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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 13 juin 2024, n° 23/00935

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

FP Bois (SARL), Axa France Iard (SA)

Défendeur :

Provost Distribution (SAS), Lorraine Stockage Manutention (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Camus-Demailly, Me Clément, Me Guillemant, Me Durmarque, Me Delahay, Me Morhange

T. com. Lille Métropole, du 26 janv. 202…

26 janvier 2023

Exposé du litige

****

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant une offre du 6 février 2019, modifiée le 8 février suivant, la société Lorraine stockage manutention (la société LSM) a commandé à la société Provost distribution (la société Provost) trente vestiaires pour le prix de 15 420 euros.

Le 30 avril 2019, la société LSM a demandé que la date de livraison des marchandises soit avancée au 13 mai suivant. La société Provost étant dans l'impossibilité d'assurer une livraison à cette date, la société LMS a fait appel à la société de transport Heppner, qui a sous-traité les opérations de transport à la société FP Bois.

En contrepartie, la société Provost a supprimé le coût du transport inclus dans le prix initial de la commande et a accepté l'enlèvement des marchandises sur son site d'[Localité 5], le 7 mai 2019.

Le 7 mai 2019, un camion de la société FP Bois s'est présenté sur le site de la société Provost, à [Localité 5], afin d'enlever les marchandises achetées, qui ont été endommagées ce jour-là.

Le 13 juin 2019, la société Provost a demandé, en vain, à la société LSM le paiement de sa facture n° 2163491 d'un montant de 15 306 euros correspondant au prix des trente vestiaires commandés.

Le 27 janvier 2021, la société Provost a assigné la société LSM devant le tribunal de commerce de Lille métropole en paiement de sa facture.

Le 4 octobre 2021, elle a également assigné la société FB Bois et son assureur, la société Axa France Iard (la société Axa), afin de les voir condamner solidairement, ou à défaut in solidum, à indemniser ses préjudices, sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

La société FB Bois et son assureur, la société Axa, ont notamment soulevé, in limine litis, l'incompétence territoriale du tribunal.

Par un jugement du 26 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille métropole, après avoir ordonné la jonction des instances, a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société LSM et s'est reconnu compétent pour statuer sur le litige ;

- rejeté les fins de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir, prescription ou forclusion, soulevées par la société FP Bois et son assureur, la société Axa ;

- jugé que la société LSM avait commis une faute contractuelle en ne réglant pas la facture de la société Provost ;

- jugé que la société FP Bois avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Provost ;

- ordonné la mobilisation de la garantie de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société FP Bois ;

- condamné solidairement les sociétés LSM, FP Bois et Axa à payer à la société Provost la somme de 15 306 euros en paiement de la facture du 13 juin 2019, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2020 ;

- condamné la société LSM à payer à la société Provost les sommes suivantes :

' 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

' les pénalités de retard calculées au taux de la BCE majoré de 10 points, à compter du 31 juillet 2019, date d'exigibilité de la facture ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- condamné solidairement les sociétés LSM, FP Bois et Axa à payer à la société Provost une indemnité procédurale de 3 000 euros, outre les dépens.

Le 24 février 2023, les sociétés FB Bois et Axa ont relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par leurs dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2023, les sociétés FB Bois et Axa demandent à la cour de :

Vu les articles 367 et 368, et 31 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L.133-1, L. 133-3, L. 132-4 et suivants du code de commerce ;

Vu l'article 1353 du code civil ;

Vu l'article L. 124-3 du code des assurances ;

Vu le contrat-type général (article D. 3222-2 du code des transports)

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

' les déboute de leur demande d'irrecevabilité pour prescription,

' juge que la société FP Bois a commis une faute délictuelle à l'égard de la société Provost,

' ordonne la mobilisation de la garantie de la société Axa en sa qualité d'assureur de la société FP Bois,

' condamne solidairement les sociétés Lorraine stockage, FP Bois et Axa à payer à la société Provost la somme de 15 306 euros au paiement de la facture du 13 juin 2019, outre les intérêts,

' condamne solidairement ces mêmes sociétés à une indemnité procédurale à la société Provost, ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau,

* à titre principal : déclarer irrecevable, pour cause de prescription, l'action de la société Provost ;

* à titre subsidiaire : rejeter cette action ;

* à titre encore plus subsidiaire :

- dire que le principal de la réclamation ne peut excéder 5 720 euros ;

- en tout état de cause, faire application des limitations légales de responsabilité à hauteur de 8 000 euros, toutes causes de préjudices confondues ;

* en tout état de cause :

- leur donner acte de ce qu'elles s'en rapportent à justice concernant l'exception d'incompétence soulevée par la société LSM ;

- rejeter la société Provost et tous autres contestants de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre elles, sociétés appelantes ;

- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité procédurale de 5 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 14 août 2023, la société LSM demande à la cour :

* Sur la compétence territoriale,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent ;

- juger que la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz est compétente ;

- renvoyer cette affaire devant cette juridiction ;

* Au fond,

- juger que le tribunal de commerce de Lille devait faire application de la prescription annale ;

- juger l'action de la société Provost prescrite et forclose ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée :

' solidairement avec les sociétés FP Bois et Axa, à payer à la société Provost la somme de 15 306 euros en règlement de la facture n° 2 163 491 du 13 juin « 201 » (sic), outre les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2020, date de la mise en demeure ;

' à payer à la société Provost la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

' à payer à la société Provost les pénalités de retard,

' solidairement avec les sociétés FP Bois et Axa, à payer à la société Provost une indemnité procédurale de 3 000 euros et les dépens ;

- débouter la société Provost de l'intégralité de ses demandes « telles que jugées » à son encontre à elle, société LSM ;

- condamner solidairement et à défaut in solidum la société Provost et toute(s) partie(s) succombante(s) à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité procédurale, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juillet 2023, la société Provost demande à la cour de :

Vu le code civil, et notamment ses articles 1103, 1104 et 1231-1 et 1231-6 dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1582 ;

Vu le code de commerce, et notamment ses articles L. 110-3 et L. 441-10-II, et 46 et 700,

* A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées toutes les demandes dirigées contre elle ;

* A titre subsidiaire, si la cour accueillait l'argumentation des appelantes et infirmait le jugement entrepris :

Statuant de nouveau, condamner en toutes hypothèses la société LSM à lui payer les sommes suivantes :

- la somme principale de 15 306 euros TTC en paiement de la facture du 13 juin 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2020 ;

- 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- 6 432,40 euros au titre des pénalités de retard, cette somme restant à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir ;

* À titre très subsidiaire, si la cour limitait le préjudice au montant des vestiaires endommagés ou détruits :

Statuant de nouveau :

- condamner les sociétés FP Bois et Axa AXA, solidairement ou à défaut in solidum avec la société LSM, à lui payer la somme de 5 720,04 euros hors taxes ;

* En tout état de cause :

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner solidairement, et à défaut in solidum, toute(s) partie(s) succombante(s) à lui payer une indemnité procédurale de 10 000 euros ;

- condamner solidairement, et à défaut in solidum, toute(s) partie(s) succombante(s) aux dépens, dont distraction au profit de Me Guillemant.

Motivation

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera observé que, dans leurs conclusions d'appel (p. 8 et p.10), les sociétés FP Bois et Axa, appelantes, abandonnent expressément les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir et de la forclusion de l'article L. 133-3 du code des transports, qu'elles avaient soulevées en première instance.

Quant à la société LSM, si elle demande, dans le dispositif de ses conclusions, que l'action de la société Provost soit jugée « prescrite et forclose », elle se prévaut en réalité exclusivement de l'application de la prescription annale, sans invoquer aucun moyen de forclusion.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir et de la forclusion.

I- Sur l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société LSM

Ainsi que le relèvent les appelantes (p. 8), il n'est pas contesté que le présent litige, afférent à une vente et à un contrat de transport routier, est soumis à la loi française.

Les premiers juges ont retenu qu'en application de l'article 46 du code de procédure civile, la société Provost, demanderesse, était fondée à saisir le tribunal de commerce de Lille métropole, lieu du fait dommageable. Ils ont, dès lors, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société LSM.

En appel, les sociétés FP Bois et Axa indiquent, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, s'en rapporter à justice sur ce point. Cependant, non seulement elles ne demandent pas l'infirmation de ce chef de dispositif du jugement dans le dispositif de leurs dernières conclusions, mais en tout état de cause, elles n'ont pas expressément critiqué ce chef de dispositif dans leur déclaration d'appel du 24 février 2023. Dans ces conditions, la cour n'est pas régulièrement saisie, par les appelantes, d'une critique portant sur ce chef de dispositif.

De son côté, la société LSM, intimée, forme un appel incident contre ce chef de dispositif, en demandant, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent. Néanmoins, dans les motifs de ses écritures, elle n'articule aucune critique sur ce point (cf. ses conclusions, pp. 13 et 14).

Dès lors, la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige.

II- Sur le fond

Les appelantes soulèvent la prescription fondée sur l'article L. 133-6 du code de commerce. A l'appui, elles font valoir ces éléments (p. 8 et s.) :

- le recours formé contre elles par la société Provost est de nature contractuelle ;

- de l'aveu de la société Provost, c'est la société LSM qui a commandé l'organisation du transport à la société Heppner, laquelle « est intervenue comme donneur d'ordre de cette dernière, commissionnaire, laquelle a sous-traité l'opération de transport à la société FP Bois » (p. 9) ;

- vis-à-vis de la société FP Bois, il importe peu, concernant le moyen tiré de la prescription « et au visa de l'indépendance du contrat de transport par rapport au contrat de vente », que ce soit le vendeur ou l'acheteur qui exerce une action fondée sur l'exécution du contrat de transport. C'est bien « dans le cadre du besoin de livraison induit par la vente » conclue entre les sociétés Provost et LSM que cette dernière s'est adressée à la société Heppner. Les sociétés Provost et LSM « sont logées à la même enseigne » : la demande de l'une d'entre elles (ici la société Provost) étant fondée sur l'exécution du contrat de transport, toutes deux sont soumises aux règles impératives des articles L. 133-1 et suivants du code de commerce ;

- il n'est pas contesté que le dommage s'est produit le 7 mai 2019 au cours des opérations de chargement, l'opération de chargement étant la première phase du contrat de transport (art. 7 du contrat type et art. D. 3222-1 du code des transports) ;

- en vertu de la jurisprudence, l'action de la société Provost est immanquablement soumise à la prescription annale de l'article L 133-6, applicable en matière de transport routier national ;

- la société Provost « ressort comme expéditeur apparent et chargeur réel » vis-à-vis de la société FP Bois et, partant, comme étant partie au contrat de transport au sens de l'article L. 132-8 du code précité. D'un point de vue strictement documentaire, il est incontestable que cette société « ressort directement, depuis son papier en tête, comme l'expéditeur à l'opération de transport » et a donc participé à l'exécution opérationnelle et juridique du contrat de transport. De l'aveu même du responsable du site logistique de la société Provost, c'est bien directement depuis son site d'[Localité 5], qu'elle exploite exclusivement, que la prestation de chargement est intervenue. La société Provost est donc bien intervenue comme « expéditeur apparent et chargeur réel » et, partant, se trouve partie au contrat de transport ;

- le fait, pour la société Provost, d'avoir supprimé de la commande les frais de transport n'a aucune incidence sur la réalité de son intervention en qualité d'expéditeur au transport et « l'endossement des responsabilités qui en résulte[nt] » ;

- comme l'ont retenu les premiers juges, c'est d'un commun accord entre les sociétés Provost et LSM qu'il a été convenu que ce soit un transporteur choisi par la seconde qui intervienne ;

- il ressort de la déclaration du responsable logistique de son site d'[Localité 5] que la société Provost avait parfaitement conscience d'intervenir en tant que « chargeur » à l'opération de transport ;

- si la société Provost a bien intérêt à agir contre la société FP Bois, alors les règles applicables au contrat de transport, dont la prescription annale, lui sont automatiquement opposables (Com. 23 mars 2022) ;

- en se bornant à relever que la société Provost n'a conclu aucun contrat de transport, le tribunal est « non seulement passé à côté de la question mais a manifestement [...] confondu les notions de donneur d'ordres et d'expéditeur » ;

- le seul fait que la société Heppner ait mandaté la société FP Bois ne signifie pas que la société Provost doive être considérée comme tiers au contrat de transport ;

- contrairement à ce que le tribunal a cru comprendre, il n'est pas question d'assimiler les notions d'expéditeur et de propriétaire de la marchandise, mais simplement de rappeler que le propriétaire peut « devenir expéditeur en remettant de façon effective la marchandise objet du contrat de transport », ce qui est le cas en l'espèce de la société Provost à l'égard de la société FP Bois ;

- en conclusion, la société Provost se trouve doublement soumise aux effets impératifs du contrat de transport : d'abord, parce qu'elle recherche la responsabilité de la société FP Bois au titre d'une mauvaise exécution du contrat de transport, ensuite, parce qu'elle avait la qualité d'expéditeur à ce contrat, indépendamment de l'intervention de la société Heppner, commissionnaire de transport ;

- en l'espèce, le point de départ du délai de prescription fixé par l'article L. 133-6 étant fixé au 7 mai 2019, ce délai était expiré lorsque l'assignation leur a été délivrée à elles, appelantes, le 4 octobre 2021.

La société LSM se prévaut, elle aussi, de la prescription annale édictée par l'article L. 133-6. A l'appui, elle fait valoir que :

- la faute à l'origine du dommage ayant été commise à l'occasion d'une prestation de transport, les règles relatives aux contrats de transport routier et « celles du commissionnaire » s'appliquent, à savoir « les contrats types », s'agissant d'une livraison intervenue en France (p. 13) ;

- la société Heppner, commissionnaire, est exonérée de sa responsabilité en vertu des règles applicables à la commission de transport, la faute ayant été commise volontairement par le chauffeur de son substitué, la société de transport FP Bois. Ce transporteur est le seul responsable du préjudice subi par la société Provost ;

- la responsabilité du fait des subordonnés est une responsabilité de droit commun qui n'a pas à s'appliquer en l'espèce, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Le destinataire doit seulement prouver son préjudice ;

- en conséquence, le contrat de vente entre les sociétés Provost et elle, LSM, est accessoire au litige et, l'accessoire suivant le principal, les règles de la responsabilité sont celles prévues « au contrat type transport général » et conduisent à conclure à la responsabilité du transporteur, la société FP Bois ;

- le tribunal aurait dû « prononcer la prescription de l'action de la société Provost (...) et prononcer en conséquence la forclusion de son action » (v. ses conclusions, p. 14, § 11).

En réponse, la société Provost estime qu'elle a la qualité de tiers au contrat de transport (v. ses conclusions, pp. 11 à 14, et pp. 17 à 21). Elle fait notamment valoir ces éléments :

- le rapport d'expertise amiable du cabinet Texa qu'elle produit est opposable, dès lors qu'il a été établi contradictoirement - l'ensemble des parties a été régulièrement convoqué aux opérations d'expertise - et soumis à la discussion des parties à l'occasion du débat au fond ;

- les conclusions de cet expert amiable sont décisives sur trois points :

' elle est totalement étrangère à la relation de transport existant entre les autres parties au litige ;

' les marchandises endommagées ont été chargées dans le camion de la société PF Bois, de sorte que la société LSM est devenue seule responsable de leur sort ;

' la responsabilité de la société FP Bois est entière dans la survenance du sinistre ;

- en réponse à l'argumentation soulevée en appel (pp. 17 à 21) :

' elle n'a signé aucun contrat de transport, au sens de l'article L. 132-8 du code des transports :

- alors que la preuve leur incombe, les appelantes ne démontrent pas l'existence d'un contrat de transport entre elle et la société Heppner ou la société FB Bois, sous-traitante de celle-ci ;

- ce contrat n'a jamais existé car ce n'est pas elle, société Provost, qui a fait appel à la société Heppner et conclu le contrat de transport avec celle-ci. Après plusieurs changements, la société LSM a finalement décidé de faire son affaire personnelle du transport des marchandises achetées, concluant à cette fin en qualité d'expéditeur avec la société Heppner ;

- en l'absence de contrat, l'argumentation des appelants sur la prescription annale ne peut qu'être rejetée ;

' la relation contractuelle de transport est impossible, dès lors qu'elle, société Provost, a expressément renoncé à assumer le transport des marchandises :

- cette renonciation s'est matérialisée par le retrait des frais de transport de la facture adressée à la société LSM, conformément à ce qu'elle avait écrit à cette dernière dans un courriel du 3 mai 2019 ;

' les pièces versées aux débats démontrent qu'elle a la qualité de tiers au contrat de transport :

- la pièce n° 2 de la société FP Bois démontre que le contrat de transport a été conclu entre la seule société LSM et la société Heppner, qui a sous-traité la prestation à la société FP Bois ;

- le fait que les marchandises aient été enlevées sur son site à elle, société Provost, ne fait pas d'elle l'expéditeur ;

- elle n'est pas intervenue dans le choix du transporteur, ni dans celui des date, heure et modalités d'enlèvement des marchandises ;

' son absence de qualité d'expéditeur a été confirmée lors des opérations d'expertise amiable contradictoires du cabinet Texa :

- en atteste le « schéma contractuel pour la prestation de transport » établi par ce cabinet ;

- au cours des opérations d'expertise, il n'a jamais été contesté qu'elle était totalement étrangère à la prestation de transport. Les sociétés FP Bois et Axa ne peuvent donc désormais alléguer qu'elle aurait la qualité « d'expéditeur apparent et chargeur réel » vis-à-vis de la première ;

- étant ainsi tiers au contrat de transport, ne peuvent lui être opposés ni la prescription de l'article L. 133-6 du code de commerce ni les plafonds de garantis tirés de l'article 22 du contrat type général.

A titre subsidiaire, si la cour considérait son action prescrite à l'égard de la société FP Bois et de son assureur (pp. 22-23), la société Provost demande la confirmation du jugement quant à la responsabilité de la société LSM. En effet :

- le contrat de vente l'unissant à la société LMS est indépendant de la relation contractuelle de transport unissant les sociétés LMS et Heppner ou FP Bois, son sous-traitant ;

- dès lors, même si son action contre la société FP Bois et son assureur était prescrite, elle demeurerait recevable et bien fondée contre la société LSM ;

- la livraison, définie par l'article 4 des conditions générales acceptées par la société LMS, est intervenue, les marchandises ayant été chargées dans le camion de la société FP Bois avant d'être balancées par le chauffeur. La société LMS est entrée en possession et devenue pleinement responsable des vestiaires à compter de leur chargement dans le camion, de sorte que l'exigibilité de la somme due au titre de la facture litigieuse ne peut être querellée, non plus que les intérêts de retard et l'indemnité forfaitaire de gestion.

En tout état de cause (pp. 24 et 25), la société Provost ajoute que le jugement doit être confirmé en ses dispositions condamnant les sociétés adverses à réparer son entier préjudice. En effet :

- les appelantes ne peuvent exciper d'une limitation des préjudices à hauteur de 5 720 euros ;

- le transfert des risques entre elle et la société LSM s'est opéré dès la montée des marchandises dans le véhicule de la société FP Bois, de sorte que la facture du 13 juin 2019 était exigible, ainsi que les accessoires (pénalités de retard et indemnité forfaitaire de recouvrement), qui ont été mis à la charge de la seule société LSM en tant que sa seule cocontractante à elle, société Provost ;

- le rapport d'expertise Texa fait état d'un préjudice de 5 720 euros correspondant au remplacement de 12 vestiaires détruits et de10 réparables. Toutefois, la société FP Bois est responsable au même titre que la société LMS ; sa condamnation, avec son assureur, ne peut être limitée au montant des vestiaires détruits ou endommagés, dès lors que ses agissements coupables ont conduit non seulement à la destruction des vestiaires, mais encore à l'impayé de la facture litigieuse (de 15 306 euros), à la suite de cet épisode regrettable, la société LMS n'a pas honoré ses obligations contractuelles, estimant, à tort, n'avoir pas été livrée. La société FP Bois est donc responsable de la destruction des vestiaires et des conséquences du défaut de paiement de la facture en cause.

Réponse de la cour :

II- 1°/ Sur la demande en paiement formée par la société Provost contre la société LSM

En droit, il résulte en principe de l'article 1583 du code civil que la vente est parfaite, et opère donc transfert de propriété sur l'acheteur, dès que les parties se sont entendues sur la chose et le prix, de sorte que le moment du transfert de propriété coïncide avec celui du transfert des risques sur l'acheteur. Toutefois, ce texte n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent déroger à cette règle et convenir de ce que la charge des risques sera différée à une autre date.

En l'espèce, il est constant, et résulte d'ailleurs du bon de commande du 8 février 2019 versé aux débats, que la société LMS a commandé à la société Provost trente vestiaires grillagés pour le prix total de 15 420 euros, incluant initialement 400 euros de « port commercial ». La date de livraison de ces marchandises a fait l'objet, entre les parties, de nombreux échanges par courriels à l'issue desquels la société LMS a indiqué à la société Provost, le 3 mai 2019, que l'enlèvement des marchandises se ferait par les transports Heppner le 7 mai. Prenant acte de cette décision, la société Provost lui a répondu, par un courriel du même jour, que la commande avait été modifiée en supprimant les frais de transport et que les marchandises seraient disponibles à l'enlèvement sur son site d'[Localité 5] le 7 mai 2019.

La facture litigieuse, dont la société Provost réclame le paiement, s'élève à la somme totale de 15 306 euros, montant que la société LSM ne conteste pas.

L'article 4 des conditions générales de vente de la société Provost, dont la société LMS ne discute pas l'opposabilité à son endroit, stipule que « les risques sont transférés au client dès la livraison du produit, laquelle est réputée réalisée dès la sortie des entrepôts de Provost. »

En l'occurrence, il n'est pas contesté que la société Heppner, choisie par la société LMS (v. la pièce n° 31 de la société Provost), a sous-traité les opérations de transport à la société FP Bois et que le chauffeur de celle-ci s'est présenté sur le site de la société Provost le 7 mai 2019, ainsi que l'acheteur et le vendeur en étaient convenus.

Ces éléments sont corroborés par le document intitulé « suivi de transport » établi à l'entête de la société Provost le 7 mai 2019 et signé par le chauffeur de la société FP Bois (pièce n° 30 de cette partie), qui atteste que ce dernier est arrivé sur le site d'[Localité 5] à 9h19 et que le chargement des marchandises s'est achevé à 10h50.

Ce chargement établit la réalité de la « sortie des entrepôts Provost » de la marchandise et, partant, sa livraison emportant le transfert des risques sur l'acheteur, conformément à l'article 4 précité.

Dans son audition par les services de police, le 7 mai 2019 à 16h05, le responsable de la logistique du site de la société Provost à [Localité 5] a déclaré qu'après que la marchandise a été chargée dans le camion de la société FP Bois, le chauffeur, mécontent de la place que ce chargement prenait, a demandé que la marchandise soit déchargée puis l'a jetée du camion, occasionnant ainsi des dégâts sur les biens vendus.

Le contrat de vente et le contrat de transports étant juridiquement distincts, c'est à mauvais escient que la société LMS, acheteur, oppose à son vendeur, la société Provost, le prétendu caractère accessoire de la vente par rapport au contrat principal de transport, ou encore la faute exclusive du chauffeur du transporteur dans les dommages survenus à la marchandises, pour en conclure à l'applicabilité du délai de prescription annale de l'article de l'article L. 133-6, alors que ce texte n'est pas applicable aux relations contractuelles entre vendeur et acheteur.

Les dommages à la marchandise étant survenus après la livraison et le transfert des risques sur la société LSM, acheteur, celle-ci est donc redevable à l'égard de son vendeur de la facture querellée du 13 juin 2019, en application des conditions générales de vente applicables.

Pour ces seuls motifs, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société LSM à payer à la société Provost la somme principale de 15 306 euros au titre de cette facture. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En outre, aucun moyen n'étant opposé aux demandes de la société Provost tendant à la condamnation de la société LSM aux pénalités de retard et à l'indemnité forfaitaire de recouvrement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a assorti cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2020, sur le fondement de l'article L. 441-10 du code de commerce, et condamné la société LMS au paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.

Il sera seulement précisé, à toutes fins utiles, que, la cour accueillant la demande principale de la société Provost tendant à la confirmation du jugement à l'égard de la société LSM, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire tendant à ce que les pénalités de retard soient fixées à la somme de 6 432,40 euros - et ce d'autant moins que cette somme correspond aux pénalités échues entre le 31 juillet 2019 et le 1er janvier 2023, soit à une date antérieure à la date du présent arrêt.

II-2°/ Sur la demande en paiement formée par la société Provost contre la société PF Bois et son assureur

- Sur le moyen tiré de la prescription :

En droit, l'article L. 133-6 du code de commerce, alinéa 1, édicte un délai de prescription d'un an concernant « les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport. »

La mise en oeuvre de ce texte présuppose ainsi l'existence d'un contrat de transport.

Le contrat de transport routier de marchandises est une convention par laquelle une personne, le transporteur, s'engage à déplacer des marchandises, d'un endroit à un autre, au moyen d'un engin de transport routier, en contrepartie du paiement d'une somme d'argent.

Ce contrat étant soumis au principe du consensualisme, sa formation est subordonnée à la seule rencontre de volonté des parties et au respect des conditions de validité de droit commun, sans que sa validité dépende de la remise des marchandises au transporteur ou à l'établissement d'un écrit.

Il résulte de l'article L. 132-8 du code des transports que le contrat de transport peut avoir plusieurs parties :

- l'expéditeur et le transporteur ;

- l'expéditeur, le transporteur et le destinataire ;

- l'expéditeur, le destinataire, le transporteur et le commissionnaire.

L'expéditeur, également appelé « donneur d'ordre » par les contrats types, est la personne qui conclut le contrat de transport en son nom. C'est lui qui obtient du transporteur l'engagement d'acheminer les marchandises d'un lieu à un autre en contrepartie du paiement d'un prix. En tant que partie au contrat de transport, l'expéditeur peut demander au transporteur la réparation de ses dommages résultant de l'inexécution du contrat sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Tel qu'indiqué ci-dessus, le contrat de transport est juridiquement distinct et indépendant du contrat de vente des marchandises transportées. Le vendeur « départ » est seulement tenu de remettre les marchandises au transporteur pour s'acquitter de son obligation et n'est pas expéditeur ni, donc, lié par le contrat de transport (v. par ex. : Com. 28 oct. 2008, n° 07-20.786 ; Com. 11 oct.2011, n° 10-20.455).

Le vendeur étant un tiers au contrat de transport, il résulte notamment de l'effet relatif des contrats que :

' d'une part, le vendeur ne peut ni profiter des règles applicables au contrat de transport ni en subir les effets. Lui sont ainsi inopposables les règles favorables au transporteur, à l'instar de la prescription annale de l'article L. 132-6 ou des plafonds d'indemnisation légaux ou conventionnels ;

' d'autre part, s'il subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat de transport, le vendeur ne peut en demander réparation que sur le fondement de la responsabilité délictuelle, sans pouvoir se prévaloir de la présomption de responsabilité pesant sur le transporteur.

Néanmoins, par exception au principe d'indépendance entre les contrats de transport et de vente, le vendeur peut, dans certaines hypothèses, devenir expéditeur dans le contrat de transport. Dans ce cas, afin d'exécuter son obligation de livraison à l'égard de l'acheteur, c'est lui qui conclut le contrat de transport destiné à confier l'acheminement des marchandises à un transporteur.

En outre, le « vendeur départ » peut également se voir reconnaître la qualité de mandataire de l'expéditeur lorsqu'il accepte, pour le compte de son client acheteur, de rechercher un transporteur afin d'exécuter le transport. Dans ce cas de figure, s'il conclut le contrat de transport sans indiquer qu'il agit pour le compte de son client, ce « vendeur départ » revêt, à l'égard du transporteur, la qualité d'expéditeur apparent. A l'inverse, si ce vendeur conclut le contrat de transport en indiquant agir au nom et pour le compte de l'acheteur, il n'est qu'un simple intermédiaire, tiers au contrat de transport.

Enfin, en application de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui invoque le contrat de transport à son profit de rapporter la preuve de ce qu'il est partie à ce contrat et de ce que celui contre lequel il agit est partie à ce contrat (v. par ex. Com. 13 févr. 2007, n° 05-18590, publié).

Avant d'examiner ces principes à l'aune de la situation de l'espèce, il importe d'observer que la documentation juridique produite par les sociétés appelantes elles-mêmes ne dit pas autre chose. Ainsi :

- la documentation produite sous leur pièce n° 7 confirme notamment le principe d'indépendance entre les contrats de vente et de transport, ainsi que l'applicabilité des règles de la responsabilité délictuelle lorsque le demandeur à l'action n'est pas partie au contrat de transport en cause, notamment concernant l'action intentée par le propriétaire de la marchandise contre le transporteur, dès lors qu'il ne figure ni comme expéditeur ni comme destinataire sur le document de transport ;

- la documentation produite sous leur pièce n° 10 rappelle, concernant la prescription annale prévue par l'article L. 133-6, que ce texte s'applique à condition que l'action engagée soit fondée sur le contrat de transport ou des faits se rattachant accessoirement à ce contrat, par exemple une prestation de manutention, auquel cas l'action est de nature contractuelle ;

- la documentation produite sous leurs pièces n° 14 et 15 mentionne que le droit d'agir en responsabilité contre le transporteur, en vertu du contrat de transport, est réservé aux parties à ce contrat, c'est-à-dire l'expéditeur, le destinataire et, le cas échéant, le commissionnaire, et que « même la qualité de propriétaire des marchandises ne peut conférer le droit d'agir contractuellement contre le voiturier ». La pièce n° 14 contient en particulier la citation d'une autrice spécialisée en matière de transport, Mme [S], selon laquelle : « l'action en responsabilité née du contrat de transport appartient aux parties à ce contrat et à elles seules. Toute autre personne alléguant un préjudice que lui aurait causé l'exécution de ce contrat devra agir par d'autres voies. Ainsi, par exemple, le propriétaire de la marchandise, se prévalant de cette seule qualité, doit se placer sur le terrain extra-contractuel » ;

- et la documentation de leur pièce n° 15 indique encore que si les tiers ne peuvent agir contre le voiturier sur le fondement du contrat de transport, ils sont néanmoins recevables à agir sur le terrain délictuel en réparation du préjudice subi par suite d'une faute commise dans l'exécution de ce contrat.

En l'espèce, il incombe aux sociétés appelantes de rapporter que la société Provost est partie au contrat de transport litigieux, ainsi qu'elles le soutiennent.

Pour tenter de rapporter cette preuve, les appelantes prétendent que la société Provost aurait la qualité d' « expéditeur apparent et chargeur réel » (cf. p. 10 de leurs conclusions).

L'emploi de cette formule « globale » ne permet pas de déterminer avec certitude si, ce disant, les appelantes considèrent que les qualités « expéditeur apparent » et de « chargeur réel » constituent deux qualités équivalentes, en quelque sorte synonymes l'une de l'autre, ou si, au contraire, selon elles, ces notions doivent être distinguées l'une de l'autre.

S'il convenait de privilégier cette dernière interprétation, force est de constater que la notion de « chargeur » n'est généralement employée qu'en matière de transport maritime de marchandise pour désigner la personne physique ou morale qui, ayant souscrit un contrat d'affrètement, a embarqué des marchandises à bord d'un navire ; le chargeur est une partie au contrat de transport maritime, ce que corrobore d'ailleurs l'arrêt produit par les appelantes en pièce n° 13 (Com. 23 mars 2022, n° 19-16466), relatif à un contrat de transport maritime. Toutefois, en l'occurrence, le contrat de transport litigieux est un contrat de transport national routier. Et si le terme de « chargeur » est parfois usité en matière de transport routier, il constitue alors un synonyme de « donneur d'ordre », autrement dit d'expéditeur.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour déduira de leurs conclusions que les sociétés appelantes se prévalent de la seule qualité d'« expéditeur apparent » de la société Provost, ce que confirme la lecture de la suite leurs conclusions, qui renvoient à sa qualité d' « expéditeur. »

Au cas présent, aucune lettre de voiture n'a été signée entre les parties au contrat de transport, mais il résulte des conclusions et des pièces versées aux débats, notamment de l'offre commerciale établie par la société Heppner au profit de la société LSM le 3 mai 2019 (cf. la pièce n° 31 de la société Provost), que cette dernière a choisi la première afin d'assurer le transport de la marchandise acquise auprès de la société Provost, pour la prendre sur le site de cette dernière à [Localité 5] et l'acheminer vers un client domicilié à [Localité 4]. Dans ce contrat de transport, la société LSM est donc l'expéditeur et la société Heppner le transporteur.

Pour les motifs déjà explicités précédemment, il est également établi que la société Heppner a sous-traité le transport à la société FP Bois et que le dommage à la marchandise vendue par la société Provost à la société LSM est survenu après le chargement dans le camion de la société FP Bois, lorsque le chauffeur de cette dernière a balancé la marchandise au sol, en détruisant une partie.

Pour prétendre que la société Provost serait un expéditeur apparent à l'égard de la société FP Bois, les sociétés appelantes se prévalent, d'abord, de leur pièce n° 3 (correspondant à la pièce n° 30 de la société Provost), intitulée « bon de transport », déjà évoquée ci-dessus. Cette pièce est certes un document à l'entête de la société Provost, mais, elle a été établie après le chargement de la marchandise à bord du camion de la société FP Bois et était uniquement destinée à attester de la bonne exécution du chargement, autrement dit de la livraison par la société Provost, via la remise de la marchandise entre les mains du chauffeur de la société FP Bois le 7 mai 2019. La cour ne voit pas en quoi cette pièce, établie postérieurement au chargement, aurait pu faire légitiment accroire à la société FP Bois - qui ne produit par les éléments par lesquels la société Heppner lui a confié la sous-traitance du transport - que la société Provost était apparemment l'expéditeur de la marchandise.

La seconde pièce invoquée par les appelantes est l'audition du responsable logistique de la société Provost sur le site d'[Localité 5]. Cependant, la circonstance que, dans son audition par les services de police le 7 mai 2019, ce responsable a confirmé que le chargement de la marchandise était intervenu sur le site d'[Localité 5] n'est pas de nature à démontrer en quoi la société Provost avait, à l'égard de la société FP Bois, la qualité d'expéditeur apparent. Le site de la société Provost localisé à [Localité 5] ne constituait que le lieu d'enlèvement de la marchandise.

En définitive, au vu des pièces versées aux débats, il n'est pas établi que la société Provost aurait eu la qualité d'expéditeur apparent à l'égard de la société FB Bois et, partant, qu'elle aurait acquis la qualité de partie au contrat de transport. En tant que tiers au contrat de transport, la société Provost ne peut donc se voir opposer la prescription annale édictée par L. 133-6 du code de commerce, alinéa 1, ce texte ne lui est pas applicable. Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

- Sur la demande indemnitaire formée par la société Provost contre la société FP Bois et son assureur :

En droit, tel que rappelé ci-dessus, le vendeur qui subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat de transport peut en obtenir la réparation auprès du transporteur sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

En effet, selon une jurisprudence constante (Ass. Plén. 6 oct. 2006, 05-13.255, publié, invoqué par la société Provost, cf. ses conclusions p. 15, note 24) et récemment confirmée (Ass. Plén. 13 janv. 2020, n° 17-19963, publié), le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Il suffit alors à ce tiers d'établir un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit, sans qu'il soit tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. Plén. 13 janv. 2020, préc.).

Par ailleurs, il appartient à la victime d'un préjudice d'établir la réunion des trois conditions subordonnant le succès de son action indemnitaire : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En vertu du droit à la réparation intégrale du préjudice, le responsable d'un dommage doit réparer tout le dommage, mais rien que le dommage ; autrement dit, la réparation doit s'effectuer sans perte ni profit pour la victime.

Enfin, en matière d'expertise non judiciaire, le principe est que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut cependant pas se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties  (Ch. Mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18710, publié). Encourent donc la cassation les décisions qui fixent un préjudice en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise amiable (v. par ex. : Com., 29 nov. 2017, n° 16-18954 ; 2e Civ., 12 déc. 2019, n° 18-12687) comme celles qui écartent une expertise non judiciaire régulièrement communiquée et soumise à la discussion des parties dès lors que cette pièce n'est pas le seul élément de preuve susceptible d'être retenu (v. par exemple : Com. 13 sept. 2017, n° 16-10287 ; 2e Civ., 23 mai 2019, n° 18-16262).

En l'espèce, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, la société Provost étant un tiers au contrat de transport agissant contre le transporteur sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les limitations de garanties prévues au contrat type ne sont pas applicables. Par conséquent, doit être rejetée la demande plus subsidiaire des sociétés appelantes tendant à ce qu'il soit fait application, en tout état de cause, des limitations légales de responsabilité - ici à hauteur de 8 000 euros, toutes causes de préjudices confondues.

En deuxième lieu, le manquement contractuel imputable à la société de transport FP Bois est caractérisé, puisque qu'il résulte des conclusions concordantes des parties sur ce point et des pièces versées aux débats que le chauffeur de ce transporteur a jeté au sol la marchandise qui venait d'être chargée à bord du camion de la société FP Bois.

Au vu des pièces versées aux débats cette faute a causé un dommage à la marchandise à transporter, constituée de 30 vestiaires en grillage métallique galvanisé, et le lien de causalité entre cette faute du chauffeur et ce dommage est établi, notamment par : l'audition du responsable logistique de la société Provost devant les services de police, réalisée le jour même des faits, le 7 mai 2019 ; les photographies prises par le service juridique de la société Provost et envoyées à la société LSM dès le 22 mai 2019 ; et le procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 11 juin 2019, dont les clichés photographiques montrent qu'une partie des vestiaires devant être livrés a été endommagée, certaines barres de métal étant tordues. L'huissier a ainsi constaté que sur le lot de 30 vestiaires, seuls 8 d'entre eux étaient intacts et que 22 comportaient des « dégradations majeures. »

Dans son rapport d'expertise amiable établi le 10 janvier 2020 et dressé contradictoirement à l'égard de la société Axa, assureur des sociétés Heppner et FP Bois, après convocation des sociétés LSM, Heppner et FP Bois par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (pièce n° 33 de la société Provost), le cabinet Texa, missionné par l'assureur de la société Provost, a constaté que sur les 30 vestiaires achetés par la société LSM à la société Provost, 12 étaient à remplacer et 10 réparables. Les constatations de cet expert amiable étant dès lors corroborées par d'autres pièces produites par les parties, la cour est tenue de tenir compte de ce rapport amiable.

Le cabinet Texa évalue le préjudice subi par la société Provost à la somme totale de 5 720,04 euros, compte tenu du caractère réparable de 10 vestiaires sur 30.

La société Provost n'étant fondée qu'à demander la réparation du préjudice résultant directement de la faute délictuelle commise par le chauffeur de la société FP Bois, elle ne peut demander la condamnation de cette dernière, avec son assureur, à lui payer la somme de 15 306 euros correspondant à la totalité de la facture impayée par la société LSM au titre des 30 vestiaires, dès lors que cet impayé n'est pas en lien de causalité directe avec cette faute.

En définitive, la société FP Bois et son assureur doivent donc être condamnés solidairement à payer à la société Provost la somme de 5 720,04 euros en réparation du préjudice résultant de cette faute

Cette faute délictuelle ayant concouru, avec la faute contractuelle commise par la société LSM, à la réalisation du même dommage, les sociétés appelantes seront condamnées in solidum avec la société LSM, mais dans la limite de la somme de 5 720,04 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société FP Bois avait commis une faute délictuelle, ordonné « la mobilisation de la garantie » de son assureur, la société Axa, et, en revanche, infirmé sur le quantum des dommages et intérêts dus par la société FP Bois et son assureur et sur la condamnation de celles-ci prononcée solidairement avec la société LSM.

Aucune critique n'était formée concernant les chefs du jugement relatifs, d'un côté, au point de départ des intérêts assortissant la condamnation prononcée contre les appelantes, de l'autre, à la capitalisation de ces intérêts, ces chefs seront confirmés.

II - 3°/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La solidarité est d'origine légale ou conventionnelle et aucun texte n'édicte une telle solidarité entre les parties succombantes à un litige concernant la condamnation aux dépens ou à l'indemnité procédurale fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, les sociétés appelantes et la société LSM, succombant pour l'essentiel, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale au titre de la procédure d'appel.

Le jugement entrepris sera infirmé uniquement en ce qu'il a prononcé une condamnation solidaire au titre des dépens et de l'indemnité procédurale de première instance.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

- CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

' condamné les sociétés FP Bois et Axa France Iard, solidairement avec la société Lorraine stockage manutention, à payer à la société Provost distribution la somme de 15 306 euros en paiement de la facture du 13 juin 2019 ;

' prononcé solidairement les condamnations des sociétés Lorraine stockage manutention, FP Bois et Axa France Iard au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

- CONDAMNE les sociétés FP Bois et Axa France Iard, solidairement entre elles et in solidum avec la société Lorraine stockage manutention, à payer à la société Provost distribution la somme de 5 720,04 euros, en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2020 ;

- DIT que les condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont prononcées in solidum entre les sociétés FP Bois, Axa France Iard et Lorraine stockage manutention ;

Y ajoutant,

- CONDAMNE in solidum les sociétés FP Bois, Axa France Iard et Lorraine stockage manutention aux dépens d'appel et DIT que, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, Me Guillemant pourra recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes formées par les sociétés FP Bois, Axa France Iard et Lorraine stockage manutention, et LES CONDAMNE in solidum à payer à la société Provost distribution la somme globale de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel.