CA Douai, 2e ch. sect. 2, 13 juin 2024, n° 23/00531
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI C.M.N (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Molins, Me Minne, Me Parichet, Me Jacquin
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 6 octobre 2010, Mme [S] veuve [Y], aux droits de laquelle vient désormais M. [Y], a consenti à la SCI CMN un bail commercial portant sur divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6], se décomposant ainsi :
- lot n°1 : local à usage commercial au rez-de-chaussée,
- lot n°2 : local commercial situé à l'entresol, dont l'accès principal se fait par un escalier donnant dans le lot n°1,
- lot n°10 : une cave à usage commercial située au sous-sol, avec chaufferie, dont l'accès se fait par un escalier donnant dans le lot n°1.
Le bail a été conclu pour une durée de neuf années, avec prise d'effet au 1er juillet 2011, pour se terminer le 30 juin 2020, pour un loyer annuel hors taxes hors charges de 30 000 euros, avec cette précision que le loyer était réduit à la somme de 24 000 euros hors taxes hors charges par an au titre de la première période triennale.
Le 19 décembre 2019, M. [Y] a donné congé et offert le renouvellement du bail à la société CMN à effet du 1er juillet 2020, moyennant un loyer de 80 000 euros, hors taxes hors charges par an.
Le 2 mars 2020, la société CMN a accepté le principe du renouvellement tout en refusant le montant du nouveau loyer proposé.
Suivant un mémoire préalable notifié le 12 juin 2020, le bailleur a notamment et principalement sollicité la fixation du loyer de renouvellement à compter du 1er juillet 2020 à la somme de 79 560 euros, hors taxes et hors charges.
Par acte du 18 septembre 2020, M. [Y] a assigné la SCI CMN aux fins de fixation du loyer du bail commercial.
Par jugement du 9 janvier 2023, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lille a :
- dit que les locaux objets du bail sont à usage exclusif de bureaux ;
- débouté la société CMN de sa demande d'abattement ;
- fixé le loyer de base du bail renouvelé à effet au 1er juillet 2020 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 59 360 euros, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, notamment l'application du loyer variable additionnel ;
- dit que le dépôt de garantie sera réajusté en conséquence de la fixation du loyer de renouvellement ;
- dit que le rappel des loyers échus produira intérêts au taux légaL à compter du renouvellement du bail ;
- dit que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts au taux légal ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- débouté la société CMN de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CMN à payer à M [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné la société CMN aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées le 19 février 2024, la société CMN demande à la cour notamment, au visa des articles L.145-33 et suivants du code de commerce, du rapport d'expertise du 25 février 2022, de :
- infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions à son égard,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Vu l'absence d'usage exclusif de bureaux du local commercial,
- prononcer l'application des articles L.145-33 et suivants du code de commerce pour la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020 et exclure l'application de l'article R.145-11 du code de commerce,
En conséquence,
Vu l'absence de modification notable des éléments mentionnés au 1° à 4° de l'article L 145-33 du code de commerce,
- prononcer la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020 sur la base de la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux, intervenu depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, soit la somme de 31 634 euros HT et hors charge, toutes autres clauses et conditions du bail renouvelé demeurant inchangées ;
A titre subsidiaire,
Si la cour d'appel faisait droit à la demande de fixation des loyers par application de l'article R.145-11 du code de commerce,
- fixer le loyer renouvelé pour les locaux précités à compter du 1 er juillet 2020 à hauteur de 33 137,60 euros par an hors charges et hors taxes, soit un loyer annuel au m² pondéré de 207,11 euros,
- prononcer l'abattement des charges au titre des clauses exorbitantes de droit commun,
En conséquence,
- déduire de la valeur locative retenue la somme totale de 7 679 euros au titre des charges annuelles en 2020,
En tout état de cause,
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Molins, avocat au barreau de Lille ;
- A titre subsidiaire, effectuer un partage des frais d'expertise par moitié.
La société CMN critique le premier juge en ce qu'il a retenu un usage exclusif des locaux comme bureaux, entraînant l'application des dispositions dérogatoires de l'article R 145-11 du code de commerce, reposant sur une confusion entre destination, activité exercée et affectation contractuelle des locaux.
Elle souligne que les locaux ne sont pas monovalents, puisqu'il est possible de les affecter à une autre destination, et que les plans relatifs à un aménagement intérieur sont sans incidence sur la destination générale des locaux. La nature même de l'immeuble et la commune intention des parties, sans qu'il faille se focaliser uniquement sur la clause de destination, éclairent sur la nature des locaux, et notamment le caractère commercial des locaux, ce qui permet l'exercice d'une autre activité (et pas seulement l'usage de bureaux). Le bail ne limite pas les activités exercées par les organismes et ne les enferme pas en tout état de cause dans une activité exclusivement bancaire et d'assurance.
Elle ajoute qu'il existe une liberté de cession du droit au bail dans le contrat, au profit de tous commerces, même si elle est sous la condition expresse de recueillir l'agrément préalable du bailleur, ce qui exclut que les dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce puissent recevoir application.
Elle précise en outre que la clause est manifestement ambiguë en ce qu'elle se contredit à chaque alinéa.
Elle conclut à l'absence de modification notable des éléments mentionnés à l'article L 145-33 du code de commerce. Elle souligne que les références du bailleur ne sont étayées par aucun document, que leur situation géographique n'est pas identique, et enfin que le quartier proche de Wazemmes n'a connu aucun changement déterminant depuis la date de signature du bail. Il existe une disparition notable de plusieurs agences bancaires dans le secteur. La preuve d'une modification des éléments ayant un intérêt pour l'activité considérée n'est pas rapportée.
Elle ajoute que le déplafonnement doit être écarté et qu'une restitution des condamnations réglées par provision doit avoir lieu.
En cas de reconnaissance des locaux à usage exclusif de bureau, elle conteste la valeur locative retenue, puisque la valeur de référence doit être minorée, compte tenu de l'éloignement des références, certaines étant dans une portion plus prisée et bourgeoise de la rue. Elle critique les différentes références retenues par l'expert.
Elle estime que doit être appliqué un abattement au titre des charges incombant principalement au bailleur, mais supportées par le preneur par dérogation. Elle précise qu'il appartenait au bailleur, et non à elle, de démontrer que les baux cités en référence mettaient ou non à la charge du preneur la taxe foncière.
Par conclusions signifiées le 26 février 2024, M. [Y] demande à la cour, de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à supprimer la mention d'un loyer variable additionnel, inexistant en l'espèce ;
- débouter la SCI CMN de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la SCI CMN à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
Il rappelle la situation du bien, dans une rue très commerçante, et la description des lieux par l'expert. Il souligne que le bail ne comporte aucune charge exorbitante, l'impôt foncier à la charge du preneur, étant d'usage dans les baux d'agence bancaire, de même que l'assurance des locaux.
Il estime que les locaux sont à usage exclusif de bureau, ce qui permet de fixer le loyer à la valeur locative. Il ajoute que l'appelante ne peut invoquer la désignation matérielle des locaux pour contester la qualification de bureau, précisant que ce n'est pas l'usage effectif qui va être fait des locaux par le locataire qui doit être retenu, ni même la qualification du bail au regard des dispositions d'urbanisme ou encore du droit fiscal, mais bien la commune intention des parties telle qu'elle aura été exprimée dans le bail.
Il souligne les termes clairs et précis de la clause de destination, la prétention de l'appelante d'une interprétation nécessaire de cette dernière en la rapprochant de celle relative à la désignation des lieux n'étant nullement justifiée, d'autant moins qu'il est de jurisprudence constante que la clause de destination prévaut sur la clause de désignation. Les stipulations relatives à la sous-location et la cession ne sont nullement de nature à remettre en question l'usage exclusif de bureaux conféré aux locaux loués.
Il ajoute, que la fixation du loyer de renouvellement des locaux à usage exclusif de bureau se trouve exclusivement régie par l'article R 145-11 du code de commerce, ce qui rend la revendication par le preneur du bénéfice du plafonnement inopportun.
Il revient sur la valeur locative proposée, et surtout s'oppose à l'application d'un abattement, soulignant qu'en matière de baux assimilables à un usage de bureaux, la taxe foncière se trouve systématiquement imputée au preneur. L'appelante ne peut donc exiger du bailleur qu'il rapporte la preuve d'une pratique identique en matière de charges parmi les termes de comparaison, alors qu'il résulte des termes mêmes de l'expertise que cet usage est suivi sur la place lilloise
Par conclusions du 27 février 2024, M. [Y] sollicite le rejet des conclusions notifiées le jour même par l'appelante.
MOTIVATION
I - Sur les rejets de conclusions
Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
L'article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
En l'espèce, à la suite de conclusions signifiées par la société CMN le 19 février 2024, le greffe a avisé le 20 février 2020 les parties du report de la date de l'ordonnance de clôture au 27 février 2024.
L'avis du greffe attirait expressément l'attention des parties sur l'absence de tout report ultérieur et la possibilité en cas de conclusions de dernières heures de solliciter leur rejet.
Le 27 février 2024, la société CMN a signifié de nouvelles écritures dont M. [Y] sollicite le rejet.
Ces écritures sont incontestablement de dernière heure, sans que la société CMN puisse invoquer la nécessité de répondre aux écritures prises la veille par M. [Y], lequel ne faisait que répondre à ses propres écritures du 19 février 2024, soit la veille de la date de clôture initiale.
Il convient de rejeter les conclusions signifiées le 27 février 2024 par la société CMN en application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, dès lors que M. [Y] n'a pas disposé du temps utile pour les examiner ni, le cas échéant, y répondre.
II - Sur la nature des locaux
Aux termes de l'article L 145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Le prix du bail des locaux construits ou aménagés en vue d'une utilisation comme établissement de spectacles cinématographiques au sens de l'article L. 212-2 du code du cinéma et de l'image animée est, par dérogation aux articles L. 145-33 et suivants du présent code, déterminé selon les seuls usages observés dans la branche d'activité considérée.
L'article R 145-11 du code de commerce prévoit que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.
Pour déterminer si un local est à usage exclusif de bureau, ce sont les termes du bail qui doivent être pris en considération et notamment la clause de destination ou les clauses de cession et de sous-location, (3ème Civ.,18 février 1998, Bull. III n° 39) dès lors que la destination ne vise pas seulement l'activité effectivement exercée, mais s'étend également aux activités pour lesquelles une faculté de cession est consentie (3ème Civ., 25 juin 2008, Bull. 2008, n° 112).
En cas de silence, d'ambiguïté ou d'imprécision de la clause de destination, la commune intention des parties doit être recherchée, ce qui, à moins de dénaturation des termes clairs et précis de la clause, relève du pouvoir souverain des juges du fond (3ème Civ., 2 février 2010, n° 0813559).
Et, il est jugé que, dans l'exercice de ce pouvoir souverain de recherche et détermination de la commune intention des parties, l'aménagement des lieux et l'utilisation effective des locaux par le locataire, peuvent être tenus pour déterminants. (3ème Civ., 31 janvier 1979, Bull n °30) .
La Cour de cassation a adopté une définition extensive de la notion de bureau qui recouvre les activités administratives, sans que la réception de clientèle soit un obstacle à cette qualification, dès lors que les locaux ne servent ni au dépôt, ni à la livraison de marchandises (3 ème Civ.,7 avril 1994, Bull. n° 75).
Les agences bancaires qui, matériellement, sont installées sous la forme d'une boutique recevant de la clientèle, lieu d'échanges et d'opérations commerciaux entre cette clientèle et la banque locataire, sont ainsi souvent qualifiées de bureaux au sens de R 145-11 du code de commerce (Cass, 3ème Civ, 13 novembre 1986 Bull. n° 155 ; Cass, 3ème Civ, 8 janvier 1997 Bull. n° 4)
En l'espèce, la société CMN, se prévalant du « caractère commercial » des locaux, rappelé dans leur désignation matérielle, estime que leur destination n'est pas uniquement relative à un usage exclusif de bureaux, dès lors que d'autres activités ont pu, peuvent ou pourront être exercées dans ces locaux.
Des stipulations contractuelles, on peut retenir que :
- l'article 4-1 prévoit que « le preneur devra utiliser les locaux à usage exclusif de bureaux pour l'activité d'agence de banque et d'assurance » ;
- l'article 11-2 interdit toute sous-location, mais précise que « toutefois, le bailleur autorise dès à présent le preneur à mettre les lieux loués à la disposition de la Caisse de crédit mutuel [Adresse 8] ou de la Caisse fédérale de crédit mutuel Nord Europe, pour diffuser les produits ou recevoir dans les locaux loués les services inhérents aux activités dépendant d'organismes se rattachant directement ou indirectement au Crédit mutuel » ;
- l'article 11-3 interdit la cession de bail seul et soumet la cession ou l'apport par le preneur de son droit au présent bail à l'obtention de « l'accord préalable et écrit du bailleur qui ne pourra refuser ledit agrément que pour des motifs sérieux et légitimes »
Ces stipulations, loin de se contredire contrairement à ce que soutient la société CMN, se corroborent.
En effet, de première part, l'article 4-1 envisage exclusivement et expressément un usage exclusif de bureaux et une activité d'agences de banque ou d'assurance, pour lesquelles la jurisprudence retient le plus souvent la qualification de bureau.
De seconde part, l'article 11-2 prévoit clairement que pour les sous-locataires, précisément désignés et devant être rattachés au crédit mutuel, se trouvent autorisée non une sous-location tous usages, mais une sous-location en lien avec des activités bancaires et d'assurance.
Enfin, la société CMN offre à l'article 11-3 une portée qu'il n'a pas en estimant qu'il s'analyse en une clause de cession libre de bail pour tous commerces, alors qu'il ne fait en son alinéa 2 que rappeler la nécessité d'obtenir un consentement exprès et écrit du bailleur à la cession et ne porte aucune allusion à une activité ou destination. Au contraire, ainsi, le bailleur s'est ménagé, sous réserve du supporter les conséquences d'une opposition illégitime, le pouvoir exclusif d'autoriser ou non un éventuel cessionnaire ne disposant pas d'une activité entrant dans les prévisions initiales, telles qu'elles résultent de l'article 4-1. Il ne s'extrait donc pas de cette disposition une volonté commune des parties de ne plus être liées par la destination contractuelle initiale en cas de cession, et qui contredirait celle-ci, contrairement à ce qu'affirme le preneur.
Ainsi, le bail comporte une destination contractuelle clairement envisagée et dépourvue d'ambiguïté, exclusive de toute nécessité d'interprétation.
Sans même qu'il y ait lieu de s'attacher à l'usage effectif des locaux ou à leur aménagement, à juste titre, le premier juge a retenu que les locaux objets du bail sont à usage exclusif de bureaux, et se trouvent donc soumis aux dispositions de l'article R 145-11 du code de commerce.
La décision est donc confirmée de ce chef.
III- Sur la fixation des loyers
Aux termes de l'article L 145-34 du code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
Aux termes de l'article L 145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
L'article R 145-11 du code de commerce prévoit que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.
Ainsi, en droit, les locaux à usage de bureaux échappent de plein droit aux règles concernant le plafonnement des loyers prévues à l'article L 145-34 du code de commerce.
Le loyer de renouvellement du bail portant sur des locaux à usage de bureaux doit être déterminé sur la base de la valeur locative appréciée, à cette date, selon les critères définis à l'article R 145-11 du code de commerce précité.
- sur les caractéristiques des locaux et la localisation des locaux
Le local, qui dépend d'un immeuble de style Art déco, est situé [Adresse 3] à [Localité 6].
C'est par de juste motifs, que la cour fait siens, que le premier juge a souligné les caractéristiques essentielles du local telles qu'elles résultent du rapport d'expertise produit, mettant en lumière un bon état des locaux, conformes à ce que l'on rencontre pour ce type d'activité, configurés tout en longueur avec vitrine assez étroite donnant sur [Adresse 5] à [Localité 6], située dans le quartier de Wazemmes, marquée par une mixité sociale, ladite rue étant un emplacement secondaire sur le marché de l'immobilier lillois, souffrant d'un congestionnement au niveau de la circulation et de la présence de commerces assez hétéroclites, vacants et/ou renouvelés au gré des crises économiques.
Il sera juste ajouté que le local se situe dans « l'une des parties la plus dynamique de la rue », selon l'expert, à proximité du marché des Wazemmes, ledit secteur tendant depuis quelques années à monter en gamme, et à s'orienter vers une identité autour des commerces de bouches et de santé, quand bien même l'expert souligne également le caractère incertain pour l'immobilier commercial de cette rue, compte tenu d'un fort taux de vacance des locaux dans le bas de la rue et une absence de grande enseigne motrice.
Enfin, les parties s'accordent sur la surface utile pondérée retenue par le premier juge de 160 m² conformément aux préconisations de l'expert.
- sur les références proposées et les prix pratiqués pour des locaux équivalents
Le premier juge, après avoir justement rappelé les références citées par l'expert et leurs principales caractéristiques, a justement souligné que les quatre termes de comparaison correspondaient à des locaux, avec une même activité d'agence bancaire, tous situés dans [Adresse 5], dont le prix moyen était de 392, 55 euros/m²pondéré.
La valeur médiane, entre la référence la plus élevée et la référence la plus basse, se situe à 374 €/m² p. HT HC/an.
Le premier juge a retenu pour valeur locative de référence le terme de comparaison constitué par l'enseigne CIC, écartant les références locatives, constituées par l'agence Crédit agricole et l'agence Créatis, en raison de la superficie bien plus réduite des locaux, de leur configuration en angle, avec une large vitrine, de leur éloignement de la place du marché et de leur emplacement commercial meilleur (ouverture sur la place de la république face à une station de métro), d'autant que le bail de l'agence du Crédit agricole bénéficie d'une destination contractuelle plus large (agence immobilière), ce qui explicite comme le souligne l'expert le prix du bail nettement plus élevé.
Cette exclusion de ces deux références n'est critiquée ni par le bailleur ni par le preneur.
De manière infondée, la société CMN reproche au premier juge de ne pas s'expliquer sur les raisons pour lesquelles ce dernier a jugé non pertinente également la référence Caisse épargne.
Quand bien même cette agence se trouve située à seulement 130 m du local litigieux, le caractère ancien du bail (1994), objet de renouvellements qui ont pu expliquer un loyer au m² moindre, la configuration des locaux présentant une superficie bien plus grande (238m²p contre 160m²p) et la localisation des locaux, plus éloignée de la place du marché, justifient, comme cela ressort expressément du jugement critiqué, que cette référence ne soit pas retenue.
La société CMN critique enfin que le juge des loyers se fonde exclusivement sur le rapport de l'expert qui propose de retenir un prix unitaire de 371 euros le m² pondéré pour les locaux pour un renouvellement au 1er juillet 2020 en estimant que la référence la plus comparable serait celle de l'agence CIC.
Il ressort pourtant des éléments principaux mis en lumière pour cette référence, que les caractéristiques de cette dernière sont très proches des caractéristiques du local en litige, à savoir son caractère d'agence bancaire, sa largeur de vitrine de 9,5 m contre 6 m pour le présent local, sa surface utile pondérée de 170 m² contre les 160 m² du local en litige, la date d'effet du bail de 2004, renouvelé en 2014, contre 2010 et renouvelé en 2020 pour le présent bail.
Or, le loyer annuel au m² pondéré de la référence CIC est de 371,33 euros contre 197 euros le m² pondéré pour le présent local,
Il n'est établi par aucune pièce que les principales stipulations du bail de l'agence CIC soient distinctes de celles du local loué par la société CMN, et expliqueraient que le loyer ait été fixé à une valeur se trouvant dans une fourchette haute, l'expert contredisant cette allégation non étayée du preneur.
La seule distance séparant les deux agences ne peut justifier, comme le sollicite la société CMN, que soit, si ce n'est écarté, au moins relativisé, ce terme de comparaison, qui est noté par l'expert comme étant le plus comparable de la présente agence. En effet, les deux références ne sont séparées que d'un kilomètre, dans la même rue.
Le fait que le local litigieux se situe à proximité de la place du marché de Wazemmes et celui de l'agence CIC à proximité de la place de la république, dans une zone plus bourgeoise, n'est pas pertinent comme le sous-entend le preneur.
En effet, l'emplacement de l'agence CIC n'est pas, contrairement à ce qu'affirme la société CMN sans pièce probante à l'appui, de meilleure qualité, bien au contraire. Il ressort des constatations de l'expert, non remises en cause, qu'est perceptible une gentrification du quartier, touchant la partie à proximité même de la place Nouvelle aventure. Les conclusions de l'expert invalident donc l'allégation de la société CMN, l'expert qualifiant la partie où se trouve le local litigieux de l'une des parties les plus dynamiques de la rue, tandis que le secteur plus bourgeois à proximité de la place de la république n'est pas épargné par la présence de très nombreux commerces vacants ou en travaux, et « peine davantage à restructurer son linéaire commerciale », « les loyers y [étant] généralement un peu à la traîne ».
Enfin, comme le note l'expert, la référence locative du CIC est assez proche de la valeur moyenne et de la valeur vénale.
Ainsi, les griefs invoqués par le preneur à l'encontre du terme de comparaison retenu par le premier juge ne sont pas fondés.
Par contre, le preneur revendique l'application d'un abattement compte tenu des charges exorbitantes qu'il devrait supporter, à savoir l'impôt foncier et la prime d'assurance afférente aux locaux.
Le rapport d'expertise note que la prise en charge des taxes foncières et de l'assurance de l'immeuble par le preneur sont assez systématiques dans les références retenues. Quand bien même il indique qu'elles ne sont pas à son sens « un facteur différenciant les valeurs locatives, dans le contexte judiciaire, l'abattement de ces charges au titre des clauses exorbitantes du droit commun s'applique généralement ». Il propose ainsi un abattement du montant des charges transférées, ce qui conduirait à retenir non la valeur de 59 360 euros HT HC/ an mais de 51 700 euros HT HC / an.
En droit, selon l'article R 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
Il est en effet jugé par la Cour de cassation que l'impôt foncier, les travaux de mise en conformité, l'assurance souscrite par le bailleur ou encore les frais de gérance, obligations qui ont été mises contractuellement à la charge de la locataire, mais incombant normalement au bailleur et dont il se serait déchargé sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative, et ce quand bien même les valeurs de référence prises pour fixer ladite valeur locative comprennent une répartition identique (Cass: 3e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 19-23.183 ou 3e Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-21.570).
Il n'est ni allégué ni démontré que le transfert au locataire des charges d'assurance et d'impôt foncier en l'espèce, incombant au bailleur normalement, soit compensé par une quelconque contrepartie au profit du locataire.
Il y a dès lors lieu à diminution de la valeur locative, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.
Ainsi, si c'est à juste titre que le premier juge a retenu comme pertinent le terme de l'agence CIC comme terme de comparaison, à 371€ m²p, il convient néanmoins d'infirmer la décision en ce qu'elle a retenu la valeur de 57 900 euros HT HC par an au 1er juillet 2020 au titre du prix du bail litigieux, en ce compris la référence, erronée et sans rapport avec le bail expiré, à un loyer variable additionnel dans le chef du jugement entrepris.
Compte tenu de l'abattement dont le montant est appliqué par l'expert au titre des charges exorbitantes du droit commun, le prix des locaux en cause doit être fixé à 51 700 euros HT HC/ an pour les 160m²P loué au 1er juillet 2020.
Aucune critique n'est élevée à l'encontre des chefs du jugement relatifs à l'ajustement du dépôt de garantie, aux intérêts sur le rappel des loyers échus à compter du renouvellement du bail, et à l'anatocisme.
Ces dispositions sont donc confirmées.
IV- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société CMN succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société CMN, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du 9 janvier 2023 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lille, sauf en ce qu'il a :
- débouté la société CMN de sa demande d'abattement ;
- fixé le loyer de base du bail renouvelé à effet au 1er juillet 2020 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 59 360 euros, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, notamment l'application du loyer variable additionnel ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
FAIT droit à la demande d'abattement au titre des charges exorbitantes ;
FIXE en conséquence le loyer de base du bail renouvelé à effet du 1er juillet 2020 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 51 700 euros, toutes autres conditions et clauses du bail expiré demeurant inchangées ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société CMN à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société CMN de sa demande d'indemnité procédurale