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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 16 mai 2024, n° 22/00984

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Domaine de la Butte Ronde (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

M. Maumont, Mme Girault

Avocats :

Me Dupuis, Me Portet

TJ Versailles, 2e ch., du 6 janv. 2022, …

6 janvier 2022

Exposé du litige

FAITS ET PROCEDURE :

La société Haras de la Butte ronde, ayant pour gérant M. [X], est propriétaire de l'ensemble hôtelier « domaine de la Butte ronde », situé [Adresse 13]).

Le 9 mai 2018, M. [E] [O] adressait à M. [X] une offre d'acquisition de ce domaine.

Le 10 octobre 2018, il faisait parvenir à la société Haras de la Butte ronde une offre d'acquisition sous la forme d'une « lettre d'offre », revêtue de la signature de son destinataire le 12 octobre suivant.

Cette lettre d'offre établissait les conditions de l'achat projeté et prévoyait la régularisation d'une promesse unilatérale de vente.

Par la suite, de nombreux échanges sont intervenus entre les parties, chacune assistée de son notaire, relative aux conditions et modalités de la promesse unilatérale de vente à intervenir.

Plusieurs projets d'actes notariés étaient établis entre le mois de novembre 2018 et le mois d'avril 2019, sans que les parties ne parviennent à un accord global. La promesse de vente n'a jamais été régularisée.

Par acte du 24 juin 2019, M. [O] a fait assigner la SCI Haras de la Butte ronde (ci-après "la SCI") devant le tribunal judiciaire de Versailles afin de voir, principalement, constater la perfection de la vente.

Le 24 février 2020, la SCI Haras de la Butte ronde est devenue la SAS Domaine de la Butte Ronde.

Par ordonnance du 30 juin 2020, le juge de la mise en état a débouté la société Haras de la Butte ronde de sa demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats.

Par jugement du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- débouté M. [O] de sa demande tendant à voir reconnaître à la lettre d'offre du 10 octobre 2018 la valeur de promesse de vente,

- débouté M. [O] de ses demandes de dommages et intérêts,

- débouté la société Haras de la Butte ronde de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ainsi qu'en paiement d'une indemnité d'immobilisation,

- condamner la société Haras de la Butte ronde de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ainsi qu'en paiement d'une indemnité d'immobilisation,

- condamner M. [O] aux entiers dépens, avec recouvrement direct,

- débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 18 février 2022, M. [O] a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 29 septembre 2022, de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* l'a débouté de sa demande tendant à voir reconnaître à la lettre d'offre du 10 octobre 2018 la valeur de la promesse de vente,

* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

* l'a condamné aux entiers dépens,

* l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* a rejeté ses demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau,

A titre principal, sur l'appel principal,

- juger que la société Haras de la Butte ronde s'est engagée irrévocablement, par une promesse synallagmatique de vente, à lui vendre l'ensemble immobilier dans les conditions prévues par l'offre contractuelle acceptée par ladite société le 12 octobre 2018, pour le prix de 14 700 000 euros net vendeur,

- enjoindre à la société Haras de la Butte ronde de lui communiquer toute information nécessaire à la formalisation de cette promesse de vente dans les conditions prévues par l'offre contractuelle acceptée par la société Haras de la Butte ronde le 12 octobre 2018, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

A titre subsidiaire,

- constater l'existence d'une promesse unilatérale de vente consentie par la société Haras de la Butte ronde à son bénéfice sur la base de l'offre contractuelle acceptée par la société Haras de la Butte ronde le 12 octobre 2018,

- constater sa décision de lever l'option dont il bénéficiait,

- reconnaître à cet accord, du fait de la levée de l'option, la qualification de promesse synallagmatique de vente soumise aux conditions prévue par l'offre contractuelle acceptée par la société Haras de la Butte ronde le 12 octobre 2018, pour le prix de 14 700 000 euros net vendeur,

- enjoindre à la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde de lui communiquer toute information nécessaire à la formalisation de cette promesse de vente dans les conditions prévues par l'offre contractuelle acceptée par la société le 12 octobre 2018, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture fautive des relations contractuelles postérieures à la conclusion de l'accord,

- condamner la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la société à son obligation d'exclusivité.

Sur l'appel incident,

- dire non fondée la demande de la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde fondée sur un abus d'agir en justice et la rejeter,

- dire irrecevable la demande d'indemnité d'immobilisation de la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde, subsidiairement la dire non fondée, et la rejeter.

En tout état de cause,

- condamner la société Domaine de la Butte Ronde venant aux droits de la société Haras de la Butte ronde à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Domaine de la Butte Ronde aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 14 octobre 2022, la société Domaine de la Butte Ronde prie la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande tendant à voir reconnaître à la lettre d'offre du 10 octobre 2018 la valeur de promesse de vente,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive des négociations contractuelles en cours,

Subsidiairement,

- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente pour défaut de consentement de la société Haras de la Lutte Ronde, devenue société Domaine de la Butte Ronde, et pour défaut de pouvoir du gérant de la société,

Plus subsidiairement encore,

- prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente pour défaut de consentement de la société Haras de la Lutte Ronde, devenue société Domaine de la Butte Ronde, pour défaut de pouvoir du gérant de la société, et enfin pour défaut d'enregistrement,

Et si par impossible, les demandes ci-dessus étaient rejetées,

- prononcer la caducité de la promesse de vente du fait de la non réalisation des conditions suspensives,

En conséquence,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses prétentions,

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Haras de la Butte ronde, devenue la société Domaine de la Butte Ronde, de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de paiement d'une indemnité d'immobilisation,

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus d'ester en justice,

- juger recevable et fondée la demande de paiement d'une indemnité d'immobilisation,

- condamner M. [O] à lui payer une indemnité d'immobilisation calculée sur la base du taux d'intérêt légal entre professionnels appliqué sur le prix de vente, soit, arrêtée au 30 juin 2022 et sauf à parfaire, la somme de 549 045 euros,

- condamner M. [O] à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'une promesse synallagmatique de vente

Le tribunal a, pour débouter M. [O] de sa demande, relevé que dans la lettre d'offre du 10 octobre 2018 l'acquéreur avait exprimé sa volonté de poursuivre le processus contractuel par le biais de la négociation d'une promesse unilatérale de vente puis par un acte authentique de vente sous diverses réserves de sorte que la lettre ne pouvait, selon lui, être considérée comme une promesse synallagmatique valant vente.

Au soutien de son appel, M. [O] fait valoir essentiellement, tant sur le fondement de l'article 1583 du code civil que sur celui de la jurisprudence de la Cour de cassation que la vente immobilière est consensuelle et ne dépend pas de sa réitération ultérieure chez un notaire ; qu'en l'espèce, la lettre d'intention du 10 octobre 2018, acceptée le 12 octobre 2018, a le caractère de promesse synallagmatique de vente valant vente puisqu'elle définit tous les éléments essentiels de l'accord. Selon lui, le simple échange de consentements peut se révéler parfait à travers la rédaction d'une simple lettre d'intention d'achat signée par les deux parties dès lors qu'elles se sont engagées de façon définitive. Il ajoute que le fait que les parties aient convenu de poursuivre le processus contractuel par le biais de la rédaction d'une promesse puis celle d'un acte authentique ne contredit en rien la parfaite rencontre des consentements de même que le fait que le vendeur a ajouté de nouvelles exigences après la rédaction de l'offre acceptée.

En réplique aux conclusions adverses, il ajoute que la SCI prétend en vain que le projet de vente aurait excédé son objet social, de sorte qu'il encourait la nullité, les opérations de ventes immobilières de biens immobiliers détenus par la SCI pouvant entrer implicitement dans l'objet social ; que le gérant et l'associé majoritaire ont régulièrement consenti à la vente au nom de la société et ont d'ailleurs engagé de façon irrégulière des démarches pour proposer le bien à d'autres acquéreurs potentiels malgré l'exclusivité de l'appelant ; que ce moyen se heurte au principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et que cela le rend irrecevable en vertu du principe de l'estoppel.

Il réfute l'allégation selon laquelle il n'aurait pas disposé des fonds nécessaires pour procéder à l'acquisition, étant acquis qu'il entendait recourir à un emprunt immobilier ; que les autres éléments que la chose et le prix sont accessoires et ne doivent pas nécessairement être déterminés dans la promesse.

Enfin, il rappelle qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir réalisé les conditions suspensives d'obtention d'un prêt et de dépôt d'un permis de construire, la signature de la promesse étant un préalable nécessaire à toute démarche à cet égard. Il fait valoir qu'aux dates invoquées par la société pour souligner le défaut d'accomplissement des conditions suspensives (dépôt de permis de construire et dossier de financement), cette dernière prétendait déjà revenir sur son consentement, interdisant ainsi elle-même la possibilité de réaliser ces conditions. En tout état de cause, ayant été stipulées dans son intérêt exclusif, il pouvait renoncer à leur bénéfice.

Subsidiairement et pour des raisons en grande partie similaires tenant au principe du consensualisme, il estime qu'il a régulièrement accepté une promesse unilatérale de vente accordée par la SCI et levé l'option qui lui avait été consentie le 12 octobre 2018 ce qui devrait amener la cour à constater dès lors l'existence d'une promesse synallagmatique de vente (dispositif de ses conclusions page 31).

La SAS Haras de la Butte ronde répond que la lettre d'intention du 10 octobre 2018, simple document précontractuel employé dans le cadre d'opérations immobilières d'envergure, ne l'engageait qu'à entamer des pourparlers en vue de la signature d'une promesse unilatérale de vente future formalisant la vente du domaine. Les nombreux courriers échangés par la suite, de même que les différentes versions de projets, démontrent suffisamment que les éléments essentiels de la vente n'étaient pas arrêtés et notamment le prix et l'origine des fonds.

Ce document ne pouvait valoir promesse de vente à défaut d'entériner un accord ni même une promesse unilatérale de vente puisque celle-ci doit être enregistrée dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire sous peine de nullité.

La SAS considère que cette absence de tout accord est confortée par la lecture des statuts de la SCI lors de la rédaction de la lettre d'intention puisque ceux-ci excluent la vente du bien immobilier qu'elle exploite et impliquent donc que le gérant en pouvait aliéner valablement le haras sans qu'intervienne préalablement une modification des statuts par la réunion d'une assemblée générale extraordinaire de l'ensemble des associés.

Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que l'offre a été acceptée avant son terme, soit le 12 octobre 2018 à midi ; qu'en outre, l'acquéreur ne justifie pas de quelconques diligences entreprises pour la réalisation des conditions suspensives mises à sa charge relatives à l'obtention d'un prêt et d'un permis de construire dans un délai de 12 mois maximum ; que le fait de considérer qu'il n'était pas tenu de ces stipulations revient à admettre que l'acte signé par les parties ne constituait qu'une étape dans les pourparlers ; que l'absence d'accord définitif résulte des nombreux mails échangés entre les parties ; qu'il n'y a même pas d'accord sur le prix, élément essentiel de la vente, ni sur ses modalités de versement ; que M. [E] [O] qui devait financer l'opération en partie par l'apport de fonds propres, ne justifie pas qu'il disposait des fonds ou du patrimoine nécessaires.

Sur ce,

L'appelant développe les mêmes arguments tenant au consensualisme pour affirmer à titre principal l'existence d'une promesse synallagmatique de vente et à titre subsidiaire, celle d'une promesse unilatérale de vente.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1113 de ce même code dispose que " le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur. "

Il est précisé, à l'article suivant que " l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation ".

Enfin, l'article 1121 du code civil ajoute que " le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant ".

Ces dispositions de droit commun s'appliquent à la vente immobilière en général.

Par ailleurs, les dispositions spéciales des articles 1582 et 1583 de ce code disposent que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Aux termes de l'article 1589 du code civil, « la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».

La promesse synallagmatique de vente est donc un contrat par lequel deux parties promettent réciproquement l'une d'acheter, l'autre de vendre l'immeuble, moyennant un prix déterminé. Une telle promesse doit contenir l'engagement réciproque d'acheter et de vendre (Cass Com. 8 nov. 1972, no 71-12.459, Cass Com. 25 avr. 1989, no 87-17.281 , Cass Com. 22 oct. 1991, no 90-10.798 ). Qualifier un acte de promesse synallagmatique suppose par conséquent de caractériser un engagement croisé et ferme de conclure la vente (Cass Com. 30 mai 2012, no 11-19.594).

Dès lors que l'une des parties n'a pas consenti définitivement au contrat promis, la promesse n'est pas synallagmatique.

La lettre d'intention litigieuse par laquelle M. [O] informe en exergue "[I] et [L]" de son "offre ferme d'acquisition" pour la pleine propriété du bien immobilier contient notamment les dispositions suivantes :

« Il est entendu qu'une partie des éléments d'équipement ou installations de la Propriété (à recenser contradictoirement entre [les parties] et dans la promesse telle que définie ci-après seront exclus de la transaction et devront être déposés par le vendeur préalablement ».

Puis, dans des paragraphes 3 intitulés CONDITIONS SUSPENSIVES DE LA PROMESSE et 4.HYPOTHESES DE LA LETTRE D'OFFRE , elle poursuit :

3.L'Acquéreur et le vendeur régulariseront une promesse unilatérale de vente (la " Promesse ") pour le Prix et sous les conditions suspensives (a) d'usage pour une cession de cette nature (purge de tous droit(s) de préemption applicables, fourniture d'un état hypothécaire vierge, etc.) ainsi que (b) l'obtention par l'Acquéreur :

- des autorisations administratives nécessaires pour la réalisation du projet immobilier projeté par l'acquéreur. A ce titre l'Acquéreur s'engagera en particulier à constituer et déposer son dossier de demande d'autorisation(s) de construire dans les meilleurs délais à compter de la Promesse ; et

- d'un financement bancaire répondant a minima aux caractéristiques suivantes(').

4. HYPOTHESES DE LA LETTRE D'OFFRE

L'intention de l'Acquéreur au titre de la transaction et les conditions (notamment de prix pour la Propriété) de la lettre d'offre reposent sur les principales hypothèses suivantes :

i. l'audit de la propriété (juridique, fiscal, notarial, technique et environnemental) que mènera l'acquéreur à compter de l'acceptation de la Lettre d'offre ne révélera pas de risques de nature à impacter de manière significative la valorisation de la Propriété (')

(v) absence de survenance d'un fait, changement, évènement ou circonstance ayant un effet significatif défavorable sur la valorisation de la Propriété (en ce compris un sinistre affectant substantiellement tout ou partie de celle-ci)

(vi) les parties négocieront de bonne foi l'ensemble de la documentation contractuelle relative à la transaction (i.e. La promesse et l'acte authentique de vente) à des conditions usuelles pour une transaction de cette nature."

C'est par de justes motifs que le tribunal a retenu que si l'acquéreur avait exprimé son intention ferme de parvenir à l'acquisition projetée, il a néanmoins exprimé de manière toute aussi ferme sa volonté dénuée d'ambiguïté de voir poursuivre le processus contractuel par le biais d'une négociation de promesse unilatérale de vente, puis d'un acte authentique de vente et ce, sous diverses réserves et notamment l'issue de l'audit de la propriété.

Les nombreux pourparlers ultérieurs entre les parties sur des sujets aussi importants que le prix témoignent de la poursuite de ce processus et de l'absence d'accord sur la chose et le prix à la date à laquelle l'offre a été contresignée.

Si la production des seules premières pages des projets de contrats successifs (Pièces [O] 13 à 13-5), ne permet pas à la cour de déterminer l'étendue exacte des contradictions existant entre les parties, elles témoignent néanmoins suffisamment de ce qu'il existait de nombreux désaccords et ce, jusqu'en avril 2019.

Les projets de promesses de vente , tous postérieurs au document que l'appelant considère comme fixant définitivement les conditions de la vente, comportaient, outre des remarques et commentaires en marge témoignant de l'absence d'accord définitif sur des éléments essentiels, notamment sur le prix qui fluctuait à 100 000 euros près et sur l'objet de constructions restant à édifier sur le terrain, le commentaire selon lequel « De manière générale, la mention discussion en séance ne convient pas. Le rdv de signature ne se tiendra qu'avec un projet préalable et validé».

Si le tribunal a pu relever tout spécialement dans le dernier projet en date du 16 avril 2019 (Pièce 13-5 [O]) versé aux débats les nombreux points de discussions pendants, la cour, faute de production complète du dit projet, ne peut parvenir au même degré de précision que les premiers juges . Toutefois, elle relève que celui-ci ne pouvait être assimilé au « projet préalable et validé » devant faire l'objet d'une signature à très court terme.

En effet, les échanges concomitants à l'élaboration de ces projets sont évocateurs des discussions en cours et de désaccords persistants :

- par courriel du 12 février 2019 (pièce n°15 [O]), M. [G], notaire de M. [O], affirmait « ne pas comprendre les modifications apportées ce jour :

-Pourquoi inclure maintenant une clause de dédit au profit du vendeur, qui n'existait pas jusqu'alors '

-Le prix était initialement hors champs de la T.V.A. L'assiette due par l'acquéreur sera fortement modifiée s'il s'agit d'un prix H.T,

-La liste des documents à produire sous 8 mois ne cesse de s'allonger,

-J'avais compris que la question de la solvabilité de M. [O] et de l'origine de ses fonds propres était réglée.

En l'état, je comprends que les négociations menées avant acceptation de la LOI sont remises en question, sans toutefois que nous puissions travailler en réunion ».

- le 14 février 2019, M. [O] écrivait qu'il fallait « adopter une autre méthode quant aux suites à donner à cette transaction » affirmant avoir demandé à son notaire « d'écrire la proposition finale de promesse » et proposant aux vendeurs de « la revoir ce week-end et d'en accepter les termes afin de signer lundi prochain au plus tard (') (Pièce n°16 [O]).

Partant, si les parties étaient encore en pourparlers en 2019 afin de convenir des modalités essentielles de la vente à intervenir, les pièces produites ne sauraient être assimilées à un accord définitif survenu en octobre 2018.

Conformément à l'argument avancé par la société, cette absence d'accord est encore confirmée par le fait que la SCI n'avait pas encore procédé à la réunion d'une assemblée générale extraordinaire exigée par les termes de ses statuts qui énonçaient, concernant l'objet social (article 2 des statuts), confirmé par l'extrait K bis (pièce 3 de l'intimée) :

" Cette société a pour objet :

- L'acquisition de tous biens mobiliers et immobiliers et notamment l'acquisition d'une propriété dénommée " La Butte Ronde ", située à [Localité 12], cadastrée section A, n° [Cadastre 1] à [Cadastre 2] ; [Cadastre 3] à [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] à [Cadastre 9], [Cadastre 10] ,

- L'emprunt de tous les fonds nécessaires à la réalisation de cet objet.

- La gestion et l'administration et l'exploitation par bail, location ou autrement de biens immobiliers bâtis ou non bâtis, à usage d'habitation, de commerce ou professionnel.

- La gestion de patrimoine qui pourra être composé de biens meubles,

Et, plus généralement, la réalisation de toutes opérations, se rattachant directement ou indirectement, à cet objet, pourvu qu'elles aient un caractère civil ou qu'elles n'affectent pas le caractère civil de la société. "

L'article 27-1 des statuts est ainsi libellé (pièce 3) :

"Nature des décisions extraordinaires :

Sont qualifiées d'extraordinaires les décisions collectives concernant l'agrément d'un nouvel associé ou celles concernant une modification statutaire."

Il est ajouté, en article 27-2 :

Majorité :

Les décisions extraordinaires ne pourront être valablement prises que si elles sont adoptées :

À l'unanimité pour changer la nationalité de la société, pour transformer la société en une autre forme de société dans laquelle la responsabilité des associés se trouve aggravée ou pour augmenter les engagements d'un associé,

À la majorité en nombre des associés représentant au moins les deux tiers du capital social pour toutes les autres décisions extraordinaires."

La vente du bien litigieux, qui constituait l'unique bien immobilier de la SCI, n'entrait donc pas aux termes de ces statuts dans l'objet social de la SCI en octobre 2018 ; la vente aurait alors entraîné la dissolution de la société devenue coquille vide et elle ne pouvait donc être décidée qu'avec l'accord des associés à la majorité requise pour la modification des statuts selon l'article 27-2 des statuts. L'acceptation de l'offre d'achat relevait donc aux termes des statuts d'une décision extraordinaire de l'assemblée des associés et l'assemblée générale ne l'a jamais votée. M. [O] était parfaitement informé de cette exigence qu'il a lui-même rappelée aux termes d'un courriel du 10 octobre 2018.

C'est vainement que l'appelant affirme que ce vote de l'assemblée générale aurait eu lieu en produisant un document en pièce 20, non signé, concernant une assemblée générale ordinaire qui n'aurait pas eu les pouvoirs de procéder à cette modification.

Ces considérations avancées par la société ne constituent dans sa démonstration qu'un argument pour illustrer le fait que les discussions entre les parties n'en étaient qu'au stade préliminaire précontractuel, raison pour laquelle elle n'avait pas encore procédé aux formalités indispensables pour autoriser le gérant à vendre le bien dans le cadre d'un objet social renouvelé. Car l'obstacle pouvait se résoudre comme expliqué ci-dessus ; ce moyen n'emporte aucune contradiction permettant d'invoquer le principe de l'estoppel dont l'appelant ne tire en outre aucune conséquence en termes de demande dans le dispositif de ses conclusions.

La cour confirme donc le jugement en ce que la lettre d'intention du 12 octobre 2018 ne constitue pas une promesse synallagmatique de vente alors que les questions préalables à toute possibilité d'accord n'ont pas été réglées dans le cadre d'une opération immobilière d'importance.

Sur l'existence d'une promesse unilatérale de vente

Rappelant que la promesse unilatérale de vente ne vaut pas vente, le tribunal a estimé que M. [O] avait simplement offert d'entrer en pourparlers pour négocier une promesse unilatérale de vente, elle-même soumise à diverses conditions suspensives de droit et particulières, pouvant conduire, en cas de levée d'option et de réalisation de ces conditions, à la réalisation de la vente.

L'appelant affirme avoir, en demandant la réalisation de la vente, levé l'option de la promesse unilatérale de vente. Il fait valoir que s'agissant des promesses unilatérales de vente « dès lors qu'au cours de la négociation les parties s'entendent sur les éléments essentiels de l'opération à mener, le contrat peut être conclu à titre définitif ou sous forme de promesse liant de façon irrévocable le ou les promettants ». Il argue que la forme de l'acceptation est libre, cette dernière pouvant, selon lui, être tacite et induite des circonstances.

La SAS Domaine de la Butte ronde conteste l'existence d'une telle promesse et soutient notamment qu'en application des dispositions de l'article 1589-2 du code civil, la promesse unilatérale de vente, si elle n'est pas constatée par un acte notarié, doit, sous peine de nullité, être enregistrée dans le délai de 10 jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire.

Sur ce,

La cour souligne le paradoxe selon lequel M. [O], qui prétend établir à titre subsidiaire l'existence d'une promesse unilatérale de vente, demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions de "reconnaître à l'accord, du fait de la levée de l'option, la qualification de promesse synallagmatique de vente."

Selon l'article 1124 du code civil, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat par lequel l'une des parties, le promettant, donne son consentement à la vente, tandis que l'autre, le bénéficiaire, dispose de la faculté de contracter ou de ne pas contracter en levant ou non l'option dont il dispose. La promesse de vente est unilatérale parce qu'une seule partie, le promettant, consent par avance à la vente.

Or, d'une part, la promesse unilatérale doit contenir tous les éléments essentiels du contrat pour la formation duquel il ne manque que le consentement du bénéficiaire (autrement dit apporter les précisions utiles sur le prix, l'immeuble vendu, la durée et l'éventuelle contrepartie à l'option) et il a été vu précédemment que ce n'était pas le cas mais en outre, aux termes de la lettre d'intention, il s'agirait tout au plus d'une promesse d'achat de la part de M. [O] et non d'une promesse de vente de la part de la SCI.

L'offre litigieuse prévoyait justement que dans le futur, une promesse unilatérale de vente devait être régularisée pour le prix et sous les conditions suspensives d'usage pour une cession de cette nature.

Et il résulte de la pièce versée aux débats intitulée « Domaine de la Butte Ronde (la « propriété ») -Offre d'acquisition » que seul l'acheteur proposait de s'engager en soumettant une « offre ferme d'acquisition » selon la dénomination donnée à l'acte.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que si le projet prévoyait la négociation d'une promesse unilatérale de vente, M. [O] avait offert d'entrer en pourparlers pour négocier une telle promesse, elle-même soumise à diverses conditions suspensives de droit pouvant conduire, en cas de levée d'option et de réalisation de ces conditions, à la réalisation de la vente. En aucun cas, le vendeur ne s'était engagé pour sa part, les éléments essentiels n'étant pas fixés tel le prix comme en témoignent les âpres discussions ultérieures sur la prise en compte de la TVA dans le "net vendeur".

En outre, s'il résulte des échanges de courriels (Pièce n°12 [O]) en date du le 12 décembre 2018 que la promesse devait être signée le vendredi 21 décembre 2018, rien ne permet à la cour de constater l'effectivité d'une telle signature ni la survenue d'une levée d'option dans les temps impartis par la promesse.

Il y a par conséquent lieu de débouter M. [O] de sa demande et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la rupture fautive des pourparlers

Le tribunal a estimé qu'aucun abus ne pouvait être retenu à la charge de la SAS Domaine de la Butte ronde dans la mise en oeuvre de sa liberté de rompre les pourparlers.

M. [O] tant sur le fondement de l'article 1112 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016 que sur celui de la jurisprudence de la Cour de cassation estime que la SAS Domaine de la Butte ronde engage sa responsabilité puisqu'elle aurait, selon lui, sans motif légitime brutalement et unilatéralement, rompu les pourparlers engagés depuis plusieurs mois.

La SAS Domaine de la Butte ronde objecte que le tribunal a, à juste titre, relevé qu'il subsistait de nombreux points de désaccord et que l'appelant ne produisait aucun élément permettant de déterminer le montant de son préjudice éventuel.

Sur ce,

Selon l'article 1240 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Selon l'article 1241 du même code « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

Suivant l'article 1112 du code civil « l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré contractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d'obtenir ces avantages ».

Les pourparlers contractuels sont des entretiens préalables à la conclusion d'un contrat et constituent le cadre des négociations ou tractations préliminaires à sa conclusion. Ils doivent être menés de bonne foi par les parties à la négociation, en traduisant la réelle volonté des parties d'explorer la possibilité de conclure le contrat envisagé.

La loyauté dans la conduite des discussions précontractuelles oblige notamment les partenaires à s'informer mutuellement des éléments de la discussion, à se laisser un délai raisonnable de réflexion sur chaque point important de la négociation, à s'abstenir de formuler des propositions que l'on sait inacceptables pour l'autre partenaire, à ne pas prolonger artificiellement les pourparlers alors que la décision de les rompre ou de traiter avec autrui a été prise et à ne pas mener des négociations parallèles si les partenaires se sont engagés à mener une négociation exclusive pour une durée donnée.

Il est de jurisprudence constante que la société qui a rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu'elle entretenait avec son partenaire qui avait déjà, à sa connaissance, engagé de gros frais et qu'elle a maintenu volontairement dans une incertitude prolongée, a manqué aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales et engage ainsi sa responsabilité délictuelle (Com. 20 mars 1972, pourvoi n° 70-14.154 Bull. 1972, IV, n° 93 ; 3ème Civ. 3 octobre 1972 pourvoi n° 71- 12.993, B. III, n° 91).

La rupture fautive peut être caractérisée par l'absence de motifs ou par leur illégitimité. A l'inverse, la faute est écartée, même lorsque la rupture est tardive, lorsqu'elle repose sur des motifs légitimes (Com., 20 novembre 2007, n° 06-20.332 ; Com. 7 mars 2006, n° 04-17.177 ; 3ème Civ, 14 juin 2000, n° 98-22.131).

La rupture des pourparlers est jugée abusive chaque fois qu'une partie a été faussement entretenue par l'autre dans l'illusion de la volonté réelle de signer le contrat au terme des pourparlers et que la rupture intervient, sans motif légitime, après une longue période de négociation et juste avant la signature du contrat définitif.

Il résulte des pièces versées aux débats que des désaccords subsistaient entre les parties malgré une succession de projets et discussions portant sur la transaction. En effet, la détermination du prix était encore en février 2019 source de discussion ayant une importance non négligeable s'agissant notamment de la prise en compte de la TVA sur un prix de 14 700 000 euros comme l'écrit lui-même dans un courriel du 12 février 2019, Me [G], notaire de l'appelant (pièce n°15 [O]).

Sept mois après l'émission de la lettre d'intention et à la suite de nombreux échanges et négociations, la société Haras de la Butte ronde a rompu les pourparlers ce qui ne saurait, comme l'a relevé le tribunal, être constitutif d'une faute compte tenu de l'envergure et de la complexité de l'opération et du non aboutissement des pourparlers malgré l'investissement des parties dans les discussions.

Il résulte de cette analyse que la rupture des pourparlers, à l'initiative de la société Domaine de la Butte Ronde ne peut être considérée comme fautive et la cour relève qu'en tout état de cause, M. [O] ne justifie nullement de l'existence d'un préjudice dans la mesure où il ne prouve pas qu'il a perdu une chance certaine de lever l'option.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre d'un manquement de la société à son obligation d'exclusivité

Le tribunal a retenu pour débouter M. [O], que le demandeur ne procédait que par voie d'affirmation sans démontrer une quelconque violation de la part de la SAS Domaine de la Butte ronde.

M. [O] invoque l'article 6 de la lettre litigieuse selon lequel « le vendeur et/ou ses associés ainsi que leurs conseils (') s'obligeront à cesser immédiatement, ne pas poursuivre ou engager toutes discussions ou négociations avec tous tiers auxquels ils pourraient prendre part relativement à un transfert, sous quelque forme que ce soit, de tout ou partie de la propriété ( ') ». Il affirme avoir produit, outre une capture d'écran, un courrier du 10 décembre 2018 par lequel il faisait part au représentant de la SCI de sa « surprise » après que ce dernier lui ait confié avoir fait une visite et avoir un nouvel intérêt.

La SAS Domaine de la Butte Ronde répond que l'appelant ne démontre pas l'existence de la violation invoquée.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1363 du code civil, « nul ne peut se constituer de titre à soi-même ».

L'appelant produit au soutien de son moyen un courriel qu'il a lui-même écrit et envoyé au gérant de la SAS Domaine de la Butte ronde. Ce courriel s'il fait état des craintes de M. [O] s'agissant de la vente ne peut démontrer l'existence d'un manquement à l'obligation d'exclusivité alléguée (Pièce n°11 [O]).

En outre, aucune obligation d'exclusivité n'est attachée à une simple entrée en pourparlers.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur l'abus de droit d'agir

Le tribunal a débouté la SAS Domaine de la Butte ronde de sa demande de dommages-intérêts en jugeant que la mauvaise appréciation qu'une partie fait de ses droits ne peut suffire à caractériser un tel abus.

La SAS Domaine de la Butte ronde soutient que M. [O] a procédé par voie d'affirmation sans démontrer l'existence des conditions pour engager sa responsabilité du fait du manquement prétendu à son obligation d'exclusivité ce qui a constitué pour elle une nuisance et une incertitude morale sur le transfert de propriété.

M. [O] rétorque que l'action en justice traduit une liberté publique essentielle et affirme que la jurisprudence exerce un contrôle rigoureux sur les motifs exposés en censurant les juges du fond lorsqu'ils se sont fondés sur des motifs impropres à caractériser des circonstances particulières faisant dégénérer en abus le droit d'agir.

Sur ce,

En application des dispositions des article 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

La faute faisant dégénérer en abus de droit l'action en justice doit être caractérisée par la partie qui l'invoque. Or, en l'espèce, la SAS Domaine de la Butte ronde ne démontre nullement que la présente procédure présente un caractère abusif.

En effet, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de M. [O] une telle faute, quand bien même il est débouté de ses demandes.

Par conséquent, il convient de rejeter sa demande de condamnation de M. [O] à des dommages et intérêts et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur l'indemnité d'immobilisation

La SAS Domaine de la Butte ronde estime que l'action engagée implique en application de l'article 27-2 des statuts qu'elle soit portée à la connaissance du notaire rédacteur de l'acte rendant impossible la cession du bien. Elle demande en conséquence l'allocation d'une indemnité d'immobilisation calculée sur la base du taux d'intérêt légal entre professionnels appliqué sur le prix de vente.

M. [O] estime d'abord que cette demande est irrecevable car contraire à l'interdiction faite à une partie, au cours d'une procédure, de « se contredire au détriment d'autrui », l'intimée affirmant en même temps que la vente de l'ensemble immobilier sort de son objet social et que l'action intentée « rend impossible la cession du bien ». Ensuite, il fait valoir d'une part, que cette demande est non fondée en l'absence de faute pouvant lui être reprochée, et d'autre part, qu'il ne doit pas être confondu immobilisation du bien et indisponibilité du bien. Enfin, il souligne l'absence de préjudice causé à l'intimée.

Sur ce,

Il est paradoxal de s'être affirmée libre de rompre des pourparlers qui n'aboutissaient pas et qui, même de façon temporaire, nécessitaient une modification des statuts non encore réalisée en 2019 et de demander l'indemnisation d'une immobilisation du bien immobilier sans toutefois en indiquer la durée.

Au surplus, l'action en justice étant un droit protégé, elle ne saurait conduire en l'espèce à la condamnation pour immobilisation du bien immobilier objet du litige alors que le droit de propriété du dit bien était contesté.

Il y a donc lieu de rejeter la demande formulée par la SAS Domaine de la Butte ronde.

Sur les frais et dépens

Le tribunal a rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [O] aux entiers dépens de première instance.

M. [O] demande à la cour de condamner la SAS Domaine de la Butte ronde à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Domaine de la Butte ronde sollicite sur le même fondement la condamnation de M. [O] à lui payer la somme de 15 000 euros.

Sur ce,

Succombant, M. [O] doit payer à la SAS Domaine de la Butte ronde la somme de 5000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il supportera en outre les dépens d'appel avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] à payer à la SAS Domaine de la Butte ronde la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] aux entiers dépens d'appel avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.