'installation, pourtant obligatoire, de sorte que la responsabilité du notaire et de l'agence immobilière pourrait être engagée, ce qui justifie que l'expertise ait lieu à leur contradictoire ; le notaire devant être mis en mesure de répondre au SPANC qui affirme que le document ne correspond pas,

- que la non transmission de ce document l'a empêché d'acquérir le bien en connaissance de cause de la non conformité de l'installation d'assainissement,

- que l'agence immobilière a un devoir de conseil et d'information et doit vérifier l'état du bien pour la vente duquel elle intervient sans se contenter des affirmations des vendeurs,

- qu'elle ne formule pas de demande nouvelle, mais qu'elle sollicite que M. [W] soit désigné à nouveau en vue d'une bonne administration de la justice, cet expert étant déjà intervenu dans une affaire concernant les mêmes parties et la même vente,

- que l'expertise doit être réalisée au contradictoire du SPANC, à tout le moins comme sachant, et pour qu'il réponde de ses éventuelles erreurs dans les premiers contrôles de l'installation,

- que le coût des travaux a été évalué à plus de 20 000 euros HT, et que des investigations techniques sont indispensables pour évaluer les conséquences financières résultant des désordres qui doivent être constatés contradictoirement,

- qu'elle sollicite la désignation d'un expert au choix de la juridiction pour le cas où la mission d'expertise de M. [W] serait terminée lors du prononcé de la décision, et que sa mission ne pourrait donc être étendue.

Dans ses dernières conclusions du 28 juillet 2023, M. [C] [A], intimé, entend voir la cour confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, et en conséquence :

- débouter Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, au visa de l'article 145 du code de procédure civile :

- que Mme [E] ne démontre pas l'existence d'un motif justifiant sa mise en cause dès lors que le certificat de contrôle de l'installation d'assainissement du 20 février 2018 effectué par le SPANC a été annexé à l'acte de vente, et comportait des recommandations concernant le fonctionnement et l'entretien de l'installation, que Mme [E] ne justifie pas avoir respecté suite à la vente,

- que les dommages causés aux canalisations sont apparus suite aux travaux d'excavation entrepris par Mme [E] en janvier 2023, que ces travaux sont à l'origine de la rupture des canalisations,

- qu'elle n'a jamais dénoncé de problèmes d'évacuation antérieurement à son courrier au SPANC en février 2023 et son assignation du 3 avril 2023 alors qu'elle a sollicité des expertises concernant d'autres désordres en 2021 et 2022, et qu'elle n'a jamais évoqué les nouveaux désordres lors des réunions d'expertise déjà organisées,

- que le SPANC formule des hypothèses confuses sur l'état antérieur du système d'assainissement,

- que compte tenu du temps écoulé depuis la vente, l'expert ne pourra pas se prononcer sur l'état du système d'assainissement à la date de la vente.

Dans ses dernières conclusions du 7 juillet 2023, Maître [I] [S], intimé, entend voir la cour confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, et à titre subsidiaire :

- le recevoir en ses conclusions,

- dire qu'il n'existe aucun motif légitime pour le mettre en cause d'expertise,

- le mettre hors de cause et dire n'y avoir lieu à expertise à son égard,

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Il fait valoir, au visa de l'article 145 du code de procédure civile :

- qu'aucun motif légitime ne justifie qu'il soit ordonné une expertise à son encontre, dès lors qu'une expertise technique n'apparaît pas utile pour engager sa responsabilité, seul un magistrat étant en mesure de donner son avis sur la conformité du diagnostic annexé à l'acte de vente avec les dispositions de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation,

- que Mme [E] dispose déjà de suffisamment d'éléments de preuve pour éventuellement engager une action en responsabilité contre le notaire,

- qu'il n'est pas nécessaire de l'attraire aux opérations d'expertise pour lui rendre le rapport opposable dès lors que celui-ci sera versé aux débats et soumis à une discussion contradictoire dans le cadre d'une éventuelle action au fond.

Dans ses dernières conclusions du 13 décembre 2023, la SARL Sophie Folley Immobilier, intimée et appelante incident, entend voir la cour confirmer l'ordonnance, sauf en ce qu'elle n'a pas condamné Mme [E] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer Mme [E] irrecevable en sa demande de désignation d'un nouvel expert,

- déclarer irrecevable, ou à défaut, rejeter, le chef de mission purement juridique suivant : « Donner son avis sur les éléments transmis avec l'acte de vente et notamment sur les rapports du SPANC joints à l'acte de vente, correspondent-ils à ceux visés par l'article L. 274-1 du Code de la Construction et de l'habitation »,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions, notamment en ce que celles-ci sont dirigées contre elle,

- en débouter l'appelante en tant que de besoin,

- prononcer en conséquence sa mise hors de cause,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 5 000 euros pour la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 145, 238 et 564 du code de procédure civile :

- que la demande tendant à la désignation de tel expert qui plaira à la cour est nouvelle en cause d'appel et à ce titre irrecevable,

- que Mme [E] ne justifie pas d'un motif légitime de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise, l'action au fond à son égard étant manifestement vouée à l'échec en l'absence de faute dans l'exercice de son mandat, dès lors qu'elle n'a eu qu'un rôle d'intermédiation entre les vendeurs et Mme [E], les vendeurs s'étant réservé la réalisation et la production devant notaire des diagnostics obligatoires, que c'est le notaire qui a rédigé le compromis de vente et étudié le document émis par le SPANC,

- que le document de contrôle du SPANC annexé à l'acte de vente correspond à celui visé à l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il s'agit d'un contrôle de l'installation d'assainissement de moins de 3 ans avant la vente, peu important le titre qui lui est donné,

- que la question de la conformité du diagnostic est purement juridique et ne nécessite pas la désignation d'un expert construction ; qu'une expertise technique n'est pas nécessaire pour analyser la conformité des annexes du contrat de vente ni le rôle des intervenants à ce titre, cette mission revenant au juge du fond,

- que la mission de déterminer si l'agence immobilière avait connaissance et conscience des désordres ne relève pas de la compétence d'un expert construction.

Dans ses dernières conclusions du 25 juillet 2023, le Syndicat Intercommunal des Gaves et du Saleys, intimé, entend voir la cour confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, et en conséquence :

- débouter Mme [E] de son appel,

- la condamner à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir, au visa de l'article 145 du code de procédure civile :

- que le rapport de contrôle périodique de 2018 annexé à l'acte de vente relevait de sa mission de contrôle, et qu'il a à ce titre effectué un contrôle visuel de l'installation et recueilli les déclarations du propriétaire,

- qu'il n'a pas reconnu avoir commis des erreurs dans l'établissement des documents,

- que la demande d'extension de la mission de l'expert intervient plusieurs mois après la vente de sorte que la détérioration des canalisations peut résulter des travaux effectués à la demande de Mme [E] postérieurement à l'acquisition,

- qu'aucune note de l'expert judiciaire ne préconise l'extension de mission.

L'affaire a été retenue à l'audience du 20 mars 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de la demande de désignation d'un nouvel expert

Il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.

En l'espèce, Mme [E] a sollicité devant le premier juge, dès lors qu'une expertise était déjà en cours relativement à des désordres de la toiture et de la piscine de sa maison, que cette expertise soit étendue aux nouveaux désordres concernant l'installation d'assainissement.

Le rapport d'expertise ayant été déposé par M. [W] le 27 octobre 2023, la demande de Mme [E] de voir ordonner, en cause d'appel, la désignation d'un expert aux fins de nouvelle expertise concernant l'installation d'assainsissement tend à la même fin que celle soumise au premier juge, et sera donc déclarée recevable.

- Sur la demande d'expertise judiciaire

L'article 145 du code de procédure civile dispose que 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.'

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que les travaux de réalisation du dispositif d'assainissement non collectif de la maison d'habitation acquise par Mme [E] ont été effectués par les vendeurs.

Mme [E] a fait établir un procès-verbal de constat de commissaire de justice le 10 mai 2023, duquel il ressort que des odeurs d'égouts se dégagent à l'arrière de la maison au niveau de la terrasse, et que des canalisations sont fissurées, éclatées et bouchées par des cailloux et de la terre.

Il est également fait état de l'absence d'écoulement des eaux usées dans les canalisations prévues à cet effet sur le terrain.

Dans sa note du 26 septembre 2023, la société FM Construction Rénovation, intervenue chez Mme [E] aux fins de travaux de rénovation de la terrasse en septembre 2022, indique notamment l'obstruction du regard de bouclage à l'angle de la terrasse par des boues et des matières, et que le collecteur serait plus haut que la sortie d'eau de la cuisine, ce qui serait à l'origine des odeurs nauséabondes.

L'entreprise précise avoir été présente lors des visites du Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys en février et mai 2023, aux cours desquelles a été testé l'écoulement de l'évier de la cuisine, ce qui a révélé que seul un mince filet d'eau arrivait au regard de bouclage après un temps anormalement long, et été constaté l'absence de pompe de relevage, l'absence d'arrivée électrique d'alimentation de celle-ci, et que le regard desservant l'aire de dispersion était sec et propre.

Ces constatations sont confirmées par l'état des lieux de l'assainissement dressé par le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys de juin 2023, qui ajoute avoir été leurré par M. [A] qui a transmis des photographies de la pompe de relevage semblant branchée et de trois tranchées et d'un regard de répartition, alors qu'il s'avère que la pompe de relevage n'a jamais été branchée et que la réelle réalisation de ces tranchées est douteuse.

Dans cet état des lieux, le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys précise également que les canalisations entre la maison et la fosse n'ont pas été contrôlées lors du contrôle du chantier de réalisation de l'assainissement par M. [A] en 2009, que lors d'un nouveau contrôle de l'installation le 6 mars 2013, des anomalies et des mauvaises odeurs ont été constatées, et qu'il a été conseillé à M. [A] d'effectuer des modifications.

Le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys confirme ne pas avoir pu contrôler l'état du regard avant fosse lors de son contrôle du 20 février 2018, et indique que les autres éléments semblaient fonctionner.

Les autres entreprises intervenues à la demande de Mme [E], à savoir l'entreprise de plomberie [V] [K] et l'entreprise Adour Débouchage, ont également constaté des anomalies et émis des doutes sur l'ensemble des canalisations de la maison et de l'installation d'assainissement.

Il ressort de ces éléments que l'installation d'assainissement de la maison d'habitation de Mme [E] présente de nombreuses et importantes non-conformités.

Si ces non-conformités ont pu être révélées dans leur ampleur par les travaux entrepris par Mme [E], elles ne sont pas récentes, le Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys ayant lui-même relevé des odeurs nauséabondes en 2013, et ne peuvent trouver leur origine dans les travaux paysagers entrepris par Mme [E], de sorte qu'à l'évidence, il existe un litige potentiel susceptible de l'opposer à ses vendeurs.

En conséquence, Mme [E] justifie d'un motif légitime de voir ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer précisément les désordres et non conformités affectant l'installation d'assainissement de sa maison.

L'ordonnance sera réformée sur ce point.

L'expertise sera ordonnée au contradictoire de M. [A] et Mme [F], vendeurs, et du Syndicat intercommunal des Gaves et du Saleys, qui a relevé dans son rapport du 23 février 2018 suite au contrôle du 20 février 2018 que l'installation était complète et sans dysfonctionnement majeur, et indique pourtant dans son état des lieux de juin 2023 que le contrôle de 2018 a été incomplet, et qu'il s'avère finalement que la pompe de relevage n'a jamais fonctionné, outre de nombreuses autres anomalies.

En sa qualité d'agent immobilier, la SARL Sophie Folley Immobilier est tenue de vérifier les caractéristiques du bien immobilier qu'elle présente à la vente, notamment son état matériel, et a en outre un devoir d'information et de conseil sur l'état du bien, de sorte qu'il apparaît opportun de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise, sans que cela ne préjuge de sa responsabilité, qui sera appréciée par le juge du fond.

Selon les dispositions de l'article 238 alinéa trois du code de procédure civile, l'expert 'ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique'.

La question de la conformité du document annexé à l'acte de vente, intitulé 'contrôle périodique des dispositifs d'assainissement non collectif', aux dispositions légales est d'ordre juridique, de sorte que la demande de Mme [E] de voir missionner l'expert pour 'donner son avis sur les éléments transmis avec l'acte de vente et notamment sur les rapports du SPANC joints à l'acte de vente, et recueillir tous éléments des parties permettant de donner un avis à la juridiction sur la conformité avec les documents visés par l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation' sera rejetée.

Il en va de même des chefs de mission concernant la connaissance ou non des désordres par les vendeurs et la SARL Sophie Folley Immobilier, qui sont des appréciations factuelles et qui ne requièrent pas de technicité.

En conséquence, Mme [E], qui soutient que la responsabilité du notaire pourrait être engagée du fait de la non conformité aux dispositions légales d'un document annexé à l'acte de vente, ne justifie pas d'un motif légitime de lui voir ordonner communes et opposables les opérations d'expertise.

En application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction qui est ordonnée par la cour d'appel et qui avait été refusée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau sera confié au tribunal judiciaire de Pau.

L'équité commande qu'il soit alloué une indemnité à Mme [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge de ses vendeurs.

Les dépens seront mis à la charge de M. [A] et Mme [F].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

ORDONNE une expertise judiciaire, tous droits et moyens des parties réservés,

DÉSIGNE pour y procéder Monsieur [T] [W]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Tel : [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 16]

avec pour mission de :

- se rendre sur les lieux, [Adresse 18] à [Localité 20], en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu'il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu'il jugera nécessaires à l'exercice de sa mission,

- dire si les désordres et non conformités affectant l'installation d'assainissement et le système d'évacuation des eaux usées existent,

- si oui les décrire,

- en déterminer les conséquences sur le fonctionnement actuel de l'ouvrage,

- donner tous éléments sur l'ampleur et la date d'apparition de ces désordres et non conformités,

- dire s'ils sont de nature à rendre impropre à sa destination l'ouvrage ou à porter atteinte à sa structure,

- dire s'ils étaient apparents lors de la vente,

- en déterminer les causes,

- donner tous éléments sur les responsabilités techniques en cause,

- dire si des mesures urgentes doivent être envisagées, si oui les décrire, en chiffrer le coût et autoriser leur mise en 'uvre aux frais de qui il appartiendra,

- décrire les travaux de reprise pérennes et de remise en état du bâtiment,

- donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, désordre par désordre, à partir des devis que les parties seront invitées à produire, chiffrer le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, en préciser la durée, et préciser leur incidence sur la jouissance de l'immeuble ;

- donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l'importance des préjudices subis par chacun des demandeurs et proposer une base d'évaluation;

- constater l'éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d'en aviser le juge chargé du contrôle des expertises;

- établir une note de synthèse et la communiquer aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations récapitulatifs dans un délai de deux mois pour ce faire, et répondre aux dires et observations formulés dans ce délai;

Rappelle que, en application de l'article 276 du code de procédure civile, les observations et dires précédents dont les termes ne seraient pas sommairement repris dans les dires récapitulatifs, seront réputés abandonnés par les parties,

Dit que le contrôle de la mesure d'expertise sera effectué par le tribunal judiciaire de Pau en vertu de l'article 964-2 du code de procédure civile,

Fixe à la somme de 3.000 euros la provision que Mme [R] [E] devra consigner entre les mains du régisseur du greffe du tribunal judiciaire de Pau dans le délai de deux mois, faute de quoi l'expertise pourra être déclarée caduque, à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d'une consignation par application de la loi sur l'aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor,

Dit que l'expert doit établir un devis prévisionnel, l'ajuster en tant que de besoin en fonction de l'évolution de l'expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l'expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,

Dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire de Pau, dans le délai de quatre mois suivant la date de la consignation

DÉCLARE les opérations d'expertise communes et opposables à M. [C] [A], Mme [J] [F], au Syndicat intercommunal des gaves et du Saleys et à la SARL Sophie Folley Immobilier,

CONDAMNE solidairement M. [C] [A] et Mme [J] [F] à payer à Mme [R] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. [C] [A] et Mme [J] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE