CA Dijon, 2e ch. civ., 2 mai 2024, n° 22/00324
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Agridiffusion (SAS)
Défendeur :
De Fontaine Douce (EARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blanchard
Conseillers :
Mme Charbonnier, Mme Kuentz
Avocats :
Me Vion, Me Delarras
Exposé du litige
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 13 juin 2019, l'EARL de Fontaine Douce a confié son tracteur de Marque John Deere modèle 6830 à la SAS Agridiffusion aux fins de réparation.
La société Agridiffusion a émis deux factures, l'une en date du 30 juin 2019 référencée AU060055/R19 pour un montant TTC de 4 364,90 euros, l'autre en date du 29 juillet 2019 portant le numéro AU070037/R19 d'un montant TTC de 970,69 euros.
L'EARL de Fontaine Douce a réglé seulement la facture AU070037/R19 d'un montant de 970,69 euros.
Par ordonnance en date du 24 septembre 2020 rendue par le tribunal judiciaire de Dijon, il a été fait injonction à l'EARL de Fontaine Douce de payer à la société Agridiffusion les sommes suivantes :
- 4 364,90 euros, correspondant à la facture AU060055/R19 du 29 juillet 2019, avec intérêts au taux contractuel de 1% mensuel à compter de la mise en demeure du 31 octobre 2019,
- 4,85 euros au titre des frais accessoires,
- 436,49 euros au titre de la clause pénale,
- 40,00 euros à titre d'indemnité forfaitaire.
L'EARL de Fontaine Douce a formé opposition par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au tribunal judiciaire de Dijon en date du 13 juin 2021.
Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe de ce tribunal conformément aux dispositions de l'article 1418 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- constaté la recevabilité de l'opposition formée par l'EARL de Fontaine Douce à l'ordonnance d'injonction de payer n°21-20-001082 rendue par le tribunal judiciaire de Dijon le 24 septembre 2020 ;
- déclaré en conséquence non avenue l'ordonnance d'injonction de payer susvisée ;
et statuant à nouveau :
- débouté la SAS Agridiffusion de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté l'EARL de Fontaine Douce de sa demande reconventionnelle ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que l'exécution provisoire de droit est sans objet ;
- laissé les dépens à la charge de la SAS Agridiffusion.
Par déclaration du 16 mars 2022, la société Agridiffusion a relevé appel de ce jugement.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 27 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société Agridiffusion demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 28 janvier 2022 en ce qu'il :
l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
a laissé les dépens à sa charge.
- le confirmer pour le surplus, à savoir en ce qu'il a :
débouté l'EARL de Fontaine Douce de sa demande reconventionnelle (en paiement de la somme de 3 217,50 euros),
statuant à nouveau et y ajoutant :
- condamner l'EARL de Fontaine Douce à lui payer les sommes de :
4 364,90 euros correspondant à la facture n°AU060055/R19 du 30 juin 2019, outre intérêts au taux contractuel légal à compter de la mise en demeure du 30 octobre 2019,
4,85 euros au titre des frais accessoires,
436,49 euros au titre de la clause pénale (taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points),
40,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
375 euros au titre forfaitaire des frais « de dossier », c'est-à-dire de constitution de celui-ci, de copies, d'envoi à la partie adverse, en première instance,
180 euros au titre du dédommagement pour le temps consacré à cette affaire, et des tracasseries engendrées, en première instance,
2 fois la somme de 235 euros correspondant aux frais exposés pour se rendre en audience au tribunal judiciaire de Dijon, à deux reprises, en première instance.
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- débouter l'EARL de Fontaine Douce de l'intégralité de ses demandes,
- condamner l'EARL de Fontaine Douce à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
- condamner l'EARL de Fontaine Douce aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant également les frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer, dont distraction au profit de la SELARL BMVD, avocat.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'intimée n°2 notifiées le 17 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, l'EARL de Fontaine Douce demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :
rejetant toutes conclusions contraires,
- juger mal fondé l'appel relevé par la SAS Agridiffusion et l'en débouter ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
constaté la recevabilité de l'opposition qu'elle a formée à l'ordonnance d'injonction de payer n°21-20-001082 rendue par le tribunal judiciaire de Dijon le 24 septembre 2020,
déclaré en conséquence non avenue l'ordonnance d'injonction de payer susvisée,
- débouter la société Agridiffusion de l'intégralité de ses prétentions de ces chefs,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :
l'a déboutée de sa demande à titre reconventionnel au paiement de la somme de 3 217,50 euros, outre intérêts de retard à compter de la décision à intervenir,
faisant droit à son appel incident sur ce point,
statuant de nouveau :
- condamner la société Agridiffusion à lui payer la somme de 3 217,50 euros, outre intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- débouter la SAS Agridiffusion de l'intégralité de ses demandes,
ajoutant,
- condamner la SAS Agridiffusion à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Agridiffusion en tous les dépens en réservant à la SELAS Adida et associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 16 janvier 2024.
Motivation
SUR CE, LA COUR
A titre limimaire, la cour observe qu'elle n'est pas saisie de la question de la recevalité de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer.
1/ Sur la demande en paiement de la SAS Agridiffusion
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
La preuve du contrat d'entreprise allégué relève des dispositions des articles 1358 et suivants du code civil.
Eu égard au montant des travaux, le contrat devait être établi par écrit.
Il est constant, en l'espèce, que suspectant des dysfonctionnements au niveau de la vanne EGR et une fuite du vase d'expansion, M. [W], gérant de l'EARL de Fontaine Douce, a confié son tracteur de marque John Deere modèle 6830 à la SAS Agridiffusion afin qu'elle procède aux réparations nécessaires.
Il est produit un ordre de réparation n°8090 daté du 20 juin 2019 signé par M. [W], qui dans la rubrique 'travaux commandés' vise les points suivants: 'Vanne EGR' et 'fuite vase d'expansion'.
Le même document précise dans la rubrique 'commentaires' :
- 13/06 1h recherche problème moteur
- 14/06 3h30 remplacement turbo
- 20/06 5h contrôle problème gasoil - changement filtres
- 21/06 4h30 remplacement clapet limiteur rampe hp et essais
Au titre de ces travaux, une facture n°AU060055/R19 a été émise, en date du 30 juin 2019, pour un montant de 4 364,90 euros TTC visant un ordre de réparation n°AU00008090/R du 13 juin 2019, les travaux mentionnés aux commentaires de l'ordre de réparation ainsi que la liste des pièces détachées comportant les mêmes désignations, quantités et références que l'ordre de réparation.
Un nouvel ordre de réparation n°8172 a été établi par la SAS Agridiffusion le 16 juillet 2019 portant, au terme de la rubrique des travaux commandés, sur un 'problème de bruit moteur à chaud'. Cet ordre de réparation n'est pas signé par le représentant de l'EARL intimée mais par le seul technicien de la SAS Agridiffusion.
Ce document précise dans la rubrique 'commentaires' :
- 16/07 1h recherche problème circuit EGR
- 18/07 2h vanne EGR démontage et remplacement
- 19/07 1h remplacement joints et silent bloc sur intercooler, calibrage vanne EGR et essais.
Au titre de ces travaux, une facture n°AU070037/R19 a été émise le 29 juillet 2019 pour un montant de 970,69 euros TTC visant l'ordre de réparation n°AU00008172/R du 16 juillet 2019 ainsi que les travaux et la liste des pièces détachées figurant dans ce dernier document.
Cette dernière facture a été payée par l'EARL intimée par chèque le 14 novembre 2019.
La société appelante réclame paiement de la première des factures que l'EARL De Fontaine Douce refuse de payer soutenant que seuls les travaux concernant la vanne EGR et fuite du vase d'expansion ont été commandés et contestant avoir pu signer un ordre de réparation le 20 juin 2019 concernant des problèmes moteur et remplacement du turbo tout comme elle conteste avoir signé celui du 16 juillet 2019.
Il est relevé, à l'instar du premier juge, que la seule facture réglée par l'EARL de Fontaine Douce correspond en tous points aux travaux mentionnés sur l'ordre de réparation n°8090.
Contrairement à ce que soutient la société appelante, rien ne permet de confirmer que cet ordre de réparation a été signé par le donneur d'ordre le 20 juin 2019 avec les commentaires portant notamment sur le remplacement du turbo alors que le tracteur a été déposé par l'EARL de Fontaine Douce pour réparation le 13 juin 2019, que la rubrique relative aux commandes n'a pas été abondée pour tenir compte de nouvelles consignes et enfin que la facture établie le 30 juin 2019 vise un ordre de réparation du 13 juin 2019.
L'accord sur les travaux concernant le remplacement du turbo ne saurait être tiré des seules commentaires inscrits sur l'ordre de réparation daté du 20 juin 2019 qui manifestement ont été renseignés au gré de l'évolution des travaux sur plusieurs jours.
Il en résulte que les conditions générales, dont il n'est nullement établi que l'EARL intimée aurait pu les ratifier, et qui prévoient qu''à la réception du matériel, un ordre de réparation est établi, la signature du client vaut consentement à l'application des conditions de réparations', ne sont pas opposables à l'EARL de Fontaine Douce.
Par suite, il n'est aucunement allégué une impossibilité matérielle ou morale, au sens de l'article 1360 du code civil, de se procurer un écrit.
L'existence de relations d'affaires antérieures qui pourrait justifier l'absence d'établissement d'un écrit relatif aux travaux dont il est réclamé paiement n'est aucunement démontrée.
Enfin si l'ordre de réparation daté du 20 juin 2019 constitue un commencement de preuve par écrit, il n'est corroboré par aucun autre élément.
Il en résulte que la SAS Agridiffusion échoue à démontrer l'existence d'un contrat portant sur le remplacement du turbo, remplacement dont l'utilité n'est d'ailleurs pas établie.
Elle échoue donc à démontrer l'existence d'une créance à l'encontre de l'EARL intimée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.
2/ Sur la demande reconventionnelle
Pour demander la condamnation en paiement de la société Agridiffusion, au titre de son appel incident, l'EARL de Fontaine Douce soutient que celle-ci n'ayant pas correctement réparé le tracteur, elle n'a pas pu l'utiliser dès le mois de juillet 2019 et a été contrainte d'attendre le mois de juin 2020 pour récupérer son tracteur et de faire appel à une entreprise extérieure pour réaliser les travaux nécessaires à son activité pour un montant de 3 217,50 euros, selon facture de la SNC Eta de Treney du 26 décembre 2019 correspondant à des travaux de pressage et de semis.
Or, la facture de réparation du tracteur établie le 15 juin 2020 par la société Giacomel d'un montant de 1 415,23 euros ne suffit pas à démontrer que le tracteur John Deere serait resté immobilisé et inutilisable après restitution par l'entreprise Agridiffusion jusqu'en juin 2020 et partant de là aurait été mal réparé en juillet 2019 par cette dernière, alors qu'il n'est justifié d'aucune réclamation dans l'intervalle de la part de l'EARL intimée et que le lien entre les réparations n'est pas établi.
De même, la seule facture de prestation de service du 26 décembre 2019, dont il est réclamé paiement et qui ne précise pas la date des travaux facturés, ne démontre pas davantage que l'EARL intimée était privée de l'usage du tracteur litigieux durant la période concernée.
Le jugement déféré est donc également confirmé en ce qu'il a débouté l'EARL de Fontaine Douce de sa demande reconventionnelle.
3/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La SAS Agridiffusion, partie succombante, est condamnée aux dépens d'appel.
Il n'y a pas davantage lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Agridiffusion aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.