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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 12, 18 juin 2024, n° 23/14348

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Amnesty International France (Association), Est Ensemble, France Nature Environnement (Association), Éco Maires (Association), Notre Affaire à Tous (Association), Région Centre Val de Loire, Sherpa (Association), Zéa (Association)

Défendeur :

TotalEnergies (SE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Renard, Mme Moisan

Avocats :

Me Etevenard, Me Mabile, Me de Cambiaire, Me Boccon Gibod, Me Chemla, Me Lazerges

CA Paris n° 23/14348

17 juin 2024

FAITS ET PROCÉDURE :

La société TotalEnergies SE, société de tête du groupe Total Energies ayant son siège social à [Localité 37], est une compagnie mondiale multi-énergies de production et de fournitures d'énergies: pétrole et biocarburants, gaz naturel et gaz verts, renouvelables et électricité. Présente dans plus de 130 pays, elle compte près de 108.000 collaborateurs.

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 a mis en place un devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre remplissant des conditions de seuil, codifié à l'article L225-102-4 du code de commerce, qui impose d'établir et de mettre en oeuvre de manière effective un plan de vigilance. Ce plan doit comporter (I) ' les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachés à cette relation. [....] Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein des filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes:

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité.

Le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en oeuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Un décret en Conseil d'Etat peut compléter les mesures de vigilance prévues aux 1° à 5° du présent article. Il peut préciser les modalités d'élaboration et de mise en oeuvre du plan de vigilance, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale.

II- Lorsqu'une société est mise en demeure de respecter les obligations prévues au I n'y satisfait pas dans le délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d'un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de les respecter.

Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins.'

C'est en application de ces nouvelles dispositions que TotalEnergies SE a publié le 15 mars 2018, son premier plan de vigilance, inséré dans son document de référence pour l'année 2017 (le plan de vigilance 2017).

Par lettre du 22 octobre 2018, plusieurs associations et collectivités ont par l'intermédiaire de leur conseil interpellé TotalEnergies SE sur le contenu de son plan de vigilance 2017. Des échanges s'en sont suivis.

Le 20 mars 2019, TotalEnergies SE a publié son plan de référence pour l'année 2018 intégrant un nouveau plan de vigilance (le plan de vigilance 2018).

Après de nouveaux échanges et une réunion qui s'est tenue le 18 juin 2019, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 35], l'établissement public territorial Est Ensemble, les communes de [Localité 38], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48] ainsi que les associations Les Eco Maires, Notre Affaire à Tous, Sherpa et Zéa, considérant que le second plan de vigilance publié le 20 mars 2019 ne répondait pas aux exigences de la loi, ont le 19 juin 2019, mis la société Total en demeure de publier sous trois mois un nouveau plan de vigilance.

Par acte du 28 janvier 2020, les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Eco-Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 35], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire et l'Etablissement public territorial Est Ensemble ont fait assigner la société Total SA devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour voir condamner la société:

- sur le fondement de l'article L. 225-102-4, I et II du code de commerce, à publier dans les 6 mois de la décision à intervenir, un nouveau plan de vigilance, intégrant d'une part des éléments supplémentaires au chapitre 'identification des risques', d'autre part, des mesures au titre des actions d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves en rapport avec la réduction d'émission des gaz à effet de serre (GES),

- à titre complémentaire, sur le fondement de l'article 1252 du code civil, à publier et mettre en oeuvre, au titre de son obligation de prévention des dommages écologiques résultant de ses activités, les actions adaptées de réduction de ses émissions directes et indirectes en ligne avec l'Accord de Paris afin de limiter le réchauffement du climat nettement en dessous de 2°C,

- en tout état de cause, à s'aligner sur une trajectoire de réduction des émissions directes ou indirectes compatibles avec l'objectif de l'Accord de Paris, réduire ses émissions nettes de 40% en 2040 par rapport à 2019 avec une réduction annuelle de 1,8%, sa production d'hydrocarbures de 35% en 2040 par rapport à 2019 avec une réduction annuelle de 1,7%, ses émission nettes de 40% en 2040 par rapport à 2019 avec une réduction annuelle de 1,8%, à mettre un terme à l'exploration et à la sollicitation de nouveaux permis de recherches d'hydrocarbures, et à mettre en oeuvre une cessation progressive d'ici 2040 de la recherche et de l'exploitation des gisements d'hydrocarbures.

Sont intervenues volontairement à l'instance devant le tribunal judiciaire, la ville de [Localité 43], la ville de [Localité 42], la commune de [Localité 46] et l'association Amnesty International France.

Par ordonnance du 11 février 2021 confirmée par la cour d'appel de Versailles, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté l'exception d'incompétence matérielle qui avait été soulevée par TotalEnergies.

L'article L211-21 du code de l'organisation judiciaire, issu de la loi du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l'institution judiciaire, ayant attribué compétence exclusive au tribunal judiciaire de Paris pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance fondées sur les articles L 225-102-4 et L 225-102-5 du code de commerce, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a, par ordonnance du 10 février 2022, dit le tribunal judiciaire de Nanterre incompétent et ordonné le transfert du dossier au tribunal judiciaire de Paris.

TotalEnergies SE a saisi le juge de la mise en état d'un incident pour voir juger que l'objet de l'action engagée par les associations et collectivités n'avait plus d'objet, était éteinte, constater le dessaisissement du tribunal, subsidiairement que les demandes étaient irrecevables sur le fondement de l'article L225-102-4 du code de commerce en l'absence de mise en demeure préalable à l'assignation plus subsidiairement que les demandes non expressément mentionnées dans la mise en demeure du 19 juin 2019 étaient irrecevables, ainsi que les demandes fondées sur l'article 1252 du code civil et relatives aux mesures provisoires, juger nulles les interventions volontaires à titre accessoire.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a:

- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen de l'incident devant la formation de jugement du tribunal,

- dit n'y avoir lieu à déclarer la présente instance éteinte et d'ordonner le dessaisissement du tribunal,

- a déclaré les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco-Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 35], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire et l'Etablissement public territorial Est Ensemble irrecevables en leur action,

- prononcé la nullité des conclusions d'intervention volontaire signifiées le 29 juillet 2022 en ce qui concerne les communes de [Localité 42] et [Localité 43],

- déclaré l'association Amnesty International France et la commune de [Localité 46] irrecevables en leur intervention volontaire,

- condamné les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco-Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 35], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire et l'Etablissement public territorial Est Ensemble à payer chacun 100 euros à TotalEnergies sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de Maître David Chemla et de Maître Romaric Lazerges.

Suivant déclaration du 10 août 2023, l'association Amnesty International France, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 46], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est Ensemble, les associations Les Eco Maires, Notre Affaire à Tous, Sherpa et Zéa, la Région Centre-Val de Loire, la commune Ville de [Localité 42], la commune Ville de [Localité 43] ont relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2023 en intimant la société TotalEnergies SE.

Dans leurs dernières conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 février 2024, les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], l'Etablissement Est Ensemble, les communes de [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire, l'association Amnesty International France, les communes de [Localité 43] et [Localité 46] et la Ville de [Localité 42] demandent à la cour :

- de les recevoir en leurs conclusions et appel, y faisant droit:

- in limine litis, juger que leur droit à un tribunal indépendant et impartial n'a pas été respecté, en conséquence annuler l'ordonnance dont appel,

- en tout état de cause:

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à déclarer l'instance éteinte et d'ordonner le dessaisissement du tribunal,

- l'infirmer en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen de l'incident devant la formation de jugement du tribunal, en ce qu'elle a déclaré les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34],[Localité 36], l'Etablissement EST Ensemble, les communes de [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire, irrecevables en leur action, en ce qu'elle a prononcé la nullité des conclusions d'intervention volontaire signifiées le 29 juillet 2022 en ce qui concerne les villes de [Localité 42] et [Localité 43], en ce qu'elle a déclaré l'association Amnesty International France et la commune de [Localité 46] irrecevables en leur intervention volontaire, en ce qu'elle a condamné les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco Maires, France Nature Environnement, les communes de [Localité 35], [Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], l'Etablissement Est Ensemble, les communes de [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire à payer chacun une indemnité procédurale de 100 euros à TotalEnergies, ainsi qu'aux dépens,

- statuant à nouveau,

- in limine litis, juger TotalEnergies irrecevable à se prévaloir du défaut de pouvoir de certains maires et représentants, cette exception de procédure ne pouvant être invoquée que par la collectivité concernée et déclarer ses demandes irrecevables, rejeter les exceptions de procédure soulevées par TotalEnergies et l'en débouter,

- à titre principal, juger n'y avoir lieu à déclarer la présente instance éteinte et d'ordonner le dessaisissement du tribunal ou de la cour, déclarer les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco Maires, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 42], [Localité 43], [Localité 46], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire et l'Etablissement Est Ensemble, recevables en leur action et en leurs demandes,

- à titre subsidiaire, juger que l'assignation délivrée à TotalEnergies le 28 janvier 2020 vaut mise en demeure au sens de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, juger que le défaut de mise en demeure préalable n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action intentée sur le fondement de l'article sus visé, juger que la fin de non recevoir tirée du défaut de mise en demeure préalable a été régularisée, en conséquence déclarer les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zea, Eco Maires, France Nature Environnement, Amnesty International France, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 42], [Localité 43], [Localité 46], [Localité 47], [Localité 48], la Région Centre Val de Loire et l'Etablissement Est Ensemble, figurant dans la mise en demeure du 19 juin 2019 recevables,

- à titre infiniment subsidiaire, juger que seules les demandes de l'assignation ne figurant pas dans le mise en demeure du 19 juin 2019 sont irrecevables,

- En tout état de cause, sur les demande formées reconventionnellement en première instance, ordonner à TotalEnergies de suspendre, y compris pour les sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L233-16 du code de commerce, les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures n'ayant pas fait l'objet d'une décision finale d'investissement, jusqu'à l'intervention d'un jugement au fond et la condamner en ce sens,

- subsidiairement, ordonner à TotalEnergies de mettre impérativement en oeuvre les mesures conservatoires nécessaires pour réduire ses émissions de GES directes ou indirectes (scopes 1, 2 et 3) afin de s'aligner sur la trajectoire 1,5°C sans dépassement ou avec un dépassement limité, conformément au rapport UN-HLEG, jusqu'à l'intervention d'un jugement au fond et la condamner en ce sens,

- en tout état de cause, ordonner que la mise en oeuvre des mesures se fera sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir à la charge de TotalEnergies et l'y condamner,

- donner acte du parfait désistement d'instance et d'action de la commune de [Localité 35],

- débouter TotalEnergies de toute ses demandes, fins et prétentions,

- condamner TotalEnergies à payer aux associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, Les Eco Maires, France Nature Environnement, Amnesty International France, aux communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 42], [Localité 43], [Localité 46], [Localité 47], [Localité 48], à la Région Centre Val de Loire et à l'Etablissement Est Ensemble, chacun une indemnité procédurale de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de 3.000 euros pour ceux exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

Dans ses conclusions n° 3 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 février 2024 la société TotalEnergies SE (anciennement TOTAL SA) demande à la cour :

- de rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance,

- sur la demande d'infirmation, de juger mal fondé l'appel interjeté par les associations Les Eco Maires, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Zéa, France Nature Environnement, Amnesty International France, les communes d'[Localité 31] (94), [Localité 32] (64), [Localité 33] (33), [Localité 34] (11), [Localité 36] (83), [Localité 39] (38), [Localité 40] (97), [Localité 41] (06), [Localité 29] (92), [Localité 46] (86), [Localité 47] (93), [Localité 48] (51), l'Etablissement Public Est Ensemble, la Région Centre- Val de Loire, les communes de [Localité 42] et de [Localité 43] et les en débouter,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire et statuant à nouveau :

a) si la cour venait à infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré les appelants irrecevables en leur action fondée sur le devoir de vigilance:

- déclarer l'association France Nature Environnement et la Région Centre Val de Loire irrecevables en leurs demandes faute pour ces dernières d'avoir mis TotalEnergies en demeure conformément à l'article L225-102-4 du code de commerce,

- déclarer les associations Les Eco Maires, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Zéa, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est Ensemble, irrecevables en toutes leurs demandes qui ne sont pas formulées de manière strictement identique à celles de la lettre de mise en demeure du 19 juin 2019,

- déclarer l'association Les Eco Maires et les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Est-Ensemble et la Région Centre Val de Loire dépourvus de qualité à agir au titre de l'article L225-102-4 du code de commerce et en conséquence irrecevables en leur action,

b) si la cour infirmait l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré les appelants irrecevables en leur action fondée sur le préjudice écologique,

- déclarer les associations Les Eco Maires, Notre Affaire à Tous, Zéa, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est Ensemble et la Région Centre Val de Loire dépourvus d'intérêt et de qualité à agir au titre de l'article 1252 du code civil,

- c) si la cour devait infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité pour vice de fond des conclusions d'intervention volontaire à titre accessoire signifiées par les villes de [Localité 42] et [Localité 43], déclarer les villes de [Localité 42] et [Localité 43] irrecevables en leur intervention volontaire à titre accessoire compte tenu de l'irrecevabilité des demandes principales, à défaut, les déclarer irrecevables en leur intervention volontaire pour défaut d'intérêt à intervenir,

- Sur les demandes de mesures provisoires

- à titre principal, déclarer irrecevables pour défaut de droit d'appel immédiat les demandes de mesures provisoires formées par les associations Les Eco Maires, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Zéa, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est Ensemble et la Région Centre Val de Loire, les communes de [Localité 43] et [Localité 42] et l'association Amnesty International France, alternativement, si la cour considérait que les demandes des appelants au sujet des mesures provisoires ne caractérisaient pas un appel immédiat interdit par l'article 795 du code de procédure civile, déclarer irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel les demandes de mesures provisoires formées par les personnes sus visées,

- à titre subsidiaire, déclarer les mêmes irrecevables en leurs demandes de mesures provisoires pour défaut de lien suffisant avec les exceptions de procédure et fins de non recevoir soulevées par TotalEnergies,

- à titre infiniment subsidiaire, déclarer les mêmes irrecevables en leurs demandes de mesures provisoires pour défaut de qualité à défendre de TotalEnergies,

- à titre subsidiaire au fond, débouter les associations Les Eco Maires, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Zéa, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est-Ensemble, la Région Centre Val de Loire, les communes de [Localité 43] et [Localité 42] et l'association Amnesty International France,

- En tout état de cause, confirmer l'ordonnance sur les condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, y ajoutant, condamner les associations Les Eco Maires, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Zéa, France Nature Environnement, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], [Localité 48], l'Etablissement Public Est-Ensemble, la Région Centre Val de Loire, les villes de [Localité 43], [Localité 42] et [Localité 46] et l'association Amnesty International France, à lui payer chacun 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris Versailles.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.

SUR CE

Liminairement, il sera constaté le désistement d'instance et d'action de la commune de [Localité 35].

- Sur la demande d'annulation de l'ordonnance

Les appelants sollicitent l'annulation de l'ordonnance rendue par M.[N] [U], en qualité de juge de la mise en état, pour manquement à l'exigence d'impartialité objective, en ce qu'il est un cousin de M.[V] [U], cadre au sein du groupe Total.

- sur la recevabilité

TotalEnergies soulève l'irrecevabilité de cette demande d'annulation au visa de deux moyens:

- son caractère tardif au regard de l'article 342 du code de procédure civile selon lequel 'La partie qui veut récuser un juge ou demander son renvoi pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction de même nature, doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause justifiant la demande./ En aucun cas la demande ne peut être formée après la clôture des débats'.

- son absence d'intérêt au regard de l'effet dévolutif de l'appel prévu par l'article 526 du code de procédure civile.

Aucun de ces moyens n'est opérant, la recevabilité de la demande d'annulation de l'ordonnance ne se confondant pas avec la recevabilité d'une requête en récusation ou en renvoi pour cause de suspicion légitime. La demande d'annulation de la décision dont appel est nécessairement postérieure à la date de celle-ci et formée à hauteur d'appel.

Cette demande sera conséquence jugée recevable.

- sur le bien fondé

Les appelants exposent qu'ils ont été informés de l'existence d'une possible cause de récusation du juge de la mise en état le 26 juillet 2023 par l'article publié par le média d'investigation 'Lanceur d'alerte' sur son site internet révélant l'identité et la carrière chez Total de M.[V] [U], présenté comme étant cousin germain du juge, soit après la clôture des débats le 31 mai 2023 et le délibéré le 6 juillet suivant, qu'avant la parution de cet article ils n'étaient en mesure d'identifier ni l'existence de M.[V] [U], ni le lien familial l'unissant au juge. Ils considèrent que seule la connaissance de la cause de récusation avant la clôture des débats et non la connaissance de l'identité du juge est à prendre en compte, que l'article L111-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit une liste non limitative d'hypothèses objectives susceptibles de fonder une demande de récusation, qu'un lien de parenté avec l'une des parties peut être caractérisé à travers la personne morale partie au litige, qu'en l'occurrence M.[V] [U] exerce depuis de nombreuses années, comme haut cadre au sein du groupe TotalEnergies.

TotalEnergies conclut au rejet de la demande d'annulation, arguant que l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire liste avec précision les motifs de récusation et ne prévoit pas l'existence d'un lien de parenté entre le juge et l'un quelconque des salariés de la personne morale partie au litige, qu'une lecture restrictive de ces dispositions s'impose. Elle ajoute que M.[V] [U] n'a jamais fait partie de la liste des 256 cadres dirigeants du groupe TotalEnergies, qu'il est salarié de l'une de ses 1149 filiales consolidées, n'exerce aucun mandat social au sein du groupe, et occupe depuis 2021 au sein de TotalEnergies Marketing Services un poste de chef de département nouveaux projets, branche totalement distincte de la branche exploration-production, et qu'il n'a absolument aucun lien avec l'objet du présent contentieux.

Sur ce,

Il sera liminairement rappelé qu'aucun manquement à l'impartialité subjective, qui ferait craindre un risque de partialité du juge au travers de ses conceptions ou de son comportement, n'est allégué.

Il est constant que l'identité du juge appelé à statuer était connue de longue date de toutes les parties, M.[N] [U] ayant suivi cette affaire dans le cadre de la mise en état, bien en amont de la clôture des débats.

TotalEnergies ne remet pas en cause l'affirmation des appelants selon laquelle M.[V] [U] est un cousin germain du juge de la mise en état.

Le patronyme du juge de la mise en état n'est pas courant et l'activité de M.[V] [U] au sein d'une filiale du groupe Total est publique. Elle était notamment visible avant la parution de l'article du média lanceur d'alerte sur le profil Linkedin de l'intéressé, réseau social professionnel dont l'accès n'est pas réservé aux médias d'investigation.

Les appelants, qui connaissaient l'identité du juge appelé à statuer bien avant la clôture des débats, manquent à établir qu'ils ne pouvaient avoir légitimement connaissance d'une éventuelle cause de récusation du juge avant la clôture des débats. Ils n'ont pas usé de la faculté que leur réservait l'article 342 du code de procédure civile en première instance, ni avant la clôture des débats, ni même pendant le cours du délibéré. Il n'y a pas eu davantage d'échanges à ce sujet avec le premier juge, alors que le caractère sensible de ce type de contentieux conduit les parties et leurs conseils à faire preuve d'une vigilance particulière en la matière.

M.[V] [U] n'est aucunement partie à la procédure, mais seulement salarié d'une filiale du groupeTotal, qui emploie des milliers de personnes. Il n'exerce pas de mandat social au sein du groupe et s'il dispose d'un statut de cadre au sein de la filiale TotalEnergies Marketing Services, aucun élément pertinent ne permet d'établir qu'il a un quelconque lien avec le présent contentieux.

Il ne peut être reproché au juge de ne pas avoir veillé au respect de la garantie d'impartialité objective, alors que son cousin n'est pas partie à la procédure, ni concerné par le litige, étant surabondamment relevé qu'aucun élément n'établit l'existence de relations de proximité entre le juge et son cousin.

Les appelants ne justifient pas d'une atteinte à l'impartialité objective et seront en conséquence déboutés de leur demande d'annulation de l'ordonnance.

- Sur la recevabilité des demandes fondées sur le devoir de vigilance

Si les appelants évoquent dans leurs écritures l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de renvoyer l'examen de l'incident devant la formation de jugement du tribunal, ils ne demandent pas dans le dispositif de leurs écritures à ce que la cour, statuant à nouveau, renvoie l'examen de l'incident devant le tribunal judiciaire. Il n'y a donc pas lieu pour la cour de se prononcer sur ce point.

- Sur la mise en demeure et l'absence d'identité des demandes

Le 19 juin 2019, 14 collectivités et 4 associations ont, par l'intermédiaire de leur conseil, adressé à Total un courrier recommandé, intitulé "Mise en demeure - article L. 225-102-4-I et II du code de commerce", dans lequel elles lui demandaient de compléter son plan de vigilance publié le 20 mars 2019.

Pour déclarer irrecevable l'action intentée sur le fondement de L. 225-102-4 du code de commerce, l'ordonnance entreprise a considéré que cette lettre ne pouvait servir de base à une négociation utile avant la délivrance de l'assignation, en ce qu'elle était imprécise, enjoignait à TotalEnergies de publier un plan comportant certes des mesures, mais sans préjudice d'autres mesures qui pourront être identifiées, que l'assignation comportait des demandes qui n'avaient pas été formulées dans la mise en demeure, alors que toute demande devait pouvoir être discutée au préalable, spécialement les objectifs chiffrés, de sorte qu'elle ne constituait pas une interpellation suffisante et ne respectait pas le texte de la loi.

Au soutien de sa demande de confirmation, TotalEnergies fait valoir que la mise en demeure préalable constitue un élément fondamental du dispositif introduit dans le projet de loi au cours des débats parlementaires, qui a pour but non pas de créer une obligation de médiation ou de conciliation, mais de permettre à l'entreprise de pouvoir apprécier la pertinence des critiques formulées à l'encontre de son plan, d'y répondre et le cas échéant d'y apporter en dehors de toute procédure judiciaire les modifications qu'elle aura définies, cette exigence répondant à un objectif de sécurité juridique, qu'ainsi la mise en demeure doit prendre la forme d'une sommation ou d'une interpellation suffisante du débiteur conformément à l'article 1344 du code civil, et être suffisamment précise et ferme pour permettre à son destinataire de déterminer exactement l'inexécution qui lui est reprochée, cette exigence de précision et de fermeté impliquant que toutes les demandes soient expressément formulées dès la mise en demeure et interdisant en conséquence une évolution des demandes entre celle-ci et l'assignation, qu'en l'espèce les demandes figurant dans l'assignation sont différentes de celles visées dans la mise en demeure et les juger recevables contreviendrait à la finalité de la mise en demeure prévue par la loi.

Les appelants répliquent que l'article L. 225-102-4 du code de commerce prévoit simplement l'obligation de mettre en demeure l'entreprise de respecter ses obligations sans exigence quant à son contenu, que ce soit en termes de précision ou d'exhaustivité des demandes et encore moins en termes d'identité avec les demandes portées devant le tribunal, que la loi sur le devoir de vigilance n'instaure aucune phase obligatoire de dialogue et d'échange amiable entre l'entreprise et les parties ayant intérêt à agir avant la saisine du juge, que la mise en demeure n'a pour but que de permettre à l'entreprise de se mettre en conformité avec son obligation de vigilance, qu'il suffit en conséquence pour qu'elle soit régulière qu'elle constitue une interpellation suffisamment ferme et précise pour permettre au débiteur défaillant de comprendre qu'il est exigé qu'il se mette en conformité avec ses obligations. Ils ajoutent que ces exigences ne s'opposent pas à l'évolution des demandes au stade de l'assignation ou en cours d'instance, que tant le code de procédure civile en son article 4 relatif aux demandes incidentes et en son article 70 relatif aux demandes reconventionnelles ou additionnelles, que la loi sur le devoir de vigilance conçue par le législateur comme une obligation civile de comportement continue, permettent l'évolution des demandes après l'envoi d'une mise en demeure, qu'exiger une identité des demandes entre la mise en demeure et l'assignation est contra legem et vide de sa substance l'office du juge, que la loi a été pensée pour permettre aux mesures de vigilance d'évoluer en fonction des risques nouveaux identifiés ou de l'aggravation de certains risques déjà identifiés qui nécessitent des actions complémentaires, le plan de vigilance d'une entreprise étant par nature évolutif puisqu'il est mis à jour chaque année, qu'exiger une nouvelle mise en demeure chaque fois que la société actualise son plan, faisant courir un nouveau délai de trois mois, n'aurait aucun sens et viderait de sa substance la possibilité pour le juge de prononcer une injonction, et que l'immutabilité du litige ne se confond pas avec l'immutabilité des demandes.

En tout état de cause, ils considèrent d'une part, que la mise en demeure du 19 juin 2019 constitue une interpellation suffisante de TotalEnergies sur les manquements à son obligation de vigilance en matière climatique et sur les actions à entreprendre, prenant le soin de faire preuve de pédagogie afin de guider l'entreprise dans la compréhension des manquements reprochés, de rappeler le contexte et le contenu de l'Accord de Paris et les objectifs du GIEC et les mesures de vigilance attendues, ce qui permettait à TotalEnergies de se mettre en conformité avec son obligation de vigilance en matière climatique, d'autre part, que toutes les demandes formulées dans l'assignation sont substantiellement les mêmes que celles visées dans la mise en demeure et se rattachent par un lien suffisant aux demandes exprimées dans la mise en demeure, expressément ou par renvoi.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 225-102-4, II du code de commerce 'Lorsqu'une société mise en demeure de respecter les obligations prévues au I n'y satisfait pas dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d'un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de les respecter.'

Il ressort de ces dispositions que ce n'est qu'après une mise en demeure d'avoir à respecter les obligations prévues au paragraphe I de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, restée vaine dans un délai de trois mois, que le juge peut être saisi afin d'enjoindre au débiteur de l'obligation de vigilance de se mettre en conformité avec la loi.

Ce délai de trois mois a pour but de permettre à l'entreprise, si elle l'estime nécessaire, de mettre son plan en conformité avec les mesures visées dans la mise en demeure, afin d'éviter une saisine du juge.

Il en résulte d'une part, que la mise en demeure prévue par l'article L. 225-102-4,II du code de commerce constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge et donc une condition de recevabilité de l'action, l'assignation ne pouvant se substituer à la mise en demeure, d'autre part, que celle-ci doit exposer de façon suffisamment claire les manquements invoqués et comporter une interpellation ferme du débiteur de l'obligation.

La lettre du 19 juin 2019, intitulée' Mise en demeure- article L. 225.102-4 I et II du code de commerce', après avoir rappelé à la société Total les dispositions de l'article L. 225-102-4,I du code de commerce l'obligeant à publier et à mettre en oeuvre un plan de vigilance devant notamment comporter une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation (...) et les actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves (...), ainsi que le défaut de conformité du premier plan de vigilance publié en mars 2008, fait le constat que si le second plan publié le 20 mars 2019 identifie désormais explicitement le changement climatique au sein de la cartographie des risques, il ne répond pas aux obligations découlant du devoir de vigilance en ce que :

- le Groupe s'est contenté d'identifier et de définir ce risque comme 'un risque global pour la planète qui est le résultat d'actions humaines diverses dont la production et la consommation d'énergie, sans procéder à l'analyse et à la hiérarchisation de ce risque par rapport aux activités du groupe, de ses fournisseurs et sous-traitants.'

- la société n'a pas tiré les conséquences de l'identification du risque climatique, n'a toujours pas établi, ni mis en oeuvre de manière effective, ni publié les 'actions adaptées d'atténuation des risques de prévention des atteintes graves à la santé, à la sécurité et à l'environnement et aux droits humains correspondantes'

- en particulier, en matière 'd'identification des risques, le plan ne prend pas en compte "les émissions de GES [gaz à effet de serre] résultant du cycle de vie des produits qu'elle commercialise (relevant du scope 3)" identifiées dans la déclaration de performance extra-financière, ces émissions constituant pourtant un facteur essentiel de la contribution du groupe Total au réchauffement climatique,

- en matière d'actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves, le plan ne garantit pas que le groupe s'aligne sur une trajectoire compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, qui prévoit de limiter le réchauffement climatique nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5°C.

Considérant au vu de ces explications, que le plan ne reflète pas l'exercice d'une vigilance raisonnable de la part du groupe à la hauteur de sa responsabilité dans le réchauffement climatique, le courrier se conclut par une mise en demeure de la société Total de respecter les obligations prévues à l'article L. 225-102-4, I du code de commerce en publiant un nouveau plan de vigilance dans un délai de trois mois, qui devra comprendre les mesures ci-après, 'sans préjudice des autres mesures qui pourront être identifiées', à défaut de quoi la juridiction compétente sera saisie pour qu'il soit enjoint à Total de se mettre en conformité avec les exigences légales:

- Une identification du risque résultant des émissions de GES générées par l'usage des biens et services que votre groupe produit,

- Une identification des risques d'atteintes graves tels qu'ils ressortent du dernier rapport du Giec d'octobre 2018,

- Les actions adaptées permettant de garantir que votre groupe s'aligne sur une trajectoire compatible avec un réchauffement climatique 'nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivent l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5°C' sans prendre en compte l'éventuel recours à des technologies dont le déploiement reste soumis à de multiples contraintes et à de lourdes incertitudes.'

Ce courrier somme clairement Total de respecter ses obligations de vigilance en matière d'émission de GES liée à ses activités, tant au titre de l'identification des risques que des actions à mener pour limiter le réchauffement climatique en résultant.

La mention 'sans préjudice des autres mesures qui pourront être identifiées', si elle ne peut compte tenu de son absence totale de précision valoir mise en demeure pour des manquements non visés que les signataires se réserveraient ultérieurement d'invoquer, n'affecte pour autant aucunement la valeur interpellative des mesures énumérées.

La lettre du 19 juin 2019 constitue bien une mise en demeure au sens de l'article L225.102-4 du code de commerce.

Le but de la mise en demeure étant de permettre au débiteur de l'obligation de vigilance de remédier, le cas échéant, aux insuffisances reprochées à son plan, les demandes d'injonction qui sont ultérieurement présentées au juge doivent viser en substance les mêmes obligations que celles ayant fait l'objet de la mise en demeure en s'y rattachant avec un lien suffisant, ce qui implique de se référer devant le juge aux mêmes catégories de risque, atteintes graves et obligations à respecter.

L'ajout éventuel d'obligations liées à des catégories de risques ne faisant pas partie du périmètre de la mise en demeure n'affecterait toutefois que la recevabilité desdites demandes et aucunement celle des demandes comprises dans la mise en demeure .

A défaut de précision dans la loi, il ne peut être exigé comme condition de recevabilité de l'action en injonction, que la mise en demeure et l'assignation visent exactement le même plan de vigilance en termes de date, le débiteur de l'obligation ayant pu le faire évoluer dans ses publications ultérieures, sans pour autant faire disparaître les non-conformités aux obligations édictées par l'article L225-102-4, I du code de commerce et relevées dans la mise en demeure, ce qu'il appartient ensuite au juge du fond de vérifier.

Il convient de rechercher si les demandes d'injonction figurant dans l'assignation du 28 janvier 2020 se rattachent ou non par un lien suffisant aux mesures visées dans la mise en demeure.

Dans le dispositif de l'assignation, il est demandé au tribunal, au visa de l'article L. 225-102-4 I et II du code de commerce, de condamner TotalEnergies à publier, dans un délai de six mois à compter de la décision à intervenir, un nouveau plan de vigilance devant inclure différentes données, d'une part, dans le chapitre 'identification des risques', d'autre part, dans le chapitre 'actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves.', chapitres qui correspondent aux points 1° et 3° de l'article L. 225-102-4, I du code de commerce, visés dans la mise en demeure.

S'agissant des mesures à inclure dans la catégorie 'identification des risques', l'assignation mentionne les risques liés à un réchauffement planétaire au-delà du seuil de 1,5° en faisant référence aux travaux du GIEC les plus récents et aux objectifs visés par l'Accord de Paris.

Le risque lié au réchauffement climatique est bien évoqué dans la mise en demeure qui reproche à TotalEnergies de s'être contentée d'évoquer un risque global pour la planète sans prendre en compte les émissions de GES résultant du cycle de vie des produits qu'elle commercialise relevant du 'scope 3". Sont également visés dans la mise en demeure le rapport du GIEC d'octobre 2018 sur les 'impacts d'un réchauffement climatique global de 1,5°C par rapport à 2°C et aux trajectoires d'émission de gaz à effet de serre à suivre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (....)' , ainsi que l'Accord de Paris adopté le

12 décembre 2015, qui prévoit de limiter le réchauffement climatique nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5°C, de sorte que les objectifs chiffrés mentionnés dans ces rapports figurent dans la lettre du 19 juin 2019.

Il est ainsi demandé dans l'assignation à TotalEnergies, à la suite de la mise en demeure, d'identifier spécifiquement les risques résultant des émissions de GES générés par ses activités et produits. Ce sont la même catégorie de risque et la même nature d'obligation de vigilance qui sont en cause.

Il en est de même des non-conformités du plan invoquées au titre des actions d'atténuation ou de prévention des risques, l'assignation sollicitant la condamnation de Total à publier et à mettre en oeuvre des actions adaptées de réduction de ses émissions directes et indirectes en ligne avec l'Accord de Paris, afin de limiter le réchauffement du climat nettement en dessous de 2°C. C'est encore le même devoir de vigilance que celui visé dans la mise en demeure qui est invoqué.

La circonstance que les demandeurs déclinent dans leur assignation de façon très détaillée par rapport à la mise en demeure les mesures selon eux nécessaires au respect de l'obligation de vigilance par rapport au réchauffement climatique résultant de l'émission de GES par le groupe Total, n'affecte pas la recevabilité de leur action, mais relève du débat au fond. Il revient en effet au juge du fond d'apprécier si le plan est conforme aux dispositions de l'article L225-102-4 du code de commerce ou s'il doit être complété et dans ce cas à quelle hauteur des mesures sollicitées.

Il s'ensuit que les moyens d'irrecevabilité tirés de l'absence de mise en demeure et de l'absence d'identité avec l'assignation seront rejetés.

- sur l'irrecevabilité tirée de l'absence de signature de la mise en demeure

TotalEnergies soulève l'irrecevabilité des demandes formées par l'association France Nature Environnement et la Région Centre Val de Loire en ce que ces dernières ne l'ont pas préalablement mise en demeure en violation de l'article L 225-102-4 du code de commerce.

Les appelantes s'y opposent, arguant que dès lors que la société a été mise en demeure et n'y a pas satisfait dans le délai de trois mois, le juge peut être saisi par toute personne justifiant d'un intérêt à agir.

Sur ce,

L'association France Nature Environnement et la Région Centre Val de Loire, qui figurent parmi les demandeurs à l'action en injonction, ne faisaient pas partie des signataires de la mise en demeure du 19 juin 2019.

Les prétentions de l'ensemble des demandeurs sont identiques.

Selon l'article L. 225-102-4, II du code de commerce, la juridiction compétente, trois mois après une mise en demeure restée vaine, peut 'à la demande de toute personne justifiant d'un intérêt à agir' enjoindre la société débitrice tenue d'élaborer un plan de vigilance de respecter ses obligations à ce titre. Dès lors qu'une mise en demeure a bien été délivrée, toute personne justifiant d'un intérêt à agir est en droit d'agir aux mêmes fins, les dispositions susvisées n'excluant pas que d'autres demandeurs puissent être partie à l'action en injonction.

Il vient d'être jugé que TotalEnergies a bien reçu, conformément à l'article L. 225-102-4, II du code de commerce, une mise en demeure trois mois avant l'assignation, en conséquence le moyen d'irrecevabilité pris de l'absence de signature de la mise en demeure par l'association France Nature Environnement et la Région Centre Val de Loire n'est pas fondé.

- sur le défaut d'intérêt à agir

TotalEnergies conteste l'intérêt à agir des communes, de la Région Centre Val de Loire, de l'association Les Eco Maires, ainsi que de l'Etablissement Est-Ensemble.

A défaut de disposition spécifique dans l'article L225-102-4,II du code de commerce, l'intérêt à agir s'entend, conformément aux dispositions générales de l'article 31 du code de procédure civile, d'un intérêt légitime au succès ou au rejet d'un prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

- sur l'intérêt à agir de l'association Les Eco-Maires

Selon TotalEnergies, l'action des associations étant soumise au droit commun, celles-ci n'ont d'intérêt à agir qu'autant que les intérêts défendus entrent dans leur objet statutaire, ce qui exclut que l'objet de l'association soit trop général au regard de l'objet de l'action, qu'en l'espèce l'objet statutaire de l'association Les Eco-Maires est sans rapport avec le présent contentieux.

Les appelants répliquent que cette association est compte tenu de son objet nécessairement concernée par les conséquences du changement climatique dans sa mission d'accompagnement dans la mise en oeuvre des politiques locales et a donc tout intérêt à prendre part à une action visant à limiter les conséquences sur le réchauffement climatique.

Sur ce,

Selon l'article 2 de ses statuts ('But') "L'association dite Les Eco Maires - Association Nationale des Maires et des Elus locaux pour l'Environnement et le Développement Durable" fondée en 1989 a pour objet de réunir les municipalités et leurs EPCI [ Etablissements publics de coopération intercommunale] qui font de la conquête d'un environnement plus humain une priorité absolue de leur mandat. Elle vise notamment à promouvoir les meilleures initiatives locales en faveur de l'environnement et du développement durable et à encourager tous types d'action dans le sens d'une amélioration de l'environnement conduite par le Maire ou le Président, aménageur du cadre de vie de ses citoyens.' L'article 5 des statuts ('Moyens d'actions') stipule que l'association, agissant par ses membres, organise des conférences, des séminaires, des commissions, des formations à destination des élus et de leurs techniciens, publie des guides et des méthodologies, diffuse par tous moyens ses travaux, met en réseau et en relation avec des collectives locales pour débattre et échanger et accompagne les collectivités dans la mise en oeuvre de politiques locales.

Il résulte de ces dispositions que l'association a pour objet de fédérer et de former les collectivités locales en matière d'environnement. Si elle accompagne celles-ci dans leur politique environnementale locale, elle n'établit pas que ses statuts lui confèrent le droit d'agir en justice. Elle n'est donc pas recevable à agir sur le fondement de l'article L. 225-102-4, II du code de commerce.

- sur l'intérêt à agir des communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47],[Localité 48]

TotalEnergies fait valoir que la capacité d'action des collectivités territoriales est limitée à un intérêt public local direct, qu'elle est circonscrite au territoire qu'elles administrent, que les demandes fondées sur l'article L. 225-102-4 du code de commerce ne sont pas rattachables à un intérêt public local mais à un intérêt global en ce qu'elles ne sont pas cantonnées à un territoire et portent sur une catégorie de risques plutôt que sur des territoires, que cette action dépasse le cadre de leur territoire, le changement climatique étant un phénomène dont les causes sont mondiales et dont les effets touchent indistinctement l'ensemble des territoires. Elle souligne en outre que l'action relève de la compétence de l'Etat et que les collectivités locales ne peuvent empiéter sur la compétence de celui-ci.

Les appelants exposent que l'article L. 225-102-4, II du code de commerce ouvre le droit d'action à toute personne ayant intérêt à agir, qu'une appréciation large de cet intérêt s'impose, que si le changement climatique concerne le monde entier, il produit nécessairement des conséquences sur les territoires de ces collectivités territoriales, que le niveau d'exposition aux risques des collectivités territoriales découlant de ce phénomène, particulièérement sur les communes de [Localité 43] et [Localité 39], et leur incidence certaine et directe sur leur territoire suffisent à justifier leur qualité et intérêt à agir. A titre surabondant, ils ajoutent que l'intérêt à agir des collectivités territoriales résulte également de leurs compétences particulières dans la prévention des risques climatiques, dans le domaine de l'urbanisme (article L101-2 du code de l'urbanisme), dans l'élaboration de plans climat-air-énergie (PCAET) et qu'en application de l'article L1111-2 du code général des collectivités territoriales, elles concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre.

Sur ce,

Les communes disposent d'une clause de compétence générale, fondée sur l'article L2121-29 du code général des collectivités territoriales, pour tout ce qui concerne les affaires de la commune et présente un intérêt public local, leur action étant circonscrite aux territoires qu'elles administrent.

L'action engagée a pour objet d'enjoindre à TotalEnergies d'inclure dans son plan de vigilance des mesures de nature à identifier les risques liés à l'émission de GES à l'origine du réchauffement climatique et à les réduire au travers d'actions à mener au niveau des activités des entités de son groupe et de celles de ses sous-traitants, activités qui se déroulent en différents endroits de la planète et dont il n'est pas allégué qu'elles s'exercent aussi sur le territoire des communes appelantes.

Le réchauffement climatique affectant l'ensemble de la planète, l'objet de l'action est donc de faire publier et mettre en oeuvre des mesures susceptibles de participer à la réduction de ce phénomène et de ses conséquences néfastes à l'échelle mondiale.

Il en résulte que l'action entreprise a pour objet un intérêt public global, qui excède le simple intérêt local dont les communes doivent justifier pour être recevables à agir. La circonstance que les territoires des communes subissent indistinctement les effets néfastes du réchauffement climatique, ne suffit pas à caractériser un intérêt local à agir, seule la démonstration d'une atteinte ou d'un retentissement particulier du réchauffement climatique sur le territoire de la commune concernée, permet de caractériser un intérêt public local et partant de justifier d'un intérêt à agir pour les collectivités territoriales.

Les appelants ne développent pas dans leurs conclusions les atteintes spéciales résultant du réchauffement climatique qui affecteraient spécifiquement chacune des communes demanderesses, hormis la situation de [Localité 43] et de sa banlieue et de la ville de [Localité 39], le renvoi qui est fait à une série de documents, ne se substituant pas à la démonstration qui doit être faite du retentissement particulier du réchauffement climatique propre à un territoire donné.

S'agissant de la ville de [Localité 43], qui est intervenante volontaire, son intérêt sera apprécié dans le cadre de l'examen de la recevabilité des interventions volontaires.

S'agissant des communes de [Localité 29], [Localité 31], [Localité 47], l'étude de vulnérabilité à laquelle a fait procéder en 2013 la communauté d'agglomération du Mont-Valérien à laquelle appartiennent ces villes, mentionnait, à date, une faible exposition aux épisodes caniculaires, mais la perspective d'une augmentation significative de cette exposition pouvant être qualifiée pour le futur de moyenne, l'exposition à l'évolution du régime des précipitations restant pour sa part marquée par un degré élevé d'incertitude, même si la sensibilité du territoire traduisait une forte vulnérabilité à l'aggravation des risques d'inondation. Les plans d'action mis en oeuvre par différentes communes pour lutter localement contre les conséquences du changement climatique traduisent la prise en compte de l'existence de ce phénomène, mais ne démontrent pas à eux seuls l'existence d'un impact spécifique sur le territoire de la commune, distinct des effets néfastes observés indistinctement sur l'ensemble des territoires.

Quant à la ville de [Localité 39], si les appelants mentionnent dans leurs écritures un niveau particulier d'exposition aux risques découlant du phénomène de changement climatique, ils n'expliquent pas en quoi précisément il est particulier.

Il ne ressort pas de ces éléments l'existence d'un intérêt local à agir pour les communes concernées.

Par ailleurs, si l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que les communes, les départements et les régions concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre et à l'amélioration du cadre de vie il n'attribue pas compétence aux communes pour agir à l'encontre d'entreprises tenues au devoir de vigilance, dans le cadre d'un risque climatique mondial.

Quant aux dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme selon lesquelles 'Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants [ .....] 7° La lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maitrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables. [....]', elles se rapportent à la politique que doivent conduire les collectivités locales en matière d'urbanisme sur leur territoire et ne confèrent pas davantage aux communes le droit d'agir dans un intérêt public global.

La fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt doit en conséquence être accueillie. Il s'ensuit que toutes les communes, demanderesses à l'action, visées en tête de ce paragraphe sont irrecevables en leurs demandes fondées sur l'article L. 225-102-4 du code de commerce.

- Sur l'intérêt à agir de la région Centre Val de Loire

Les appelants exposent que les régions sont chargées en application de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales d'organiser en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales pour l'exercice des compétences relatives notamment au climat, et qu'elles sont tenues d'adopter un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ([I]).

TotalEnergies soutient l'absence de compétence spécifique de la Région pour agir au titre du devoir de vigilance, sa compétence étant déterminée par l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales et souligne que si les régions sont tenues d'adopter des [I] qui fixent notamment les objectifs sur le territoire en matière de lutte contre le changement climatique, c'est uniquement pour le territoire propre à la région, la compétence générale en matière climatique appartenant à l'Etat.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, que le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétence que la loi lui attribue. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement, à la politique de la ville et à la rénovation urbaine, le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement et l'égalité de ses territoires, la préservation de son identité, la promotion des langues régionales.

Si conformément à l'article L. 4251-1 du même code, les régions sont tenues d'adopter un schéma d'aménagement régional ([I]) qui fixe des objectifs de moyen et long termes sur le territoire en divers domaines, notamment en matière de lutte contre le changement climatique, il s'agit seulement de définir les objectifs fixés pour le territoire de la région.Ainsi, l'objectif de réduction de la consommation régionale d'énergie, de couverture de la consommation régionale d'énergie par le développement d'énergie renouvelable pour réduire les émissions de GES concerne la mise en oeuvre de leviers locaux afin que la région réduise son empreinte sur le climat.Ces attributions se rattachent donc à un intérêt public territorial et non pas global.

Il n'est par ailleurs pas justifié dans les écritures des appelants d'une atteinte distincte affectant le territoire de cette région.

La Région Centre Val de Loire sera en conséquence déclarée irrecevable en son action sur le fondement de l'article L. 225-102-4 du code de commerce.

- Sur l'intérêt à agir de l'Etablissement public territorial Est Ensemble Grand [Localité 43]

TotalEnergies soutient que si cet établissement public territorial est chargé d'élaborer un plan climat- air-énergie (PCAET), celui-ci comme le [I] ne fait que décliner des objectifs nationaux pour une mise en pratique sur le territoire, qu'il s'agit d'un simple outil opérationnel de coordination de la transition énergétique sur le territoire, qu'aucune des orientations du PCAET 2017-2023 ne prévoit d'imposer aux acteurs économiques nationaux ou internationaux un objectif en matière de réduction de GES ou de réduction de production ou d'exploitation de sites de production dans le monde.

Sur ce,

Chaque établissement territorial est chargé, en vertu de l'article L5219-5, III du code général des collectivités territoriales d'élaborer un plan climat- air-énergie ( PCAET) en application de l'article L229-26 du code de l'urbanisme, qui doit être compatible avec le plan climat-air-énergie territorial de la métropole ainsi qu'avec le plan d'action pour la réduction des émissions de polluants atmosphériques. Ce PCAET comporte un programme d'actions permettant 'dans les domaines de compétence du territoire', d'atteindre les objectifs fixés par le plan climat-air-énergie de la métropole. Il s'agit donc de décliner les objectifs nationaux au niveau du territoire concerné. Cette mission qui se limite à un territoire ne confère pas à l'Etablissement public territorial Est Ensemble Grand [Localité 43] d'intérêt pour agir contre un phénomène mondial.

Ses demandes seront donc déclarées irrecevables.

- Sur l'intérêt à agir des associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa et France Nature Environnement.

L'intérêt à agir des associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa n'est pas contesté. Celui de l'association France Nature Environnement ne l'est plus, le moyen d'irrecevabilité tenant à l'absence de mise en demeure, ayant été écarté.

Ces associations seront donc jugées recevables en leur action, l'ordonnance étant infirmée en ce sens.

- Sur la recevabilité de l'action fondée sur l'article 1252 du code civil

Dans leur assignation du 28 janvier 2020, les collectivités et associations forment forment une demande complémentaire sur le fondement de l'article 1252 du code civil, relatif à la réparation du préjudice écologique, pour voir condamner TotalEnergies:

- à publier et mettre en oeuvre au titre de son obligation de prévention des dommages écologiques résultant de ses activités, les actions adaptées de réduction de ses émissions directes et indirectes en ligne avec l'Accord de Paris afin de limiter le réchauffement du climat nettement en dessous de 2°C et notamment, à titre principal à 's'aligner sur une trajectoire de réduction d'émissions de GES directes et indirectes (scope 1,2,3) compatible avec une limitation du réchauffement à 1,5°C sans dépassement pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ( ......),

- à titre subsidiaire de fixer des objectifs ayant pour but de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète à 1,5°C afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050, couvrir l'ensemble des émissions de GES tant celle de ses opérations que celles de ses produits sur le moyen et long terme, s'appuyer sur les indicateurs d'intensité GES ou autres indicateurs quantitatifs adaptés pour aligner ses objectifs sur une trajectoire compatible avec un réchauffement planétaire de 1,5°C, en tout état de cause, de s'aligner sur une trajectoire de réduction des émissions directes et indirectes compatibles avec l'objectif de l'Accord de Paris, réduire ses émissions nettes de 40% en 2040 avec une réduction annuelle de 1,8%, réduire sa production d'hydrocarbure de 35% en 2040, avec une réduction annuelle de1,8%, mettre un terme à l'exploration et à la sollicitation de nouveaux permis de recherches d'hydrocarbures et mettre en oeuvre une cessation progressive d'ici 2040 de la recherche et de l'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbure en s'engageant à laisser 80% des réserves connues dans le sous-sol.

Au soutien de la confirmation du chef de l'ordonnance ayant déclaré l'action irrecevable, TotalEnergies expose que les demandes présentées sur le fondement de l'article 1252 du code civil sont irrecevables:

- en premier lieu, en ce qu'elles sont identiques à celles présentées sur le fondement de l'article L. 225-102-4 du code de commerce et qu'elles relèvent du régime spécial applicable aux sociétés franchissant les seuils déterminés prévus à cet article, que cette demande complémentaire ne vise qu'à éviter la contrainte de la mise en demeure préalable,

- en second lieu, en ce que les demandeurs n'ont pas d'intérêt à agir ou ne répondent pas aux conditions exigées par l'article 1248 du code civil.

Sur ce,

L'article 1252 du code civil issu de la loi du 8 août 2016 est inséré dans un chapitre relatif à la réparation du préjudice écologique qui, en son article 1246 du même code, énonce le principe que toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer. L'article 1252 du code civil dispose: 'Indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge saisi d'une demande en ce sens par une personne mentionnée à l'article 1248 peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou à faire cesser le dommage.'

Aux termes de l'article 1248 du code civil 'l'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'Etat, l'Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement.'

- sur le moyen pris de l'identité des demandes

Les demandes présentées sur le fondement de l'article 1252 du code civil, tendent à voir condamner TotalEnergies à publier et mettre en oeuvre des mesures de prévention des dommages écologiques résultant de ses activités.

Si, les mesures sollicitées rejoignent les demandes présentées au titre du devoir de vigilance, elles reposent toutefois sur un fondement juridique distinct et autonome consistant, pour la première, à obtenir, en cas de dommage écologique préalablement identifié des mesures propres à réparer, prévenir ou faire cesser ce dommage, tandis que l'action fondée sur l'article L. 225-102-4 du code de commerce porte sur l'obligation de publier dans un plan de vigilance les actions à mettre en oeuvre pour réduire les risques d'atteintes graves découlant d'une activité.

La loi du 27 mars 2017, qui fait obligation aux entreprises franchissant les seuils fixés par l'article L. 225-102-4, I du code de commerce d'identifier dans un plan de vigilance les risques découlant de leurs activités et de prévoir les actions de nature à prévenir ou réduire les atteintes graves qui en résultent et qui permet le recours au juge en cas de manquement à cette obligation, n'a pas créé un régime spécial de responsabilité excluant la responsabilité au titre du préjudice écologique, prévue par l'article 1252 du code civil, le devoir de vigilance ayant au demeurant un champ d'application beaucoup plus large que la protection de l'environnement, puisque le plan doit aussi prévenir les atteintes grave aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité.

Ainsi, les deux actions peuvent être mobilisées de façon complémentaire, à charge pour les parties demanderesses, si elles sont jugées recevables, de justifier devant le juge du fond du bien fondé de leurs prétentions en fonction des manquements ou fautes propres à chaque action, tenant pour l'une à l'existence d'un dommage de nature écologique à prévenir ou à faire cesser, pour l'autre à l'insuffisance du plan de vigilance.

La recevabilité d'une action n'étant pas subordonnée à la démonstration de son bien fondé, les appelants soutiennent à juste titre qu'il est indifférent à ce stade que les mesures sollicitées au titre des deux actions soient similaires, c'est en effet au juge du fond qu'il revient d'apprécier si les mesures réclamées au titre de l'une des actions se trouvent ou non privées d'objet en fonction de la réponse qui sera apportée dans l'autre action.

La fin de non recevoir tirée de l'identité d'objet sera en conséquence rejetée.

- sur la recevabilité des associations Notre Affaire à Tous, Zéa et Les Eco Maires

TotalEnergies soutient que les associations Les Eco Maires, Notre Affaire à Tous et Zéa ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 1248 du code civil pour agir sur le fondement de l'article 1252 du même code, qui réserve l'action aux associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement.

S'agissant des associations Notre Affaire à Tous et Zéa, il n'est pas allégué qu'elles ont été agréées ou créées depuis plus de cinq ans à la date de l'introduction de l'instance, le 28 janvier 2020. Toutefois les appelants soutiennent, qu'au regard de leur objet, elles sont néanmoins recevables à agir dès lors que l'article 1248 du code civil ne fait que poser une présomption de qualité et d'intérêt à agir pour les associations répondant à la condition d'ancienneté, mais n'empêche pas l'action de toute personne ayant qualité et intérêt à agir.

L'article 1248 du code civil pose le principe que l'action en réparation du préjudice écologique est ouverte ' à toute personne ayant qualité et intérêt à agir' puis énumère les personnes auxquelles l'action est ouverte. Cette énumération introduite par les termes ' telle que' n'instaure pas une liste limitative des personnes autorisées à agir, ne faisant que présumer le droit d'agir des personnes citées.

Le droit d'agir des associations Notre Affaire à Tous et Zea n'étant pas présumé à défaut pour elles de remplir les conditions d'ancienneté, il leur appartient de prouver leur qualité et intérêt à agir.

Aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association Notre Affaire à Tous a pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement, l'organisation, le financement et le soutien de toutes actions ayant pour objet de favoriser l'environnement, le climat (...), de veiller au respect de la réglementation en matière d'environnement et de respect des droits humains, de lutter contre l'impunité des acteurs politiques, économiques ou physiques lorsque leurs actions engendrent une atteinte à l'environnement et aux générations présentes ou futures Pour mener à bien son objet, elle mettra en oeuvre toute action nécessaire, en particulier en utilisant les moyens judiciaires existants en France ( ...) notamment par voie d'action ou d'intervention devant les juridictions civiles (...).

Depuis le 18 février 2022, l'association figure sur la liste des personnes agréées dans le cadre national au titre de la protection de l'environnement.

L'association Notre Affaire à Tous justifie ainsi de sa qualité et de son intérêt à agir sur le fondement de l'article 1252 du code civil.

Les statuts de l'association Zéa stipulent en leur article 2, qu'elle a pour objet la protection de l'océan et du climat, la défense et la protection du vivant, des écosystèmes, de l'environnement et des communs et qu'afin de poursuivre ses objectifs, elle pourra, en relation avec son objet, mettre en oeuvre les moyens suivants: lutter contre l'extractivisme, le changement climatique, les pollutions (...) défendre et représenter les victimes directes ou indirectes des atteintes environnementales, sociales et sanitaires. 'L'association pourra ester en justice, au plan national, régional ou international pour elle-même, pour la défense des intérêts collectifs de ses membres et pour mettre en oeuvre ses buts et objets'.

Il en résulte que l'association Zéa, qui a notamment pour objet la défense de l'environnement en matière climatique et dont les statuts lui réservent le droit d'ester en justice à cette fin, justifie de sa qualité et de son intérêt à agir pour la prévention d'un préjudice écologique lié au changement climatique.

Quant à l'association Les Eco Maires, si elle a été fondée en 1989, il ne ressort pas de ses statuts qu'elle a la capacité d'agir en justice pour exercer une action en réparation d'un préjudice écologique. En effet, il résulte de ses dispositions statutaires déjà exposées ( articles 2 et 5)que l'association a pour objet de fédérer et de former les collectivités locales en matière d'environnement, et que si elle accompagne celles-ci dans leur politique environnementale locale, elle n'établit pas que ses statuts lui confèrent le droit d'agir en justice.

Elle n'est en conséquence pas recevable à agir sur le fondement de l'article 1252 du code civil.

La cour relève que TotalEnergies ne soulève pas de défaut d'intérêt à agir à l'égard de l'association France Nature Environnement. Elle sera en conséquence jugée recevable en son action.

- sur la recevabilité des collectivités territoriales

TotalEnergies soutient que les collectivités territoriales sont irrecevables à agir, en présence d'un phénomène global pouvant affecter le monde entier, faute de démontrer que leur territoire particulier est concerné par le préjudice écologique invoqué et que les mesures sollicitées sont propres à prévenir ou faire cesser le dommage sur leur territoire. Elle considère qu'une interprétation rigoureuse de l'article 1248 du code civil s'impose sauf à créer une action mondiale au bénéfice de toute collectivité dans le monde.

Les appelants exposent que la recevabilité de l'action en réparation ou en cessation du préjudice écologique d'une collectivité territoriale n'est soumise qu'à deux conditions (i) l'existence d'une atteinte ou d'un risque d'atteinte non négligeable aux écosystèmes ou aux bénéfices tirés par l'homme de l'environnement (ii) sur le territoire sur lequel la collectivité exerce ses compétences. Ils font valoir qu'exiger comme condition de recevabilité l'existence d'un préjudice affectant spécifiquement et uniquement le territoire de la collectivité ajoute à la loi, alors qu'en vertu de l'article 1248 du code civil, les collectivités territoriales dont 'le territoire est concerné' sont présumées avoir intérêt et qualité à agir, que l'action prévue à l'article 1252 du code civil ne vise pas à faire cesser un préjudice personnel mais un préjudice, que la globalité du phénomène n'exclut pas bien au contraire ses conséquences localisées, que le territoire des collectivités est bien concerné, que décider le contraire reviendrait à priver les collectivités territoriales de toute procédure judiciaire en matière d'environnement.

Sur ce,

Les mesures prévues par l'article 1252 du code civil sont celles propres à prévenir ou faire cesser un dommage, lequel se caractérise selon l'article 1247 du même code par une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.

La recevabilité des mesures que sollicitent les collectivités territoriales doit être examinée à l'aune de la notion de 'territoire concerné' visée par l'article 1248 du code civil. Si cette notion n'exclut pas que d'autres territoires puissent être également touchés par un même préjudice écologique, il n'en reste pas moins que pour justifier de son intérêt à agir, chaque collectivité doit justifier d'un dommage écologique affectant spécifiquement son territoire, étant relevé que la finalité de cette action est d'obtenir une réparation du préjudice occasionné par l'auteur du dommage ou, en amont, des mesures propres à prévenir ou à faire cesser le dommage sur son territoire.

Il n'est pas allégué que TotalEnergies à l'égard de laquelle les mesures sont sollicitées exerce directement sur le territoire des communes concernées une activité générant un préjudice écologique. Les collectivités territoriales demanderesses invoquent en effet un réchauffement climatique affectant l'ensemble de la planète, trouvant, selon elles, son origine notamment dans l'activité de TotalEnergies en différents endroits du monde. Or, ainsi qu'il a été dit, ce phénomène climatique affecte l'ensemble de la planète et donc indistinctement l'ensemble des territoires, cette circonstance ne suffisant pas à caractériser un préjudice écologique spécifique sur le territoire concerné, qui est l'objet de l'action prévue par l'article 1252 du code civil.

La fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir sera en conséquence accueillie et les collectivités territoriales, demanderesses à l'action, seront jugées irrecevables en leur action fondée sur l'article 1252 du code civil.

- Sur les mesures provisoires

Les appelants demandent à la cour 'En tout état de cause, sur les demandes formées reconventionnellement en première instance' d'ordonner à TotalEnergies de suspendre jusqu'au jugement au fond à intervenir les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures n'ayant pas fait l'objet d'une décision finale d'investissement et subsidiairement de lui ordonner de mettre en oeuvre des mesures conservatoires nécessaires à la réduction des émissions de GES directes et indirectes pour s'aligner sur une trajectoire de 1,5°C.

- Sur la recevabilité

TotalEnergies, partant du constat que le juge de la mise en état a statué sur ces demandes en les déclarant irrecevables, considère que les appelants ne sont pas recevables à soumettre à la cour ces demandes provisoires en ce que:

- (i) l'appel immédiat de l'ordonnance du juge de la mise en état sur les mesures provisoires n'est pas recevable, l'article 795 du code de procédure civile disposant que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi qu'avec le jugement statuant au fond, sous réserve d'exception limitativement énumérées; le simple fait que l'appel de l'ordonnance à l'égard des autres dispositions soit recevable ne permettant pas de former un appel pour le tout,

(ii) si la cour ne considérait pas que ces demandes relèvent d'un appel immédiat interdit, elles seraient néanmoins irrecevables au visa de l'article 564 du code de procédure civile comme étant nouvelles à hauteur d'appel,

(iii) dans une procédure à bref délai, qui se déroule sans conseiller de la mise en état, l'article 789 du code de procédure civile, qui permet au juge de la mise en état d'ordonner des mesures provisoires, n'est pas applicable,

(iv) au visa de l'article 70 du code de procédure civile, en ce qu'il n'existe pas de lien suffisant avec les exceptions de procédure et fins de non recevoir soulevées par TotalEnergies,

(v) pour défaut de qualité à défendre de TotalEnergies, laquelle en tant que société mère, holding de tête du groupe n'exerçant aucune activité opérationnelle, ne peut se voir assigner en lieu et place de ses filiales, sociétés autonomes opérationnelles, pour voir suspendre les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures.

Les appelants soutiennent au contraire que:

(i) les mesures provisoires sont susceptibles d'un appel immédiat, d'autant que le juge de la mise en état ayant omis de statuer sur ces demandes, il appartient à la cour en vertu de l'effet dévolutif de l'appel de rectifier cette omission.

(ii) en tout état de cause, les demandes de mesures provisoires sont recevables dans le cadre de la procédure à bref délai, dès lors que les pouvoirs habituellement conférés au conseiller de la mise en état sont exercés soit par la cour quand elle juge au fond soit par le président de la chambre ou le délégataire du premier président,

(iii) en vertu de l'article 789 du code de procédure civile le juge de la mise en état peut prendre toutes mesures provisoires, même conservatoires, justifiées par l'urgence qui ne peuvent attendre le jugement au fond, tant qu'elles ne préjudicient pas au principal, ne tranchent pas le litige au fond et sont proportionnées à la situation ou justifiées pour prévenir un dommage imminent.

Sur ce,

Il convient liminairement de déterminer si la demande soumise à la cour relève de la réparation d'une omission de statuer ou de l'appel d'une disposition de l'ordonnance.

Les appelants soutiennent que le juge de la mise en état ayant omis de statuer sur leur demande reconventionnelle de mesures provisoires, il appartient à la cour, saisie de l'appel des chefs sur lesquels le premier juge a statué, de réparer cette omission.

TotalEnergies conteste l'existence d'une omission, soutenant que l'ordonnance a statué sur ces demandes en les déclarant irrecevables et que même à retenir l'existence d'une omission de statuer, la cour d'appel ne dispose pas du pouvoir de réparer cette omission, l'appel immédiat n'étant pas possible, les demandes de mesures provisoires ne peuvent être dévolues à la cour.

L'ordonnance mentionne bien dans le rappel des prétentions des parties la demande reconventionnelle des défendeurs à l'incident au titre des mesures provisoires. Si elle ne consacre pas dans ses motifs de développement particulier sur cette demande, elle examine successivement les moyens d'irrecevabilité opposés aux actions fondées sur l'article L. 225-102-4 du code de commerce, puis sur l'article 1252 du code civil. En décidant qu'aucune des actions n'était recevable et en déclarant au dispositif de son ordonnance que les associations et collectivités territoriales étaient 'irrecevables en leur action', le juge de la mise en état a implicitement mais nécessairement jugé que les mesures provisoires sollicitées en attendant l'issue des actions engagées étaient irrecevables par voie de conséquence.

Il n'y a donc pas lieu pour la cour de réparer une omission de statuer, mais de statuer sur l'appel relevé de ce chef, la recevabilité de l'appel étant contestée.

Si l'article 789, 4° du code de procédure civile, donne compétence au seul juge de la mise en état à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement pour ordonner toutes mesures provisoires, mêmes conservatoires, il résulte de l'article 795 du même code que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant au fond, l'appel immédiat n'étant possible en matière de mesures provisoires, que lorsque l'ordonnance a trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps.

La circonstance que l'appel est recevable à l'égard des autres chefs de l'ordonnance n'a pas pour effet d'ouvrir un appel immédiat sur les mesures provisoires. En conséquence, l'appel immédiat de l'ordonnance en ce qu'il porte sur les mesures provisoires sera jugé irrecevable.

Toute nouvelle demande de mesures provisoires formée à hauteur d'appel est par ailleurs irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile.

- Sur les interventions volontaires

- Sur l'intervention volontaire de l'association Amnesty International France et de la commune de [Localité 46].

L'association Amnesty International France et la commune de [Localité 46] sont volontairement intervenues en première instance à titre accessoire.

TotalEnergies soulève l'irrecevabilité de ces interventions en ce qu'elles sont accessoires à une action déclarée irrecevable, en ce que ces parties intervenantes ne lui ont pas adressé de mise en demeure et en ce qu'elles sont dépourvues d'intérêt à intervenir.

La cour ayant jugé recevable l'action engagée sur le fondement de l'article L. 225-102-4 du code de commerce au motif qu'il était justifié de la délivrance, trois mois avant l'assignation, d'une mise en demeure régulière au regard de l'article sus visé, les moyens pris de l'irrecevabilité par voie de conséquence et de l'absence de mise en demeure doivent être rejetés.

TotalEnergies oppose ensuite aux intervenantes l'absence d'intérêt à agir, pris de l'absence de démonstration d'un intérêt public local et, sur le fondement de l'article 1248 du code civil, de territoire concerné.

Selon l'article 330 du code de procédure civile, l'intervention accessoire, qui appuie les prétentions d'une partie, est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie. L'intérêt à intervenir accessoirement s'il s'apprécie plus souplement que l'intérêt à agir ne se confond cependant pas avec l'intérêt de la partie soutenue, ni avec un intérêt général, mais suppose pour l'intervenant de caractériser un intérêt pour la conservation de ses droits.

Les appelants ne caractérisent pas dans leurs écritures l'intérêt qu'il y a pour la conservation des droits de l'association Amnesty International à intervenir au soutien des actions fondées sur l'article L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil.

Il n'est pas davantage justifié d'un tel intérêt de la ville de [Localité 46], faute pour celle-ci d'établir que le territoire sur lequel s'exerce sa compétence, fait l'objet d'une atteinte spécifique liée au réchauffement climatique.

A ces motifs, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les interventions volontaires de l'association Amnesty International France et de la ville de [Localité 46].

- Sur l'intervention volontaire de la ville de [Localité 43]

La ville de [Localité 43] est volontairement intervenue à la procédure le 29 juillet 2022 à titre accessoire.

TotalEnergies sollicite la confirmation de l'ordonnance, qui a annulé les conclusions d'intervention volontaire de la ville de [Localité 43] au visa de l'article 117 du code de procédure civile, arguant d'un défaut de capacité à agir de Madame la maire, faute de justifier d'une autorisation du conseil municipal lui permettant d'agir dans la présente instance, qui n'a pas pour objet l'activité de la ville de [Localité 43] relative à la lutte contre le changement climatique sur son territoire mais les activités de TotalEnergies et la publication d'un plan de vigilance.

Les appelants soutiennent que TotalEnergies n'est pas recevable à soulever cette exception de procédure, le défaut d'autorisation accordé par le conseil municipal ne pouvant être invoqué que par la commune dans l'intérêt de laquelle elle a été édictée et qu'en tout état de cause à supposer cette exception recevable, celle-ci est mal fondée la ville de [Localité 43] versant aux débats une délégation à la fois précise et générale accordée par le conseil municipal à sa maire pour agir en justice du fait de l'ensemble de ses activités, le terme 'activités' couvrant toutes les compétences de la ville y compris en matière d'adaptation aux effets du réchauffement climatique.

Sur ce,

Si l'exception de procédure est édictée dans l'intérêt premier de la collectivité au nom de laquelle une personne agit, il n'est pas pour autant exclu qu'une partie à la procédure ait intérêt à se prévaloir pour sa défense du défaut de pouvoir de son contradicteur. Tel est le cas en l'espèce, TotalEnergies contestant notamment l'intérêt à agir des collectivités territoriales demanderesses au soutien desquelles la ville de [Localité 43] intervient, en se prévalant d'un intérêt à intervenir similaire.

TotalEnergies sera en conséquence reçue en son exception de procédure.

Pour contester le bien fondé de cette exception, la ville de [Localité 43] verse aux débats une délibération du conseil de [Localité 43] du 3 juillet 2020 par laquelle la maire de [Localité 43] reçoit pour la durée de son mandat délégation de compétence du Conseil de [Localité 43] pour: ' intenter au nom de la ville de [Localité 43] toutes les actions en justice ou défendre la Ville de [Localité 43] dans les actions intentées contre elle, du fait de l'ensemble de ses activités devant toutes les juridictions sans exception, constitutionnelle, administratives, judiciaires, tant civiles que pénales, prud'homales, sociales, commerciales ou ordinales et ce, tant en première instance qu'en appel ou en cassation et tant devant les juridictions nationales, étrangères ou internationales, et transiger [....]'

Cette délégation permet au maire d'agir en justice au nom de la ville de [Localité 43] notamment devant les juridictions judiciaires, au titre de 'l'ensemble de ses activités', ce qui inclut l'activité qu'elle déploie en matière de préservation de la ville pour lutter contre les effets du réchauffement climatique. Cette délégation si elle est très large n'en est pas moins précise en ce qu'elle vise toutes les actions devant les juridictions judiciaires et permet à la ville de [Localité 43] d'agir devant le tribunal judiciaire de Paris sans qu'il soit nécessaire de disposer d'une délibération spéciale.

Il s'ensuit que l'exception de procédure tenant au défaut de pouvoir du maire doit être rejetée, l'ordonnance étant infirmée en ce qu'elle a prononcé la nullité des conclusions d'intervention volontaire de la ville de [Localité 43].

Quant à la contestation de la recevabilité de l'intervention volontaire, les moyens invoqués par TotalEnergies 'par voie de conséquence' et tiré de l'absence de mise en demeure, seront rejetés pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'égard de l'intervention de la ville de [Localité 46].

S'agissant enfin de l'intérêt à intervenir, il sera relevé que la ville de [Localité 43], identifiée par l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique comme relevant d'un indice d'exposition aux risques climatiques qualifié de très fort avec un dépassement de plus de 2°C, est particulièrement impliquée dans cette lutte au travers de ses Plans Climat depuis 2007, son plan 2018 visant à atteindre une neutralité carbone en 2050. Elle a été sélectionnée par la Commission Européenne pour faire partie du programme de l'Union Européenne '100 villes climatiquement neutres d'ici 2030'. Elle a par ailleurs été déclarée recevable en son intervention volontaire par le Conseil d'Etat dans une instance engagée contre l'Etat auquel il était reproché son inaction pour infléchir la courbe des émissions de GES.

Ces éléments établissent que la ville de [Localité 43] à intérêt pour la préservation de ses droits à soutenir les actions engagées devant le tribunal judiciaire de Paris visant à réduire les émissions de GES et partant à lutter contre le réchauffement climatique et les dommages écologiques susceptibles d'en découler.

La ville de [Localité 43] sera déclarée recevable en son intervention volontaire.

- Sur l'intervention volontaire de la ville de [Localité 42]

La ville de [Localité 42] est intervenue volontairement devant le tribunal à titre accessoire.

Le juge de la mise en état a fait droit à l'exception soulevée par TotalEnergies en nullité des conclusions d'intervention volontaire de la commune de [Localité 42] signifiées le 29 juillet 2022 au motif qu'il n'était pas établi que la commune de [Localité 42] disposait de la capacité à agir en dehors du territoire des Etats-Unis.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'égard de la ville de [Localité 43], la cour déboutera les appelants de leur demande tendant à voir juger TotalEnergies irrecevable en son exception de nullité.

TotalEnergies soulève le défaut de pouvoir du représentant de la ville de [Localité 42] (Corporation Counsel) arguant que son pouvoir doit s'apprécier au regard de la loi régissant cette personne morale, soit le droit de l'Etat de [Localité 42], que la section 394(c) de la Charte de la ville de [Localité 42] (City Charter) prévoit que le Corporation Counsel n'a le droit d'intenter des actions en justice qu'au niveau local, étatique et national, ce qui exclut les actions devant des juridictions étrangères et que la Constitution des Etats-Unis réserve le pouvoir de traiter des affaires avec des nations étrangères aux autorités fédérales.

Les appelants répondent que le directeur juridique (Corporation counsel) en exercice dispose bien du pouvoir d'intervenir de manière accessoire dans la présente action au regard du droit de l'Etat de [Localité 42].

Les parties conviennent que la loi applicable pour déterminer si le représentant d'une société de droit étranger est bien habilité à représenter celle-ci est la loi régissant la personne morale étrangère, en l'occurrence la loi de l'Etat de [Localité 42].

Elles sont également d'accord sur le fait que les pouvoirs de la municipalité de [Localité 42] sont déterminés par la Charte de la ville en sa section 394. Elles divergent en revanche sur le sens à donner aux articles 394 (a) et (c) et produisent à l'appui de leur interprétation respective des consultations divergentes d'avocats et de professeurs.

Le Corporation counsel est l'avocat, le conseiller juridique et le chef du Département juridique de la ville. La section 394 de la Charte prévoit en son point (a) qu'il est chargé de gérer et de conduire toutes les affaires juridiques de la ville et de ses agences dans lesquelles la ville est intéressée.

Le point (c) dispose (suivant la traduction libre versée aux débats, non contestée): 'sauf disposition contraire du présent chapitre ou autre loi, le Conseil Juridique a le droit d'intenter des actions en droit ou d'équité, ainsi que toute procédure prévue par la loi devant tout tribunal, local, étatique ou national, pour maintenir, défendre et établir les droits, intérêts, revenus, biens, privilèges, franchises ou demandes de la ville ou de toute partie ou portion de celle-ci, ou de ses habitants, ou pour recouvrer de l'argent, des dettes, des amendes ou des pénalités ou pour faire respecter la loi.'

L'habilitation dont dispose manifestement le Corporation Counsel pour représenter la ville de [Localité 42] dans les actions judiciaires, ne suffit pas à démontrer que la ville a le pouvoir d'agir devant une juridiction nationale étrangère.

Il ne peut en effet être déduit du point (a) que le Corporation Counsel a le pouvoir d'engager la ville devant une juridiction nationale étrangère, alors que c'est le point (c) qui définit le droit à agir ou à défendre devant les juridictions.

En stipulant que le Conseil Juridique a le droit d'intenter 'toute procédure prévue par la loi devant tout tribunal, local, étatique ou national' l'article 394(c) énonce précisément les juridictions devant lesquelles il peut agir. A défaut de termes conférant à cet énoncé un caractère ouvert, cette liste doit être considérée comme exhaustive s'agissant des juridictions concernées.

Or, il ne résulte pas de cet énoncé que le terme juridiction 'nationale' peut être étendu aux juridictions nationales de droit étranger.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette analyse ne vient pas interdire toute action de la ville de [Localité 42] devant une juridiction étrangère dans la mesure où l'organe législatif de l'Etat de [Localité 42] peut parfaitement décider d'attribuer au département juridique de la ville une compétence spécifique.

Il s'ensuit que la ville de [Localité 42], représentée par son Corporation Counsel, ne justifie pas de son pouvoir à intervenir volontairement dans la présente instance.

Ce défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond, affectant la validité de l'acte d'intervention volontaire et entraîne sa nullité en application de l'article 117 du code de procédure civile.

A ces motifs, la disposition de l'ordonnance ayant prononcé la nullité des conclusions d'intervention volontaire de la commune de [Localité 42] signifiées le 29 juillet 2022 sera confirmée.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Si l'arrêt ne fait pas totalement droit aux prétentions des appelants, la solution qu'il donne à l'incident permet aux parties déclarées recevables de poursuivre l'action au fond devant le tribunal, alors que l'incident formé par TotalEnergies visait à mettre un terme à toute action.

En conséquence la société TotalEnergies sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre au paiement d'une indemnité procédurale, l'ordonnance étant infirmée en ce sens.

Y ajoutant, la cour condamnera la société TotalEnergies aux dépens d'appel et à payer au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel une indemnité procédurale de 5.000 euros à chacune des associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, France Nature Environnement, ainsi qu'à la commune de [Localité 43].

PAR CES MOTIFS

Constate le désistement d'instance et d'action de la commune de [Localité 35],

- Sur la demande d'annulation de l'ordonnance

- Déclare recevable mais mal fondée la demande d'annulation de l'ordonnance, en conséquence la rejette,

- Sur l'article L 225-102-4 du code de commerce

- Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré l'action irrecevable à l'égard de l'ensemble des demandeurs,

- statuant à nouveau,

- rejette la fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en demeure et de l'absence d'identité entre la mise en demeure et l'assignation,

- rejette la fin de non recevoir opposée à l'association France Nature Environnement et à la Région Centre Val de Loire en ce qu'elles n'ont pas délivré de mise en demeure,

- déclare recevables à agir les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa et France Nature Environnement,

- déclare irrecevables faute d'intérêt à agir l'association Les Eco-Maires, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40], [Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], et [Localité 48], l'Etablissement public territorial Est Ensemble Grand [Localité 43] et la Région Centre Val de Loire,

- Sur l'article 1252 du code civil

- Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré l'action irrecevable à l'égard de l'ensemble des demandeurs,

- statuant à nouveau,

- rejette la fin de non recevoir tirée de l'identité d'objet,

-déclare recevables à agir les associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zea et France Nature Environnement,

- déclare irrecevables faute d'intérêt à agir l'association Les Eco-Maires, les communes d'[Localité 31], [Localité 32], [Localité 33], [Localité 34], [Localité 36], [Localité 39], [Localité 40],[Localité 41], [Localité 29], [Localité 47], et [Localité 48], l'Etablissement public territorial Est Ensemble Grand [Localité 43] et la Région Centre Val de Loire,

- Sur les mesures provisoires

- Déclare irrecevable l'appel immédiat portant sur les mesures provisoires et irrecevables les nouvelles demandes de mesures provisoires à hauteur d'appel,

- Sur les intervention volontaires

- Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les interventions volontaires de la commune de [Localité 46] et de l'association Amnesty International France,

- Déclare recevable mais mal fondée l'exception de nullité portant sur les conclusions d'intervention volontaire de la commune de [Localité 43] signifiées le 29 juillet 2022, infirme l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité de ces conclusions, statuant à nouveau, rejette la demande de nullité desdites conclusions, y ajoutant, dit recevable l'intervention volontaire de la ville de [Localité 43],

- Déclare recevable et fondée l'exception de nullité portant sur les conclusions d'intervention volontaire de la ville de [Localité 42], en conséquence confirme l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité desdites conclusions,

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

- Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a condamné les associations et les collectivités territoriales aux dépens et au paiement d'indemnités procédurales, statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la société TotalEnergies SE aux dépens de première instance et d'appel, déboute la société TotalEnergies SE de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale et condamne la société TotalEnergies SE à payer, au titre des frais irrépétibles exposés globalement en première instance et en appel, une indemnité procédurale de 5.000 euros à chacune des associations Notre Affaire à Tous, Sherpa, Zéa, France Nature Environnement, ainsi qu'à la commune de [Localité 43].