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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 18 juin 2024, n° 21/03188

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pailly 17 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

M. Sousa, Mme Grua

Avocats :

Me Cousseau, Me Lavisse

TJ Orléans, du 16 juin 2021, n° 21/03188

16 juin 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 13 décembre 2017, la SCI Pailly 17 et Mme [Y] [V] ont régularisé, par l'intermédiaire de l'agence Century 21 Help'immo, une promesse synallagmatique de vente portant sur une maison d'habitation cadastrée section AH n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] moyennant le prix de 83 000 euros, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par Mme [V].

Il était stipulé le paiement d'une clause pénale de 8 300 euros au cas où l'une des parties refuserait de régulariser la vente par acte authentique. Il était rappelé l'existence d'une servitude de canalisation souterraine dans laquelle passent les eaux de pluie venant d'une grange voisine se déversant dans le puits situé dans la parcelle de la maison d'habitation vendue à Mme [V].

La date de réalisation de la condition suspensive était fixée au 27 février 2018 et la réalisation de la vente au 13 avril 2018.

Mme [V] a obtenu son prêt le 13 février 2018.

Postérieurement, en raison de discussions entre les parties sur la réalisation de travaux, Maître [L], notaire chargé d'instrumenter la vente a émis des réserves sur son régime juridique.

Par courrier recommandé du 21 juin 2018, Maître [L] a mis Mme [V] en demeure de venir signer l'acte de vente en son étude le 11 juillet 2018.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2018, Mme [V] a fait assigner la société Pailly 17 et la société notariale Norial devant le tribunal de grande instance d'Orléans en constat de la caducité du compromis de vente et réparation de son préjudice.

Elle considérait être légitime en sa demande de caducité au motif que la société Pailly 17 n'aurait pas procédé ou fait procéder aux travaux de démolition de la maison en ruine et de déblaiement du terrain, de réfection du chemin d'accès, en sus de l'enlèvement des blocs de béton du terrain, le retrait des souches d'arbres, tôle et des gravats qui s'y trouvent, le raccordement au tout à l'égout, et elle sollicitait sa condamnation au remboursement de son dépôt de garantie et de tous les frais réglés, outre le paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts et de celle de 18 500 € au titre des travaux et apports de matériels opérés sur la propriété.

Par jugement en date du 16 juin 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- constaté la caducité du compromis de vente du 13 décembre 2017 ;

- condamné la société Pailly 17 à verser à Mme [V] une indemnité de 8 300 euros ;

- débouté Mme [V] de ses demandes de 10 000 euros et de 18 500 euros de dommages et intérêts ;

- débouté Mme [V] de sa demande de remboursement de la somme de 1 500 euros de dépôt de garantie, en ce qu'elle est dirigée contre la société Pailly 17 ;

- débouté la société Pailly 17 de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles plus larges ou contraires ;

- déclaré le jugement commun et opposable à la société Norial ;

- débouté Mme [V] du surplus de ses demandes ;

- condamné la société Pailly 17 aux entiers dépens, avec distraction au profit de la société Lavisse Bouamrirène dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la société Pailly 17 à verser à Mme [V] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Pailly 17 et la société Norial de leur demande sur le fondement de ces dispositions ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, en ce compris les sommes versées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Selon déclaration du 16 décembre 2021, la société Pailly 17 a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [V] une indemnité de 8 300 euros ; déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles plus larges ou contraires ; l'a condamnée aux entiers dépens, avec distraction au profit de la société Lavisse Bouamrirène dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; condamnée à verser à Mme [V] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande sur le fondement de ces dispositions.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la société Pailly 17 demande de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en ce qu'il la condamne à verser à Mme [V] une indemnité de 8 300 euros ; la condamne aux entiers dépens, avec distraction au profit de la société Lavisse Bouamrirène dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; la condamne à verser à Mme [V] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; la déboute de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles tendant notamment à voir condamner Mme [V] à lui payer la somme de 8 300 euros au titre de la clause pénale contractuellement stipulée, dire et juger que la somme de 1 500 euros séquestrée sera remise à la société Pailly 17 sur présentation de la copie exécutoire du jugement à intervenir, condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles et dépens,

- juger n'y avoir lieu de condamner la société Pailly 17 et rejeter toutes demandes présentées à son encontre,

- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 8 300 euros à titre de clause pénale, ce avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 13 mai 2020, date de la demande,

- ordonner la remise de la somme de 1 500 euros déposée sur le compte séquestre de la société Century 21 Help immo à la société Pailly 17,

- condamner Mme [V] à verser à la société Pailly 17 une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 juin 2022, Mme [V] demande de :

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- déclarer l'appel de la société Pailly 17 recevable mais mal fondé et l'en débouter ;

- déclarer l'appel incident de Mme [V] recevable et bien-fondé et y faire droit ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la caducité du compromis de vente du 13 décembre 2017 ; condamné la société Pailly 17 à verser à Mme [V] une indemnité de 8 300 euros ; débouté la société Pailly 17 de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles plus larges ou contraires ; déclaré le jugement commun et opposable à la société Norial ; condamné la société Pailly 17 aux entiers dépens, avec distraction au profit de la société Lavisse Bouamrirène dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ; condamné la société Pailly 17 à verser à Mme [V] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Pailly 17 et la société Norial de leur demande sur le fondement de ces dispositions ; ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

- infirmer le jugement du 16 juin 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société Pailly 17 à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts, 18 500 euros de dommages-intérêts en dédommagement des travaux et apports de matériaux opérés sur la propriété, bénéficiant in fine à la venderesse, de sa demande de remboursement du dépôt de garantie versé de 1 500 euros.

Statuant à nouveau :

- déclarer Mme [V] recevable et bien fondée en ses demandes et y faire droit,

- prononcer la caducité de la promesse de vente du 13 décembre 2017 aux torts de la société Pailly 17,

- condamner la société Pailly 17 à :

- rembourser à Mme [V] le montant de son dépôt de garantie de 1 500 euros et tous frais réglés par elle,

- payer à Mme [V] la somme de 10 000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral,

- payer à Mme [V] la somme de 18 500 euros à parfaire au titre des travaux et apports de matériaux opérés sur la propriété, bénéficiant in fine à la venderesse,

- ordonner que la somme de 1 500 euros mise sous séquestre entre les mains de la société Century 21 Help' immo à titre de dépôt de garantie sera remise à Mme [V] sur présentation de la copie exécutoire de l'arrêt à intervenir,

- débouter la société Pailly 17 de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Pailly 17 à payer à Mme [V] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pailly 17 aux entiers dépens et accorder à la société Lavisse Bouamrirène Gaftoniuc le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'imputabilité de la non réalisation de la vente

Moyens des parties

La société Pailly 17 expose que le bien objet de la promesse de vente du 13 décembre 2017 provenait de la division d'un immeuble acquis le 16 octobre 2017 qu'elle a divisé en 4 lots ; la signature de l'acte a été assortie de la signature du projet de division établi par la SCP Péronnet, géomètre expert, lequel fait mention d'une servitude de passage et de réseaux grevant le lot A. Elle approuve le tribunal d'avoir retenu qu'il n'est pas établi que les parties se seraient entendues pour la réalisation de travaux avant la vente, rappelé l'article 1604 du code civil, l'acquéreur prenant le bien dans l'état où il se trouverait au jour de la signature du compromis, lequel mentionnait qu'il n'était pas relié au réseau d'assainissement, et considéré que Mme [V] ne pouvait refuser de signer la vente au motif que les travaux auxquels elle s'était prétendument engagée n'avaient pas été réalisés.

En revanche, elle reproche au premier juge d'avoir, pour considérer que Mme [V] n'était pas en défaut en refusant de signer la vente en raison d'une aggravation de ses conditions, retenu que le projet d'acte définitif conduisait à grever le fonds vendu de charges qui n'avaient été prévues dans l'acte initial, sous la forme d'une servitude de canalisation. Elle soutient que l'on ne peut s'en tenir à une stricte comparaison du compromis de vente et de l'acte authentique soumis, par voie de mise en demeure, à la signature de Mme [V], la signature du compromis ayant été accompagnée de la signature du projet de division faisant mention d'une servitude de passage et de réseaux grevant le lot A ; de la ratification de ce document, il ressort que Mme [V] était parfaitement informée de l'existence de ces servitudes, y compris de la servitude de passage, la notion d'aggravation des conditions de la vente étant contestable en raison de la connaissance qu'avait l'acquéreur de servitudes grevant le fonds acquis.

Elle considère qu'il ne peut qu'être fait application de la clause pénale en condamnant Mme [V] à lui payer la somme de 8 300 euros, le tribunal l'ayant à tort condamnée à payer cette somme à l'intimée alors qu'il imputait l'absence de réalisation de la vente aux deux parties qui discutaient de la réalisation de travaux non prévus au compromis.

Mme [V] indique qu'en raison de son état, la maison objet de la vente nécessitait une complète rénovation, de sorte que, anticipant sur la vente, elle a fait établir des devis pour y procéder et souscrit un contrat de fourniture d'électricité auprès de la société Engie, étant expressément autorisée par le vendeur professionnel à débuter les travaux par anticipation ; elle a fait l'acquisition d'une chambre de tirage, à la demande de la venderesse, à l'installation de laquelle celle-ci a procédé, toutefois d'une manière non satisfaisante puisqu'elle était d'un niveau inférieur de 30 cm à celui des trappes de visite du tout à l'égout.

Elle expose que la signature de l'acte de vente, qui devait avoir lieu au mois d'avril 2018, a été reportée à l'initiative de Maître [L], notaire instrumentaire, l'appelante n'ayant pas réalisé les travaux convenus entre les parties ; au mois de mai, à la demande du notaire, un avenant au compromis de vente, mentionnant les travaux à réaliser, les modalités de leur prise en charge et une prorogation de la date de réalisation de la vente, a été envisagé mais n'a pas été signé ; cependant, par lettre recommandée du 21 juin 2018, Maître [L] l'a mise en demeure de régulariser la vente, annexant à son courrier un projet d'acte de vente ne mentionnant pas les travaux à réaliser par le vendeur mais reprenant les stipulations du projet d'avenant relatives à la création d'une servitude de passage ; par courrier du 5 juillet 2018, son conseil a fait savoir au notaire que la vente ne pouvait être régularisée.

Elle fait plaider son refus légitime de régulariser la vente et la caducité de la promesse de vente aux torts de la société Pailly 17,

- d'abord parce que les travaux convenus n'ayant pas été réalisés, reprochant au tribunal d'avoir considéré qu'elle ne pouvait pas refuser de signer l'acte, au motif qu'il ne ressortait pas des échanges des parties que les travaux devaient être réalisés avant la vente et que le projet d'avenant ne précisait pas s'ils seraient réalisés avant ou après la vente alors que si dans son mail du 27 avril 2018 adressé au notaire, le vendeur indiquait qu'il exécuterait les travaux après la vente, le notaire lui rappelait ses engagements et refusait d'instrumenter la vente. Elle considère que le manquement contractuel du vendeur doit être retenu.

- ensuite parce que le projet d'acte mentionne des servitudes non stipulées dans la promesse de vente, servitude de passage à pied et en véhicules, et en tréfonds, de canalisations de gaz, d'électricité ou d'autres fluides, avec mise à sa charge d'une partie des frais d'entretien, alors qu'elle n'a consenti qu'à une servitude de canalisation souterraine dans laquelle passent les eaux de pluie venant d'une grange voisine.

Elle ajoute que le plan dont se prévaut l'appelante ne permettait pas de porter à sa connaissance l'existence de ces servitudes.

Réponse de la cour

- La prise en charge de travaux par le vendeur

Il apparaît que postérieurement à la signature de la promesse de vente, les parties sont entrées en pourparlers quant à la prise en charge de divers travaux par le vendeur, raccordement du tout à l'égout, démolition de la maison en ruine, nettoyage du terrain, finition du chemin d'accès en calcaire 0,4, paiement des assainissements, branchement de la servitude des eaux pluviales et branchement des gouttières, répartition de la taxe foncière.

La pièce n°7 de Mme [V] permet de constater que :

- le 27 avril 2018, 17 heures, M. [P] [X], gérant de la société Pailly 17, adressait au notaire ses réponses aux demandes de l'acquéreur, prévoyant notamment de faire réaliser certains travaux dans le mois suivant la vente (démolition de la maison et nettoyage du terrain, finition du chemin d'accès avec prise en charge du revêtement par l'ensemble des parties) et en refusant d'autres (raccordement du tout à l'égout, paiement des assainissements, branchement de la servitude des eaux pluviales et branchement des gouttières),

- le 28 avril 2018, 14h21, le notaire [L] lui confirmait le report du rendez-vous pour des raisons de conformité à la loi, lui indiquant qu'il 'est interdit de procéder à une vente classique lorsqu'il a été convenu entre les parties que des travaux devaient être réalisés par le vendeur avant la vente, si ces travaux n'ont pas été effectués. Nous basculons dans le régime de la vente d'immeuble à rénover... Ce régime est compliqué à mettre en place, est onéreux et impliquerait un différé de signature au moins équivalent au report que je vous impose. La seule solution légale est donc que vous réalisiez les travaux avant d'acter la vente',

- le 28 avril 2018, 15h10, M. [X] répondait au notaire, 'Bien pris note, merci de vos explications. Nous tachons de faire le nécessaire et reviendrons vers vous une fois les travaux terminés',

- le 30 avril 2018, Mme [I], notaire assistant de Maître [U], notaire de Mme [V], répondait à Maître [L], 'Il convient désormais que l'agence Century 21 effectue un avenant pour, - établir la liste des travaux devant être effectués par le vendeur avant la signature de l'acte de vente, - convenir d'un nouveau délai de réalisation pour la signature.'

Au mois de mai 2018, un projet d'avenant était adressé à Mme [V], prévoyant la prise en charge par celle-ci des travaux suivants, raccordement des eaux pluviales, nettoyage du terrain et enlèvement des souches d'arbres, frais de constitution de la servitude d'écoulement des eaux pluviales et, par ailleurs, la création de nouvelles servitudes de passage à pied ou en véhicule, et de canalisation de gaz, d'électricité et autres fluides au profit d'une parcelle restée la propriété du vendeur.

Il en ressort, que la société Pailly 17 s'était bien engagée à réaliser les travaux avant la vente, ainsi qu'elle l'a écrit à Maître [L] le 28 avril 2018, 15h10, 'Bien pris note, merci de vos explications. Nous tachons de faire le nécessaire et reviendrons vers vous une fois les travaux terminés', et que celui-ci, tentant de trouver une solution amiable entre les parties, l'a écrit à Mme [V] le 15 novembre 2018, pièce n°8, 'Donc, d'un côté le promettant n'a effectivement pas rempli ses obligations de réaliser des travaux d'aménagement, comme il s'y était engagé dans le délai de validité de la promesse.'

La clause de la promesse de vente selon laquelle 'l'acquéreur prendra le bien dans l'état où il se trouve au jour de la vente tel qu'il l'aura vu et visité, qui devra être identique à l'état dans lequel il était au jour de la conclusion du compromis de vente', revendiquée par la société Pailly 17, ne peut s'appliquer en l'espèce eu égard aux accords postérieurement intervenus quant à la réalisation de travaux par le vendeur.

En application du principe général régissant les conventions consacré à l'article 1193 du code civil selon lequel, Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise, la caducité de la promesse de vente est imputable à la société Pailly 17, l'inexécution des travaux convenus dans le délai de sa validité en étant la cause.

- L'aggravation des conditions de la vente

Il est de principe, consacré à l'article 1112-1 du code civil que, 'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (...) Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.'

La promesse de vente du 13 décembre 2017 mentionne, page 4, sous la rubrique Conditions particulières, 'Rappel de servitude d'une canalisation souterraine dans laquelle passent les eaux de pluie venant de la grange et se déversant dans le puits situé dans la parcelle de la maison d'habitation. (Voir plan cadastral en annexe).'

Cependant, le projet d'acte notifié à Mme [V] au mois de mai 2018 prévoit la constitution de servitudes de passage à pied et en véhicules, et en tréfonds, de canalisations de gaz, d'électricité ou d'autres fluides, avec mise à sa charge d'une partie des frais d'entretien.

La société Pailly 17 se prévaut de ce que le compromis était assorti de la signature du projet de division établi par la SCP Péronnet, géomètre expert, mentionnant une servitude de passage et de réseaux grevant le lot A, pièce n°2.

Mais il apparaît que ce projet est difficilement lisible, ainsi que le fait plaider Mme [V], puisqu'il ne permet pas de déterminer l'existence et l'assiette des servitudes, et que celles-ci ne sont pas mentionnées dans la promesse de vente, laquelle ne mentionne qu'une servitude de canalisation souterraine relative au passage des eaux de pluie.

Cette aggravation des conditions de la vente par le vendeur rend celui-ci responsable du défaut de réalisation de la vente.

- Sur la sanction du défaut de réalisation de la vente

Il est certain que la caducité de la promesse de vente n'affecte pas la clause pénale qui doit produire effet en cas de non réitération de la vente en la forme authentique par suite de la défaillance fautive de l'une des parties (Cass. 3e civ., 11 janv. 2011, n°10-10.038).

Le compromis de vente stipule, page 8, sous la rubrique, Clause pénale :

« En application de la rubrique « RÉALISATION » ci-avant, il est convenu qu'au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive, elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais de poursuites et de recours à justice sans préjudice de tous dommages-intérêts.

Toutefois, la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte de refus de son co-contractant et invoquer la résolution du contrat.

Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice la somme de 8300 € de l'autre partie. »

La société Pailly 17 étant responsable de la non réalisation de la vente, la décision doit être confirmée en ce qu'elle la condamne à payer à Mme [V] l'indemnité forfaitaire de 8 300 euros.

Sur les demandes de dommages-intérêts de Mme [V]

Moyens des parties

Mme [V] prétend qu'elle avait été autorisée à commencer la réalisation de travaux sur ce qui devait être sa future résidence principale ; pour ce faire, elle avait contacté des entrepreneurs et fait établir des devis, s'était investie tant moralement que financièrement dans ce projet d'acquisition qui devait être son premier achat et a été extrêmement déçue de ne pas voir aboutir son projet.

Elle se prévaut en outre d'un préjudice matériel en raison de travaux de rénovation réalisés avec l'autorisation de la société Pailly, à savoir, réfection de la toiture de la maison d'habitation, création de nouvelles ouvertures dans la couverture pour installation de fenêtres de toit, pose d'un plancher pour création d'un niveau supérieur, dépose des anciennes menuiseries et de l'installation, installation d'IPN. Elle considère sa demande d'autant plus fondée que le bien immobilier a été remis en vente pour un prix de 57 000 euros de plus que celui convenu avec elle, la société Pailly 17 tirant profit des travaux réalisés et fait plaider l'enrichissement sans cause.

La société Pailly ne répond pas à ces moyens.

Réponse de la cour

Il est certain que la caducité de la promesse entraîne l'irrecevabilité de toute action en responsabilité contractuelle. Cependant elle ne fait pas obstacle à la recevabilité d'une action en responsabilité délictuelle (Cass. 2e civ., 9 juill. 2009, n° 08-18.114).

Mme [V] peut obtenir la réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1240 du code civil obligeant celui par la faute duquel le dommage a été causé à le réparer.

Le préjudice moral de Mme [V] est certain puisqu'elle n'a pu réaliser le projet dans lequel elle s'était impliquée en mettant le prix à disposition du vendeur chez son notaire et en réalisant des travaux dans les lieux.

En conséquence, il convient de condamner la société Pailly 17 à lui verser des dommages-intérêts de 1 500 euros.

Par ailleurs, si Mme [V] ne prouve pas avoir obtenu l'autorisation de la société Pailly 17 pour effectuer des travaux sur le bien qu'elle se proposait d'acquérir, il s'agit là d'un d'un obstacle de fait lui permettant de se prévaloir de l'enrichissement sans cause.

La société Pailly 17 ne peut contester les travaux réalisés dans les lieux, pour les avoir fait constater par son huissier selon procès-verbal du 29 mai 2018, pièce n°17 de Mme [V], et en avoir tiré profit, sans y avoir droit, au sens de l'article 1300 du code civil, lors de la mise en vente de l'immeuble en diffusant l'annonce suivante :

'Description

Maison entièrement à rénover de 85m² au sol.

Curage et démolition intérieures réalisées. Très belle hauteur sous plafond permettant de doubler la surface habitable.

Toiture neuve avec velux déjà réalisés.

Extension possible...

Raccordé au tout à l'égout et EDF existant.

Compteur d'eau à prévoir uniquement. Fourreau déjà passé.'

Mme [V] justifie, en produisant la facture, pièce n°5, de Ma Petite entreprise que la toiture de la maison a été remise en état avec création de 8 chevêtres pour VELUX, les gouttières, pour 18 mètres, ont été remplacées, 2 gros conduits de cheminée, jusqu'à la toiture, ont été évacués, les cloisons intérieures et murs porteurs ont été démolis, 1 madrier bois de 4 mètres a été installé, tous les planchers bois et plafond ont été déposés, 1 chambre de tirage a été fournie, le tout pour un montant de 10 384,80 euros, le chantier ayant duré 3 semaines et occupé 3 personnes ; par ailleurs, la société Engie, pièce n°6, atteste qu'elle a souscrit le 14 avril 2018 un contrat de fourniture d'électricité pour le bien litigieux.

Il apparaît ainsi que si la société Pailly 17 a pu se prévaloir dans son annonce de ce que le Curage et démolition intérieures réalisées, Toiture neuve avec velux déjà réalisés, EDF existant, c'est grâce aux travaux effectués et financés par Mme [V].

De plus, il ressort de la pièce n°8 de Mme [V] que M. [X], gérant de la société Pailly 17 et M. [T] [W], cogérant, étaient en lien avec l'entreprise de rénovation choisie par Mme [V], Ma Petite entreprise, l'agent immobilier, Century 21, ayant rendu [B] [D], gérant de l'entreprise, destinataire du mail suivant le 2 mai 2018, 'Bonjour [P], ([X]), J'espère que tu vas bien, je reviens vers toi suite au report de la date de signature et à la demande des notaires d'effectuer un avenant pour établir une liste de travaux à effectuer. Je reste en attente de ta part de cette liste de travaux en espérant que tout le monde s'y retrouve et fasse un effort pour qu'on puisse signer dans de bonne condition. Dès que je reçois la liste je fais checker [B], et si les parties sont d'accord on essaye de signer rapidement cet avenant. Merci d'avance.'

La société Pailly 17, sommée par Mme [V] de verser au débat le mandat de vente, la copie du compromis de vente éventuellement signé ou de l'acte de vent éventuel, ne s'est pas exécutée mais elle n'a pas contesté avoir mis le bien en vente à une valeur de 57 000 euros de plus que celle convenue avec celle-ci.

Le patrimoine de la société Pailly 17 s'étant enrichi de façon injustifiée alors que, corrélativement, celui de Mme [V] s'est appauvri, l'indemnité de 18 500 euros réclamée par cette dernière apparaît pertinente et la première sera condamnée à la lui payer.

Sur les autres demandes

Mme [V] demande d'ordonner à la société Century 21 de lui restituer la somme de 1 500 euros versé par elle à titre de dépôt de garantie, sur présentation de la copie du présent arrêt. Il sera fait droit à cette demande, la société Pailly 17 étant déboutée de sa demande en ce sens.

La société Pailly 17 qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SCP Lavisse Bouamrirène, avocat, au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

Il y a lieu de la débouter de sa demande d'indemnité de procédure et de la condamner à payer une indemnité de 2 000 euros à Mme [V] au titre de l'article 700 de ce code.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, en dernier ressort ;

Confirme en ses dispositions critiquées le jugement sauf en ce qu'il déboute Mme [Y] [V] de ses demandes de dommages-intérêts et la déboute du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que la société Pailly 17 a fait obstacle à la vente de l'immeuble projetée d'abord en ne réalisant pas les travaux convenus avant la vente, ensuite, en constituant de nouvelles servitudes dans le projet d'acte authentique alors qu'elles n'avaient pas été prévues dans la promesse de vente ;

Confirme le jugement en ce qu'il condamne la société Pailly 17 à payer à Mme [Y] [V] une indemnité de 8 300 euros à titre de clause pénale ;

Condamne la société Pailly 37 à payer à Mme [Y] [V] les sommes de :

- 1 500 euros au titre de son préjudice moral,

- 18 500 euros à titre d'indemnité en compensation de son appauvrissement ;

Dit que sur présentation de la présente décision, la société Century 21 Help'Immo restituera à Mme [Y] [V] la somme de 1 500 euros déposée par elle, à titre de séquestre, le 13 décembre 2017 ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Pailly 17 au paiement des entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SCP Lavisse Bouamrirène Gaftoniuc, avocat, et d'une indemnité de 2 000 euros au profit de Mme [Y] [V].