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Décisions

CA Lyon, ch. soc. b, 14 juin 2024, n° 21/04768

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/04768

14 juin 2024

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/04768 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVFG

[V]

C/

S.A.S. CREE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 29 Avril 2021

RG : F 16/02580

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

APPELANT :

[F] [V]

né le 22 Octobre 1972 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société CREE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2] / FRANCE

représentée par Me Nicolas SOUBEYRAND de la SELARL GOURION SOUBEYRAND ET PARTENAIRES, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BOURGEY de la SELARL IDEOJ AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2024

Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société CREE a pour activité le commerce d'équipements pour personnes à mobilité réduite et fait application de la convention collective nationale de l'import-export (IDCC 43). Elle a embauché M. [F] [V] à compter du 22 janvier 2008, en qualité de magasinier-cariste, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein.

Par remise en main propre du 8 février 2016, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 17 février 2016. M. [V] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 24 février 2016. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 février 2016, la société CREE a notifié à M. [V] son licenciement pour motif économique.

Par requête reçue au greffe le 18 juillet 2016, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement du 29 avril 2021, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement prononcé par la société CREE de M. [F] [V] pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement par l'employeur à l'obligation de formation du salarié ;

- dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à l'égard de M. [F] [V] et condamné la société CREE à verser à M. [F] [V] la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice subi, avec taux d'intérêt légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- débouté M. [F] [V] de sa demande tendant à faire constater l'exécution déloyale de son contrat de travail par la société CREE ;

- débouté la société CREE de sa demande tendant à faire constater l'exécution déloyale de son contrat de travail par M. [F] [V] ;

- rejeté la demande de M. [F] [V] relative à la capitalisation des intérêts échus ;

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société CREE aux dépens.

Le 31 mai 2021, M. [F] [V] a enregistré par voie électronique une déclaration d'appel à l'encontre de ce jugement, le critiquant en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à son égard.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022, M. [F] [V] demande à la Cour d'infirmer le jugement rendu le 29 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon, sauf en ce qu'il a dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à son égard, et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société CREE à lui verser les sommes suivantes :

22 402,56 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 733,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 373,37 euros de congés payés afférents,

11 201,28 euros de dommages et intérêts pour la perte injustifiée de son emploi liée au manquement de la société CREE à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement,

11 201,28 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

11 201,28 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal,

- condamner la société CREE aux dépens.

M. [V] affirme que la société CREE a manqué à son obligation de formation, puisqu'il n'a participé en huit années de collaboration à aucune action de formation, et a exécuté de manière déloyale son contrat de travail, en ne lui faisant bénéficier d'aucune offre de formation ou en ne lui accordant qu'une très faible augmentation de salaire.

En outre, M. [V] soutient que la société CREE ne justifie pas de la réalité des difficultés économiques, qu'elle a invoquées pour justifier son licenciement, et qu'elle ne démontre pas en quoi la suppression de son poste a permis de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. En outre, M. [V] fait valoir que son employeur a manqué à son obligation de reclassement, en s'abstenant de rechercher effectivement si un poste était disponible et pouvait lui être proposé. Il indique enfin qu'il n'était pas le seul salarié travaillant au sein du service « logistique », si bien que la société CREE s'est abstenue à tort de faire application des critères d'ordre, lorsqu'elle a décidé de le licencier.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2021, la société CREE, intimée, demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 29 avril 2021, sauf en ce qu'il a dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à l'égard de M. [F] [V] et l'a condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros à ce titre, et, statuant à nouveau, de débouter M. [F] [V] de l'intégralité de ses demandes, de le condamne rau paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société CREE fait valoir que le salarié a bénéficié de nombreuses formations, qu'elle liste, et a fait l'objet d'augmentations de salaire. Elle affirme que le licenciement de M. [V] pour motif économique est fondé puisqu'elle verse aux débats plusieurs pièces démontrant la réalité des difficultés économiques rencontrées début 2016. La société CREE affirme, d'une part, avoir satisfait à son obligation de reclassement en interne, puisque aucun poste n'était disponible au jour de la rupture du contrat de travail du salarié, et avoir appliqué régulièrement les critères d'ordre de licenciement dans la mesure où M. [V] était en réalité le seul salarié de la catégorie « employés » au sein du service logistique.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

La clôture de la procédure était ordonnée le 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1.1. Sur la demande du salarié en dommages et intérêt pour manquement à l'obligation de formation

Il résulte de l'article L. 6321-1 du code du travail que l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et qu'il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'espèce, M. [V] reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier d'une quelconque action de formation en huit années de collaboration.

La société CREE justifie que M. [V] a suivi les formations suivantes : conduite de chariot élévateur en 2011 ; gestion commerciale achats ' inventaire en 2012 ; gestion performante du temps en 2012 ; formation SST en 2012 et 2014 ; perfectionnement sur l'utilisation de la messagerie Outlook en 2015 (pièce n° 7 de l'intimée).

La société CREE démontre ainsi que, contrairement à l'allégation de M. [V], elle lui a régulièrement fait bénéficier d'actions de formation. Elle a ainsi rempli son obligation de formation et il convient de confirmer le rejet de la demande de M. [V] en dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à cette obligation.

1.2. Sur la demande du salarié en dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [V] reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier d'une quelconque action de formation et également de n'avoir augmenté son salaire horaire que de 62 centimes (en comparant le montant de sa rémunération en 2010 avec celui en 2016), outre le fait que la société CREE n'a même pas répondu à sa demande en 2015 d'une prime exceptionnelle (pièces n° 13 et 14 de l'appelant). Il ajoute qu'il devait solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées par l'intermédiaire des délégués du personnel, sans toutefois que l'unique pièce produite à ce sujet (pièce n° 12 de l'appelant) ne le démontre.

La Cour a retenu que la société CREE n'a pas manqué à son obligation de formation.

Si la société CREE discute le montant de l'augmentation du salaire de M. [V] (en se référant à un salaire mensuel de 1 400 euros en 2008 et de 1 926 euros en 2015), la Cour relève que l'appelant ne caractérise pas pour autant que son employeur a agi de manière fautive.

Il en est de même s'agissant du reproche tenant au fait de ne pas avoir accordé une prime exceptionnelle, le versement de cette dernière ne relevant pas d'une obligation pour l'employeur.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de M. [V] en dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à cette obligation.

2.1. Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'indiquer les critères d'ordre du licenciement

En droit, l'article L. 1233-17 du code du travail prévoit que, sur demande écrite du salarié, l'employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. L'article R. 1233-1 du même code précise que l'employeur fait connaître les critères qu'il a retenu pour fixer l'ordre des licenciements dans les dix jours suivant la présentation de la demande du salarié.

Le manquement de l'employeur à son obligation d'indiquer au salarié qui le demande les critères d'ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une irrégularité qui cause nécessairement un préjudice au salarié (en ce sens : 2 février 2006 ; pourvoi n° 03-45.443).

En l'espèce, alors que la demande écrite de M. [P] en communication des critères d'ordre du licenciement a été reçue par l'employeur le 14 mars 2016, celui-ci lui a répondu par courrier du 17 mars 2016, donc dans le délai réglementaire.

La réponse de la société CREE mentionne les critères d'ordre retenus : qualités professionnelles, charges de famille, ancienneté dans l'entreprise, situation particulière des salariés rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, en précisant qu'elle a privilégié le critère tenant aux qualités professionnelles et que « les critères d'ordre n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le salarié dont le poste est supprimé constitue le seul et unique salarié de sa catégorie professionnelle » (pièce n° 5 de l'appelant).

Le premier juge a déduit de cette dernière précision que la société CREE s'est contredite, en indiquant ne pas avoir fait application des critères d'ordre à l'égard de M. [V] au regard du fait qu'il était l'unique salarié dans sa catégorie professionnelle, tout en communiquant, dans le même temps, la liste de l'ensemble de ses salariés classés selon ces mêmes critères d'ordre, puisqu'il relève que M. [V] a obtenu un score de 5, tandis que l'autre salarié affecté au service de la logistique s'était vu accorder un score de 11.

Toutefois, la Cour relève que la société CREE démontre avoir rempli l'obligation prévue par les articles L. 1233-17 et R. 1233-1 du code du travail.

M. [V] conclut pour sa part que la société CREE n'a pas fait application des critères d'ordre, alors qu'il n'était pas le seul à appartenir à sa catégorie d'emplois, puisqu'il travaillait aux côtés d'un chef-magasinier.

Toutefois, ce moyen consistant à reprocher à l'employeur de ne pas avoir appliqué des critères d'ordre est inopérant lorsqu'il est invoqué à l'appui d'une demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'indiquer les critères d'ordre des licenciements.

Dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à l'égard de M. [F] [V] et condamné celle-ci à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice subi.

2.2. Sur le bien fondé du licenciement

' Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et applicable en février 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En l'espèce, la société CREE a adressé à M. [F] [V] une lettre de licenciement, datée du 29 février 2016, rédigée dans les termes suivants :

« Vous avez été engagé en qualité de magasinier-cariste sous contrat à durée indéterminée en date du 22 janvier 2008 par la société.

Ainsi que la déléguée du personnel en a été informée lors de la réunion du 5 février 2016, nous vous rappelons les contraintes nouvelles qui s'imposent à notre société et que nous vous indiquons ci-dessous :

La société CREE, fondée en 1975, est spécialisée dans la distribution exclusive sur le marché français d'une gamme complète de mobilier d'ergothérapie et a axé sa communication sur les services et les écoles d'ergothérapie.

Au début des années 90, de nouvelles gammes ont été intégrées dont une gamme de poussettes et déambulateurs pour enfants et adultes qui a permis à la société de s'introduire sur le marché des véhicules pour personnes handicapées (VPH) et développer son chiffre d'affaires avec encore la distribution d'une gamme suisse de fauteuils roulants verticalisateurs (LEVO) à compter de 2002.

A la suite de la crise financière de 2008, la société CREE est contrainte de se réorganiser profondément en revoyant son organisation en 2011 tant au niveau humain qu'au niveau des gammes distribuées.

Cette nouvelle organisation a permis à la société de repartir de l'avant après une grosse perte d'exploitation en 2011-2012.

Depuis 2014, la société doit faire face à une baisse drastique de son activité en raison de la situation de trésorerie très tendue des conseils départementaux qui ne valident plus les commandes de fauteuils roulants électriques pourtant enregistrées et de la baisse corrélative du budget des établissements hospitaliers publics.

Parallèlement, elle doit faire face à une concurrence accrue pour les deux activités sur lesquelles elle intervient :

Dans le domaine médical, celle des fabricants de matériel médical dont les fauteuils roulants et poussettes adaptées aux enfants handicapés,

Dans le domaine du bâtiment, celle des fabricants d'accessoires d'aménagement du bâti dont l'adaptation des salles de bain pour handicapés,

L'activité médicale concentre toutefois les plus gros clients de la société puisque seul un client du domaine du marché bâtiment figure parmi les 15 plus gros clients de la société en 2015.

A la baisse des budgets et au renforcement de la concurrence s'ajoute un phénomène imprévisible lié au risque de change puisque depuis 2015 notre société doit faire face à la dégradation du frac suisse par rapport à l'euro (18% de ses achats totaux en 2015) et au décrochage de l'euro par rapport au dollar (10% de ses achats totaux en 105).

Ainsi, notre société a perdu deux points de marge liés directement à la dégradation du taux de change du franc suisse et du dollar par rapport à l'euro.

Tous ces éléments ont eu un impact négatif sur le chiffre d'affaires de la société qui est en baisse constante depuis l'exercice 2014 et la dégradation enregistrée depuis 2013 est de 16%.

Alors que le chiffre d'affaires moyen mensuel nécessaire à l'équilibre des comptes est estimé à 420K euros, notre société ne réalise qu'environ 360K euros mensuels.

Cette dégradation rapide du chiffre d'affaires affecte considérablement le niveau de marge de la société (baisse de 3% entre 2014 et 2015) et ne lui permet plus d'être à l'équilibre.

De fait, les résultats de la société sont en baisse constante depuis juillet 2014 pour atteinte un niveau particulièrement catastrophique à fin décembre 2015 avec un déficit de plus de 400 000 euros.

Cette situation est particulièrement alarmante dans la mesure où aucune amélioration des résultats n'est à attendre dans les prochains mois.

L'activité développée par la société s'avère aujourd'hui fondamentalement déficitaire.

Dans ces conditions, la société s'est résolue à mettre en 'uvre une nouvelle organisation afin d'enrayer la détérioration de sa situation financière et de préserver ses chances de parvenir à l'équilibre sur l'exercice 2016 en vue de ne pas hypothéquer sa pérennité.

Compte tenu de ce qui précède, la société est contrainte d'envisager purement et simplement la cessation de la gamme « bâtiment » qui est celle au sein de laquelle sa notoriété et sa compétitivité sont les plus faibles.

La cessation progressive de cette activité et la concentration de nos efforts sur l'activité médicale nécessitent le redimensionnement des équipes afin de mettre en adéquation l'effectif de la société avec cette nouvelle organisation.

Cette restructuration de l'activité doit permettre de revenir progressivement à l'équilibre. Au regard de ce qui précède, le poste de magasinier-cariste que vous occupez ne se justifie plus et nous sommes donc contraints d'en envisager sa suppression en raison des difficultés économiques sus-indiquées. Nous avons procédé à la recherche des solutions de reclassement auprès de nos sous-traitants et partenaires habituels.

Ces recherches de reclassement sont malheureusement restées vaines à ce jour. Dans ces conditions et en l'absence de possibilité de reclassement, nous vous notifions par la présente, et après application des critères d'ordre de licenciement votre licenciement pour motif économique pour les raisons sus-indiquées.

Nous vous rappelons qu'il vous a été proposé d'adhérer au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) lors de notre entretien en date du 17 février 2016.

Vous disposiez à cet égard d'un délai de réflexion de 21 jours calendaires à compter de la date de notre entretien préalable, pour accepter ou refuser l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle que nous vous avons proposé et qui expirera donc le 9 mars 2016.

Conformément à l'article L. 1233-67 du code du travail, votre adhésion à ce dispositif emporte la rupture de votre contrat de travail, sans préavis, au terme du délai de réflexion de 21 jours, soit le 9 mars 2016 ».

Ainsi, la société CREE a justifié le licenciement de M. [V] par les difficultés économiques auxquelles elle était alors confrontée, qui s'est manifestée notamment par une baisse constante de son chiffre d'affaires depuis l'exercice de l'année 2014.

Elle verse aux débats la note économique et sociale présentée à la réunion des délégués du personnel du 5 février 2016, les bilans fiscaux des exercices clos le 30 juin 2014 et le 31 décembre 2015 (pièces n° 8, 9, 10 de l'intimée).

En particulier, il résulte des bilans fiscaux que le chiffre d'affaires net de la société était de :

- 4 785 863 euros à la fin de l'exercice 2013

- 5 026 919 euros à la fin de l'exercice 2014

- 6 452 176 euros à la fin de l'exercice 2015.

Il n'est donc pas établi que la société CREE ait connu une baisse de son chiffre d'affaires net, ce d'autant plus que le total des produits d'exploitation était en constante augmentation.

En revanche, le résultat d'exploitation, qui s'élevait à 19 837 euros à la fin de l'exercice 2013 et à 34 894 euros à la fin de l'exercice 2014, a chuté à - 509 932 euros à la fin de l'exercice 2015, du fait de la hausse des charges d'exploitation. Le commissaire aux comptes de la société a indiqué, par courrier daté du 27 février 2017, que, compte tenu de l'absence de rentabilité de l'entreprise au cours de l'exercice 2016, le résultat d'exploitation serait négatif de plus de 360 000 euros.

En corollaire, le résultat net comptable, qui était de 7 911 euros à la fin de l'exercice 2013 et de 54 011 euros à la fin de l'exercice 2014, a chuté à ' 439 811 euros à la fin de l'exercice 2015 et l'expert-comptable de la société CREE a attesté, le 3 mars 2017, que le résultat net comptable serait encore déficitaire à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 2016 (pièce n° 11 de l'intimée). Le commissaire aux comptes de la société a d'ailleurs mis en 'uvre la procédure d'alerte prévue par l'article L. 234-1 du code de commerce.

Dans ces conditions, la société CREE démontre la réalité des difficultés économiques auxquelles elle était confrontée, quand elle a mis en 'uvre la procédure de licenciement de M. [V]. Par ailleurs, ce dernier n'est pas fondé à lui reprocher de ne pas établir un lien de causalité entre ces difficultés économiques et la décision de le licencier, alors même que la loi n'exige pas de l'employeur cette démonstration.

' L'article L 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 8 août 2015 et applicable en février 2016, énonce que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. (...)

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

En l'espèce, la société CREE fait valoir qu'elle n'a proposé à M. [V] aucune offre de reclassement, car il n'existait aucun poste disponible susceptible de lui être proposé.

La société CREE, qui ne fait pas partie d'un groupe, verse aux débats un extrait du registre des entrées et sorties de son personnel (pièce n° 27 de l'intimée).

L'examen de cette pièce fait apparaître que la société CREE n'a embauché aucun salarié au cours de la période allant du 1er septembre 2015 au 1er juillet 2016. M. [V] admet d'ailleurs que « la lecture de ce document ne montre aucun poste vacant préalablement ou à la date de licenciement de M. [V] » (page 14 de ses conclusions).

Dès lors, la société CREE établit ainsi qu'elle n'avait aucun poste disponible à proposer en reclassement à M. [V].

Au surplus, la société CREE a adressé un mail, daté du 27 février 2016, aux responsables de quatre entreprises tierces, afin d'envisager le reclassement de M. [V] en leur sein ou auprès « d'autres structures » de leur connaissance (pièce n° 30 de l'intimée). Son obligation de reclassement n'impliquant pas, en l'absence de dispositions conventionnelles en ce sens, d'effectuer des recherches auprès d'entreprises extérieures, M. [V] ne saurait lui reprocher le caractère tardif de cette démarche.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a dit que le licenciement prononcé par la société CREE de M. [F] [V] pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a débouté M. [F] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [V], partie perdante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l'équité, il en sera de même pour la demande de la société CREE en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du 29 avril 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il en ce qu'il a dit que la société CREE a manqué à son obligation de communication des critères d'ordre de licenciement à l'égard de M. [F] [V] et a condamné celle-ci à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice subi ;

Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Rejette la demande de M. [F] [V] en dommages et intérêts, pour manquement à l'obligation d'indiquer les critères d'ordre des licenciements ;

Condamne M. [F] [V] aux dépens de l'instance d'appel ;

Rejette les demandes de M. [F] [V] et de la société CREE en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,