Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 18 juin 2024, n° 20/08487
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 18 JUIN 2024
N° 2024/ 247
Rôle N° RG 20/08487 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHTF
S.A.S. LA CLINIQUE CHIRURGICALEDE [Localité 5]
C/
[L] [N]
[O] [T]
[U] [W]
S.C.M. LA RESIDENCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Maud DAVAL-GUEDJ
- Me Jean-françois DURAN
- Me Corinne AMAR
- Me Alexis REYNE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Août 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 6178/2020.
APPELANTE
S.A.S. LA CLINIQUE CHIRURGICALE DE [Localité 5] agissant poursuites et diligences de pris en la personne de ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés au siège social,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric FAUBERT de la SELARL DEFENZ, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Monsieur [L] [N]
né le 17 Mai 1972 à [Localité 4] (13),
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [O] [T]
né le 24 Mai 1971 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 6]
tous deux représentés par Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [U] [W]
né le 08 Janvier 1959 à [Localité 4] (13),
demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Corinne AMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
La société S.C.M. LA RESIDENCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alexis REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier BRUE, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Depuis 1977, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a mis à la disposition de plusieurs médecins liés avec elle par un contrat d'exercice libéral, des locaux situés au rez-de-chaussée du bâtiment, pour l'exercice d'une activité de consultation médicale dénommée service d'accueil et de soins permanents jusqu'en 2011, puis centre de consultations médicales, CCM.
Le 1er février 1999 a été créée la société civile de moyens SCM La Résidence, au sein de laquelle sont notamment associés M. [U] [W], M. [L] [N] et M. [O] [T].
Cette mise à disposition s'est effectuée sans contrepartie financière jusqu'au mois d'octobre 2013 à partir duquel une redevance mensuelle de 1500 € a été réglée à la clinique par la SCM La Résidence.
Par lettres recommandées avec avis de réception datées du 1er février 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a notifié à la SCM La Résidence, la résiliation de son « bail professionnel verbal » à compter du 30 septembre 2019, ainsi qu'à M. [L] [N] et M. [O] [T], la résiliation de leur contrat d'exercice libéral à compter du mois d'octobre 2020.
Par assignation du 4 octobre 2019, M. [L] [N] et M. [O] [T] ont fait citer la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5], devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix en Provence, aux fins d'obtenir l'autorisation de se maintenir dans les lieux, la condamnation de la défenderesse à rétablir leur plaque professionnelle et à supprimer toute pancarte faisant état de la fermeture du centre de consultation médicale et subsidiairement à leur payer une provision de 122'821 € chacun à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.
Par assignation du 10 octobre 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a fait citer la SCM La Résidence, devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix en Provence aux fins d'obtenir son expulsion, la fixation d'une indemnité d'occupation et sa condamnation à une provision pour indemniser son manque à gagner.
M. [L] [N] et M. [O] [T] sont intervenus volontairement à la procédure.
Par ordonnance rendue le 21 janvier 2020, ce magistrat a :
- ordonné la jonction de procédures.
- reçu l'intervention volontaire de M. [U] [W].
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité
- dit n'y avoir lieu à référé au regard de l'absence de trouble manifestement illicite établi et de l'existence d'une contestation sérieuse.
- en application de l'article 800 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant le tribunal statuant au fond.
Par jugement rendu le 10 août 2020, cette juridiction a statué ainsi qu'il suit:
Dit que la demande formée par les docteurs [N] et [T] d'être autorisés à se maintenir dans les locaux mis a leur disposition par la Clinique De [Localité 5] dans 1'attente de la décision à intervenir au fond est sans objet;
Rejette la demande de condamnation sous astreinte au rétablissement des plaques professionnelles des Docteurs [T] et [N], à la suppression de toute pancarte ou affiche faisant état de la fermeture temporaire du centre de consultations médicales et de manière generale à la suppression de tout obstacle l'exercice par les Docteurs [T] ct [N] de leur activité de médecin généraliste au sein de la clinique;
Dit que l'occupation des locaux situés an rez-dc-chaussée de la clinique chirurgicale de [Localité 5] est régie par les contrats d'exercice liberal conclus par cette dernière avec les médecins résidents;
Dit par conséquent que l'occupation dc ces locaux ne ressort ni d'un bail professionnel, ni d'un bail de droit commun autonome;
Déclare nul le congé délivré pour l'occupation des locaux situés au rez-de-chaussée de la clinique de [Localité 5] le 1er février 2019 en violation des délais de préavis prévus par les contrats d'exercice liberal des médecins résidents;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [L] [N]
les sonnnes de :
- 11l.136,50 euros en réparation de son préjudice financier,
- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [O] [T]
les sommes de :
- 112.821 euros en réparation de son préjudice financier.
- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [U] [W] les
sommes de:
- 240.000 euros au titre de son préjudice financier,
- 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicaie de [Localité 5] à rembourser aux docteurs [L]
[N] et [O] [T] le coût des constats d'huissier des 30 septembre et 8
octobre 2019;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à verser aux docteurs [L] [N], [O] [T] et [U] [W], chacun, la somme de 5000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] aux dépens de la procédure avec distraction
au profit des avocats constitués;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration transmise au greffe le 3 septembre 2020, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a relevé appel de cette décision
Vu les conclusions transmises le 15 avril 2024, par l'appelante.
Elle expose que :
- M. [U] [W] a conclu un contrat d'exercice libéral, CEL écrit à partir du contrat type établi par la profession prévoyant un préavis de 18 mois, lorsque le médecin a exercé entre 10 et 15 ans et un préavis de deux ans, pour un exercice au-delà de 15 ans.
- les deux autres médecins sont liés par un contrat verbal devant se référer au contrat type.
- elle était liée par un bail verbal avec la SCM La Résidence qui lui payait un loyer et non une redevance et que celui-ci n'avait pas un caractère dérisoire.
- à défaut le contrat doit être qualifié de prêt à usage ou commodat à durée indéterminée, avec paiement d'une participation aux charges.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] insiste sur l'indépendance entre les CEL relatifs à l'activité des mèdecins au sein su service d'hospitalisation de médecine générale de la clinique, avec une redevance de 5% de leurs honoraires et la mise à disposition de locaux distincts pour l'exercice libéral de consultations de médecine générale dans le cadre du CCM.
Elle souligne que les trois médecins intimés ont continué de suivre des patients hospitalisés sur la période du 1er octobre 2019 au 10 septembre 2020 et d'hospitaliser de nouveaux patients au sein de la clinique.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] affirme:
- avoir donné congé à la SCM La Résidence avec un délai de huit mois et pris les mesures nécessaires à l'information du public sur la fermeture du CCM, outre le déplacement de la salariée affectée au secrétariat du CCM et des aides-soignantes.
- ne pas avoir entravé l'activité des médecins au sein du CCM, dès lors qu'elle a reçu l'assignation en contestation du congé, restant dans l'attente de la décision judiciaire.
- ne pas avoir fait changer les serrures.
- que les médecins n'ont restitué les clés que le 23 novembre 2020 et qu'une indemnité d'occupation lui est due.
Elle précise que les médecins ont ensuite pris toutes leurs dispositions en s'installant chacun dans de nouveaux locaux professionnels dans lesquels ils exercent depuis lors.
La clinique estime que le congé a été délivré dans les conditions prévues par la loi du 23 décembre 1986 régissant les baux professionnel respectant le délai de préavis de 6 mois qui peut être considéré comme raisonnable si le bail est qualifié de droit commun. Elle ajoute que les locataires n'ont pas sollicité un délai complémentaire.
L'appelante soutient que la responsabilité civile des médecins est engagée dès lors que :
- l'inexécution de leur contrat d'exercice libéral depuis le 1eroctobre 2019, justifie leur résolution, alors que la cessation de la mise à disposition du local du CCM ne les empêchait pas de poursuivre leur activité hospitalière.
- le CEL de M. [U] [W] avait été maintenu et celui de M. [L] [N] et M.[O] [T] n'a été rompu qu'à compter du 31juillet 2020.
Elle rappelle que le contrat d'exercice libéral type de l'ordre des médecins ne prévoit l'indemnisation du praticien qu'en cas de rupture abusive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La clinique invoque un préjudice économique correspondant d'une part à une perte de marge sur coûts variables et d'autre part, à la perte de clientèle, à la désorganisation des services, ainsi qu'à une atteinte à sa réputation.Elle réclame également l'indemnisation d'actes de concurrence déloyale, notamment liés au blocage des locaux et celle d'actes d'exécution précipités, notamment des saisies-attribution bancaires.
Selon elle, les demandes indemnitaires des médecins ne sont pas justifiées de manière rigoureuse, en l'absence de précisions sur leurs revenus de remplacement , ainsi que de production de pièces comptables et dès lors qu'ils ont conservé leur patientèle qui les a suivis dans leurs nouveaux locaux.
Vu les conclusions transmises le 4 avril 2024, par M.[L] [N] et M. [O] [T].
Ils rappellent que :
- la SCM La Résidence qui n'exerce pas d'activité professionnelle libérale ne peut être titulaire d'un bail verbal professionnel, lequel ne pourrait bénéficier qu'aux médecins eux-mêmes.
- le contrat d'exercice libéral ne peut recevoir la moindre exécution, en l'absence de mise à disposition de locaux.
- la mise à disposition des locaux du rez-de-chaussée sans obligation d'entretien, est un accessoire aux contrats d'exercice libéral, sans obligation d'entretien, avec le paiement d'une redevance improprement qualifiée de loyer dans la comptabilité de la SCM La Résidence.
- cette analyse a été confirmée par le conseil de l'ordre des médecins.
- le fonctionnement du CCM était entièrement pris en charge par la clinique qui bénéficiait à la suite des consultations, d'hospitalisations en chirurgie ou en médecine, ou de la réalisation d'actes divers.
- la présence de médecins libéraux sous contrat contribuait de manière notable au bon fonctionnement de la clinique avec un coût moindre pour cette dernière.
- l'usage en matière de droit commun des baux doit en l'espèce être calqué sur le contrat d'exercice libéral avec un préavis de 18 mois.
- à supposer que soit retenue l'existence de contrats distincts la résiliation de l'un entraînerait celle de l'autre à charge pour le responsable de cette dernière d'indemniser son cocontractant.
M. [L] [N] et M. [O] [T] en déduisent que la résiliation de la mise à disposition de locaux dont bénéficient le médecins, avant l'échéance de leur contrat d'exercice libéral, est abusive, puisqu'elle viendrait à empêcher l'exécution de ce dernier.
Ils soutiennent que :
- il ne peut leur être reproché d'avoir cessé leur activité alors que la clinique à fait enlever dans le CCM tout le matériel nécessaire pour suivre et hospitaliser les patients et retiré les secrétaires, ainsi que les infirmières et que cette dernière est responsable de sa propre désorganisation et de son manque à gagner.
- le contrat type d'exercice libéral ne comporte ni clause de non-concurrence, ni clause d'exclusivité et que leur nouvelle implantation a été autorisée par le conseil de l'ordre.
- la clinique n'apporte la preuve d'aucun préjudice lié à l'absence de restitution des clés du
local.
M. [L] [N] et M. [O] [T] soulignent l'importance de leur préjudice financier lié à l'impossibilité d'exercer dans le cadre du contrat, résultant notamment des pertes de revenus, des frais engagés pour la présentation de la patientèle, invoquant pour celui-ci l'ancien article 1150 du Code civil, permettant que des dommages et intérêts soient prononcés, dès lors que l'obligation n'est pas exécutée en raison du dol commis par le débiteur de l'obligation, ainsi que de leur préjudice moral, eu égard à leur ancienneté, ainsi qu'à la brutalité du comportement de la clinique qui n'a pas hésité à faire enlever leurs plaques professionnelles du jour au lendemain.
Ils soulignent que la clinique ne peut invoquer aucune désorganisation, ni atteinte à son image, alors qu'elle a délibérément choisi de fermer le CCM et de
Vu les conclusions transmises le 11 avril 2024, par M. [U] [W].
Il fait valoir que :
- le CCM a toujours fait partie intégrante de la clinique, comme le démontrent les rapports des autorités de santé. Il est donc étroitement lié au contrat d'exercice libéral d'un médecin généraliste. La mise à disposition des locaux de consultation est donc son corollaire.
- cette analyse est confirmée par le contrat de médecin coordonnateur signé en 2012 et par l'analyse du conseil de l'ordre des médecins.
- aucun contrat de bail n'a été conclu entre les parties. La seule occupation des lieux ne peut valoir présomption de contrat de location La redevance ne peut être non plus être un moyen de présomption. Un contrat de bail écrit a été signé avec des radiologues pour un loyer beucoup plus important.
- les CEL permettaient à la clinique de remplir ses lits, et d'avoir une surveillance médicale continue des patients hospitalisés par l'intermédiaire « d'astreintes »
- son expulsion assortie du retrait des plaques et de l'affichage de la fermeture a réduit à néant le contrat d'exercice libéral, puisque sans consultation, il n'hospitalise plus personne et n'effectue aucun suivi, sauf jusqu'en juillet 2020 pour les personnes déjà hospitalisées. Il a dû à trois ans de la retraite se faire héberger par un confrère.
- Il n'y a jamais eu de service de médecine générale, ni bureau de consultation généraliste
dans la partie hospitalière de la clinique.
- La direction de la clinique a refusé de l'intégrer dans le tableau des astreintes du mois d'octobre 2019 au motif qu'il n'en faisait plus partie.
- le délai contractuel de préavis de 2 ans applicable en cas d'exercice libéral supérieur à 15 ans n'a pas été respecté.
Il invoque un préjudice matériel lié aux pertes financières, procédures abusives, captation de clientèle, et moral directement lié aux fautes contractuelles de la clinique et réclame l'application de la clause pénale ;
L'intimé conteste les demandes indemnitaires de la clinique, selon lui, non fondées en raison de son éviction délibérée et précise qu'aucune concurrence déloyale ne peut lui être reprochée, en vertu du principe de liberté d'installation du médecin.
M. [U] [W] souligne que les seuls revenus à prendre en compte dans ce litige sont les revenus de l'activité de médecin libéral et précise que les relevé SNIR de la sécurité sociale qui comprennent tous les remboursement d'actes intervenus sur une année civile, sont reportés dans la déclaration fiscale 2035 établie par l'expert comptable.
Vu les conclusions transmises le 15 avril 2024, par la SCM La Résidence.
Elle réclame l'annulation du congé délivré le 1er février 2019 aux motifs que
- le préavis prévu par le statut des baux professionnels n'est pas applicable, dès lors que le premier alinéa de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 exige un contrat écrit qui n'existe pas en l'espèce.
- une société civile de moyens ne pouvait se voir appliquer le statut des baux professionnels, - elle n'est titulaire d'aucun droit d'occupation sur les locaux litigieux qui relève, uniquement des contrats d'exercice libéraux des médecins dont la mise à disposition des locaux constitue l'accessoire.
- ce point est confirmé par le contrat du Docteur [W], ainsi que par le conseil de l'Ordre.
- la clinique n'a pas régulièrement résilié les contrats d'exercice libéral en respectant les préavis.
- en cas reconnaissance de l'existence d'un bail de droit commun le préavis aurait dû être donné dans un délai de 18 mois au minimum, selon les usages professionnels, par référence au contrat type d'exercice libéral.
- subsidiairement en raison du non respect d'un préavis raisonnable applicable en matière de commodat au sens des article 1875 à 1879 du code civil.
La SCM La Résidence soulève l'irrecevabilité de la demande en dommages-intérêts pour concurrence déloyale formée à son encontre, alors qu'elle n'exerce aucune activité médicale.
Elle ajoute que le préjudice allégué découle du comportement de la clinique elle-même, alors qu'aucun manquement ne lui est reproché et qu'aucun lien de causalité ne peut être établi.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.
SUR CE
Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Sur la validité du 'congé' délivré le 1er février 2019 à la SCM La Résidence.
L'article premier du contrat type d'exercice libéral entre praticiens et clinique privée proposé par le conseil de l'ordre des médecins stipule que la clinique met à la disposition du médecin les lits, ainsi que les locaux et tous moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art dans les meilleures conditions, eu égard à la spécialité exercée.
L'article 3 ajoute que la direction de l'établissement fournira de façon permanente le concours d'un personnel qualifié conformément aux normes qu'il soit affecté au service d'hospitalisation aux salles d'opérations, ou de pansement.
Ces termes sont repris dans le contrat d'exercice libéral signé avec le Docteur [W] le 1er octobre 1999.
Il est admis que les relations entre la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] et les Docteurs [N] et [T] sont régies par les stipulations du contrat type d'exercice libéral établi par le conseil de l'ordre des médecins.
La convention définissant les modalités d'exercice à titre libéral des fonctions de médecin résident coordonnateur conclu le 23 juillet 2012 entre la clinique chirurgicale de [Localité 5] et le Docteur [W] rappelle dans l'exposé préliminaire :
« la Clinique chirurgicale de [Localité 5] dispose de plusieurs services et notamment d'un service d'hospitalisation en médecine générale au sein duquel peuvent être hospitalisé des patients soit directement par la clinique, soit suivre une prescription d'un médecin généraliste ou spécialiste exerçant à titre libéral.
«La clinique chirurgicale de [Localité 5] est propriétaire de locaux situés au rez-de-chaussée de la clinique qu'elle met à la disposition des médecins généralistes exerçant à titre libéral, afin de leur permettre d'exercer leur activité et plus particulièrement leur consultation.
Les médecins généralistes qui bénéficient de la mise à disposition de ces cabinets de consultation sont le Docteur [W], le Docteur [X], le Docteur [N] et le Docteur [T].
En contrepartie de cette mise à disposition et depuis l'origine, les docteurs [W], [X], [N] et [T] ont toujours:
- d'une part procédé au règlement d'une redevance égale à un pourcentage sur l'ensemble de leurs activités au sein de la clinique (soit les hospitalisations en étage) ;
- d'autre part, assurer un service de garde au sein de la clinique chirurgicale de [Localité 5] assurant ainsi tant la surveillance de leurs patients hospitalisés au sein du service médecine général que les urgences vitales sur l'ensemble des patients hospitalisés au sein de la clinique.
La répartition des jours de garde et des jours de consultation entre les docteurs [W], [X], [N] et [T] s'est toujours manifesté par la communication de la clinique d'un planning mensuel commun.
Le Dr [W] , médecin généraliste exerçant à titre libéral, dispose ainsi de locaux, de lits d'hospitalisation et de moyens mis à sa disposition par la clinique chirurgicale de [Localité 5] afin de lui permettre d'exercer son art. »
La mise à disposition de personnel et de moyens matériels résulte ainsi directement des obligations de la clinique telles que définies dans les contrats d'exercice libéral.
L'utilisation du terme 'loyer', par les médecins qui ne sont pas des juristes, dans certaines de leurs correspondances et dans leur déclaration fiscale, de même que la mention de ce terme dans les grands livres comptables de la clinique n'a pas d'incidence sur l'existence d'un bail étant observé que les factures adressées à la société civile de moyens ont pour objet la 'mise à disposition de bureaux de consultation', se référant ainsi aux obligations des contrats d'exercice libéral.
Ces contrats régisssent tant l'activité de médecin indépendant que celle de médecin hospitalier.
L'avis établi le 31 juillet 2019 par le représentant de la commission des contrats du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins expose notamment :
« Deux situations peuvent se rencontrer :
- La mise à disposition de locaux professionnels est inscrite dans le contrat d'exercice et sa contrepartie financière est incluse dans la redevance. Dans ce cas la convention d'occupation des locaux incluse dans le contrat d'exercice ne peut pas être requalifiée de bail professionnel.
- En revanche, si deux contrats distincts sont conclus, un contrat d'exercice et un bail, les dispositions impératives du bail professionnel ont vocation à s'appliquer : résiliation à tout moment par le médecin moyennant un préavis de six mois ; résiliation à la date anniversaire du bail pour la clinique, moyennant le respect d'un préavis de six mois.
Le seul contrat d'exercice libéral précise à son article premier 'la clinique met à la disposition du Dr [W] ses lits d'hospitalisation, ainsi que les locaux et tous les moyens nécessaires pour permettre au Dr [W] d'exercer son activité dans les meilleures conditions eu égard à la spécialité exercée '.
- le contrat d'exercice libéral du Dr [W] est muet sur l'existence d'une redevance à la charge du médecin.
- Seule une facture mensuelle de 1500 € est établie par la clinique à la SCM et non à chaque médecin. On notera qu'elle mentionne une mise à disposition de locaux et non un bail.
Au vu de la qualification des médecins, les locaux mis à disposition par la Clinique ne sont pas des blocs opératoires, ce ne peut être que des locaux de consultations comme cela est clairement indiqué sur le site web de la Clinique.
Au regard de leur activité de médecin généraliste, il semblerait incohérent de soutenir que
le contrat d'exercice écrit ou les contrats d'exercice de fait avaient pour objet de mettre à
disposition des médecins des lits d'hospitalisation et des locaux d'une autre nature que des
locaux de consultations.
L'application d'un préavis de 18 mois (préavis du contrat d'exercice) aux locaux de
consultations est tout à fait défendable. Il n'existe pas de bail professionnel signé entre la
Clinique et la SCM.
Pour les médecins qui n'ont aucun contrat d'exercice écrit avec la Clinique, ils sont
présumés avoir un contrat d'exercice tacite, identique à celui du Docteur [W] ».
Il apparaît ainsi que selon le conseil de l'ordre des médecins, en l'absence de contrat de bail distinct, doit être appliqué, en ce qui concerne les locaux, le préavis de 18 mois prévu par le contrat d'exercice libéral.Tel est le cas en l'espèce.
La mise à disposition des locaux nécessaires aux consultations qui constituent l'activité principale des médecins généralistes libéraux, est une obligation intégrée au contrat d'exercice libéral, dont la contrepartie financière a été acceptée par les médecins, dans un premier temps par la seule redevance proportionnelle à leur honoraires, puis par le paiement d'une somme mensuelle de 1500 €, par l'intermédiaire de la société civile de moyens La Résidence qu'ils ont constituée.
Il doit être considéré que la mise à disposition du local de consultation du rez-de-chaussée est nécessaire et indissociable, à l'activité des médecins généralistes libéraux et que celle-ci est régie par les règles de préavis incluses dans les contrats d'exercice libéral applicables aux trois médecins intimés.
Dans ces conditions, la clinique ne peut, en l'absence de tout document écrit en ce sens, revendiquer l'existence d'un bail professionnel, d'un bail de droit commun, ou d'une convention de prêt à usage ou commodat, qui seraient indépendants des contrats d'exercice libéral, ni invoquer les préavis qui leur sont applicables.
Il résulte des termes de son article 9 que pour le contrat d'exercice libéral du Docteur [W], signé le 1er octobre 1999, un préavis de 2 ans devait être respecté en ce qui le concerne pour la cessation de la mise à disposition du local de consultation.
Il résulte des termes de l'article 9 du contrat type établi par l'ordre des médecins qu'un préavis de 18 mois aurait dû être respecté pour le Docteur [N], dont le contrat tacite a pris effet le 1er mars 2004 et pour le Docteur [T], dont le contrat tacite a pris effet au 3 avril 2006.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er février 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a signifié à la SCM La Résidence son intention de ne pas renouveler le 'bail professionnel verbal' du mois d'octobre 2013 à son expiration au 30 septembre 2019.
Ce congé doit être déclaré nul, pour avoir été délivré avec un préavis inférieur à deux ans, ou 18 mois.
Sur les demandes indemnitaires des médecins :
Il doit être constaté que le contrat d'exercice libéral de la médecine, notamment ce qui concerne les consultations, ne pouvait plus de fait recevoir exécution, en l'absence de mise à disposition, des locaux du centre de consultation médicale situés au rez-de-chaussée de la clinique, du personnel affecté à cette activité, du matériel et des produits correspondants.
La clinique ne peut prétendre que le 'coin consultation', exigü et sommairement équipé situé au troisième étage de l'établissement pourrait se substituer au local de 150 m² du rez-de-chaussée.
Ainsi le contrat d'exercice libéral du Docteur [W] s'est trouvé de fait interrompu au 1er octobre 2019, alors même qu'il ne faisait pas l'objet d'une résiliation.
Le préavis de 18 mois dû au Docteur [N] ainsi qu'au Docteur [T] n'a de même pas été respecté. L'exécution de leur contrat, essentiellement lié aux consultations a également été prématurément interrompu à la même date.
Le compte rendu de la réunion de la commission médicale d'établissement du 9 octobre 2019 mentionne que la directrice de la clinique a notamment indiqué que:
- aucun bail n'a été signé pour l'occupation du CCM et que celui-ci a été qualifié de 'bail professionnel', dans l'intérêt de la SCM la Résidence.
- la proposition de l'augmentation du loyer mensuel à 18'000 € correspond à la charge mensuelle de fonctionnement, pour la mise à disposition des locaux, les ressources humaines directes (aides-soignantes, secrétaires et indirectes (pharmacienne, direction des soins, services techniques) du matériel et de sa maintenance, les médicaments et les frais généraux ( eau, électricité.)
- la situation actuelle des médecins est liée à la recherche d'un équilibre financier, ainsi qu'à un nouveau projet médical proposé par des chirurgiens et d'autres spécialistes.
Il apparaît que cette augmentation a été refusée par les médecins généralistes.
Ces éléments révèlent que la clinique souhaitait que les médecins généralistes concernés laissent la place à des spécialistes.
S'il n'y a pas lieu de remettre en cause la possibilité de mettre un terme à un contrat à durée indéterminée, ni la liberté dans les choix de gestion d'une entreprise, encore faut-il que celles-ci soient exercées dans le respect des règles de droit.
Il ne peut être considéré dans ces conditions que les contrats d'exercice libéral ont été exécutés de bonne foi par la clinique.
Le constat d'huissier de justice dressé le 8 octobre 2019, dans les locaux du CCM mentionne que les noms des Docteurs [N] et [T] ont été occultés et qu'une affichette précisant que le centre de consultation médicale est temporairement fermé pour restructuration a été fixée.
La délivrance d'un congé abusif par la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5], en ce qui concerne la mise à disposition des locaux du centre de consultation médicale est constitutive d'une faute engageant sa responsabilité civile.
La rupture des contrats d'exercice libéral étant par conséquence, intervenue également de manière abusive, elle doit donc indemniser le préjudice subi par les trois médecins évincés de son établissement, en application de l'article 9 du contrat type de l'ordre des médecins, pour M. [L] [N] et M. [O] [T] et de l'article 9 du contrat identique la liant à M. [U] [W].
Le préjudice matériel du Docteur [N] et du Docteur [T] doit être calculé en fonction de la différence entre la moyenne des revenus de leur activité libérale des années précédentes et les revenus perçus globalement pour leur activité d'exercice libéral pour la période du 1eroctobre 2019 au mois d'août 2020, ce compris les actes réalisés pour des personnes hospitalisées dans la clinique.
Doit être retenu un calcul proportionnel à partir des revenus de la fin de l'année 2019, dès lors qu'il est justifié que les revenus perçus au cours de l'année 2020 correspondent à une activité plus importante et non à une activité d'un volume équivalent.
Au vu des attestations des experts-comptables respectifs, et déclarations fiscales n° 2035 pour des bénéfices non commerciaux BNC produits pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021, la perte de revenus, pour l'activité libérale doit être évaluée à 36'710 € pour le Docteur [T] et à 54'013 € pour le Docteur [N].
Il n'y a pas lieu d'exiger la production des avis d'imposition, s'agissant ici de comparer seulement des activités libérales de nature équivalente.
En ce qui concerne les droits de présentation de clientèle, les médecins doivent rapporter la preuve que sans la faute, le préjudice ne se serait pas produit.
Il y a lieu d'observer que si le Docteur [N] et le Docteur [T] justifient avoir engagé des frais dans le cadre du paiement d'un droit de présentation de la clientèle en 2004 et 2006, force est de constater qu'ils n'apportent aucun élément permettant de démontrer qu'il leur aurait été possible d'en réclamer un en cas de cessation volontaire de leur activité au premier octobre 2019.
Il convient d'observer de ce chef que les conditions économiques de la profession ont considérablement changé depuis une vingtaine d'années et que les médecins exerçant à titre libéral ne peuvent plus à ce jour, sauf très rares exceptions, valoriser de manière effective un droit de présentation de clientèle.
Ces demandes indemnitaires seront donc rejetées dès lors que le lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice allégué n'est pas établi.
M. [L] [N] et M. [O] [T] qui ont été évincés de l'établissement, par la fermeture abusive du centre de consultation médicale, sans qu'aucun reproche sur leurs qualités professionnelles n'ait été invoqué, après 15 ans et 13 ans d'activité comme médecins généralistes au sein de la clinique, on subi un préjudice moral important devant être indemnisé par la somme de 15'000 €, chacun à titre de dommages-intérêts
Au vu des déclarations fiscales 2035 pour les années 2017 à 2020, mentionnant le résultat fiscal,
des relevés du Système national inter régimes établis par la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour les années 2019 à 2022 et du journal des recettes pour la situation comptable au 1er octobre 2020 versés aux débats, le préjudice financier subi par le Docteur [W], calculé à partir de la moyenne des revenus des mois précédents pour l'année 2019 et des années précédentes pour l'année 2020 qui comprennent les honoraires des actes réalisés dans le service hospitalier de la clinique à compter du 1er octobre 2019, doit être évalué à la somme totale de 57'794,10 €.
M. [U] [W] qui a été évincé de l'établissement, par la fermeture abusive du centre de consultation médicale, sans qu'aucun reproche sur ses qualités professionnelles n'ait été invoqué, après 25 ans d'activité comme médecin généraliste et médecin coordonnateur au sein de la clinique, ce peu de temps avant son départ en retraite, a subi un préjudice moral important devant être indemnisé par la somme de 20'000 €, à titre de dommages-intérêts.
Il ne fournit en revanche aucun élément permettant d'établir la réalité d'un préjudice lié à une captation de clientèle ou une concurrence déloyale de la part de la clinique au sein de laquelle il avait accepté d'exercer.
Le Docteur [W] ne démontre pas qu'il aurait eu la possibilité de valoriser un droit de présentation de clientèle s'il avait cessé volontairement ses fonctions au premier octobre 2019.
En l'absence de lien de causalité certain et direct entre la faute de la clinique et le préjudice allégué formellement établi, sa demande formée à ce titre est rejetée.
M. [U] [W] ne démontre pas que les demandes reconventionnelles de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] qui n'est pas à l'origine de la présente procédure ont été formées de mauvaise foi à son encontre, ni fondées sur une une erreur grossière équivalente au dol, avec l'intention de lui nuire. Sa demande en dommages et intérêts formée de ce chef est donc rejetée.
L'article 9 du contrat d'exercice libéral souscrit par M. [U] [W] stipule que sauf en cas de rupture abusive par la clinique, il ne pourra prétendre à aucune indemnité.
Il y a lieu de considérer que les dommages-intérêts alloués, correspondent à l'indemnité visée par cette stipulation qui ne constitue pas une clause pénale forfaitaire.
Sur les demandes de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5]:
Il a été jugé ci-dessus que la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] ne pouvait se prévaloir
d'aucun bail verbal ou commodat au titre de l'occupation du local du centre de consultation médicale.
La SCM La Résidence soutient à juste titre qu'elle n'est titulaire d'aucun droit d'occupation sur les locaux litigieux, dont la mise à disposition relève exclusivement des contrats d'exercice libéral souscrits par les trois médecins.
Il apparaît en effet, comme cela est exposé dans le compte rendu de la réunion de la commission médicale d'établissement du 9 octobre 2019 que les versements mensuels de 1500 €réalisés par la société civile de moyens correspondaient à la participation aux frais de fonctionnement de la clinique qui plaçait à la disposition des médecins libéraux qui en sont les associés des locaux et des moyens en personnel et matériels. Il ne s'agit donc pas d'un loyer relatif à un contrat de bail.
La demande en paiement fondée sur une indemnité d'occupation et la demande de remboursement de frais de constat d'huissier, formées par la clinique à l'encontre de la société civile de moyens La Résidence sont, en conséquence, rejetées.
Dès lors qu'il a été constaté que la cessation abusive de la mise à disposition du local de consultation ne permettait plus de fait aux trois médecins généralistes d'exercer leur activité de consultation et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été donné suite à leur demande de réintégration dans le tableau des permanences et astreintes à compter du 1er octobre 2019, ce naotamment pour l'activité d'hospitalisation, la clinique ne peut invoquer une inexécution constitutive d'une faute contractuelle à leur encontre.
Il convient de relever que l'appelante expose dans ses propres écritures que les trois médecins généralistes ont continué le suivi des patients hospitalisés sur leur prescription.
Elle ne peut se plaindre d'une diminution du nombre des hospitalisations qui n'est pas imputable aux intimés.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] n'est donc pas fondée à leur réclamer sur le fondement de la responsabilité contractuelle des dommages et intérêts au titre de la perte de marge sur coûts variables, ni en réparation des préjudices causés par la désorganisation qu'ils lui ont occasionnée, ainsi que de l'atteinte à son image et à sa réputation.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] réclame, sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle, la condamnation des médecins à lui payer des dommages-intérêts pour des actes de concurrence déloyale résultant du blocage volontaire de ses locaux du 1er octobre 2019 au 23 novembre 2020.
Il résulte des dispositions de l'article 1240 du Code civil que la responsabilité délictuelle ne peut être engagée qu'à charge pour celui qui l'invoque de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice d'un lien de causalité entre les deux.
Dès lors qu'il a été considéré que le préavis relatif à la mise à disposition devait être de 18 mois, les médecins étaient fondés à garder les clés jusqu'au 31 juillet 2020, comme l'indique le conseil de la clinique dans son courrier du 16 novembre 2020. Celles-ci n'ont été restituées que le 23 novembre 2020, ce qui constitue une faute de leur part.
La clinique ne démontre cependant ni l'existence de faits constitutifs de concurrence déloyale de ce chef, ni celle d'un détournement de patientèle, alors que les médecins qui n'étaient liés par aucune clause d'exclusivité ou de non concurrence, justifient avoir obtenu l'autorisation du conseil de l'ordre d'exercer dans des cabinets distincts.
Elle ne rapporte pas non plus la preuve qui lui incombe de ne pas avoir eu la possibilité de donner en location de local litigieux pendant la période résiduelle, seul fait pouvant constituer une réelle perte de chance.
S'agissant d'une simple mise à disposition et non d'un contrat de bail, l'absence de restitution des clés n'implique pas l'occupation des lieux par les médecins, ni l'impossibilité d'y accéder pour la clinique.
Aucun constat n'est produit pour corroborer l'affirmation selon laquelle l'accès au hall de la clinique elle même aurait été perturbé.
À défaut d'apporter la preuve qui lui incombe de l'existence d'un préjudice certain, directement liée à la faute des médecins, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] n'est pas fondée à leur réclamer des dommages-intérêts liés au manque à gagner résultant d'un blocage volontaire de ses locaux.
L'appelante ne justifie par ailleurs n'avoir subi aucun préjudice du fait d'une atteinte à son image, alors qu'elle a pris l'initiative de fermer le centre de consultation médicale et fait placer une affiche pour en informer le public.
Par jugement du 4 février 2021, dont il n'est pas justifié qu'il a été frappé d'appel, le juge l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence à débouté la Clinique chirurgicale de [Localité 5] de ses demandes en dommages-intérêts au titre des frais bancaires directement liés aux saisies attributions pratiquées les 2 et 3 septembres 2020, au titre de son préjudice à l'image et de l'atteinte à son crédit vis-à-vis des établissements bancaires et de la CPAM et au titre de son préjudice moral.
En vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] est irrecevable à former de nouveau des demandes à ces titres.
L'équité justifiait l'allocation de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCM La Résidence en première instance.
Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation du préjudice matériel de M. [U] [W] M. [L] [N] et M. [O] [T] , le montant de l'indemnisation du préjudice moral subi par M. [L] [N] et M. [O] [T] et les frais irrépétibles de la SCM La Résidence.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des intimés.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation du préjudice matériel de M. [U] [W] M. [L] [N] et M. [O] [T] , le montant de l'indemnisation du préjudice moral subi par M. [L] [N] et M. [O] [T] et les frais irrépétibles de la SCM La Résidence.
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [U] [W] la somme de 57 794,10 €, au titre de son préjudice matériel.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [L] [N] la somme de 54 013 €, au titre de son préjudice matériel et celle de 15 000 €, au titre de son préjudice moral.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [O] [T], la somme de 36 710 €, au titre de son préjudice matériel et celle de 15 000 €, au titre de son préjudice moral
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à la SCM La Résidence la somme de 2000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance.
Y ajoutant,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] formées au titre de l'exécution forcée du jugement de première instance.
REJETTE l'ensemble de ses demandes.
REJETTE la demande en dommages et intérêts de M. [U] [W] au titre de la procédure abusive.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [U] [W], la somme de 5 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [L] [N] et M. [O] [T], ensemble, la somme de 5 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à la SCM La Résidence, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 18 JUIN 2024
N° 2024/ 247
Rôle N° RG 20/08487 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHTF
S.A.S. LA CLINIQUE CHIRURGICALEDE [Localité 5]
C/
[L] [N]
[O] [T]
[U] [W]
S.C.M. LA RESIDENCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Maud DAVAL-GUEDJ
- Me Jean-françois DURAN
- Me Corinne AMAR
- Me Alexis REYNE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Août 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 6178/2020.
APPELANTE
S.A.S. LA CLINIQUE CHIRURGICALE DE [Localité 5] agissant poursuites et diligences de pris en la personne de ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés au siège social,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric FAUBERT de la SELARL DEFENZ, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Monsieur [L] [N]
né le 17 Mai 1972 à [Localité 4] (13),
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [O] [T]
né le 24 Mai 1971 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 6]
tous deux représentés par Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [U] [W]
né le 08 Janvier 1959 à [Localité 4] (13),
demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Corinne AMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
La société S.C.M. LA RESIDENCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alexis REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier BRUE, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Anaïs DOVINA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Depuis 1977, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a mis à la disposition de plusieurs médecins liés avec elle par un contrat d'exercice libéral, des locaux situés au rez-de-chaussée du bâtiment, pour l'exercice d'une activité de consultation médicale dénommée service d'accueil et de soins permanents jusqu'en 2011, puis centre de consultations médicales, CCM.
Le 1er février 1999 a été créée la société civile de moyens SCM La Résidence, au sein de laquelle sont notamment associés M. [U] [W], M. [L] [N] et M. [O] [T].
Cette mise à disposition s'est effectuée sans contrepartie financière jusqu'au mois d'octobre 2013 à partir duquel une redevance mensuelle de 1500 € a été réglée à la clinique par la SCM La Résidence.
Par lettres recommandées avec avis de réception datées du 1er février 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a notifié à la SCM La Résidence, la résiliation de son « bail professionnel verbal » à compter du 30 septembre 2019, ainsi qu'à M. [L] [N] et M. [O] [T], la résiliation de leur contrat d'exercice libéral à compter du mois d'octobre 2020.
Par assignation du 4 octobre 2019, M. [L] [N] et M. [O] [T] ont fait citer la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5], devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix en Provence, aux fins d'obtenir l'autorisation de se maintenir dans les lieux, la condamnation de la défenderesse à rétablir leur plaque professionnelle et à supprimer toute pancarte faisant état de la fermeture du centre de consultation médicale et subsidiairement à leur payer une provision de 122'821 € chacun à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.
Par assignation du 10 octobre 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a fait citer la SCM La Résidence, devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix en Provence aux fins d'obtenir son expulsion, la fixation d'une indemnité d'occupation et sa condamnation à une provision pour indemniser son manque à gagner.
M. [L] [N] et M. [O] [T] sont intervenus volontairement à la procédure.
Par ordonnance rendue le 21 janvier 2020, ce magistrat a :
- ordonné la jonction de procédures.
- reçu l'intervention volontaire de M. [U] [W].
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité
- dit n'y avoir lieu à référé au regard de l'absence de trouble manifestement illicite établi et de l'existence d'une contestation sérieuse.
- en application de l'article 800 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant le tribunal statuant au fond.
Par jugement rendu le 10 août 2020, cette juridiction a statué ainsi qu'il suit:
Dit que la demande formée par les docteurs [N] et [T] d'être autorisés à se maintenir dans les locaux mis a leur disposition par la Clinique De [Localité 5] dans 1'attente de la décision à intervenir au fond est sans objet;
Rejette la demande de condamnation sous astreinte au rétablissement des plaques professionnelles des Docteurs [T] et [N], à la suppression de toute pancarte ou affiche faisant état de la fermeture temporaire du centre de consultations médicales et de manière generale à la suppression de tout obstacle l'exercice par les Docteurs [T] ct [N] de leur activité de médecin généraliste au sein de la clinique;
Dit que l'occupation des locaux situés an rez-dc-chaussée de la clinique chirurgicale de [Localité 5] est régie par les contrats d'exercice liberal conclus par cette dernière avec les médecins résidents;
Dit par conséquent que l'occupation dc ces locaux ne ressort ni d'un bail professionnel, ni d'un bail de droit commun autonome;
Déclare nul le congé délivré pour l'occupation des locaux situés au rez-de-chaussée de la clinique de [Localité 5] le 1er février 2019 en violation des délais de préavis prévus par les contrats d'exercice liberal des médecins résidents;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [L] [N]
les sonnnes de :
- 11l.136,50 euros en réparation de son préjudice financier,
- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [O] [T]
les sommes de :
- 112.821 euros en réparation de son préjudice financier.
- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à payer au docteur [U] [W] les
sommes de:
- 240.000 euros au titre de son préjudice financier,
- 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la clinique chirurgicaie de [Localité 5] à rembourser aux docteurs [L]
[N] et [O] [T] le coût des constats d'huissier des 30 septembre et 8
octobre 2019;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] à verser aux docteurs [L] [N], [O] [T] et [U] [W], chacun, la somme de 5000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la clinique chirurgicale de [Localité 5] aux dépens de la procédure avec distraction
au profit des avocats constitués;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration transmise au greffe le 3 septembre 2020, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a relevé appel de cette décision
Vu les conclusions transmises le 15 avril 2024, par l'appelante.
Elle expose que :
- M. [U] [W] a conclu un contrat d'exercice libéral, CEL écrit à partir du contrat type établi par la profession prévoyant un préavis de 18 mois, lorsque le médecin a exercé entre 10 et 15 ans et un préavis de deux ans, pour un exercice au-delà de 15 ans.
- les deux autres médecins sont liés par un contrat verbal devant se référer au contrat type.
- elle était liée par un bail verbal avec la SCM La Résidence qui lui payait un loyer et non une redevance et que celui-ci n'avait pas un caractère dérisoire.
- à défaut le contrat doit être qualifié de prêt à usage ou commodat à durée indéterminée, avec paiement d'une participation aux charges.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] insiste sur l'indépendance entre les CEL relatifs à l'activité des mèdecins au sein su service d'hospitalisation de médecine générale de la clinique, avec une redevance de 5% de leurs honoraires et la mise à disposition de locaux distincts pour l'exercice libéral de consultations de médecine générale dans le cadre du CCM.
Elle souligne que les trois médecins intimés ont continué de suivre des patients hospitalisés sur la période du 1er octobre 2019 au 10 septembre 2020 et d'hospitaliser de nouveaux patients au sein de la clinique.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] affirme:
- avoir donné congé à la SCM La Résidence avec un délai de huit mois et pris les mesures nécessaires à l'information du public sur la fermeture du CCM, outre le déplacement de la salariée affectée au secrétariat du CCM et des aides-soignantes.
- ne pas avoir entravé l'activité des médecins au sein du CCM, dès lors qu'elle a reçu l'assignation en contestation du congé, restant dans l'attente de la décision judiciaire.
- ne pas avoir fait changer les serrures.
- que les médecins n'ont restitué les clés que le 23 novembre 2020 et qu'une indemnité d'occupation lui est due.
Elle précise que les médecins ont ensuite pris toutes leurs dispositions en s'installant chacun dans de nouveaux locaux professionnels dans lesquels ils exercent depuis lors.
La clinique estime que le congé a été délivré dans les conditions prévues par la loi du 23 décembre 1986 régissant les baux professionnel respectant le délai de préavis de 6 mois qui peut être considéré comme raisonnable si le bail est qualifié de droit commun. Elle ajoute que les locataires n'ont pas sollicité un délai complémentaire.
L'appelante soutient que la responsabilité civile des médecins est engagée dès lors que :
- l'inexécution de leur contrat d'exercice libéral depuis le 1eroctobre 2019, justifie leur résolution, alors que la cessation de la mise à disposition du local du CCM ne les empêchait pas de poursuivre leur activité hospitalière.
- le CEL de M. [U] [W] avait été maintenu et celui de M. [L] [N] et M.[O] [T] n'a été rompu qu'à compter du 31juillet 2020.
Elle rappelle que le contrat d'exercice libéral type de l'ordre des médecins ne prévoit l'indemnisation du praticien qu'en cas de rupture abusive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La clinique invoque un préjudice économique correspondant d'une part à une perte de marge sur coûts variables et d'autre part, à la perte de clientèle, à la désorganisation des services, ainsi qu'à une atteinte à sa réputation.Elle réclame également l'indemnisation d'actes de concurrence déloyale, notamment liés au blocage des locaux et celle d'actes d'exécution précipités, notamment des saisies-attribution bancaires.
Selon elle, les demandes indemnitaires des médecins ne sont pas justifiées de manière rigoureuse, en l'absence de précisions sur leurs revenus de remplacement , ainsi que de production de pièces comptables et dès lors qu'ils ont conservé leur patientèle qui les a suivis dans leurs nouveaux locaux.
Vu les conclusions transmises le 4 avril 2024, par M.[L] [N] et M. [O] [T].
Ils rappellent que :
- la SCM La Résidence qui n'exerce pas d'activité professionnelle libérale ne peut être titulaire d'un bail verbal professionnel, lequel ne pourrait bénéficier qu'aux médecins eux-mêmes.
- le contrat d'exercice libéral ne peut recevoir la moindre exécution, en l'absence de mise à disposition de locaux.
- la mise à disposition des locaux du rez-de-chaussée sans obligation d'entretien, est un accessoire aux contrats d'exercice libéral, sans obligation d'entretien, avec le paiement d'une redevance improprement qualifiée de loyer dans la comptabilité de la SCM La Résidence.
- cette analyse a été confirmée par le conseil de l'ordre des médecins.
- le fonctionnement du CCM était entièrement pris en charge par la clinique qui bénéficiait à la suite des consultations, d'hospitalisations en chirurgie ou en médecine, ou de la réalisation d'actes divers.
- la présence de médecins libéraux sous contrat contribuait de manière notable au bon fonctionnement de la clinique avec un coût moindre pour cette dernière.
- l'usage en matière de droit commun des baux doit en l'espèce être calqué sur le contrat d'exercice libéral avec un préavis de 18 mois.
- à supposer que soit retenue l'existence de contrats distincts la résiliation de l'un entraînerait celle de l'autre à charge pour le responsable de cette dernière d'indemniser son cocontractant.
M. [L] [N] et M. [O] [T] en déduisent que la résiliation de la mise à disposition de locaux dont bénéficient le médecins, avant l'échéance de leur contrat d'exercice libéral, est abusive, puisqu'elle viendrait à empêcher l'exécution de ce dernier.
Ils soutiennent que :
- il ne peut leur être reproché d'avoir cessé leur activité alors que la clinique à fait enlever dans le CCM tout le matériel nécessaire pour suivre et hospitaliser les patients et retiré les secrétaires, ainsi que les infirmières et que cette dernière est responsable de sa propre désorganisation et de son manque à gagner.
- le contrat type d'exercice libéral ne comporte ni clause de non-concurrence, ni clause d'exclusivité et que leur nouvelle implantation a été autorisée par le conseil de l'ordre.
- la clinique n'apporte la preuve d'aucun préjudice lié à l'absence de restitution des clés du
local.
M. [L] [N] et M. [O] [T] soulignent l'importance de leur préjudice financier lié à l'impossibilité d'exercer dans le cadre du contrat, résultant notamment des pertes de revenus, des frais engagés pour la présentation de la patientèle, invoquant pour celui-ci l'ancien article 1150 du Code civil, permettant que des dommages et intérêts soient prononcés, dès lors que l'obligation n'est pas exécutée en raison du dol commis par le débiteur de l'obligation, ainsi que de leur préjudice moral, eu égard à leur ancienneté, ainsi qu'à la brutalité du comportement de la clinique qui n'a pas hésité à faire enlever leurs plaques professionnelles du jour au lendemain.
Ils soulignent que la clinique ne peut invoquer aucune désorganisation, ni atteinte à son image, alors qu'elle a délibérément choisi de fermer le CCM et de
Vu les conclusions transmises le 11 avril 2024, par M. [U] [W].
Il fait valoir que :
- le CCM a toujours fait partie intégrante de la clinique, comme le démontrent les rapports des autorités de santé. Il est donc étroitement lié au contrat d'exercice libéral d'un médecin généraliste. La mise à disposition des locaux de consultation est donc son corollaire.
- cette analyse est confirmée par le contrat de médecin coordonnateur signé en 2012 et par l'analyse du conseil de l'ordre des médecins.
- aucun contrat de bail n'a été conclu entre les parties. La seule occupation des lieux ne peut valoir présomption de contrat de location La redevance ne peut être non plus être un moyen de présomption. Un contrat de bail écrit a été signé avec des radiologues pour un loyer beucoup plus important.
- les CEL permettaient à la clinique de remplir ses lits, et d'avoir une surveillance médicale continue des patients hospitalisés par l'intermédiaire « d'astreintes »
- son expulsion assortie du retrait des plaques et de l'affichage de la fermeture a réduit à néant le contrat d'exercice libéral, puisque sans consultation, il n'hospitalise plus personne et n'effectue aucun suivi, sauf jusqu'en juillet 2020 pour les personnes déjà hospitalisées. Il a dû à trois ans de la retraite se faire héberger par un confrère.
- Il n'y a jamais eu de service de médecine générale, ni bureau de consultation généraliste
dans la partie hospitalière de la clinique.
- La direction de la clinique a refusé de l'intégrer dans le tableau des astreintes du mois d'octobre 2019 au motif qu'il n'en faisait plus partie.
- le délai contractuel de préavis de 2 ans applicable en cas d'exercice libéral supérieur à 15 ans n'a pas été respecté.
Il invoque un préjudice matériel lié aux pertes financières, procédures abusives, captation de clientèle, et moral directement lié aux fautes contractuelles de la clinique et réclame l'application de la clause pénale ;
L'intimé conteste les demandes indemnitaires de la clinique, selon lui, non fondées en raison de son éviction délibérée et précise qu'aucune concurrence déloyale ne peut lui être reprochée, en vertu du principe de liberté d'installation du médecin.
M. [U] [W] souligne que les seuls revenus à prendre en compte dans ce litige sont les revenus de l'activité de médecin libéral et précise que les relevé SNIR de la sécurité sociale qui comprennent tous les remboursement d'actes intervenus sur une année civile, sont reportés dans la déclaration fiscale 2035 établie par l'expert comptable.
Vu les conclusions transmises le 15 avril 2024, par la SCM La Résidence.
Elle réclame l'annulation du congé délivré le 1er février 2019 aux motifs que
- le préavis prévu par le statut des baux professionnels n'est pas applicable, dès lors que le premier alinéa de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 exige un contrat écrit qui n'existe pas en l'espèce.
- une société civile de moyens ne pouvait se voir appliquer le statut des baux professionnels, - elle n'est titulaire d'aucun droit d'occupation sur les locaux litigieux qui relève, uniquement des contrats d'exercice libéraux des médecins dont la mise à disposition des locaux constitue l'accessoire.
- ce point est confirmé par le contrat du Docteur [W], ainsi que par le conseil de l'Ordre.
- la clinique n'a pas régulièrement résilié les contrats d'exercice libéral en respectant les préavis.
- en cas reconnaissance de l'existence d'un bail de droit commun le préavis aurait dû être donné dans un délai de 18 mois au minimum, selon les usages professionnels, par référence au contrat type d'exercice libéral.
- subsidiairement en raison du non respect d'un préavis raisonnable applicable en matière de commodat au sens des article 1875 à 1879 du code civil.
La SCM La Résidence soulève l'irrecevabilité de la demande en dommages-intérêts pour concurrence déloyale formée à son encontre, alors qu'elle n'exerce aucune activité médicale.
Elle ajoute que le préjudice allégué découle du comportement de la clinique elle-même, alors qu'aucun manquement ne lui est reproché et qu'aucun lien de causalité ne peut être établi.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.
SUR CE
Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Sur la validité du 'congé' délivré le 1er février 2019 à la SCM La Résidence.
L'article premier du contrat type d'exercice libéral entre praticiens et clinique privée proposé par le conseil de l'ordre des médecins stipule que la clinique met à la disposition du médecin les lits, ainsi que les locaux et tous moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art dans les meilleures conditions, eu égard à la spécialité exercée.
L'article 3 ajoute que la direction de l'établissement fournira de façon permanente le concours d'un personnel qualifié conformément aux normes qu'il soit affecté au service d'hospitalisation aux salles d'opérations, ou de pansement.
Ces termes sont repris dans le contrat d'exercice libéral signé avec le Docteur [W] le 1er octobre 1999.
Il est admis que les relations entre la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] et les Docteurs [N] et [T] sont régies par les stipulations du contrat type d'exercice libéral établi par le conseil de l'ordre des médecins.
La convention définissant les modalités d'exercice à titre libéral des fonctions de médecin résident coordonnateur conclu le 23 juillet 2012 entre la clinique chirurgicale de [Localité 5] et le Docteur [W] rappelle dans l'exposé préliminaire :
« la Clinique chirurgicale de [Localité 5] dispose de plusieurs services et notamment d'un service d'hospitalisation en médecine générale au sein duquel peuvent être hospitalisé des patients soit directement par la clinique, soit suivre une prescription d'un médecin généraliste ou spécialiste exerçant à titre libéral.
«La clinique chirurgicale de [Localité 5] est propriétaire de locaux situés au rez-de-chaussée de la clinique qu'elle met à la disposition des médecins généralistes exerçant à titre libéral, afin de leur permettre d'exercer leur activité et plus particulièrement leur consultation.
Les médecins généralistes qui bénéficient de la mise à disposition de ces cabinets de consultation sont le Docteur [W], le Docteur [X], le Docteur [N] et le Docteur [T].
En contrepartie de cette mise à disposition et depuis l'origine, les docteurs [W], [X], [N] et [T] ont toujours:
- d'une part procédé au règlement d'une redevance égale à un pourcentage sur l'ensemble de leurs activités au sein de la clinique (soit les hospitalisations en étage) ;
- d'autre part, assurer un service de garde au sein de la clinique chirurgicale de [Localité 5] assurant ainsi tant la surveillance de leurs patients hospitalisés au sein du service médecine général que les urgences vitales sur l'ensemble des patients hospitalisés au sein de la clinique.
La répartition des jours de garde et des jours de consultation entre les docteurs [W], [X], [N] et [T] s'est toujours manifesté par la communication de la clinique d'un planning mensuel commun.
Le Dr [W] , médecin généraliste exerçant à titre libéral, dispose ainsi de locaux, de lits d'hospitalisation et de moyens mis à sa disposition par la clinique chirurgicale de [Localité 5] afin de lui permettre d'exercer son art. »
La mise à disposition de personnel et de moyens matériels résulte ainsi directement des obligations de la clinique telles que définies dans les contrats d'exercice libéral.
L'utilisation du terme 'loyer', par les médecins qui ne sont pas des juristes, dans certaines de leurs correspondances et dans leur déclaration fiscale, de même que la mention de ce terme dans les grands livres comptables de la clinique n'a pas d'incidence sur l'existence d'un bail étant observé que les factures adressées à la société civile de moyens ont pour objet la 'mise à disposition de bureaux de consultation', se référant ainsi aux obligations des contrats d'exercice libéral.
Ces contrats régisssent tant l'activité de médecin indépendant que celle de médecin hospitalier.
L'avis établi le 31 juillet 2019 par le représentant de la commission des contrats du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins expose notamment :
« Deux situations peuvent se rencontrer :
- La mise à disposition de locaux professionnels est inscrite dans le contrat d'exercice et sa contrepartie financière est incluse dans la redevance. Dans ce cas la convention d'occupation des locaux incluse dans le contrat d'exercice ne peut pas être requalifiée de bail professionnel.
- En revanche, si deux contrats distincts sont conclus, un contrat d'exercice et un bail, les dispositions impératives du bail professionnel ont vocation à s'appliquer : résiliation à tout moment par le médecin moyennant un préavis de six mois ; résiliation à la date anniversaire du bail pour la clinique, moyennant le respect d'un préavis de six mois.
Le seul contrat d'exercice libéral précise à son article premier 'la clinique met à la disposition du Dr [W] ses lits d'hospitalisation, ainsi que les locaux et tous les moyens nécessaires pour permettre au Dr [W] d'exercer son activité dans les meilleures conditions eu égard à la spécialité exercée '.
- le contrat d'exercice libéral du Dr [W] est muet sur l'existence d'une redevance à la charge du médecin.
- Seule une facture mensuelle de 1500 € est établie par la clinique à la SCM et non à chaque médecin. On notera qu'elle mentionne une mise à disposition de locaux et non un bail.
Au vu de la qualification des médecins, les locaux mis à disposition par la Clinique ne sont pas des blocs opératoires, ce ne peut être que des locaux de consultations comme cela est clairement indiqué sur le site web de la Clinique.
Au regard de leur activité de médecin généraliste, il semblerait incohérent de soutenir que
le contrat d'exercice écrit ou les contrats d'exercice de fait avaient pour objet de mettre à
disposition des médecins des lits d'hospitalisation et des locaux d'une autre nature que des
locaux de consultations.
L'application d'un préavis de 18 mois (préavis du contrat d'exercice) aux locaux de
consultations est tout à fait défendable. Il n'existe pas de bail professionnel signé entre la
Clinique et la SCM.
Pour les médecins qui n'ont aucun contrat d'exercice écrit avec la Clinique, ils sont
présumés avoir un contrat d'exercice tacite, identique à celui du Docteur [W] ».
Il apparaît ainsi que selon le conseil de l'ordre des médecins, en l'absence de contrat de bail distinct, doit être appliqué, en ce qui concerne les locaux, le préavis de 18 mois prévu par le contrat d'exercice libéral.Tel est le cas en l'espèce.
La mise à disposition des locaux nécessaires aux consultations qui constituent l'activité principale des médecins généralistes libéraux, est une obligation intégrée au contrat d'exercice libéral, dont la contrepartie financière a été acceptée par les médecins, dans un premier temps par la seule redevance proportionnelle à leur honoraires, puis par le paiement d'une somme mensuelle de 1500 €, par l'intermédiaire de la société civile de moyens La Résidence qu'ils ont constituée.
Il doit être considéré que la mise à disposition du local de consultation du rez-de-chaussée est nécessaire et indissociable, à l'activité des médecins généralistes libéraux et que celle-ci est régie par les règles de préavis incluses dans les contrats d'exercice libéral applicables aux trois médecins intimés.
Dans ces conditions, la clinique ne peut, en l'absence de tout document écrit en ce sens, revendiquer l'existence d'un bail professionnel, d'un bail de droit commun, ou d'une convention de prêt à usage ou commodat, qui seraient indépendants des contrats d'exercice libéral, ni invoquer les préavis qui leur sont applicables.
Il résulte des termes de son article 9 que pour le contrat d'exercice libéral du Docteur [W], signé le 1er octobre 1999, un préavis de 2 ans devait être respecté en ce qui le concerne pour la cessation de la mise à disposition du local de consultation.
Il résulte des termes de l'article 9 du contrat type établi par l'ordre des médecins qu'un préavis de 18 mois aurait dû être respecté pour le Docteur [N], dont le contrat tacite a pris effet le 1er mars 2004 et pour le Docteur [T], dont le contrat tacite a pris effet au 3 avril 2006.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er février 2019, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] a signifié à la SCM La Résidence son intention de ne pas renouveler le 'bail professionnel verbal' du mois d'octobre 2013 à son expiration au 30 septembre 2019.
Ce congé doit être déclaré nul, pour avoir été délivré avec un préavis inférieur à deux ans, ou 18 mois.
Sur les demandes indemnitaires des médecins :
Il doit être constaté que le contrat d'exercice libéral de la médecine, notamment ce qui concerne les consultations, ne pouvait plus de fait recevoir exécution, en l'absence de mise à disposition, des locaux du centre de consultation médicale situés au rez-de-chaussée de la clinique, du personnel affecté à cette activité, du matériel et des produits correspondants.
La clinique ne peut prétendre que le 'coin consultation', exigü et sommairement équipé situé au troisième étage de l'établissement pourrait se substituer au local de 150 m² du rez-de-chaussée.
Ainsi le contrat d'exercice libéral du Docteur [W] s'est trouvé de fait interrompu au 1er octobre 2019, alors même qu'il ne faisait pas l'objet d'une résiliation.
Le préavis de 18 mois dû au Docteur [N] ainsi qu'au Docteur [T] n'a de même pas été respecté. L'exécution de leur contrat, essentiellement lié aux consultations a également été prématurément interrompu à la même date.
Le compte rendu de la réunion de la commission médicale d'établissement du 9 octobre 2019 mentionne que la directrice de la clinique a notamment indiqué que:
- aucun bail n'a été signé pour l'occupation du CCM et que celui-ci a été qualifié de 'bail professionnel', dans l'intérêt de la SCM la Résidence.
- la proposition de l'augmentation du loyer mensuel à 18'000 € correspond à la charge mensuelle de fonctionnement, pour la mise à disposition des locaux, les ressources humaines directes (aides-soignantes, secrétaires et indirectes (pharmacienne, direction des soins, services techniques) du matériel et de sa maintenance, les médicaments et les frais généraux ( eau, électricité.)
- la situation actuelle des médecins est liée à la recherche d'un équilibre financier, ainsi qu'à un nouveau projet médical proposé par des chirurgiens et d'autres spécialistes.
Il apparaît que cette augmentation a été refusée par les médecins généralistes.
Ces éléments révèlent que la clinique souhaitait que les médecins généralistes concernés laissent la place à des spécialistes.
S'il n'y a pas lieu de remettre en cause la possibilité de mettre un terme à un contrat à durée indéterminée, ni la liberté dans les choix de gestion d'une entreprise, encore faut-il que celles-ci soient exercées dans le respect des règles de droit.
Il ne peut être considéré dans ces conditions que les contrats d'exercice libéral ont été exécutés de bonne foi par la clinique.
Le constat d'huissier de justice dressé le 8 octobre 2019, dans les locaux du CCM mentionne que les noms des Docteurs [N] et [T] ont été occultés et qu'une affichette précisant que le centre de consultation médicale est temporairement fermé pour restructuration a été fixée.
La délivrance d'un congé abusif par la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5], en ce qui concerne la mise à disposition des locaux du centre de consultation médicale est constitutive d'une faute engageant sa responsabilité civile.
La rupture des contrats d'exercice libéral étant par conséquence, intervenue également de manière abusive, elle doit donc indemniser le préjudice subi par les trois médecins évincés de son établissement, en application de l'article 9 du contrat type de l'ordre des médecins, pour M. [L] [N] et M. [O] [T] et de l'article 9 du contrat identique la liant à M. [U] [W].
Le préjudice matériel du Docteur [N] et du Docteur [T] doit être calculé en fonction de la différence entre la moyenne des revenus de leur activité libérale des années précédentes et les revenus perçus globalement pour leur activité d'exercice libéral pour la période du 1eroctobre 2019 au mois d'août 2020, ce compris les actes réalisés pour des personnes hospitalisées dans la clinique.
Doit être retenu un calcul proportionnel à partir des revenus de la fin de l'année 2019, dès lors qu'il est justifié que les revenus perçus au cours de l'année 2020 correspondent à une activité plus importante et non à une activité d'un volume équivalent.
Au vu des attestations des experts-comptables respectifs, et déclarations fiscales n° 2035 pour des bénéfices non commerciaux BNC produits pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021, la perte de revenus, pour l'activité libérale doit être évaluée à 36'710 € pour le Docteur [T] et à 54'013 € pour le Docteur [N].
Il n'y a pas lieu d'exiger la production des avis d'imposition, s'agissant ici de comparer seulement des activités libérales de nature équivalente.
En ce qui concerne les droits de présentation de clientèle, les médecins doivent rapporter la preuve que sans la faute, le préjudice ne se serait pas produit.
Il y a lieu d'observer que si le Docteur [N] et le Docteur [T] justifient avoir engagé des frais dans le cadre du paiement d'un droit de présentation de la clientèle en 2004 et 2006, force est de constater qu'ils n'apportent aucun élément permettant de démontrer qu'il leur aurait été possible d'en réclamer un en cas de cessation volontaire de leur activité au premier octobre 2019.
Il convient d'observer de ce chef que les conditions économiques de la profession ont considérablement changé depuis une vingtaine d'années et que les médecins exerçant à titre libéral ne peuvent plus à ce jour, sauf très rares exceptions, valoriser de manière effective un droit de présentation de clientèle.
Ces demandes indemnitaires seront donc rejetées dès lors que le lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice allégué n'est pas établi.
M. [L] [N] et M. [O] [T] qui ont été évincés de l'établissement, par la fermeture abusive du centre de consultation médicale, sans qu'aucun reproche sur leurs qualités professionnelles n'ait été invoqué, après 15 ans et 13 ans d'activité comme médecins généralistes au sein de la clinique, on subi un préjudice moral important devant être indemnisé par la somme de 15'000 €, chacun à titre de dommages-intérêts
Au vu des déclarations fiscales 2035 pour les années 2017 à 2020, mentionnant le résultat fiscal,
des relevés du Système national inter régimes établis par la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour les années 2019 à 2022 et du journal des recettes pour la situation comptable au 1er octobre 2020 versés aux débats, le préjudice financier subi par le Docteur [W], calculé à partir de la moyenne des revenus des mois précédents pour l'année 2019 et des années précédentes pour l'année 2020 qui comprennent les honoraires des actes réalisés dans le service hospitalier de la clinique à compter du 1er octobre 2019, doit être évalué à la somme totale de 57'794,10 €.
M. [U] [W] qui a été évincé de l'établissement, par la fermeture abusive du centre de consultation médicale, sans qu'aucun reproche sur ses qualités professionnelles n'ait été invoqué, après 25 ans d'activité comme médecin généraliste et médecin coordonnateur au sein de la clinique, ce peu de temps avant son départ en retraite, a subi un préjudice moral important devant être indemnisé par la somme de 20'000 €, à titre de dommages-intérêts.
Il ne fournit en revanche aucun élément permettant d'établir la réalité d'un préjudice lié à une captation de clientèle ou une concurrence déloyale de la part de la clinique au sein de laquelle il avait accepté d'exercer.
Le Docteur [W] ne démontre pas qu'il aurait eu la possibilité de valoriser un droit de présentation de clientèle s'il avait cessé volontairement ses fonctions au premier octobre 2019.
En l'absence de lien de causalité certain et direct entre la faute de la clinique et le préjudice allégué formellement établi, sa demande formée à ce titre est rejetée.
M. [U] [W] ne démontre pas que les demandes reconventionnelles de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] qui n'est pas à l'origine de la présente procédure ont été formées de mauvaise foi à son encontre, ni fondées sur une une erreur grossière équivalente au dol, avec l'intention de lui nuire. Sa demande en dommages et intérêts formée de ce chef est donc rejetée.
L'article 9 du contrat d'exercice libéral souscrit par M. [U] [W] stipule que sauf en cas de rupture abusive par la clinique, il ne pourra prétendre à aucune indemnité.
Il y a lieu de considérer que les dommages-intérêts alloués, correspondent à l'indemnité visée par cette stipulation qui ne constitue pas une clause pénale forfaitaire.
Sur les demandes de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5]:
Il a été jugé ci-dessus que la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] ne pouvait se prévaloir
d'aucun bail verbal ou commodat au titre de l'occupation du local du centre de consultation médicale.
La SCM La Résidence soutient à juste titre qu'elle n'est titulaire d'aucun droit d'occupation sur les locaux litigieux, dont la mise à disposition relève exclusivement des contrats d'exercice libéral souscrits par les trois médecins.
Il apparaît en effet, comme cela est exposé dans le compte rendu de la réunion de la commission médicale d'établissement du 9 octobre 2019 que les versements mensuels de 1500 €réalisés par la société civile de moyens correspondaient à la participation aux frais de fonctionnement de la clinique qui plaçait à la disposition des médecins libéraux qui en sont les associés des locaux et des moyens en personnel et matériels. Il ne s'agit donc pas d'un loyer relatif à un contrat de bail.
La demande en paiement fondée sur une indemnité d'occupation et la demande de remboursement de frais de constat d'huissier, formées par la clinique à l'encontre de la société civile de moyens La Résidence sont, en conséquence, rejetées.
Dès lors qu'il a été constaté que la cessation abusive de la mise à disposition du local de consultation ne permettait plus de fait aux trois médecins généralistes d'exercer leur activité de consultation et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été donné suite à leur demande de réintégration dans le tableau des permanences et astreintes à compter du 1er octobre 2019, ce naotamment pour l'activité d'hospitalisation, la clinique ne peut invoquer une inexécution constitutive d'une faute contractuelle à leur encontre.
Il convient de relever que l'appelante expose dans ses propres écritures que les trois médecins généralistes ont continué le suivi des patients hospitalisés sur leur prescription.
Elle ne peut se plaindre d'une diminution du nombre des hospitalisations qui n'est pas imputable aux intimés.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] n'est donc pas fondée à leur réclamer sur le fondement de la responsabilité contractuelle des dommages et intérêts au titre de la perte de marge sur coûts variables, ni en réparation des préjudices causés par la désorganisation qu'ils lui ont occasionnée, ainsi que de l'atteinte à son image et à sa réputation.
La SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] réclame, sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle, la condamnation des médecins à lui payer des dommages-intérêts pour des actes de concurrence déloyale résultant du blocage volontaire de ses locaux du 1er octobre 2019 au 23 novembre 2020.
Il résulte des dispositions de l'article 1240 du Code civil que la responsabilité délictuelle ne peut être engagée qu'à charge pour celui qui l'invoque de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice d'un lien de causalité entre les deux.
Dès lors qu'il a été considéré que le préavis relatif à la mise à disposition devait être de 18 mois, les médecins étaient fondés à garder les clés jusqu'au 31 juillet 2020, comme l'indique le conseil de la clinique dans son courrier du 16 novembre 2020. Celles-ci n'ont été restituées que le 23 novembre 2020, ce qui constitue une faute de leur part.
La clinique ne démontre cependant ni l'existence de faits constitutifs de concurrence déloyale de ce chef, ni celle d'un détournement de patientèle, alors que les médecins qui n'étaient liés par aucune clause d'exclusivité ou de non concurrence, justifient avoir obtenu l'autorisation du conseil de l'ordre d'exercer dans des cabinets distincts.
Elle ne rapporte pas non plus la preuve qui lui incombe de ne pas avoir eu la possibilité de donner en location de local litigieux pendant la période résiduelle, seul fait pouvant constituer une réelle perte de chance.
S'agissant d'une simple mise à disposition et non d'un contrat de bail, l'absence de restitution des clés n'implique pas l'occupation des lieux par les médecins, ni l'impossibilité d'y accéder pour la clinique.
Aucun constat n'est produit pour corroborer l'affirmation selon laquelle l'accès au hall de la clinique elle même aurait été perturbé.
À défaut d'apporter la preuve qui lui incombe de l'existence d'un préjudice certain, directement liée à la faute des médecins, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] n'est pas fondée à leur réclamer des dommages-intérêts liés au manque à gagner résultant d'un blocage volontaire de ses locaux.
L'appelante ne justifie par ailleurs n'avoir subi aucun préjudice du fait d'une atteinte à son image, alors qu'elle a pris l'initiative de fermer le centre de consultation médicale et fait placer une affiche pour en informer le public.
Par jugement du 4 février 2021, dont il n'est pas justifié qu'il a été frappé d'appel, le juge l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence à débouté la Clinique chirurgicale de [Localité 5] de ses demandes en dommages-intérêts au titre des frais bancaires directement liés aux saisies attributions pratiquées les 2 et 3 septembres 2020, au titre de son préjudice à l'image et de l'atteinte à son crédit vis-à-vis des établissements bancaires et de la CPAM et au titre de son préjudice moral.
En vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] est irrecevable à former de nouveau des demandes à ces titres.
L'équité justifiait l'allocation de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCM La Résidence en première instance.
Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation du préjudice matériel de M. [U] [W] M. [L] [N] et M. [O] [T] , le montant de l'indemnisation du préjudice moral subi par M. [L] [N] et M. [O] [T] et les frais irrépétibles de la SCM La Résidence.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des intimés.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation du préjudice matériel de M. [U] [W] M. [L] [N] et M. [O] [T] , le montant de l'indemnisation du préjudice moral subi par M. [L] [N] et M. [O] [T] et les frais irrépétibles de la SCM La Résidence.
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [U] [W] la somme de 57 794,10 €, au titre de son préjudice matériel.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [L] [N] la somme de 54 013 €, au titre de son préjudice matériel et celle de 15 000 €, au titre de son préjudice moral.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [O] [T], la somme de 36 710 €, au titre de son préjudice matériel et celle de 15 000 €, au titre de son préjudice moral
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à la SCM La Résidence la somme de 2000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance.
Y ajoutant,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] formées au titre de l'exécution forcée du jugement de première instance.
REJETTE l'ensemble de ses demandes.
REJETTE la demande en dommages et intérêts de M. [U] [W] au titre de la procédure abusive.
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [U] [W], la somme de 5 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à M. [L] [N] et M. [O] [T], ensemble, la somme de 5 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] à payer à la SCM La Résidence, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Clinique Chirurgicale de [Localité 5] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT