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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 13 juin 2024, n° 21/09635

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCI 3 Rossini (SC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Guerre, Me Dupuis, Me Hatet-Sauval, Me Saget

TJ Paris, du 30 mars 2021, n° 16/14678

30 mars 2021

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1985, la SCI 3 Rossini, venant aux droits de la compagnie GAN Vie, a donné à bail commercial à Monsieur [R] [W] des locaux commerciaux à usage de commerce d'antiquités et d'articles de décoration situés sis [Adresse 3] à [Localité 9] au rez-de-chaussée pour une durée de neuf années. Le dit bail a été renouvelé le 17 mars 1994 pour une durée de 9 années à compter du 15 juillet 1994.

Par acte sous seing privé du 22 mars 1989, la SCI 3 Rossini, venant aux droits de la compagnie GAN Vie, a donné à bail commercial à Monsieur [R] [W] des locaux commerciaux à usage de bureaux pour le commerce d'antiquités et d'articles de décoration sis [Adresse 3] à [Localité 9] au 1er étage pour une durée de neuf ou douze années à compter du 1er avril 1989.

Par avenant du 18 octobre 1995, les parties sont convenues de diminuer le montant du loyer de locaux du 1er étage pour la période de 1995 à 1998, d'autoriser Monsieur [R] [W] à héberger une personne physique exerçant la même activité que celle autorisée au bail et de lier le sort des deux baux susvisés.

Par exploit d'huissier du 26 mars 2002, la SCI 3 Rossini a notifié à Monsieur [R] [W] un congé avec offre de renouvellement à effet au 1er octobre 2002 sur les locaux du 1er étage.

Par jugement du 02 octobre 2008, le loyer du bail du 22 mars 1989 renouvelé a été fixé à la valeur locative de 35.510 € à compter du 1er octobre 2002.

Par exploit d'huissier du 07 janvier 2013, Monsieur [R] [W] a notifié une demande de renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2011 sur les locaux situés au 1er étage.

Par mémoire du 18 décembre 2014, Monsieur [R] [W] a demandé au tribunal de fixer le montant du loyer du bail renouvelé, à titre principal, à la valeur locative des locaux, soit 41.176,80 € hors taxes et hors charges et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'avenant du 18 octobre 1995 serait toujours en vigueur, à la somme de 32.941,44 € hors taxes et hors charges.

Par acte d'huissier du 14 avril 2015, Monsieur [R] [W] a assigné la SCI 3 Rossini devant le tribunal aux fins essentielles de voir juger que le bail dont s'agit sera renouvelé à compter du 1er avril 2013 pour un loyer annuel de 41.176,80 € par an hors taxes et hors charges aux clauses et conditions rapportées dans ledit mémoire.

Par ordonnance du 11 février 2016, le juge de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de la procédure.

Après rétablissement de l'affaire, par une ordonnance du 04 avril 2019, le juge de la mise en état a dit que le tribunal était incompétent pour statuer sur le présent litige ne portant que sur la fixation du loyer du bail renouvelé et a envoyé l'affaire devant le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris.

Par un jugement du 08 octobre 2019, le juge des loyers commerciaux a désigné Mme [S] [H] en qualité d'expert aux fins de rechercher la valeur locative des locaux au 1er avril 2013 et fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en cours.

L'expert a déposé son rapport le 30 octobre 2020 concluant à une valeur locative en renouvellement des locaux à 43.500 € hors charges et hors taxes au 1er avril 2013.

Par jugement du 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé à la somme annuelle de 43.500 € en principal, hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2013 entre M. [R] [W] et la SCI 3 Rossini portant sur les locaux à usage de bureaux dépendant de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 9], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 14 avril 2015 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- partage les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire de Mme [S] [H] ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration d'appel du 21 mai 2021, la SCI 3 Rossini a interjeté appel du jugement en l'ensemble de ses chefs.

Par conclusions du 17 novembre 2021, M. [R] [W] a formé un appel incident.

Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [R] [W].

Par conclusions déposées les 15 janvier et 19 mars 2024, la SELARL Thevenot Partners, ès qualités d'administrateur judiciaire de Monsieur [W], et la SELARL Athena, es qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [W], sont intervenues volontairement à la procédure.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2024, par lesquelles la SCI 3 Rossini, appelante, demande à la Cour de :

- la recevoir en son appel, l'en dire bien fondée ;

En conséquence :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé à 43.500 € hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2013, entre la SCI 3 Rossini et M. [R] [W] pour les locaux à usage de bureaux situés [Adresse 3] à [Localité 9] ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il dit que des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû auraient couru, à compter du 14 avril 2015 ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- fixer la superficie totale des locaux à 126,92 m² ;

- fixer la valeur locative des locaux à 440 €/m²/an HT et hors charges ;

En conséquence,

- fixer le loyer des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 3] à [Localité 9], au 1er avril 2013, à un montant annuel de 55.844,80 € hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses du bail restant inchangées ;

- rejeter toute demande d'abattement sur le montant du loyer, à quelque titre que ce soit ;

- condamner solidairement M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], à payer la différence entre le montant du loyer appelé depuis le 1er avril 2013 et le montant du loyer qu'il plaira à la Cour de fixer ;

- débouter M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], de leur demande tendant à voir fixer le loyer annuel du bail renouvelé à 40.168 € HT et hors charges, à titre principal, et à 40.743,36 € HT et hors charges, à titre subsidiaire ;

- débouter M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], de leur demande de condamnation de la SCI 3 Rossini au paiement des intérêts de l'arriéré de loyers ;

- débouter M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], de toutes leurs demandes, en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent ;

A titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, la Cour décidait néanmoins de pratiquer un abattement sur le montant du loyer, à raison des charges pesant sur le locataire, il lui serait demandé de limiter celui-ci à 2,5 % ;

- si par impossible, la Cour ne faisait pas droit à la demande de la SCI 3 Rossini de fixation du loyer du bail renouvelé à hauteur de 55.844,80 € HT et hors charges, constater que M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], considèrent que le montant du loyer devrait être fixé à 400 €/m²/an HT et hors charges ;

En toutes hypothèses,

- condamner solidairement M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], à payer la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], aux dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions déposées le 19 mars 2024, par lesquelles M. [R] [W], la SELARL Thevenot Partners et la SELARL Athena, intimés, demandent à la Cour de :

- donner acte à la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], de son intervention volontaire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Monsieur [R] [W] ;

- juger la SCI 3 Rossini mal fondée en son appel ;

- l'en débouter ;

Statuant sur l'appel incident de M. [R] [W],

- infirmer le jugement rendu le 30 mars 2021 ;

Statuant à nouveau,

- fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2013 à la somme annuelle de 40.168 € HT/HC, et subsidiairement à la somme de 40.743,36 € HT/HC, si une pondération des surfaces devait être retenue, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2013 à la somme annuelle de 43.500 € HT/HC, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

En tout état de cause,

- condamner la SCI 3 Rossini à rembourser à M. [R] [W] les trop-perçus de loyer depuis le 1er avril 2013 ;

- condamner la SCI 3 Rossini à payer à M. [R] [W] les intérêts au taux légal sur le différentiel de loyer à compter du 14 avril 2015, date de l'assignation, pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date, conformément à l'article 1155 du code civil ;

- condamner la SCI 3 Rossini au paiement d'une somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI 3 Rossini aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont les frais d'expertise.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur le loyer renouvelé

L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et qu'à défaut d'accord entre les parties, cette valeur locative est déterminée d'après :

1° les caractéristiques du local considéré,

2° La destination des lieux,

3° Les obligations respectives des parties,

4° Les facteurs locaux de commercialité,

5° Les prix couramment pratiques dans le voisinage.

L'article R. 145-3 du code de commerce prévoit que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public, de 1'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée, de l'état d'entretien. de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail, de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis a la disposition du locataire.

S'agissant des facteurs locaux de commercialité visés à l'article L. 145-33, 4°, l'article R. 145-6 du code de commerce précise que ceux-ci dépendent principalement de l'intérêt que représente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Il appartient enfin au bailleur qui se prévaut d'une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité, à l'appui d'une demande de déplafonnement du loyer d'en rapporter la preuve. Toutefois, lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à cette valeur locative, et ce alors même qu'elle serait inférieure au loyer en vigueur à la date du renouvellement, sans que le preneur soit tenu de rapporter la preuve d'une modification notable des éléments susvisés déterminant la valeur locative.

La cour renvoie au jugement entrepris qui a détaillé la situation des locaux, leur état et leur description, étant toutefois précisé que l'assiette du bail litigieux porte sur un appartement comportant trois bureaux, situé au 1er étage, avec accès à une toiture terrasse, sur une pièce avec fenêtre accessible par un escalier dans le bâtiment sur cour au 5ème étage et sur une cave voûtée avec sol en terre battue accessible depuis les parties communes au sous-sol, ces locaux étant accessibles par un escalier intérieur depuis la boutique exploitée par Monsieur [R] [W] dans le cadre d'un bail commercial distinct à usage de commerce d'antiquités et d'articles de décoration située au rez-de-chaussée de l'immeuble.

- Sur les surfaces et pondérations à retenir

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une surface des locaux de 118,70 m² préconisée par l'expert judiciaire, après avoir relevé que :

- l'expert n'a pas, à juste titre, pondéré les surfaces de bureaux dès lors qu'elles présentent une homogénéité de leur fonctionnalité,

- si l'expert a écarté les surfaces respectives des locaux annexes en considération du fait que la pièce située au 5ème étage, sans ascenseur, est à usage de débarras et que la cave en terre battue est dépourvue d'électricité, ces locaux sont néanmoins retenus pour l'évaluation de la valeur locative sans qu'il y ait lieu de les valoriser comme le demande la bailleresse en l'absence de démonstration d'une réelle plus-value au regard des éléments de référence retenus.

La SCI 3 Rossini, laquelle sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, fait valoir pour l'essentiel que les locaux loués seraient à usage exclusif de bureaux de sorte qu'il serait d'usage de ne pas pondérer leur superficie mais qu'en revanche, le local du 5ème étage devrait être pris en compte pour déterminer la surface des locaux loués dès lors qu'il est parfaitement accessible et utilisable par le preneur, à l'instar de la cave, pourvue électricité, qui serait beaucoup plus grande que la plupart des caves dans les immeubles parisiens, et permettrait le stockage d'une grande quantité de meubles et objets, de manière sécurisée, étant fermée par une porte métallique beaucoup plus sécurisée et résistante qu'une fermeture en bois.

Elle souligne que le local du 5ème étage et la cave apporteraient une plus-value au regard des éléments de référence retenus de sorte que la surface totale à prendre compte devrait être portée à 126,92 m2.

Monsieur [R] [W] et la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], exposent que l'appartement totaliserait une surface de 118,20 m2, retenue par l'expert et que le débarras du 5ème étage, non desservi par un ascenseur, ne pourrait servir que de stockage d'appoint.

Ils ajoutent que la cave, d'une superficie de 17,70 m2, serait en terre battue et sans électricité au jour du renouvellement et que la surface des bureaux n'aurait pas à être pondérée puisqu'elle présenterait une homogénéité de sa fonctionnalité et que la surface des locaux annexes ne serait pas pondérée comme il est d'usage en matière de baux commerciaux, et subsidiairement, si la Cour devait pondérer la surface des locaux annexes, un coefficient de 0,10 devrait être retenu.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

En effet, s'il est constant que la surface utile retenue par l'expert de 118,70 m² correspond à la seule superficie des bureaux du 1er étage, sans tenir compte des superficies de la pièce « débarras » du 5ème étage de 4,90 m², de la cave en sous-sol de 16,94 m² et du toit-terrasse de 13,60 m², force est de relever que l'exclusion de ces surfaces est fondée sur la charte de l'expertise qui ne pondère pas les surfaces des locaux annexes et ne les valorise séparément que s'ils représentent une réelle plus-value.

Or, la cour relève, à la lecture de la description de ces trois locaux annexes, que la pièce du 5ème étage est à usage de débarras, sur cour et sans ascenseur, et la terrasse, d'une superficie toute relative, n'est accessible que depuis les bureaux du 1er étage, et ne sauraient dès lors constituer des éléments de plus-value justifiant leur prise en compte dans la surface ou leur valorisation indépendante avec application d'un coefficient de pondération.

Par ailleurs, si la cave dispose d'une superficie 16,94 m², ainsi que d'une fermeture par une porte métallique, force est de relever que cette porte n'est pas blindée de sorte qu'elle ne constitue pas un élément de sécurisation suffisant assurant une plus-value à ce local annexe, dont le sol de surcroît est en terre battue et la configuration en longueur, et dont deux des trois locaux commerciaux situés dans l'immeuble disposent également pour des superficies sensiblement équivalentes, de sorte qu'elle ne saurait s'analyser en un élément de réelle plus-value, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'existence ou non de l'électricité dans ce local à la date du renouvellement.

Le premier juge doit donc être approuvé en ce qu'il a exclu les surfaces des locaux annexes et retenu une surface de 118,70 m² correspondant aux locaux principaux à usage de bureaux.

- Sur la valeur locative brute

Aux termes du jugement attaqué, le premier juge a retenu un prix unitaire de 390 €/m² conformément aux préconisations de l'expert, au vu de l'emplacement des locaux, de leur bonne accessibilité, des caractéristiques des locaux qui présentent une configuration rationnelle, une grande luminosité et une vue sur l'hôtel Drouot, qui sont accessibles par la boutique du rez-de'chaussée exploitée par M. [R] [W] et qui bénéficient de locaux annexes et d'une toiture-terrasse sur cour et compte tenu par ailleurs de leur état d'usage et du fait qu'ils sont installés dans un appartement ancien, sans confort ni équipement particulier.

La SCI 3 Rossini sollicite l'infirmation de ce chef du jugement et la fixation à titre principal du loyer renouvelé à la somme de 440 €/m²/an HT et hors charges, en faisant valoir pour l'essentiel que les comparatifs fournis par l'expert porteraient sur le 4ème trimestre 2013 et non sur le début de l'année 2013 alors qu'il y a eu une baisse importante du prix des loyers en 2013, qui s'est particulièrement accentuée en fin d'année et que le renouvellement du bail est à effet au 1er avril 2013 et non au 1er octobre 2013.

Elle critique par ailleurs les comparatifs utilisés par l'expert qu'elle estime approximatifs ainsi que la localisation retenue par lui des lieux, l'expert les estimant placés dans le secteur « reste du [Localité 9] », comprenant des environnements très différents alors que les locaux seraient situés dans le secteur « [Localité 9] Sud ».

Elle ajoute que l'expert aurait souligné la qualité des locaux loués compte tenu de leur emplacement, de leur entretien général, de leur desserte routière et de la présence d'un gardien dans l'immeuble et qu'il ressortirait des éléments de comparaisons portant sur des transactions effectuées en 2013 à proximité géographique des locaux litigieux, voire d'éléments de comparaisons situés dans le même immeuble ou encore de baux commerciaux portant sur des locaux dont la SCI 3 Rossini est également propriétaire et conclus en des termes identiques, qu'un loyer de 440 € HT/m2/an serait en adéquation avec le prix du marché.

Monsieur [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], soulignent quant à eux qu'une baisse des loyers aurait été observée sur le marché locatif des bureaux en 2013 et acquiescent à la localisation des locaux loués dans le secteur « reste du [Localité 9] » où les loyers varient entre 280 et 370 € HT/HC/m2/an par l'expert, l'appelante croyant pouvoir retenir une valeur locative de 440 € HT/HC/m2/an en s'appuyant sur le fait que les locaux seraient situés dans le secteur « [Localité 9] Sud » alors que les loyers dans ce dernier secteur se situent entre 320 et 410 € HT/HC/m2/an.

Ils relèvent en outre que les baux produits par la bailleresse, conclus dans le même immeuble et soi-disant à la même époque auraient pris effet à des dates antérieures à la baisse substantielle des loyers observée sur le marché locatif des bureaux en 2013 et n'auraient pas été conclus dans des termes identiques, le ravalement de l'immeuble et les travaux de rénovation invoqués ayant été réalisés postérieurement au 1er avril 2013 de sorte qu'ils ne seraient pas pertinents pour fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2013.

Ils observent enfin que les locaux loués seraient des bureaux anciens de sorte que l'expert, en évaluant la valeur locative à 390 € HT/HC/m2/an, aurait été au-delà de la fourchette statistique moyenne alors que le loyer en renouvellement doit être fixé au regard des prix pratiqués pour des locaux équivalents, et non pas par rapport aux seules locations nouvelles, de sorte qu'il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des valeurs, y compris des valeurs en renouvellement.

Au cas d'espèce, si la SCI 3 Rossini conteste la sectorisation des locaux loués par l'expert dans le « reste du [Localité 9] » et non dans le « [Localité 9] sud », la cour observe qu'en l'état des locaux loués, qui relèvent de « l'ancien », la sectorisation contestée du local, au demeurant justifiée par aucune pièce par la SCI 3 Rossini, revient à une différence de valorisation comprise entre 320 et 410 € le m² pour le secteur sud et 280 à 370 € pour le reste du [Localité 9].

Si la SCI 3 Rossini conteste les éléments du marché locatif retenus par l'expert, en ce qu'ils portent sur la fin d'année 2013, et non au 1er avril 2013, date de renouvellement du bail, la cour relève que l'expert a lui-même reconnu ne pas disposer de ces éléments, et qu'il résulte de l'expertise amiable diligentée par M. [N] [X], versée aux débats, une valeur locative en renouvellement au 1er avril 2013 de 400 € /m², particulièrement proche de celle retenue par l'expert judiciaire, les deux rapports tenant également compte de l'état du local et de références dans le même immeuble, comprises entre 413 et 421 €/m² HT/HC par an, mais qui ne peuvent toutefois à elles seules servir d'uniques références, dès lors qu'elles portent sur des locations entre mai 2011 et juillet 2012, antérieures au renouvellement, et que les deux rapports s'accordent sur une tendance baissière du marché en 2013.

Il s'infère de l'ensemble de ces éléments qu'en retenant une valeur unitaire de 390 €/m², le premier juge a apprécié de manière pertinente la valeur locative du local litigieux au 1er avril 2013, et doit être confirmé de ce chef.

- Sur les correctifs liés au transfert de charge de l'impôt foncier et des honoraires de gestion

Aux termes de l'article R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a retenu un abattement de 6 % au titre du transfert sur le preneur de la charge de l'impôt foncier et des honoraires de gestion, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, aux motifs que ce transfert entrerait dans les prévisions de l'article R. 145-8 du code de commerce.

La SCI 3 Rossini, laquelle sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, et l'absence d'application d'un abattement à titre principal et à titre subsidiaire sa limitation à 2,5 %, argue en substance que le transfert de la charge de l'impôt foncier et des honoraires de gestion sur le locataire figurerait dans quasiment tous les baux commerciaux, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu d'appliquer un quelconque abattement, le prix au m2 négocié par les parties tenant déjà compte des charges pesant sur le locataire.

Elle relève que si un abattement devrait être appliqué, ce dernier devrait être limité à 2,5 %, tel que retenu par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris le 18 avril 2019.

Monsieur [R] [W], la SELARL Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [I] [Y], et la SELARL Athena, prise en la personne de Maître [M] [L], font valoir quant à eux que la configuration des locaux, lesquels sont communicants avec ceux du rez-de-chaussée dont Monsieur [R] [W] est également locataire, ne saurait être considérée comme un facteur de majoration puisque cet avantage, pris en compte dans l'évaluation de la valeur locative du rez-de-chaussée, est indifférent à l'activité de bureaux en elle-même.

Ils ajoutent que la mise à la charge du bailleur de la taxe foncière et des honoraires de gestion constituerait une charge exorbitante de droit commun et que le jugement du 18 avril 2019 rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a appliqué un abattement de 2,5 % en considération de la seule taxe foncière à la charge du preneur, de sorte qu'il y a lieu d'appliquer un abattement de 6 % afin de tenir compte également des honoraires de gestion à la charge du preneur.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

En effet, si cette clause se retrouve fréquemment dans les contrats de baux commerciaux en région parisienne, cette circonstance ne saurait toutefois sérieusement éluder le fait qu'elle procède ainsi à un transfert d'une charge tenant à la qualité de propriétaire sur le locataire, sans contrepartie pour ce dernier, et s'analyse dès lors en une clause exorbitante ouvrant ainsi droit à un abattement par application de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Compte tenu de cette clause exorbitante du droit commun des baux, le jugement déféré a opéré à juste titre à une minoration de la valeur locative en opérant un abattement de 6%.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Enfin, la SCI 3 Rossini sera déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [W] avec la SELARL Thevenot Partners, ès qualités d'administrateur judiciaire de Monsieur [W], et la SELARL Athena, es qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [W], à payer la différence entre le montant du loyer appelé depuis le 1er avril 2013 et le montant du loyer fixé par la cour, les organes de la procédure n'intervenant qu'ès qualités, et n'étant nullement tenus solidairement avec M. [R] [W], preneur.

2. Sur les intérêts

Aucune des parties ne le contestant, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 14 avril 2015 pour les loyers dus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date.

3. Sur les demandes accessoires

La SCI 3 Rossini succombant en son appel principal et M. [R] [W] en son appel incident, chacun conservera ses dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 30 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 16/14678 en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs autres demandes

Y ajoutant,

Déboute la SCI 3 Rossini de sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [W] avec la SELARL Thevenot Partners, ès qualités d'administrateur judiciaire de Monsieur [W], et la SELARL Athena, es qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [W] au paiement de la différence entre le montant du loyer appelé depuis le 1er avril 2013 et le montant du loyer fixé par la cour ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.