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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 13 juin 2024, n° 20/05241

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bercy Lheureux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me de Gaulle, Me Lecomte, Me Dubois

TJ Paris, 18e ch. 1re sect., du 10 févr.…

10 février 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 22 décembre 1995, la société Semaest a donné à bail à construction à la SAS Bercy Lheureux un terrain formant partie de l'Ilot D de la ZAC Bercy, pour une durée de 70 ans commençant à courir le 22 décembre 1995 pour se terminer le 22 décembre 2065.

Par acte sous seing privé du 24 juillet 1996, la SAS Bercy Lheureux a donné à bail à l'association [4] de [Localité 6] des locaux à usage commercial portant sur le lot 3 Nord des Pavillons Lheureux, sis [Adresse 2] à compter du 1er août 1996.

Le 15 janvier 2004, la SAS Bercy Lheureux a acquis de la Semaest l'Ilot D de la ZAC de Bercy, emportant fin du Bail à Construction par confusion du bailleur et du preneur.

Par acte extrajudiciaire du 07 août 2015, la SAS Bercy Lheureux a donné congé à l'association [4] de [Localité 6] des lieux loués pour le 31 juillet 2016, avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier du 10 novembre 2016, la SAS Bercy Lheureux a assigné l'association [4] de [Localité 6] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir, à titre principal, fixer l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation.

Par jugement du 10 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit et jugé que le congé avec refus de renouvellement délivré le 07 août 2015 par la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6] est nul et de nul effet ;

- rejeté les demandes visant à fixer les indemnités d'éviction et d'occupation et à ordonner une expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné la SAS Bercy Lheureux à payer à l'association [4] de [Localité 6] une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Bercy Lheureux aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Lecomte, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 mars 2020, la SAS Bercy Lheureux a interjeté appel du jugement de l'intégralité de ses chefs.

Par ordonnance du 15 mars 2023, rectifiée par ordonnance du 28 juin 2023, le conseiller de la mise en état a désigné Mme [P] [B] pour procéder, par voie de médiation entre les parties, à la confrontation des points de vue respectifs de ces mêmes parties et, si nécessaire, à l'établissement d'un protocole d'accord, en proposant les termes d'une solution convenue et amiable au litige.

La médiation n'a pas permis d'aboutir à un rapprochement des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 05 janvier 2024, par lesquelles la SAS Bercy Lheureux, appelante, demande à la Cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit

- juger que le jugement entrepris a violé le principe du contradictoire, a méconnu les termes du litige et a dénaturé le contrat de bail liant les parties ;

En conséquence, annuler le jugement entrepris et, subsidiairement, le réformer en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

1. Sur la validité du congé

- juger que la SAS Bercy Lheureux a valablement donné congé à l'association [4] de [Localité 6] à effet au 31 juillet 2016 aux termes de l'acte extrajudiciaire signifié le 7 août 2015 ;

En conséquence,

- déclarer que depuis le 1er août 2016, l'association [4] de [Localité 6] occupe les locaux objets du bail susvisé en application de l'article L. 145-28 du code de commerce ;

2. Sur l'indemnité d'éviction

A titre principal :

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction que devra payer la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6] à la somme de 613.030 € ;

A titre subsidiaire :

- désigner tel Expert judiciaire qu'il plaira à la cour avec mission de :

* convoquer les parties ;

* se faire communiquer tous documents et pièces utiles ;

* visiter les lieux sis à [Adresse 2], les décrire ;

* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer l'indemnité d'éviction dans le cas :

(a) d'une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial et tous autres postes de préjudice ;

(b) de la possibilité d'un transfert de fonds sans perte conséquente de clientèle sur un emplacement de qualité équivalente et en tout état de cause le coût d'un tel transfert comprenant : acquisition d'un titre locatif ayant les mêmes avantages que l'ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial et tous autres postes de préjudice ;

et donner son avis sur la possibilité d'un transfert de fonds sans perte de clientèle ;

3. Sur l'indemnité d'occupation revenant à la SAS Bercy Lheureux,

A titre principal :

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation que devra payer l'association [4] de [Localité 6] à la SAS Bercy Lheureux en application de l'article L. 145-28 du code de commerce, à la somme annuelle hors taxes de 326.640 € ;

A titre subsidiaire :

- ordonner que la mission de l'expert en charge de l'estimation de l'indemnité d'éviction inclue également celle d'estimer l'indemnité d'occupation due à la SAS Bercy Lheureux ;

- fixer par provision pour la durée de l'instance le montant de l'indemnité d'occupation que devra payer l'association [4] de [Localité 6] à la SAS Bercy Lheureux à la somme annuelle de 250.000 € ;

4. En tout état de cause,

- condamner l'association [4] de [Localité 6] au paiement d'une somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- débouter toutes demandes contraires au présent dispositif ;

- condamner l'association [4] de [Localité 6] au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'association [4] de [Localité 6] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les avances sur frais et honoraires d'expertise dont consignation serait le cas échéant ordonnée.

Vu les conclusions déposées le 24 janvier 2024, par lesquelles l'association [4] de [Localité 6], intimée, demande à la Cour de :

1. À titre principal,

- juger que le Tribunal n'a ni violé le principe du contradictoire, ni méconnu les termes du litige ;

- juger que le Tribunal n'a ni dénaturé le contrat ni méconnu les règles régissant l'interprétation des contrats ;

- juger que la SAS Bercy Lheureux s'est engagée à conclure avec l'association [4] de [Localité 6] un premier contrat de bail, d'une durée de 20 ans, et à renouveler ensuite ce contrat pour des périodes successives d'une durée de 9 ans chacune, jusqu'à la date maximale du 22 décembre 2065 ;

- subsidiairement, si par extraordinaire la Cour devait considérer que la SAS Bercy Lheureux disposait de la possibilité de délivrer un congé à l'association [4] de [Localité 6] à la fin du bail, juger que ce congé ne pouvait être qu'un congé avec offre de renouvellement et non un congé refusant le renouvellement du bail et offrant le paiement d'une indemnité d'éviction,

En conséquence,

- juger que la SAS Bercy Lheureux ne pouvait pas faire délivrer à l'association [4] de [Localité 6], le 07 août 2015, un congé refusant le renouvellement du bail ;

- juger que le congé en date du 07 août 2015 est nul et de nul effet ;

- débouter la SAS Bercy Lheureux de sa demande tendant à obtenir l'annulation et la réformation du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 février 2020 ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 février 2020 en toutes ses dispositions,

- plus généralement, débouter la SAS Bercy Lheureux de l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions et prétentions ;

2. À titre subsidiaire,

- débouter la SAS Bercy Lheureux de l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions et prétentions ;

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6] à la somme de 6.676.000 € ;

- condamner la SAS Bercy Lheureux à payer à l'association [4] de [Localité 6] la somme de 6.676.000 € ;

- très subsidiairement, ordonner une expertise judiciaire et commettre tel Expert qu'il plaira à la Cour afin de donner son avis sur le montant de l'indemnité d'éviction due à [4] de [Localité 6] ;

3. juger la demande de la SAS Bercy Lheureux tendant à obtenir la condamnation de l'association [4] de [Localité 6] à lui payer la somme de 150.000 € à titre de « dommages et intérêts » irrecevable parce que nouvelle ;

Subsidiairement, débouter la SAS Bercy Lheureux de cette demande ;

4. condamner la SAS Bercy Lheureux à payer à l'association [4] de [Localité 6] la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

5. condamner la SAS Bercy Lheureux aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Me Martin Lecomte, avocat au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par messages RPVA reçus le 20 et 27 février 2024, les parties ont informé la cour de l'existence de pourparlers entre elles, et ont sollicité la prorogation du délibéré afin de leur laisser le temps de poursuivre leur démarche de rapprochement.

Par message adressé aux parties par RPVA le 25 mars 2024, la cour les a informées de son accord pour proroger le délibéré initialement fixé au 04 avril 2024 à la date du 13 juin 2024.

Par message RPVA reçu le 03 juin 2024, le conseil de l'association [4] de [Localité 6] a informé la cour de l'absence d'accord intervenu entre les parties dans le cadre de leurs pourparlers, et a sollicité que la cour rende son délibéré au 13 juin 2024.

Par message RPVA reçu le 04 juin 2024, la SAS Bercy Lheureux a confirmé l'interruption des discussions entre les parties, en la regrettant.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur l'annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Aux termes des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

La SAS Bercy Lheureux sollicite à titre principal l'annulation du jugement querellé en faisant grief au premier juge d'avoir méconnu tant le principe du contradictoire que les termes du litige qui lui était soumis.

A ce titre, elle fait valoir que le principe du contradictoire aurait été violé au regard des articles 16 du code de procédure civile civile et 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en ce que le premier juge aurait statué sur le fondement d'une interprétation du bail commercial qu'aucune des parties n'avait soulevée dans leurs écritures respectives.

Elle souligne enfin qu'il se déduirait du principe dispositif énoncé à l'article 4 du code de procédure civile que lorsque les parties proposent deux interprétations d'une stipulation contractuelle, le juge ne saurait relever d'office une troisième interprétation, ce qu'aurait fait en l'espèce le premier juge, qui aurait ainsi violé le principe dispositif.

L'association [4] de [Localité 6] conteste cette demande d'annulation du jugement entrepris, en faisant valoir pour l'essentiel qu'aucune violation du principe du contradictoire ne pourrait être relevée dès lors que les parties s'opposaient sur l'interprétation de l'intégralité de l'article 2 du bail, et que le tribunal n'a pas méconnu les termes du litige dès lors que la concluante soutenait que l'article 2 du contrat constituait une clause de renouvellement automatique du bail.

Au cas d'espèce, la cour relève, à la lecture du jugement querellé, que les parties s'opposaient devant le premier juge, sur l'interprétation à donner à l'article 2 du contrat de bail les liant, et qui était formulé ainsi : « A- le présent bail prendra effet le 1er août 1996 pour s'achever le 31 juillet 2016.

Le Bailleur renouvellera le bail de 12 ans en 12 ans et jusqu'à la date d'expiration du bail emphytéotique entre la SAS Bercy Lheureux et SEMAEST pour une durée de 70 ans, soit jusqu'au 22 décembre 2065.

B ' De convention expresse, le locataire aura la faculté de dénoncer la présente location à l'expiration de chaque période triennale, il devra signifier son congé au Bailleur an moins six mois à l'avance par acte extrajudiciaire.

Le Bailleur pourra demander la résiliation de son bail par lettre recommandée ou acte extrajudiciaire notifié au cours de la dernière année de location au moins six mois à l'avance. Les droits prévus au profit du Bailleur par le présent paragraphe ne portent pas atteinte au droit du Locataire de signifier congé à l'expiration d'une période triennale ou en fin de bail ».

Devant le premier juge, tandis que l'association [4] de [Localité 6] soutenait que cette clause s'analysait en une clause de renouvellement automatique, de sorte que le bailleur ne pouvait délivrer un congé refusant le renouvellement du bail le 07 août 2015, la SAS Bercy Lheureux faisait valoir quant à elle que cette clause ne faisait pas bénéficier au preneur d'une promesse de renouvellement de bail et que ces stipulations étaient dépourvues d'effet, dès lors qu'elle étaient contraires à l'ordre public de l'article L. 145-12 du code de commerce, le preneur ne pouvant s'en prévaloir.

Si le premier juge a finalement dit que cette clause contractuelle s'analysait en une renonciation du bailleur à son droit discrétionnaire de refuser le renouvellement du bail prévu par l'article L. 145-14 du code de commerce, l'utilisation du futur simple de l'indicatif 'renouvellera' signifiant que l'intention des parties était d'accorder sans ambiguïté une promesse de renouvellement de bail automatique au preneur et le paragraphe mentionnant que 'Le Bailleur pourra demander la résiliation de son bail par lettre recommandée ou acte extrajudiciaire notifié au cours de la dernière année de location au mains six mois à l'avance » visant la possibilité du bailleur de résilier son 'propre bail', à savoir le bail emphytéotique qui le lie à la SEMAEST jusqu'au 22 décembre 2065, son analyse de la clause litigieuse, certes différente de celle du bailleur, n'en rejoignait pas moins celle du preneur, qui l'analysait en une clause de renouvellement automatique, qui a le même effet juridiquement qu'une clause de renonciation du bailleur à son droit discrétionnaire de refuser le renouvellement du bail.

En conséquence, le premier juge n'a dès lors pas violé le principe du contradictoire en retenant cette analyse de la clause litigieuse, pas plus qu'il n'a modifié les termes du litige qui lui était soumis, qui portait justement sur l'interprétation et l'analyse de cette clause.

En conséquence, la SAS Bercy Lheureux sera déboutée de sa demande d'annulation du jugement querellé.

2. Sur la validité du congé délivré par la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6]

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En vertu de l'article 1156 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au présent litige, il doit être recherché dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a dit que la clause du bail liant les parties et prévoyant que le "Bailleur renouvellera le bail de 12 ans en 12 ans et jusqu'à la date d'expiration du bail emphytéotique entre BERCY LHEUREUX et SEMAEST pour une durée de 70 ans, soit jusqu'au 22 décembre 2065» s'analysait en une renonciation du bailleur à son droit discrétionnaire de refuser le renouvellement du bail prévu par l'article L. 145-14 du code de commerce, et qu'en conséquence, l'association [4] de [Localité 6] bénéficiait d'une promesse de renouvellement de bail empêchant la SAS Bercy Lheureux de pouvoir valablement délivrer un congé avec refus de renouvellement pour le 31 juillet 2016, après avoir considéré que :

- l'utilisation du futur simple de l'indicatif 'renouvellera' signifie que l'intention des parties était d'accorder sans ambiguïté une promesse de renouvellement de bail automatique au preneur,

- Le paragraphe mentionnant que 'Le Bailleur pourra demander la résiliation de son bail par lettre recommandée on acte extrajudiciaire notifié au cours de la dernière année de location au mains six mois à l'avance " vise la possibilité du bailleur de résilier son 'propre bail', à savoir le bail emphytéotique qui le lie à la SEMAEST jusqu'au 22 décembre 2065, étant précisé que cette possibilité ne peut porter atteinte au droit du preneur de signifier congé a l'expiration d'une période triennale ou en fin de bail,

- en conséquence, le congé délivré par la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6] est nul et de nul effet.

La SAS Bercy Lheureux sollicite à titre subsidiaire l'infirmation du jugement querellé de ce chef, en excipant pour l'essentiel que la renonciation à la faculté de donner congé prévue par les articles L. 145-14 et L. 145-57 du code de commerce doit être certaine, expresse et non équivoque, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce, l'article 2 du bail commercial ne stipulant pas de renonciation certaine, expresse et non équivoque à « refuser le renouvellement du bail » pendant près de 70 ans, le paragraphe A de l'article 2 du bail commercial se contentant de différencier la durée initiale de 20 ans de la durée des renouvellements éventuels de 12 ans, cette précision étant utile et nécessaire afin d'éviter des renouvellements par période de 20 ans.

Elle relève que rien ne justifiait que le bailleur renonçât à son droit de résilier le bail commercial à son terme, la promesse de bail et le cautionnement par [5] de [Localité 6] corroborant la durée du bail de 20 ans ainsi que le paragraphe B de l'article 2 du bail commercial prévoyant expressément une faculté pour le bailleur de résilier conformément au droit commun, de sorte que le bail serait exclusif de toute promesse non équivoque de renouvellement.

L'association [4] de [Localité 6], laquelle sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, fait valoir principalement que l'article 2 du bail stipulant que « le bailleur renouvellera le bail de 12 ans en 12 ans et jusqu'à la date d'expiration du bail emphytéotique entre Bercy lheureux et Semaest pour une durée de 70 ans, soit jusqu'au 22 décembre 2065 », l'emploi du futur de l'indicatif, sans aucune réserve, caractérisant la certitude du renouvellement à l'expiration du bail initial, la SAS Bercy Lheureux se serait ainsi engagée à conclure avec l'association [4] de [Localité 6] un premier contrat de bail, d'une durée de 20 ans, et à renouveler ensuite ce contrat pour des périodes successives d'une durée de 12 ans chacune, jusqu'à la date maximale du 22 décembre 2065, l'objectif recherché par les parties étant de permettre à la concluante de se maintenir dans les lieux le plus longtemps possible, empêchant ainsi le bailleur de valablement délivrer le congé litigieux.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

En effet, l'article 2 du contrat de bail liant la SAS Bercy Lheureux et l'association [4] de [Localité 6] stipule que « le présent bail prendra effet le 1er août 1996 pour s'achever le 31juillet 2016.

Le Bailleur renouvellera le bail de 12 ans en 12 ans et jusqu'à la date d'expiration du bail emphytéotique entre la SAS Bercy Lheureux et SEMAEST pour une durée de 70 ans, soit jusqu'au 22 décembre 2065. »

Il s'en infère que par l'emploi du futur simple de l'indicatif, les parties ont manifesté de manière claire et non équivoque leur commune intention de voir le contrat de bail les liant perdurer pour une durée de 70 ans, soit jusqu'au 22 décembre 2065, par le biais d'un premier contrat de bail, d'une durée de 20 ans, puis par des renouvellements successifs pour des périodes successives d'une durée de 12 ans chacune, se traduisant ainsi en une promesse de renouvellement de bail automatique consentie par la SAS Bercy Lheureux au bénéfice de l'association [4] de [Localité 6] et en une renonciation expresse et dénuée d'ambiguité de la SAS Bercy Lheureux à pouvoir refuser le renouvellement du bail en application de l'article L. 145-14 du code de commerce, et subséquemment d'user d'une faculté d'option.

Si l'article 2, paragraphe B, du contrat liant la SAS Bercy Lheureux et l'association [4] de [Localité 6] stipule que « Le Bailleur pourra demander la résiliation de son bail par lettre recommandée ou acte extrajudiciaire notifié au cours de la dernière année de location au moins six mois à l'avance. Les droits prévus au profit du Bailleur par le présent paragraphe ne portent pas atteinte au droit du Locataire de signifier congé à l'expiration d'une période triennale ou en fin de bail », aucun élément ne permet cependant de déterminer si cette possibilité de résiliation du bail concerne le bail commercial dont bénéficie l'association [4] de [Localité 6] ou le bail à construction dont bénéficiait la SAS Bercy Lheureux à l'égard de la Semaest, la cour relevant de surcroît qu'à la date de signature du contrat de bail entre la SAS Bercy Lheureux et l'association [4] de [Localité 6], la procédure de « résiliation » ainsi prévue dans le bail litigieux n'était prévue que pour le bail à construction et pas pour les baux commerciaux, induisant ainsi implicitement mais nécessairement que la faculté de résiliation visée par cette clause concernait le bail à construction dont bénéficiait la SAS Bercy Lheureux auprès de la Semaest jusqu'à son rachat du terrain le 15 janvier 2004.

Ainsi, la SAS Bercy Lheureux a renoncé de manière expresse et non équivoque à son droit de mettre fin au contrat de bail litigieux avant sa date de fin, fixée contractuellement au 22 décembre 2065, de sorte que le congé avec refus de renouvellement qu'elle a délivré le 07 août 2015 à l'association [4] de [Localité 6] est nul et de nul effet.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le congé litigieux nul et de nul effet et a rejeté les demandes de la SAS Bercy Lheureux au titre d'une indemnité d'éviction et d'occupation, ainsi que de ses demandes d'expertise judiciaire.

3) Sur la demande de dommages-intérêts de la SAS Bercy Lheureux

- Sur la recevabilité de la demande

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait '.

Les articles 565, 566 et 567 du même code précisent toutefois que :

- ' Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ',

- ' Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ',

- ' les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel '.

L'association [4] de [Localité 6] soulève l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation de la SAS Bercy Lheureux en excipant de sa nouveauté en cause d'appel, cette demande n'ayant pas été formulée en première instance.

La SAS Bercy Lheureux s'oppose à cette fin de non-recevoir, en arguant que la contestation du congé par l'association [4] de [Localité 6] serait « délibérément abusive », étant précisé que [4] de [Localité 6] fait partie d'un groupe d'envergure internationale, de sorte qu'elle doit lui payer une somme de 150.000 € en réparation des préjudices causés à la concluante.

Elle souligne que cette demande serait recevable sur le fondement des articles 566 et 567 du code de procédure civile qui autorisent les parties à ajouter aux prétentions soumises au premier juge « les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » comme les demandes reconventionnelles.

Au cas d'espèce, la cour observe que la demande initiale de la SAS Bercy Lheureux devant le premier juge consistait en la validation de son congé délivré le 07 août 2015 et en la condamnation subséquente de l'association [4] de [Localité 6] à lui verser une indemnité d'occupation, et en la fixation au bénéfice de cette dernière d'une indemnité d'éviction.

Si elle soutient en cause d'appel une demande d'indemnisation à l'encontre de l'association [4] de [Localité 6], en invoquant une « contestation abusive » de cette dernière du congé qu'elle lui a délivré, cette demande apparaît dès lors comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale qui concerne la validité du congé, et sera déclarée recevable.

- Sur le fond

L'association [4] de [Localité 6] expose que cette demande indemnitaire ne reposerait sur aucun élément permettant de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

La SAS Bercy Lheureux soutient quant à elle que la contestation du congé par l'association [4] de [Localité 6] serait abusive.

Néanmoins, le présent arrêt confirmant que le congé délivré par la SAS Bercy Lheureux à l'association [4] de [Localité 6] est nul et de nul effet, la SAS Bercy Lheureux ne saurait dès lors sérieusement exciper d'un quelconque abus de l'association [4] de [Localité 6] dans sa contestation dudit congé.

En conséquence, la SAS Bercy Lheureux sera déboutée de sa demande d'indemnisation.

4) Sur les demandes accessoires

La SAS Bercy Lheureux succombant en ses demandes sera par conséquent condamnée aux entiers dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Maître Lecomte, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, la SAS Bercy Lheureux sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée de ce chef au paiement d'une indemnité de 15.000 € au profit de l'association [4] de [Localité 6].

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute la SAS Bercy Lheureux de sa demande d'annulation du jugement rendu le 10 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 16/17862 ;

Confirme le jugement rendu le 10 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 16/17862 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare la SAS Bercy Lheureux recevable en sa demande de condamnation de l'association [4] de [Localité 6] à lui verser 150.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la SAS Bercy Lheureux de sa demande de condamnation de l'association [4] de [Localité 6] à lui verser 150.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la SAS Bercy Lheureux de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Bercy Lheureux à verser à l'association [4] de [Localité 6] la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Bercy Lheureux aux entiers dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Maître Lecomte.