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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 juin 2024, n° 24/01152

PAU

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Mak2com (SARL)

Défendeur :

Z, N

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

M. Darracq, Mme Guiroy

Avocat :

Me Henric

TJ Bayonne, du 27 mars 2024, n° 24/92

27 mars 2024

Par requête remise au greffe le 18 mars 2024, la société Mak2com (sarl), spécialisée dans le conseil stratégique et la communication globale aux entreprises et organismes institutionnels, a saisi le juge des requêtes du tribunal judiciaire de Bayonne d'une demande de désignation d'un huissier de justice afin de procéder à certaines investigations sur les matériels informatiques de ses deux anciennes salariées installées en entreprise individuelle dans le même secteur d'activité après leur départ en février et mars 2023, Mme [E] [Z] et Mme [G] [N], soupçonnées d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice leur ancien employeur.

Par ordonnance du 27 mars 2024, la présidente du tribunal judiciaire a rejeté la requête au motif que la demande apparaît disproportionnée au regard des procédures civiles envisagées et de la nécessité de préserver les libertés publiques et individuelles et que les moyens de preuve par témoignage sont possibles et de nature à établir les faits allégués, au moins pour partie.

L'ordonnance a été notifiée le 28 mars 2024.

Par déclaration faite au greffe du tribunal judiciaire de Bayonne en date du 8 avril 2024, la requérante a relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions, l'appelante a demandé à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau, de commettre tous commissaire de justice de son choix, territorialement compétent, avec pour mission de se rendre dans les locaux suivants :

- locaux de l'entreprise individuelle de Mme [G] [N], sis [Adresse 2], également son domicile

- locaux de l'entreprise individuelle de Mme [E] [Z], sis [Adresse 6] et son domicile sis [Adresse 1] à [Localité 5]

afin de :

1 - sous réserve du respect de la mise sous séquestre énoncée au paragraphe 2 ci-après, rechercher sur tout support et prendre copie de :

- du dossier de travail informatique de Mme [E] [Z] et Mme [G] [N] y incluant leurs téléphones portables, aux fins d'y relever la présence de tous fichiers, documents et/ou informations à caractère professionnel concernant et/ou appartenant à la société Mak2com, et ce au moyen d'une liste de mots clés : MAK2COM, BIL TA GARBI OU BGT, COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU PAYS BASQUE (CAPB), LE SYNDICAT MIXTE AOP DU PIMENT D'ESPELETTE (ou SYNDICATPIMENT), EUSKAL PLANTXA, SSA AGENCEMENT (ou SSA), MANUSTOCK, PROTEC STORES, LA CARAVELLE VERTE, MAISON SUR FOURMI MOISSONNEUSE, CCAVT, MAISON DANDIEU, COQUETTE LA POULETTERIE, LE FOIE GRAS DE JULES, LE CANARD DE JULES, CÔBA ENERGIES RENOUVELABLES, CEGECLIM ENERGIES, COPELECTRONIC, AEM ELEC, HEGALDIA, AUTOSYBEL, CHEMPARC, MAITENA, ALLIANCE COACH, KUKILOVE, CAMPING [7], CAMPING [8], WOODRAKC, AGGLO LA ROCHELLE, OFFICE 64, AQUADAX, FOTOLIA, ISTOCK, ADOBESTOCK, LE HUBLOT DANS LA CUISINE, LAURENT BIDART, DEADLINE,

ladite liste étant limitative.

2 - dire que le commissaire de justice conservera en son étude, sous la forme de séquestre judiciaire, l'ensemble des documents, courriels et fichiers dont il aura pris copie sur quelque support que ce soit dans le cadre de l'exécution de sa mission, afin de préserver toute atteinte potentielle au secret professionnel, au secret des affaires et à la protection de la vie privée, sans que ceux-ci ne puissent être remis à la société Mak2com, et ceci, jusqu'à ce qu'une décision judiciaire contradictoire autorisant la levée du séquestre intervienne consécutivement à la saisine du juge des référés par toute partie y ayant un intérêt.

3 - pour procéder à la recherche ordonnée, autoriser le commissaire de justice à :

- accéder à l'ensemble des documents, quel que soit le support, et moyens informatiques, ordinateurs fixes, ordinateurs portables, serveurs, serveurs distants type cloud, poste utilisateur, disque dur, disque dur externe, messagerie, téléphone portable, tablette, clé USB ou autres, susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés

- se faire communiquer et à obtenir de toute personne, toute clé de cryptage, mots de passe et/ou accès cachés permettant d'accéder aux fichiers contenus sur les supports précédemment visés

- procéder à la restauration dans tout fichier informatique défaillant ou effacé et à la prise de copie de tels fichiers

- à se faire assister d'un ou plusieurs techniciens informatiques de son choix, indépendants de la requérante afin de réaliser la mission sus-décrite

- à photocopier, prendre en photos ou copier sur clé USB ou sur disque dur, tout élément qu'il estimera utile à l'exécution de sa mission

- se faire assister d'un représentant de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin.

4 - dire que le commissaire de justice dressera un procès-verbal des opérations effectuées et en remettra une copie à la requérante.

5 - dire que le commissaire de justice dressera l'inventaire des éléments recueillis et qu'il remettra une copie de cet inventaire à la partie visée par la mesure ainsi qu'à la requérante.

6 - dire qu'il pourra être procédé à ces opérations entre 8h et 18h, ces opérations pouvant se prolonger après ces horaires si besoin.

7 - en cas d'absence sur les lieux dans lesquels la mesure d'instruction a été ordonnée, autoriser le commissaire de justice, s'il l'estime utile, à se représenter au plus tard dans les cinq jours ouvrés suivants.

8 - dire que les frais de constat seront avancés par la requérante.

9 - dire qu'il pourra en être référé en cas de difficultés, une fois la mission accomplie.

10 - dire que la mission devra être réalisée dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'ordonnance sur requête aura été rendue.

Par conclusions du 31 mai 2024, le ministère public a sollicité l'infirmation de l'ordonnance entreprise et de voir faire droit à la requête de la société Mak2com.

L'appelante a été avisée par message RPVA que la décision sera rendue par anticipation le 17 juin 2024.

MOTIFS

En application des articles 434, 451 et 808 à 811 du code de procédure civile, le présent appel a été instruit et jugé en chambre du conseil selon la procédure gracieuse avec communication de l'affaire au ministère public.

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En droit, l'application de ce texte, qui n'est pas subordonné à l'urgence, n'implique aucun préjugé sur les responsabilités encourues, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ; seule une action au fond qui serait manifestement vouée à l'échec serait de nature à priver tout intérêt légitime à une mesure d'instruction avant tout procès.

Il suffit que le demandeur justifie d'éléments rendant crédibles ses suppositions, et que les preuves obtenues soient de nature à alimenter un procès ; le demandeur n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque, puisque la mesure demandée est justement destinée à les établir.

En application de l'article 493 du code de procédure civile, le juge peut être saisi par voie de requête dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

En l'espèce, les pièces versées aux débats établissent l'existence de faits objectifs susceptibles de rendre plausibles les actes allégués de concurrence déloyale et de parasitisme par soustraction et utilisation sans autorisation de supports stratégiques contenant des dossiers clients, 'uvres et créations appartenant à la société Mak2com ou cédées à des clients, dans le cadre d'une action concertée organisée par mesdames [N] et [Z], malgré les clauses de leur contrat de travail sur la propriété exclusive des documents et des créations et leur obligation de discrétion, visant la clientèle exploitée par leur ancien employeur, Mme [Z] ayant réalisé la copie de plus de 500 fichiers internes de son employeur sur un disque dur et Mme [N] ayant reconnu, dans une transaction conclue le 16 juillet 2023, le vol de supports concernant une vingtaine de clients (cités dans la requête) exposés sur son site internet et dont la destruction n'a pas pu être vérifiée, tandis que le 24 avril 2024, la société Mak2com a vu écarter sa candidature dans un marché public auprès de clients au profit de mesdames [N] et [Z] qui avaient utilisé des créations appartenant à leur employeur assorties d'une offre tarifaire mieux-disante, l'ensemble de ces faits étant de nature encore à laisser craindre un détournement des grilles tarifaires et des actes de concurrence déloyale de plus grande ampleur.

La cour constate que dans sa requête, la société Mak2com a pris le soin de limiter dans le temps et dans l'espace les mesures d'investigations sollicitées visant à établir ou conserver la preuve des faits de concurrence déloyale et de parasitisme avant tout procès, de sorte que l'atteinte portée au secret des affaires et à la vie privée qu'elles impliquent, limitée à l'objet du litige et nécessaire à la protection des droits de la société Mak2com, est proportionnée aux objectifs poursuivis, sous réserve des restrictions complémentaires apportées par la cour.

Et, l'efficacité d'une telle mesure exige qu'elle ne soit pas ordonnée au contradictoire de mesdames [N] et [Z] qui, à défaut, pourraient aisément faire disparaître les preuves éventuellement contenues dans ses systèmes et matériels informatiques qu'elles détiennent à leur domicile ou leur adresse professionnelle.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, l'affaire étant instruite en chambre du conseil, statuant hors la présence du public par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire susceptible de rétractation,

COMMET la selarl Ramonfaur Elissalde et Junqua Lamarque, commissaire de justice à [Localité 4], prise en la personne de l'un quelconque de ses commissaires de justice associés, avec pour mission de se rendre dans les locaux suivants :

- locaux de l'entreprise individuelle de Mme [G] [N], sis [Adresse 2], également son domicile

- locaux de l'entreprise individuelle de Mme [E] [Z], sis [Adresse 6] et son domicile sis [Adresse 1] à [Localité 5]

afin de :

1 - sous réserve du respect de la mise sous séquestre énoncée au paragraphe 2 ci-après, rechercher sur tout support et prendre copie de :

- du dossier de travail informatique de Mme [E] [Z] et Mme [G] [N] y incluant leurs téléphones portables, aux fins d'y relever la présence de tous fichiers, documents et/ou informations à caractère professionnel concernant et/ou appartenant à la société Mak2com, et ce au moyen d'une liste de mots clés : MAK2COM, BIL TA GARBI OU BGT, COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU PAYS BASQUE (CAPB), LE SYNDICAT MIXTE AOP DU PIMENT D'ESPELETTE (ou SYNDICATPIMENT), EUSKAL PLANTXA, SSA AGENCEMENT (ou SSA), MANUSTOCK, PROTEC STORES, LA CARAVELLE VERTE, MAISON SUR FOURMI MOISSONNEUSE, CCAVT, MAISON DANDIEU, COQUETTE LA POULETTERIE, LE FOIE GRAS DE JULES, LE CANARD DE JULES, CÔBA ENERGIES RENOUVELABLES, CEGECLIM ENERGIES, COPELECTRONIC, AEM ELEC, HEGALDIA, AUTOSYBEL, CHEMPARC, MAITENA, ALLIANCE COACH, KUKILOVE, CAMPING [7], CAMPING [8], WOODRAKC, AGGLO LA ROCHELLE, OFFICE 64, AQUADAX, FOTOLIA, ISTOCK, ADOBESTOCK, LE HUBLOT DANS LA CUISINE, LAURENT BIDART, DEADLINE,

ladite liste étant limitative.

2 - dit que le commissaire de justice conservera en son étude, sous la forme de séquestre judiciaire, l'ensemble des documents, courriels et fichiers dont il aura pris copie sur quelque support que ce soit dans le cadre de l'exécution de sa mission, afin de préserver toute atteinte potentielle au secret professionnel, au secret des affaires et à la protection de la vie privée, sans que ceux-ci ne puissent être remis à la société Mak2com, et ceci, jusqu'à ce qu'une décision judiciaire contradictoire autorisant la levée du séquestre intervienne consécutivement à la saisine du juge des référés par toute partie y ayant un intérêt.

3 - pour procéder à la recherche ordonnée, autorise le commissaire de justice à :

- accéder à l'ensemble des documents, quel que soit le support, et moyens informatiques, ordinateurs fixes, ordinateurs portables, serveurs, serveurs distants type cloud, poste utilisateur, disque dur, disque dur externe, messagerie, téléphone portable, tablette, clé USB ou autres, susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés

- se faire communiquer et à obtenir de toute personne, toute clé de cryptage, mots de passe et/ou accès cachés permettant d'accéder aux fichiers contenus sur les support précédemment visés

- procéder à la restauration dans tout fichier informatique défaillant ou effacé et à la prise de copie de tels fichiers

- à se faire assister d'un ou plusieurs techniciens informatiques de son choix, indépendants de la requérante afin de réaliser la mission sus-décrite

- à photocopier, prendre en photos ou copier sur clé USB ou sur disque dur, tout élément qu'il estimera utile à l'exécution de sa mission

- se faire assister d'un représentant de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin.

4 - dit que le commissaire de justice dressera un procès-verbal des opérations effectuées et en remettra une copie à la requérante.

5 - dit que le commissaire de justice dressera l'inventaire des éléments recueillis et qu'il remettra une copie de cet inventaire à la partie visée par la mesure ainsi qu'à la requérante.

6 - dit qu'il pourra être procédé à ces opérations entre 8h et 18h, sans pouvoir excéder deux jours consécutifs.

7 - en cas d'absence sur les lieux dans lesquels la mesure d'instruction a été ordonnée, autorise le commissaire de justice, s'il l'estime utile, à se représenter au plus tard dans les cinq jours ouvrés suivants.

8 - dit que les frais de constat seront avancés par la requérante.

9 - dit qu'il pourra en être référé en cas de difficultés, une fois la mission accomplie.

10 - dit que la mission devra être réalisée dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'arrêt aura été rendu.

RAPPELLE que le présent arrêt est exécutoire sur minute,

RAPPELLE qu'une copie de la requête, des conclusions d'appel et du présent arrêt sera laissée à Mme [G] [N] et à Mme [E] [Z].

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.