Décisions
CA Colmar, ch. 3 a, 10 juin 2024, n° 23/01731
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 24/308
Copie exécutoire à :
- Me Dominique HARNIST
- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 10 Juin 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01731 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICA3
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal de proximité de Haguenau
APPELANT :
S.À.R.L. CONTRÔLE TECHNIQUE D'[Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Monsieur [R] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
M. LAETHIER, vice-président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Faisant suite à une annonce parue sur le site Internet Le bon coin, Monsieur [R] [T] a acquis le 20 octobre 2017 un véhicule de marque Hyundai modèle Galloper au prix de 4 700 € auprès de Madame [V] [Z], inscrite au registre du commerce et des sociétés de Strasbourg sous le numéro Siren 430386425, exploitant en son nom personnel un commerce de voitures et de véhicules automobiles légers, sous l'enseigne « Exclusive cars motors ».
Le contrôle technique remis lors de la vente avait été établi le 12 octobre 2017 par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4], qui avait relevé quatre défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite, soit : frein de service : déséquilibre avant ; feux de position : détérioration mineure arrière droite et arrière gauche ; demi train avant (y compris ancrages jeu mineur rotule et/ou articulation droite gauche ; infrastructure, soubassement : contrôle impossible.
Se plaignant de divers dysfonctionnements, Monsieur [R] [T] a, par lettre recommandée avec avis de réception du 4 janvier 2018, mis en demeure Madame [V] [Z] de procéder aux réparations nécessaires à la remise en état du véhicule ou de lui en rembourser le prix d'achat. Faute de réponse, Monsieur [R] [T] a fait intervenir son assureur automobile, qui a diligenté une expertise amiable.
Dans son rapport du 12 avril 2018, l'expert conclut que le véhicule est économiquement irréparable et que le contrôle technique du 12 octobre 2017 établi par le centre de contrôle technique d'Oswald ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
Par actes des 18 et 22 juillet 2019, puis du 20 février 2020, Monsieur [R] [T] a assigné la Sarl Contrôle technique d'Oswald et Madame [V] [Z] devant le tribunal de proximité de Haguenau, aux fins de voir constater l'interruption d'instance à l'égard de Madame [V] [Z], prise en sa qualité de commerçante exploitant sous l'enseigne « Exclusive cars motors » en raison du jugement de liquidation judiciaire du 22 juin 2020, dire et juger que la société Contrôle technique
d'[Localité 4] a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à son égard sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et de voir condamner cette société à lui payer la somme de 9 287,66 € outre les intérêts et la somme de 1 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Il a sollicité l'autorisation de faire procéder à l'enlèvement et à la mise en destruction du véhicule Hyundai Galloper.
Dans le dernier état de ses écritures, Monsieur [R] [T] a déclaré abandonner toute demande formée contre Madame [V] [Z].
La Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] a conclu au rejet des demandes, au motif qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations réglementaires tirées de l'arrêté du 18 juin 1991 ni aucune négligence susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle. Subsidiairement, elle a demandé qu'il soit dit que l'indemnisation de Monsieur [R] [T] ne peut porter que sur la perte de chance de conclure ou non la vente, a conclu au rejet de cette demande et a demandé condamnation de Monsieur [R] [T] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 19 janvier 2023, le tribunal de proximité de Haguenau a :
- constaté le désistement de Monsieur [R] [T] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Madame [V] [Z],
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 5 066,98 € à Monsieur [R] [T] en réparation du préjudice subi,
- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'autorisation de Monsieur [R] [T] à faire procéder à l'enlèvement et la mise en destruction du véhicule Hyundai Galloper,
- débouté Monsieur [R] [T] du surplus de ses demandes,
- débouté la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] du surplus de ses demandes,
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à payer à Monsieur [R] [T] la somme de 1 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] aux entiers dépens de l'instance,
- rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit en toutes ses dispositions.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a notamment retenu que la défenderesse n'apporte aucune précision sur les raisons de l'impossibilité de procéder aux opérations de contrôle sur l'infrastructure-soubassement ; que lors d'un contrôle technique du 16 janvier 2018, il a été relevé vingt-deux défauts dont onze nécessitant une contre-visite, notamment lors du contrôle du soubassement ; que de nombreuses constatations de défauts majeurs faits lors du contrôle technique du 16 janvier 2018 sont reprises dans le rapport d'expertise ; qu'il est donc établi une faute commise par la défenderesse dans l'exercice de sa mission, dès lors qu'elle était en mesure de réaliser les opérations attendues et qu'elle n'a pourtant pas relevé d'importants défauts majeurs nécessitant une contre-visite, touchant à la sécurité et au fonctionnement même du véhicule, déclaré inutilisable par l'expert ; que l'indemnisation du demandeur correspond au prix de vente, pour le remboursement duquel il ne peut plus exercer utilement recours en récupération contre Madame [V] [Z] du fait de sa liquidation judiciaire ; qu'il convient également d'indemniser les dépenses directement consécutives à la vente, soit les frais de transfert de carte grise, d'établissement d'un nouveau contrôle technique, d'intérêts du prêt souscrit pour l'acquisition du véhicule et d'assurance du véhicule.
La Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] a interjeté appel de cette décision le 24 avril 2023.
Par écritures notifiées le 24 juillet 2023, elle conclut ainsi qu'il suit :
- déclarer l'appel interjeté par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à l'encontre du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal de proximité de Haguenau bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 5 066,98 à Monsieur [R] [T] en réparation de son préjudice subi,
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 1 100 € à Monsieur [R] [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4],
Statuant à nouveau sur ces différents points,
- débouter Monsieur [R] [T] de toutes ses demandes,
fins et conclusions,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner Monsieur [R] [T] à verser à la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [R] [T] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que l'engagement de sa responsabilité nécessite la démonstration d'une faute en lien de causalité avec le préjudice allégué ; que cette faute ne peut résulter que d'un manquement aux obligations de vérification prévues par l'arrêté du 18 juin 1991 ou d'une négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule ; qu'elle n'a manqué à aucune des obligations pesant sur elle ; que bien qu'elle n'entende pas contester la réalité des désordres constatés tant dans le rapport d'expertise du cabinet mandaté par l'intimée que dans celui du cabinet mandaté par elle, elle conteste formellement tout manquement dès lors qu'au jour du contrôle technique le 2 octobre 2017, ces défauts n'étaient pas visibles sans manipulation ni démontage en raison de Blaxon couvrant l'ensemble du soubassement du véhicule ; que l'intimée ne peut contester la réalité de ce blaxonnage, dans la mesure où il en est fait mention dans les deux rapports d'expertise ; que l'état de corrosion avancée de certaines pièces n'a pu se révéler qu'après qu'il a été procédé au grattage du châssis du véhicule ; qu'il ne peut donc lui être fait grief de n'avoir pas fait mention de ces défauts invisibles lors du contrôle ; que Monsieur [R] [T], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas qu'au jour du contrôle, le soubassement et les pièces se trouvant en dessous étaient parfaitement visibles sans démontage et que la mention qu'elle a apposée « contrôle impossible » sur le procès-verbal de contrôle technique était mensongère, ce d'autant qu'il a roulé pendant 1 000 km entre les deux contrôles techniques et a fait procéder à diverses interventions sur le véhicule.
Elle soutient que l'apposition de la mention relative au contrôle impossible ne constitue pas une omission de contrôle susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'elle n'a fait que se conformer aux obligations issues de l'arrêté précité ; qu'elle n'a commis aucune négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.
Elle fait valoir par ailleurs que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement des vices cachés, dont la garantie n'incombe qu'au vendeur et ne couvre pas les vices apparents ; qu'il n'est subsidiairement pas établi que les défauts affectant le véhicule étaient antérieurs à la vente, ni qu'elle en ait effectivement eu connaissance ; que l'acquéreur aurait dû être alerté quant à d'éventuelles anomalies susceptibles d'affecter le véhicule par l'âge avancé de ce dernier et par la mention de contrôle impossible sur le contrôle technique ; qu'il ne peut donc faire grief de l'existence de vices cachés dont un minimum de diligence lui aurait permis de prendre connaissance.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que la restitution du prix de vente ne peut être exigée qu'auprès du vendeur du véhicule et qu'elle-même ne peut être condamnée qu'à l'indemnisation de la perte de chance de l'acquéreur d'être informé du défaut entachant le véhicule et de conclure ou non la vente, sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que Monsieur [R] [T] ne peut exciper d'une perte de chance de ne pas conclure la vente, alors qu'il a choisi d'ignorer les informations qui lui auraient permis d'y renoncer ; que les frais annexes exposés au titre de l'achat du véhicule se limitent à la somme de 645 €.
Par écritures notifiées le 24 octobre 2023, Monsieur [R] [T] a conclu ainsi qu'il suit :
- déclarer la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] irrecevable en son appel, en tout cas l'y dire mal fondée,
En conséquence,
- le rejeter,
- débouter la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris,
En tout cas,
- condamner la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à verser à Monsieur [R] [T] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que quelques jours après la vente, il a constaté des dysfonctionnements du véhicule ; qu'il a fait réaliser par la société Autosur le 16 janvier 2018 un deuxième contrôle technique, qui a révélé de multiples défauts dont une corrosion perforante et de multiples fissures/cassures de l'infrastructure -soubassement ; que les désordres ont été relevés par l'expert qui conclut au terme de son rapport amiable que le véhicule est économiquement irréparable et qu'il est dangereux ; que le contrôle technique établi par l'appelante le 12 octobre 2017 ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
Il maintient que l'appelante a failli à ses obligations dans le cadre de sa mission définie par l'arrêté ministériel du 18 juin 1991 ; que la société Autosur, soumise à la même réglementation et qui a opéré dans les mêmes conditions sans effectuer ni action ni démontage du véhicule, a relevé vingt-deux défauts à corriger dont onze nécessitaient une contre-visite ; qu'elle a notamment mentionné l'existence de la corrosion perforante multiple du soubassement, là où l'appelante s'est bornée à indiquer « contrôle impossible » ; qu'en tout état de cause, l'expert a relevé de nombreux autres points de corrosion non couverts par le blackson et qui n'ont pas été relevés par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] ainsi que d'autres défauts qui rendaient le véhicule impropre à sa destination ; qu'il n'a ainsi pas pu avoir connaissance de l'état réel du véhicule avant son acquisition ; que le véhicule n'a que très peu roulé entre les deux contrôles technique et n'a subi que le changement des quatre pneumatiques et la réparation du réservoir ; qu'aucun manque de diligence ne peut lui être reproché.
Il précise que la responsabilité de la société adverse n'est pas recherchée au titre de la garantie des vices cachés, mais de sa responsabilité délictuelle ; que le premier juge a exactement apprécié le montant de son préjudice, intégrant notamment le prix de vente.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les modalités du contrôle technique, strictement réglementées, ne permettent pas au contrôleur d'effectuer un véritable diagnostic sur la dangerosité du véhicule, sa mission étant circonscrite à la
vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points considérés comme prioritaires et limitativement énumérés par l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique, comportant en son annexe I la liste détaillée des points de contrôle et les éléments devant être relevés par le contrôleur, avec ou sans contre visite.
Il appartient donc à celui qui engage la responsabilité quasi délictuelle du contrôleur technique de rapporter la preuve d'une faute dans l'exécution de sa mission, strictement réglementée, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Pour démontrer une telle faute dans l'établissement du contrôle technique en date du 12 octobre 2017, Monsieur [R] [T] se fonde sur un rapport d'expertise amiable contradictoire établi le 12 avril 2018 par le cabinet Casterot Expertise, mandaté par son assureur en protection juridique, qui relève que le compteur kilométrique est hors d'usage ; que le réservoir est colmaté/blaxonné ; que l'ensemble du soubassement est de même blaxonné ; qu'il existe une corrosion perforante multiple et fissurations en divers endroits du châssis, même sur les déchirures, une corrosion multiple des trains roulants arrière (non perforant) ; que le ressort arrière gauche est brisé par la corrosion, de même que la canalisation de l'échappement central ; que le câble du capteur ABS arrière droit est brisé ; que le répartiteur freinage arrière est corrodé ; que le soufflé cardan avant droit est détérioré ; qu'il existe un jeu important de la direction (Biellette- rotule) ainsi qu'un jeu des rotules de barres stabilisatrices et des amortisseurs avant.
Il conclut que la remise en état des anomalies relevées n'est pas chiffrée, le véhicule étant économiquement irréparable ; qu'il est dangereux en l'état et ne permet pas son usage ; que le procès-verbal de contrôle technique du 12 octobre 2010 du centre d'[Localité 4] ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
L'intimé se fonde également sur un procès-verbal de contrôle technique volontaire effectué à sa demande par la société Autosur le 16 janvier 2018, qui relève les défauts suivants : frappe à froid sur le châssis : illisible ou contrôle impossible ; frein de service : déséquilibre important arrière ; frein de stationnement : anomalie de fonctionnement ; correcteur, répartiteur de freinage : fuite et/ou anomalie de fonctionnement ; câble, tringlerie du frein de stationnement : détérioration importante et/ou anomalies de fixation ; rotule, articulation de direction : jeu excessif et/ou détérioration importante gauche ; relais de direction : jeu excessif et/ou mauvaise fixation droite ; feux de croisement : réglage trop haut et/ou faisceau non conforme gauche ; feux de position : arrière droit arrière gauche ; feu indicateur de direction (y compris répétiteurs) : absence ou détérioration importante arrière gauche ; feu de plaque arrière : détérioration mineure ; feu de plaque
arrière : éclairage partiel de la plaque ; ressort, barres de torsion (y compris ancrages) : fissure, cassé arrière gauche ; amortisseurs (y compris ancrages) : mauvaise fixation avant droit avant gauche ; demi train avant (y compris ancrages) : jeu important ou anormal rotule et/ou articulation inférieure gauche, inférieur droit ; barre stabilisatrice (y compris ancrages) : mauvaise fixation/liaison compris, silent-blocs et/ou articulation avant ; infrastructure, soubassement : corrosion perforante multiple, fissures/cassures multiples ; dispositif d'attelage : anomalie de fixation et/ou détérioration importante ; réservoir de carburant : mauvais état ; canalisation d'échappement : détérioration importante arrière ; canalisation d'échappement : mauvaise fixation arrière.
Le rapport d'expertise établi par le cabinet Real Expertise, mandaté par l'assureur de l'appelante, parvient aux mêmes conclusions quant à l'état du véhicule.
La société Contrôle technique d'[Localité 4] ne conteste d'ailleurs pas les anomalies relevées, mais indique qu'au jour de son contrôle, elles n'étaient pas visibles.
Pour autant, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'infrastructure-soubassement du véhicule a été grattée pendant le cours des opérations d'expertise, ce qui n'est mentionné par aucun des deux experts ; que les deux rapports font bien mention d'un blaxonnage sur le soubassement, qui n'a pourtant pas empêché que soient relevés des défauts majeurs et notamment une corrosion importante et des fissurations multiples, un ressort arrière gauche détérioré et brisé par la corrosion, un jeu important (et non mineur) au niveau de la biellette et rotule de direction avant gauche, une rupture du câble du capteur ABS arrière droit, un jeu des amortisseurs avant, un colmatage du réservoir et une mauvaise fixation des rotules de barres stabilisatrices.
L'appelante ne peut pas plus soutenir que le véhicule ne se trouvait plus dans l'état dans lequel elle l'a examiné en raison des interventions qu'il a subies après la vente, dans la mesure où elles n'ont consisté qu'en le changement des quatre pneumatiques et la réparation du réservoir.
Il ne peut de même être soutenu que Monsieur [T] a effectué de nombreux kilomètres avec le véhicule, puisqu'il a été immobilisé dès le mois de novembre 2017 au sein du garage [O] ; que le 4 février 2021, Monsieur [M] [O], gérant, a certifié n'être pas intervenu sur le véhicule.
Il résulte de ces éléments que le produit couvrant effectivement appliqué sur le soubassement du véhicule n'était pas de nature à empêcher, par contrôle visuel et sans démontage ni manipulation, de constater l'existence de multiples défauts que la société Autosur, intervenant dans les mêmes conditions techniques et règlementaires que l'appelante, a mis en évidence.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'en se bornant à mentionner pour l'infrastructure-soubassement : contrôle impossible, la société Contrôle technique d'[Localité 4] a commis une négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.
Il est par ailleurs manifeste que s'il avait eu connaissance de l'état du véhicule, impropre à son usage, Monsieur [T] n'en aurait pas fait l'acquisition.
Toutefois, le préjudice résultant de la faute de l'appelante s'analyse en une perte de chance de n'avoir pas contracté et son indemnisation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il doit être en l'espèce tenu compte du fait que la mention « contrôle impossible » pour le soubassement aurait dû inciter l'acquéreur à prudence.
De même, le fait que Madame [V] [Z] ait été placée en liquidation judiciaire, privant ainsi Monsieur [T] de la possibilité de recouvrer contre elle la totalité du prix de vente et de l'indemnisation de son préjudice n'est pas en lien de causalité avec la faute reprochée à l'appelante.
En revanche, l'ancienneté de la voiture, qui n'aurait pas empêché l'acquéreur d'en faire usage et sur la base de laquelle le prix de vente a été calculé, n'est pas un facteur minorant.
Ainsi, le préjudice subi par l'intimé sera retenu à hauteur de 60 % des sommes exposées en vain, soit (5 066,98 € x 60 %) 3 040,18 euros, étant relevé que le premier juge a à bon escient tenu compte du prix déboursé pour l'achat du véhicule incluant le coût d'achat de quatre pneumatiques neufs, ainsi que des frais annexes, constitués des frais de transfert de carte grise, d'établissement du second contrôle technique, des intérêts du prix souscrit pour financer l'achat et des cotisations d'assurance pour 2017.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé quant au montant de la condamnation en paiement, qui sera ramené à la somme de 3 040,18 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Les prétentions de l'appelante prospérant au moins partiellement en appel, il convient de faire masse des dépens et de les mettre à la charge de chacune des parties à hauteur de la moitié.
Il sera alloué à l'appelante la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande sur le même fondement formée par l'intimé sera en revanche rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré quant au montant de la condamnation en paiement de la défenderesse,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la Sarl Contrôle Technique d'[Localité 4] à payer à Monsieur [R] [T] la somme de 3 040,18 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [R] [T] à payer à la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE Monsieur [R] [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
FAIT masse des dépens d'appel,
CONDAMNE chacune des parties à les payer à concurrence de la moitié.
Le Greffier La Présidente
Copie exécutoire à :
- Me Dominique HARNIST
- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 10 Juin 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01731 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICA3
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal de proximité de Haguenau
APPELANT :
S.À.R.L. CONTRÔLE TECHNIQUE D'[Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Monsieur [R] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
M. LAETHIER, vice-président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Faisant suite à une annonce parue sur le site Internet Le bon coin, Monsieur [R] [T] a acquis le 20 octobre 2017 un véhicule de marque Hyundai modèle Galloper au prix de 4 700 € auprès de Madame [V] [Z], inscrite au registre du commerce et des sociétés de Strasbourg sous le numéro Siren 430386425, exploitant en son nom personnel un commerce de voitures et de véhicules automobiles légers, sous l'enseigne « Exclusive cars motors ».
Le contrôle technique remis lors de la vente avait été établi le 12 octobre 2017 par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4], qui avait relevé quatre défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite, soit : frein de service : déséquilibre avant ; feux de position : détérioration mineure arrière droite et arrière gauche ; demi train avant (y compris ancrages jeu mineur rotule et/ou articulation droite gauche ; infrastructure, soubassement : contrôle impossible.
Se plaignant de divers dysfonctionnements, Monsieur [R] [T] a, par lettre recommandée avec avis de réception du 4 janvier 2018, mis en demeure Madame [V] [Z] de procéder aux réparations nécessaires à la remise en état du véhicule ou de lui en rembourser le prix d'achat. Faute de réponse, Monsieur [R] [T] a fait intervenir son assureur automobile, qui a diligenté une expertise amiable.
Dans son rapport du 12 avril 2018, l'expert conclut que le véhicule est économiquement irréparable et que le contrôle technique du 12 octobre 2017 établi par le centre de contrôle technique d'Oswald ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
Par actes des 18 et 22 juillet 2019, puis du 20 février 2020, Monsieur [R] [T] a assigné la Sarl Contrôle technique d'Oswald et Madame [V] [Z] devant le tribunal de proximité de Haguenau, aux fins de voir constater l'interruption d'instance à l'égard de Madame [V] [Z], prise en sa qualité de commerçante exploitant sous l'enseigne « Exclusive cars motors » en raison du jugement de liquidation judiciaire du 22 juin 2020, dire et juger que la société Contrôle technique
d'[Localité 4] a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à son égard sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et de voir condamner cette société à lui payer la somme de 9 287,66 € outre les intérêts et la somme de 1 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Il a sollicité l'autorisation de faire procéder à l'enlèvement et à la mise en destruction du véhicule Hyundai Galloper.
Dans le dernier état de ses écritures, Monsieur [R] [T] a déclaré abandonner toute demande formée contre Madame [V] [Z].
La Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] a conclu au rejet des demandes, au motif qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations réglementaires tirées de l'arrêté du 18 juin 1991 ni aucune négligence susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle. Subsidiairement, elle a demandé qu'il soit dit que l'indemnisation de Monsieur [R] [T] ne peut porter que sur la perte de chance de conclure ou non la vente, a conclu au rejet de cette demande et a demandé condamnation de Monsieur [R] [T] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 19 janvier 2023, le tribunal de proximité de Haguenau a :
- constaté le désistement de Monsieur [R] [T] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Madame [V] [Z],
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 5 066,98 € à Monsieur [R] [T] en réparation du préjudice subi,
- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'autorisation de Monsieur [R] [T] à faire procéder à l'enlèvement et la mise en destruction du véhicule Hyundai Galloper,
- débouté Monsieur [R] [T] du surplus de ses demandes,
- débouté la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] du surplus de ses demandes,
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à payer à Monsieur [R] [T] la somme de 1 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] aux entiers dépens de l'instance,
- rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit en toutes ses dispositions.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a notamment retenu que la défenderesse n'apporte aucune précision sur les raisons de l'impossibilité de procéder aux opérations de contrôle sur l'infrastructure-soubassement ; que lors d'un contrôle technique du 16 janvier 2018, il a été relevé vingt-deux défauts dont onze nécessitant une contre-visite, notamment lors du contrôle du soubassement ; que de nombreuses constatations de défauts majeurs faits lors du contrôle technique du 16 janvier 2018 sont reprises dans le rapport d'expertise ; qu'il est donc établi une faute commise par la défenderesse dans l'exercice de sa mission, dès lors qu'elle était en mesure de réaliser les opérations attendues et qu'elle n'a pourtant pas relevé d'importants défauts majeurs nécessitant une contre-visite, touchant à la sécurité et au fonctionnement même du véhicule, déclaré inutilisable par l'expert ; que l'indemnisation du demandeur correspond au prix de vente, pour le remboursement duquel il ne peut plus exercer utilement recours en récupération contre Madame [V] [Z] du fait de sa liquidation judiciaire ; qu'il convient également d'indemniser les dépenses directement consécutives à la vente, soit les frais de transfert de carte grise, d'établissement d'un nouveau contrôle technique, d'intérêts du prêt souscrit pour l'acquisition du véhicule et d'assurance du véhicule.
La Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] a interjeté appel de cette décision le 24 avril 2023.
Par écritures notifiées le 24 juillet 2023, elle conclut ainsi qu'il suit :
- déclarer l'appel interjeté par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à l'encontre du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal de proximité de Haguenau bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 5 066,98 à Monsieur [R] [T] en réparation de son préjudice subi,
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] au paiement de la somme de 1 100 € à Monsieur [R] [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4],
Statuant à nouveau sur ces différents points,
- débouter Monsieur [R] [T] de toutes ses demandes,
fins et conclusions,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner Monsieur [R] [T] à verser à la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [R] [T] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que l'engagement de sa responsabilité nécessite la démonstration d'une faute en lien de causalité avec le préjudice allégué ; que cette faute ne peut résulter que d'un manquement aux obligations de vérification prévues par l'arrêté du 18 juin 1991 ou d'une négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule ; qu'elle n'a manqué à aucune des obligations pesant sur elle ; que bien qu'elle n'entende pas contester la réalité des désordres constatés tant dans le rapport d'expertise du cabinet mandaté par l'intimée que dans celui du cabinet mandaté par elle, elle conteste formellement tout manquement dès lors qu'au jour du contrôle technique le 2 octobre 2017, ces défauts n'étaient pas visibles sans manipulation ni démontage en raison de Blaxon couvrant l'ensemble du soubassement du véhicule ; que l'intimée ne peut contester la réalité de ce blaxonnage, dans la mesure où il en est fait mention dans les deux rapports d'expertise ; que l'état de corrosion avancée de certaines pièces n'a pu se révéler qu'après qu'il a été procédé au grattage du châssis du véhicule ; qu'il ne peut donc lui être fait grief de n'avoir pas fait mention de ces défauts invisibles lors du contrôle ; que Monsieur [R] [T], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas qu'au jour du contrôle, le soubassement et les pièces se trouvant en dessous étaient parfaitement visibles sans démontage et que la mention qu'elle a apposée « contrôle impossible » sur le procès-verbal de contrôle technique était mensongère, ce d'autant qu'il a roulé pendant 1 000 km entre les deux contrôles techniques et a fait procéder à diverses interventions sur le véhicule.
Elle soutient que l'apposition de la mention relative au contrôle impossible ne constitue pas une omission de contrôle susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'elle n'a fait que se conformer aux obligations issues de l'arrêté précité ; qu'elle n'a commis aucune négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.
Elle fait valoir par ailleurs que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement des vices cachés, dont la garantie n'incombe qu'au vendeur et ne couvre pas les vices apparents ; qu'il n'est subsidiairement pas établi que les défauts affectant le véhicule étaient antérieurs à la vente, ni qu'elle en ait effectivement eu connaissance ; que l'acquéreur aurait dû être alerté quant à d'éventuelles anomalies susceptibles d'affecter le véhicule par l'âge avancé de ce dernier et par la mention de contrôle impossible sur le contrôle technique ; qu'il ne peut donc faire grief de l'existence de vices cachés dont un minimum de diligence lui aurait permis de prendre connaissance.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que la restitution du prix de vente ne peut être exigée qu'auprès du vendeur du véhicule et qu'elle-même ne peut être condamnée qu'à l'indemnisation de la perte de chance de l'acquéreur d'être informé du défaut entachant le véhicule et de conclure ou non la vente, sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que Monsieur [R] [T] ne peut exciper d'une perte de chance de ne pas conclure la vente, alors qu'il a choisi d'ignorer les informations qui lui auraient permis d'y renoncer ; que les frais annexes exposés au titre de l'achat du véhicule se limitent à la somme de 645 €.
Par écritures notifiées le 24 octobre 2023, Monsieur [R] [T] a conclu ainsi qu'il suit :
- déclarer la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] irrecevable en son appel, en tout cas l'y dire mal fondée,
En conséquence,
- le rejeter,
- débouter la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris,
En tout cas,
- condamner la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] à verser à Monsieur [R] [T] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que quelques jours après la vente, il a constaté des dysfonctionnements du véhicule ; qu'il a fait réaliser par la société Autosur le 16 janvier 2018 un deuxième contrôle technique, qui a révélé de multiples défauts dont une corrosion perforante et de multiples fissures/cassures de l'infrastructure -soubassement ; que les désordres ont été relevés par l'expert qui conclut au terme de son rapport amiable que le véhicule est économiquement irréparable et qu'il est dangereux ; que le contrôle technique établi par l'appelante le 12 octobre 2017 ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
Il maintient que l'appelante a failli à ses obligations dans le cadre de sa mission définie par l'arrêté ministériel du 18 juin 1991 ; que la société Autosur, soumise à la même réglementation et qui a opéré dans les mêmes conditions sans effectuer ni action ni démontage du véhicule, a relevé vingt-deux défauts à corriger dont onze nécessitaient une contre-visite ; qu'elle a notamment mentionné l'existence de la corrosion perforante multiple du soubassement, là où l'appelante s'est bornée à indiquer « contrôle impossible » ; qu'en tout état de cause, l'expert a relevé de nombreux autres points de corrosion non couverts par le blackson et qui n'ont pas été relevés par la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] ainsi que d'autres défauts qui rendaient le véhicule impropre à sa destination ; qu'il n'a ainsi pas pu avoir connaissance de l'état réel du véhicule avant son acquisition ; que le véhicule n'a que très peu roulé entre les deux contrôles technique et n'a subi que le changement des quatre pneumatiques et la réparation du réservoir ; qu'aucun manque de diligence ne peut lui être reproché.
Il précise que la responsabilité de la société adverse n'est pas recherchée au titre de la garantie des vices cachés, mais de sa responsabilité délictuelle ; que le premier juge a exactement apprécié le montant de son préjudice, intégrant notamment le prix de vente.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les modalités du contrôle technique, strictement réglementées, ne permettent pas au contrôleur d'effectuer un véritable diagnostic sur la dangerosité du véhicule, sa mission étant circonscrite à la
vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points considérés comme prioritaires et limitativement énumérés par l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique, comportant en son annexe I la liste détaillée des points de contrôle et les éléments devant être relevés par le contrôleur, avec ou sans contre visite.
Il appartient donc à celui qui engage la responsabilité quasi délictuelle du contrôleur technique de rapporter la preuve d'une faute dans l'exécution de sa mission, strictement réglementée, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Pour démontrer une telle faute dans l'établissement du contrôle technique en date du 12 octobre 2017, Monsieur [R] [T] se fonde sur un rapport d'expertise amiable contradictoire établi le 12 avril 2018 par le cabinet Casterot Expertise, mandaté par son assureur en protection juridique, qui relève que le compteur kilométrique est hors d'usage ; que le réservoir est colmaté/blaxonné ; que l'ensemble du soubassement est de même blaxonné ; qu'il existe une corrosion perforante multiple et fissurations en divers endroits du châssis, même sur les déchirures, une corrosion multiple des trains roulants arrière (non perforant) ; que le ressort arrière gauche est brisé par la corrosion, de même que la canalisation de l'échappement central ; que le câble du capteur ABS arrière droit est brisé ; que le répartiteur freinage arrière est corrodé ; que le soufflé cardan avant droit est détérioré ; qu'il existe un jeu important de la direction (Biellette- rotule) ainsi qu'un jeu des rotules de barres stabilisatrices et des amortisseurs avant.
Il conclut que la remise en état des anomalies relevées n'est pas chiffrée, le véhicule étant économiquement irréparable ; qu'il est dangereux en l'état et ne permet pas son usage ; que le procès-verbal de contrôle technique du 12 octobre 2010 du centre d'[Localité 4] ne retranscrit pas une grande majorité des anomalies constatées.
L'intimé se fonde également sur un procès-verbal de contrôle technique volontaire effectué à sa demande par la société Autosur le 16 janvier 2018, qui relève les défauts suivants : frappe à froid sur le châssis : illisible ou contrôle impossible ; frein de service : déséquilibre important arrière ; frein de stationnement : anomalie de fonctionnement ; correcteur, répartiteur de freinage : fuite et/ou anomalie de fonctionnement ; câble, tringlerie du frein de stationnement : détérioration importante et/ou anomalies de fixation ; rotule, articulation de direction : jeu excessif et/ou détérioration importante gauche ; relais de direction : jeu excessif et/ou mauvaise fixation droite ; feux de croisement : réglage trop haut et/ou faisceau non conforme gauche ; feux de position : arrière droit arrière gauche ; feu indicateur de direction (y compris répétiteurs) : absence ou détérioration importante arrière gauche ; feu de plaque arrière : détérioration mineure ; feu de plaque
arrière : éclairage partiel de la plaque ; ressort, barres de torsion (y compris ancrages) : fissure, cassé arrière gauche ; amortisseurs (y compris ancrages) : mauvaise fixation avant droit avant gauche ; demi train avant (y compris ancrages) : jeu important ou anormal rotule et/ou articulation inférieure gauche, inférieur droit ; barre stabilisatrice (y compris ancrages) : mauvaise fixation/liaison compris, silent-blocs et/ou articulation avant ; infrastructure, soubassement : corrosion perforante multiple, fissures/cassures multiples ; dispositif d'attelage : anomalie de fixation et/ou détérioration importante ; réservoir de carburant : mauvais état ; canalisation d'échappement : détérioration importante arrière ; canalisation d'échappement : mauvaise fixation arrière.
Le rapport d'expertise établi par le cabinet Real Expertise, mandaté par l'assureur de l'appelante, parvient aux mêmes conclusions quant à l'état du véhicule.
La société Contrôle technique d'[Localité 4] ne conteste d'ailleurs pas les anomalies relevées, mais indique qu'au jour de son contrôle, elles n'étaient pas visibles.
Pour autant, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'infrastructure-soubassement du véhicule a été grattée pendant le cours des opérations d'expertise, ce qui n'est mentionné par aucun des deux experts ; que les deux rapports font bien mention d'un blaxonnage sur le soubassement, qui n'a pourtant pas empêché que soient relevés des défauts majeurs et notamment une corrosion importante et des fissurations multiples, un ressort arrière gauche détérioré et brisé par la corrosion, un jeu important (et non mineur) au niveau de la biellette et rotule de direction avant gauche, une rupture du câble du capteur ABS arrière droit, un jeu des amortisseurs avant, un colmatage du réservoir et une mauvaise fixation des rotules de barres stabilisatrices.
L'appelante ne peut pas plus soutenir que le véhicule ne se trouvait plus dans l'état dans lequel elle l'a examiné en raison des interventions qu'il a subies après la vente, dans la mesure où elles n'ont consisté qu'en le changement des quatre pneumatiques et la réparation du réservoir.
Il ne peut de même être soutenu que Monsieur [T] a effectué de nombreux kilomètres avec le véhicule, puisqu'il a été immobilisé dès le mois de novembre 2017 au sein du garage [O] ; que le 4 février 2021, Monsieur [M] [O], gérant, a certifié n'être pas intervenu sur le véhicule.
Il résulte de ces éléments que le produit couvrant effectivement appliqué sur le soubassement du véhicule n'était pas de nature à empêcher, par contrôle visuel et sans démontage ni manipulation, de constater l'existence de multiples défauts que la société Autosur, intervenant dans les mêmes conditions techniques et règlementaires que l'appelante, a mis en évidence.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'en se bornant à mentionner pour l'infrastructure-soubassement : contrôle impossible, la société Contrôle technique d'[Localité 4] a commis une négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.
Il est par ailleurs manifeste que s'il avait eu connaissance de l'état du véhicule, impropre à son usage, Monsieur [T] n'en aurait pas fait l'acquisition.
Toutefois, le préjudice résultant de la faute de l'appelante s'analyse en une perte de chance de n'avoir pas contracté et son indemnisation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il doit être en l'espèce tenu compte du fait que la mention « contrôle impossible » pour le soubassement aurait dû inciter l'acquéreur à prudence.
De même, le fait que Madame [V] [Z] ait été placée en liquidation judiciaire, privant ainsi Monsieur [T] de la possibilité de recouvrer contre elle la totalité du prix de vente et de l'indemnisation de son préjudice n'est pas en lien de causalité avec la faute reprochée à l'appelante.
En revanche, l'ancienneté de la voiture, qui n'aurait pas empêché l'acquéreur d'en faire usage et sur la base de laquelle le prix de vente a été calculé, n'est pas un facteur minorant.
Ainsi, le préjudice subi par l'intimé sera retenu à hauteur de 60 % des sommes exposées en vain, soit (5 066,98 € x 60 %) 3 040,18 euros, étant relevé que le premier juge a à bon escient tenu compte du prix déboursé pour l'achat du véhicule incluant le coût d'achat de quatre pneumatiques neufs, ainsi que des frais annexes, constitués des frais de transfert de carte grise, d'établissement du second contrôle technique, des intérêts du prix souscrit pour financer l'achat et des cotisations d'assurance pour 2017.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé quant au montant de la condamnation en paiement, qui sera ramené à la somme de 3 040,18 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Les prétentions de l'appelante prospérant au moins partiellement en appel, il convient de faire masse des dépens et de les mettre à la charge de chacune des parties à hauteur de la moitié.
Il sera alloué à l'appelante la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande sur le même fondement formée par l'intimé sera en revanche rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré quant au montant de la condamnation en paiement de la défenderesse,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE la Sarl Contrôle Technique d'[Localité 4] à payer à Monsieur [R] [T] la somme de 3 040,18 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [R] [T] à payer à la Sarl Contrôle technique d'[Localité 4] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE Monsieur [R] [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
FAIT masse des dépens d'appel,
CONDAMNE chacune des parties à les payer à concurrence de la moitié.
Le Greffier La Présidente