CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 13 juin 2024, n° 23/09072
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Carclassic (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Morlet
Conseillers :
Mme Zysman, Mme Tardy
Avocats :
Me Allerit, Me Bioche, Me Fromantin, Me Odinot
Exposé du litige
***
Faits et procédure
Monsieur [W] [L] a en 2012 vendu à [T] [K] un véhicule de marque Lamborghini, type Countach, modèle 5000 QV, noir, portant le numéro de châssis ZA9C005A0FLA12865.
Monsieur [K] a le 28 janvier 2013 signé un mandat de vente au profit de la SA de droit suisse CarClassic concernant ladite Lamborghini Countach, mandat valable trois mois.
Le tribunal de première instance suisse de Porrentruy (république et canton du Jura) a par décision du 18 août 2014 déclaré la société CarClassic en faillite.
Monsieur [K] a par e-mail du 24 septembre 2014 adressé une revendication de restitution de son véhicule à Maître [X] [M], préposé de l'Office des poursuites et faillite.
De son côté, arguant de la vente du véhicule à son profit par la société CarClassic pour un prix de 175.000 euros et affirmant n'avoir récupéré ni le véhicule ni ses papiers, Monsieur [G] a le 24 octobre 2014 déposé plainte contre la société CarClassic auprès des services de police de [Localité 7].
Monsieur [N] [E], président de la société CarClassic, a par ordonnance du 7 mai 2015 été mis en examen pour abus de confiance aggravé et escroquerie par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris. Il a par ordonnance du 13 août 2015, alors avec la société CarClassic, également été mis en examen pour avoir détourné plusieurs véhicules, fonds et valeurs qui leur avaient été remis et qu'ils avaient acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé au préjudice, notamment, de Messieurs [K] et [G].
Les parties s'accordent pour indiquer que la Lamborghini Countach litigieuse a été saisie et placée sous scellés.
Le tribunal de première instance de Porrentruy a par ordonnance du 9 octobre 2015 prononcé la suspension de la faillite de la société CarClassic, faute d'actifs.
Monsieur [K] a le 7 décembre 2015 présenté au juge d'instruction de Paris une demande de restitution de son véhicule, laquelle a par ordonnance du 6 janvier 2016 été refusée, les éléments indiqués ne permettant pas de conclure que l'intéressé était le légitime propriétaire du véhicule. Le magistrat a estimé que « certains élément devront possiblement être soumis à l'appréciation du juge civil ».
Monsieur [K] a alors par acte du 16 novembre 2016 assigné la société CarClassic, prise en la personne du préposé à l'office suisse des Faillites des Frances-Montages, et Monsieur [G] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir constater l'inexistence ou la nullité de la vente du 2 juin 2013 ou d'en voir ordonner la résolution. La société CarClassic et le préposé à l'office des faillites n'ont pas constitué avocat devant les premiers juges.
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Le tribunal de Paris, par jugement du 14 mars 2019 réputé contradictoire, a :
- débouté Monsieur [K] de ses demandes tendant à voir constater l'inexistence ou la nullité de la vente conclue entre Monsieur [G] et la société CarClassic le 2 juin 2013 pour défaut de consentement ainsi qu'à sa résolution pour défaut de paiement du prix de vente,
- condamné Monsieur [K] à payer à Monsieur [G] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [K] aux dépens de l'instance.
Monsieur [K] a par acte du 3 avril 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant Monsieur [G] et la société CarClassic, représentée par l'office des faillites, devant la cour d'appel de Paris.
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La cour d'appel de Paris, par arrêt du 25 novembre 2021 réputé contradictoire, a :
- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dit que le véhicule Lamborghini Countach, modèle 5000 QV, numéro de châssis ZA9C005AFLA12865 [sic : ZA9C005A0FLA12865], n'a pas été vendu à Monsieur [G],
- condamné in solidum la société CarClassic et Monsieur [G] à payer à Monsieur [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné in solidum la société CarClassic et Monsieur [G] aux dépens, avec distraction au profit du conseil de Monsieur [K].
Monsieur [G] a par acte du 3 janvier 2022 formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
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La Cour de cassation, par arrêt du 29 mars 2023, a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée,
- condamné Monsieur [K] aux dépens,
- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.
Monsieur [K] a par acte du 16 mai 2023 saisi la cour d'appel de Paris, autrement composée.
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Monsieur [K], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 12 mars 2024, demande à la Cour de :
- juger recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 14 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions, en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger inexistante à l'égard de tous la soi-disant vente du véhicule Lamborghini Countach, modèle 5000 QV, dont le numéro de châssis est ZA9C005AFLA12865 [sic : ZA9C005A0FLA12865], censée être intervenue le 2 juin 2013 au profit de Monsieur [G],
A titre subsidiaire,
- juger nulle la vente prétendue que la société CarClassic aurait conclue le 2 juin 2013 en son propre nom et pour son propre compte avec Monsieur [G] et portant sur le véhicule Lamborghini Countach,
- subsidiairement, lui juger inopposable, c'est-à-dire inexistante à son égard seulement, la vente que la société CarClassic aurait conclue le 2 juin 2013 en son propre nom et pour son propre compte avec Monsieur [G] et portant sur le véhicule Lamborghini Countach,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger résolue la vente du véhicule Lamborghini Countach qu'il aurait conclue le 2 juin 2013 avec Monsieur [G] par l'intermédiaire de son mandataire, la société CarClassic pour défaut de paiement du prix de vente entre ses mains,
En conséquence,
- juger que Monsieur [G] ne peut d'aucune manière justifier d'aucun titre d'acquisition de la propriété du véhicule Lamborghini Countach,
- juger que le véhicule Lamborghini Countach n'a jamais cessé d'être sa propriété,
- débouter Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum la société CarClassic, prise en la personne du préposé à l'Office des Faillites des Frances-Montages, et Monsieur [G] à lui verser la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le tout sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société CarClassic, prise en la personne du préposé à l'Office des Faillites des Frances-Montages, et Monsieur [G] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Eric Allerit (SELARL Taze-Bernard-Allerit).
Monsieur [G], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 26 mars 2024, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur [K] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner Monsieur [K] à lui verser la somme d'un euro sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [K] à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 pour au titre de ses frais non répétibles en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Edmond Fromantin.
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La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 27 mars 2024, l'affaire plaidée le 4 avril 2024 et mise en délibéré au 13 juin 2024.
Motivation
Motifs
Sur la validité de la vente au profit de Monsieur [G]
Les premiers juges ont considéré que Monsieur [K] avait bien donné mandat de vente de la Lamborghini Countach à la société CarClassic, mandat tacitement prorogé au-delà du délai de trois mois initialement prévu, et estimé que la société CarClassic, en vendant le 2 juin 2013 le véhicule à Monsieur [G] pour un prix de 175.000 euros, n'avait pas excédé ses pouvoirs et qu'il n'y avait donc pas lieu de s'interroger sur la réalité d'un mandat apparent. Monsieur [K] a donc été débouté de sa demande tendant à voir constater l'inexistence ou la nullité de la vente intervenue entre la société CarClassic et Monsieur [G]. Les magistrats ont ensuite constaté que Monsieur [G] justifiait avoir versé la somme totale de 175.000 euros à la société CarClassic et retenu ce paiement comme étant libératoire, déboutant en conséquence Monsieur [K] de sa demande tendant à la résolution de la vente intervenue entre la société CarClassic et Monsieur [G] le 2 juin 2013.
La première cour d'appel a également considéré que la société CarClassic avait reçu la capacité de vendre le véhicule litigieux pour le compte de Monsieur [K], mais a retenu que le mandat n'avait pas été prorogé au-delà de trois mois, d'une part, et que Monsieur [G] ne rapportait pas la preuve de la volonté de la société CarClassic de lui vendre le véhicule, d'autre part. Elle a donc estimé qu'il n'y avait pas eu de vente.
La Cour de cassation a rappelé les dispositions des articles 1583 et 1998 du code civil. Elle a considéré qu'en statuant tel qu'elle l'avait fait, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le mandataire s'était engagé à vendre le véhicule à Monsieur [G] selon le prix fixé, peu important ses intentions réelles quant à la livraison, la première cour d'appel avait violé les dispositions précitées.
Monsieur [K] conteste le jugement. Il affirme être seul en mesure de produire à la fois un authentique titre de propriété de la Lamborghini et l'original de sa carte grise, alors que Monsieur [G] ne justifie d'aucun titre d'acquisition. Il fait à titre principal valoir l'absence de preuve de toute vente portant sur le véhicule au profit de Monsieur [G]. A titre subsidiaire, il argue de l'inexistence à son égard de la prétendue vente conclue au profit de Monsieur [G] (la société CarClassic n'ayant pas agi en qualité de mandataire, faute de mandat et de mandat prorogé, ou le mandat ayant été dépassé, et en l'absence de mandat apparent de la société CarClassic pour vendre le véhicule) et soutient que la société CarClassic a vendu la chose d'autrui. A titre infiniment subsidiaire, il sollicite la résolution pour défaut de paiement du prix de la vente conclue entre Monsieur [G] et lui-même par l'intermédiaire de la société CarClassic.
Monsieur [G] se prévaut d'un document portant « Order Confirmation » formalisant la vente intervenue entre la société CarClassic et lui-même. Il conclut à l'existence de la vente à son profit, dont le prix a été payé. Il fait ensuite valoir la validité de la vente, arguant de l'existence incontestable du mandat confié par Monsieur [K] à la société CarClassic, qui a été prorogé au-delà du 28 avril 2013, terme initialement prévu, et soutient que la vente du 2 juin 2013 est valable quand bien même la société CarClassic aurait outrepassé ses pouvoirs et qu'elle est opposable à Monsieur [K].
Sur ce,
Monsieur [K] verse aux débats le certificat d'immatriculation de la Lamborghini en cause, établie au nom de Monsieur [L]. Ce dernier, par attestation du 24 septembre 2014 (Statement of Sales), confirme avoir vendu ledit véhicule à Monsieur [K] (Herewith I confirm that I have sold the Lamborghini Countach, with chassis number ZA9C00RA0FLA12865 [sic : ZA9C005A0FLA12865], to Mr. [T] [K], caractères gras de l'attestation), sans préciser la date de la vente. Il confirme encore celle-ci, intervenue « en 2012 », dans une nouvelle attestation du 21 novembre 2015.
Il est ainsi établi, et cela n'est d'ailleurs contesté d'aucune part, que Monsieur [K] a été le propriétaire de la voiture litigieuse à compter de 2012 (sans plus de précision). Monsieur [K], par ailleurs, n'a jamais procédé à la régularisation du certificat d'immatriculation du véhicule (carte grise) à son nom.
1. sur le mandat de vente
Le mandat est, aux termes de l'article 1984 du code civil, l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Il est ajouté que le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.
Monsieur [K] a le 28 janvier 2013 signé un document intitulé « Mandat de Vente n°20130128-01 » concernant un véhicule de marque Lamborghini, type Countach 500 QV, année 1985, aux termes duquel il « certifie être propriétaire du véhicule décrit ci-dessus » et :
1) Donne le mandat de vente exclusif à CarClassic SA (') de [son] véhicule décrit ci-dessus pour la somme de 160.000 (') Euros net.
2) Autorise CarClassic SA :
. A stocker [son] véhicule en parking sécurisé, sous leur responsabilité, dans les locaux de Paris Parking Sécurité (')
. A présenter [son] auto au public lors de manifestations.
. Le véhicule reste assuré par son propriétaire pour valeur fixée ci-dessus, et ce, pendant toute la durée du mandat.
Carclassic s'engage à ne diffuser aucune annonce et à ne publier aucune photo de la voiture sur Internet.
Ce mandat de vente est valable 3 mois.
Il ressort ainsi non seulement de l'intitulé de ce document, mais également de ses termes que, contrairement aux affirmations en ce sens de Monsieur [K] qui évoque un « contrat de courtage assorti d'un contrat de dépôt » ou encore « une sorte de convention de recherche d'acquéreur ou de courtage », celui-ci a expressément (conformément aux dispositions de l'article 1988 du code civil) et à titre principal donné à la société CarClassic le pouvoir de vendre son véhicule Lamborghini pour lui et en son nom, sauf à renier toute valeur à sa propre signature dont il ne conteste à aucun moment l'authenticité. L'intéressé a d'ailleurs à plusieurs reprises confirmé lui-même l'existence de ce « mandat de vente » donné à la société CarClassic dans son e-mail adressé le 24 septembre 2014 à l'officier des faillites chargé de la procédure engagée contre l'entreprise ou encore devant les services de police lors de son audition le 14 novembre 2014.
Apposant son cachet dont l'authenticité n'est contestée d'aucune part, la société CarClassic, mandataire, a accepté le mandat.
Ainsi, la Cour de céans, sans s'adonner à une « appréciation délibérément divinatoire des faits de l'espèce » selon les termes de Monsieur [K], constate que le mandat de vente signé par ce dernier et accepté par le mandataire apparaît valable pour une durée de trois mois à compter de sa signature, soit jusqu'au 28 avril 2013.
La validité du mandat a ensuite été prorogée au-delà de cette date.
Monsieur [K] ne justifie en effet pas avoir cherché à récupérer son véhicule auprès de la société CarClassic au terme du mandat. Il l'a laissé en dépôt dans les locaux de la société Paris Parking Sécurité désignée par le mandat de vente au-delà du 28 avril 2013 alors que Monsieur [E], directeur de la société CarClassic, lui avait indiqué qu'il pouvait trouver un acquéreur s'il le lui laissait davantage de temps. Cela résulte des termes même de l'intéressé, exprimés dans son e-mail précité du 24 septembre 2014 adressé à l'officier des faillites de la société CarClassic (point 4) ou encore lors de son audition par les services de police (procès-verbal du 14 novembre 2014), termes enfin évoqués par le juge d'instruction dans son ordonnance du 6 janvier 2016 portant rejet de la demande de restitution du véhicule présentée par son conseil.
Ainsi, Monsieur [K], laissant sa voiture entre les mains de la société CarClassic dans l'attente de la présentation par celle-ci d'un acquéreur a continué d'exécuter ses obligations de mandant, de sorte que le mandat de vente initialement valable trois mois a été reconduit en application de l'article 1215 du code civil au-delà de ce délai.
Or la société CarClassic a exécuté, au moins partiellement, ses obligations de mandataire en vertu du mandat de vente ainsi prorogé, confirmant plus avant son acceptation de celui-ci.
En effet, si elle n'a certes justifié d'aucune reddition des comptes au profit de Monsieur [K] ainsi que l'impose l'article 1993 du code civil, elle a signé le 2 juin 2013 un document portant « Order Confirmation n°2013-02-01 » au profit de Monsieur [G], [O] (acquéreur), concernant la Lamborghini litigieuse, pour un prix (price) de 175.000 euros (acte également signé par Monsieur [G]).
2. sur la vente du véhicule
Non seulement le mandat de vente confié par Monsieur [K] à la société CarClassic le 28 janvier 2013 a été prorogé au-delà d'une durée de trois mois, mais Monsieur [G], signant l'« Order Confirmation » le 2 juin 2013, n'avait pas connaissance de ce mandat, l'acte ayant en effet été présenté et signé par la société CarClassic seule. Monsieur [G] a légitimement pu penser signer l'acte non avec un mandataire mais avec le vendeur du véhicule lui-même, qui était en possession de celui-ci, de ses clés et de la copie de son certificat d'immatriculation, qui était connue et reconnue, présente dans les salons de vente d'automobiles d'exception et qui agissait dans le cadre de son objet social tel que figurant sur sa fiche « Moneyhouse » accessible à tous en ligne (équivalent suisse du site société.com en France), qui mentionne les activités d'acquisition, détention, location et vente de véhicule automobiles. Il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir vérifié plus avant l'étendue des pouvoirs de vente de la société CarClassic.
L'article 1583 du code civil dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Or par cet acte portant « Order Confirmation », la société CarClassic agissant en qualité de mandataire de Monsieur [K] en vertu d'un mandat prorogé, d'une part, et Monsieur [G], agissant en qualité d'acquéreur, d'autre part, ont convenu de la chose vendue (la Lamborghini Countach noire) et de son prix (de 175.000 euros, supérieur au prix fixé par le mandat de vente, qui est le prix minimum attendu par le mandant), de sorte que la vente conclue est parfaite entre ces parties dès cet échange de consentements, nonobstant l'absence de livraison de la voiture à l'intéressé.
Quand bien même ce document ne mentionne pas de « vente », mais seulement la « confirmation d'une commande » (« Order Confirmation »), il formalise bien par écrit la rencontre des volontés des parties concernant la chose vendue et son prix, conformément aux prescriptions de l'article 1341 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations. Il ne peut être reproché à Monsieur [G], sur le fondement de l'article 1325 ancien du code civil imposant la signature d'autant d'actes originaux que de parties à un acte contenant des obligations synallagmatiques, de ne produire aux débats qu'un seul exemplaire de cet acte, le sien, et non celui de la société CarClassic, qui a été liquidée et n'est pas partie à l'instance.
Si Monsieur [K] prouve qu'il était bien le propriétaire de la Lamborghini Countach litigieuse depuis 2012 (sans autre précision), Monsieur [G] démontre l'avoir valablement acquise le 2 juin 2013 auprès de la société CarClassic, mandataire du vendeur.
Les premiers juges ont en conséquence justement débouté Monsieur [K] de sa demande tendant à voir constater l'inexistence de la vente intervenue entre la société CarClassic et Monsieur [G].
3. sur la validité de la vente
Si Monsieur [K] demande à la Cour, à titre subsidiaire, de constater la nullité de la vente, il ne fait état d'aucune cause de nullité précise, ni, a fortiori, n'en démontre l'existence.
Alors qu'il a été démontré que la société CarClassic et Monsieur [G] ont donné un consentement non vicié aux obligations attachées à la vente de la voiture (livraison et paiement du prix), que le contrat a un objet certain formant la matière de leurs obligations et qu'il a une cause licite dans ces obligations et, enfin, que Monsieur [G] et la société Carclassic avaient la capacité de contracter, la seconde agissant en vertu d'un mandat de vente dûment signé par Monsieur [K], propriétaire du véhicule depuis 2012, et prorogé au-delà de sa durée initiale de trois mois, sont remplies les quatre conditions essentielles à la validité de la vente intervenue le 2 juin 2013, conformément aux dispositions de l'article 1110 ancien du code civil.
Les premiers juges ont donc à bon droit débouté Monsieur [K] de sa demande tendant à voir constater la nullité de ladite vente.
4. sur l'opposabilité de la vente à Monsieur [K]
L'article 1998 du code civil énonce que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il est ajouté que le mandant n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
Ainsi, l'engagement de vendre la voiture pour un prix de 175.000 euros à Monsieur [G] pris par la société CarClassic oblige Monsieur [K], alors qu'il n'est aucunement établi que le mandant ait outrepassé son pouvoir, tel qu'issu du mandat de vente donné par Monsieur [K] le 28 janvier 2013 pour trois mois et tacitement prorogé ensuite, sans qu'il n'y ait donc lieu à une ratification ultérieure.
Les premiers juges ont en conséquence justement retenu que la vente intervenue le 2 juin 2013 entre la société CarClassic et Monsieur [G] était opposable à Monsieur [K], sans avoir à statuer sur l'existence d'un mandat apparent alors qu'il n'est pas prouvé que le mandant ait excédé les pouvoirs qui lui avaient été confiés. Contrairement aux affirmations en ce sens de Monsieur [K], la société CarClassic a bien agi en vertu de son mandat et n'a ainsi pas simplement vendu la chose d'autrui.
5. sur la résolution du contrat de vente
L'article 1184 ancien du code civil, applicable en l'espèce, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à son engagement.
Monsieur [G] justifie du paiement du prix de la voiture de 175.000 euros convenu avec la société Carclassic, qu'il pouvait légitimement estimer être son vendeur et qui en tout état de cause agissait en vertu d'un mandat de vente émanant de Monsieur [K], propriétaire du véhicule, par deux virements tirés sur son compte ouvert auprès du Crédit Mutuel au profit de la société de vente automobile, de 150.000 euros le 17 juin 2013 et 25.000 euros le 18 juin 2013. Ces sommes ont effectivement été portées au compte courant de ladite société, ainsi qu'en atteste la Banque Postale les 23 octobre 2015 et 7 janvier 2016.
Les premiers juges ont en conséquence à bon droit retenu que ces paiements avaient bien été faits entre les mains du créancier, conformément aux termes de l'article 1239 ancien du code civil. Ils ont également à juste titre constaté la bonne exécution de la part du débiteur de son obligation et le caractère libératoire dudit paiement et débouté Monsieur [K] de sa demande tendant à voir ordonner la résolution du contrat de vente conclu le 2 juin 2013.
***
Il convient au terme de ces développements de confirmer le jugement en toutes ses dispositions principales.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de Monsieur [K].
Ajoutant au jugement, la Cour condamnera Monsieur [K], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel avec distraction au profit du conseil de Monsieur [G] qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Tenu aux dépens, Monsieur [K] sera également condamné à payer à Monsieur [G] la somme équitable de 5.000 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces condamnations emportent rejet des demandes présentées par Monsieur [K] de ces chefs.
Dispositif
Par ces motifs,
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 mars 2019 (RG n°16/17309) en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [T] [K] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Edmond Fromantin,
Condamne Monsieur [T] [K] à payer la somme de 5.000 euros à Monsieur [T] [G], en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.