Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 18 juin 2024, n° 22/06543

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Au Plus (SARL)

Défendeur :

Métaux Dentaires de France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Verrando, Me Thomas-Belliard, Me Duhameau

TJ Rennes, du 22 juin 2020

22 juin 2020

La société AU PLUS dirigée par M [N] est spécialisée dans le recyclage des déchets métalliques issus de la dentisterie et autres métaux précieux grâce à un procédé par spectrométrie

Elle a développé un réseau de partenaires liés par des contrats de licence.

Le 8 janvier 2018 la société AU PLUS a régularisé un contrat de licence avec la société AU + BRETAGNE dénommée EUROVALOR depuis le 1er avril 2020. Il concerne la région Bretagne

Cette société est dirigée par M. [L] qui a créé la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE.

La société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE anciennement AU PLUS GRAND EST jusqu'au 31 décembre 2019 est spécialisée dans la prospection des cabinets dentaires aux fins de proposer, à la suite de l'analyse par spectromètre de masse des déchets, un rachat des différents métaux précieux qui y sont contenus.

Aux termes du contrat de licence effectif à compter du 11 juin 2018 selon la société AU PLUS elle a concédé à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la licence exclusive d'exploitation de la marque « Au Plus » et de l'enseigne Au+, ainsi que l'utilisation d'un logiciel de gestion de l'activité de recyclage des métaux pour la région Grand Est

Elle ajoute que selon contrat effectif à compter du 18 février 2019, elle a régularisé avec la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE un second contrat dans des termes identiques portant sur [Localité 6] intra-muros, puis, à compter de mai 2019, étendu à la Seine-Saint-Denis (93) et le Val-de-Marne (94). La marque concédée à [Localité 6] est « Gold&Bridge ».

Ces deux contrats ne sont pas signés.

La société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE achète à des dentistes et des prothésistes dentaires leurs déchets contenant des métaux précieux dont la teneur, et donc le prix, est déterminée par analyse spectrométrique. Elle revend ensuite ces produits à une fonderie agréée par AU PLUS.

Aux termes des contrats, AU PLUS loue à MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE 3 spectromètres émettant des rayons x.

La société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE est tenue de verser, pour chacun des contrats à AU PLUS une rémunération définie comme suit (Article 16 des contrats) :

Droit d'entrée unique de 12.000 euros HT.

Location du spectromètre : 650 euros HT par appareil et par mois.

Licence d'utilisation et d'exploitation du logiciel : 350 euros HT par mois.

Redevance de 5% du prix versé par la fonderie à Métaux dentaires de France, cette somme étant versée directement par la fonderie, à chaque fonte, sauf cas de non-respect des dispositions contractuelles par Métaux dentaires de France.

Cette redevance annuelle a un plancher :

o Pour la région Grand-Est le montant de la redevance minimale annuelle pour la région Grand-Est de 10.000 euros HT pour la période de juin 2018 à mai 2019, de 15.000 euros HT pour la période de juin 2019 à mai 2020 et de 20.000 euros HT pour la période de juin 2020 à mai 2021. Ce montant est facturé, le cas échéant, à chaque anniversaire du contrat, aux termes d'une pratique différant de la lettre du contrat qui prévoit une facturation à la fin de chaque exercice comptable de Métaux dentaires de France.

o Pour [Localité 6] le montant de la redevance minimale annuelle est de 10.000 euros HT pour 2019, 15.000 euros HT pour 2020 et de 20.000 euros HT pour 2021.

Ce montant est facturé, le cas échéant, à la fin de chaque exercice comptable de Métaux dentaires de France, soit chaque 31 décembre.

La société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a versé la somme de 2 500 euros à titre de dépôt et garantie pour le spectromètre de la région Grand Est.

La société AU PLUS explique qu' après le début de l'exploitation à [Localité 6], la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a rencontré des difficultés pour exploiter ce nouveau secteur. A compter de septembre 2019 les deux sociétés se sont rapprochées aux fins de mettre fin à leur relation contractuelle mais ne sont pas parvenu à un accord.

La société AU PLUS précise qu'à partir du mois d'octobre 2019 la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a cessé de lui verser toute rémunération et a cessé de faire verser par le fondeur agréé 5% du montant de chaque fonte sur le compte poids que AU PLUS détient chez le fondeur.

Dans le même temps la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a reproché à AU PLUS des manquements tenant notamment selon ses dires à l'absence de conformité des spectrométres à la réglementation nationale. Elle signale qu'elle s'est rendue compte que les spectromètres n'ont pas été remis conformément à la loi applicable et faisaient courir des risques d'exposition aux rayonnements ionisants aux personnes qui les manipulaient.

Par courrier du 1er janvier 2020 la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a résilié les conventions. Elle a restitué les spectromètres à la Société AU PLUS SARL.

Le 3 février 2020 la société AU PLUS a adressé à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE une mise en demeure de payer la somme de 17.932,04 euros au titre des contrats région Grand-Est et [Localité 6]. Elle affirme que la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a continué d'utiliser les marques AU PLUS et GOLD&BRIDGE après la résiliation du contrat, a pratiqué une concurrence déloyale par son utilisation de signes entraînant un risque de confusion avec les noms de domaines de la société AU PLUS et a profité de ses investissements, et de son savoir-faire. Une action en contrefaçon de marques est pendante devant le tribunal judiciaire de Rennes à l'encontre de la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE et de la société EUROVALOR.

Le 8 juin 2020, la société AU PLUS a adressé à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE une nouvelle mise en demeure récapitulative pour un montant de 16.870,25 euros.

Le 16 juillet 2020, la société AU PLUS l'a assignée ainsi qu'EUROVALOR devant devant le tribunal de Sion (canton du Valais). L'instance contre la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE a été abandonnée au profit du Tribunal de commerce de Rennes.

Par ordonnance en date du 22 juin 2020, le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la société AU PLUS à faire procéder à des saisies conservatoires sur les comptes de la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE à hauteur de 46.779, 13 euros

Suivant jugement du 26 août 2020, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE.

La société AU PLUS a déclaré sa créance le 5 novembre 2020 à hauteur de la somme de 46.848, 20 euros.

La SAS DAVID-[D], en sa qualité de mandataire judiciaire, a contesté la créance dont se prévaut la société AU PLUS SARL, qui la maintient.

Par ordonnance du 27 septembre 2021 le juge commissaire a invité la société AU PLUS à saisir la le tribunal de commerce.

La société AU PLUS SARL a assigné la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE et le mandataire judiciaire devant le tribunal de commerce de Rennes afin de fixer la créance de la société AU PLUS SARL contre la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE à la somme de 46 583, 37 euros en principal et 234,80 euros au titre des intérêts.

Par jugement du 22 septembre 2022, le tribunal a :

- Débouté la société AU PLUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la somme de 24 000 euros à titre de remboursement des droits d'entrée,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la somme de 2500 euros en remboursement du dépôt de garantie des spectromètres,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la SELARL DAVID [D] ET ASSOCIES la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Débouté la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE du surplus de ses demandes,

- Condamné la société AU PLUS aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 80,29 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile

La société AU PLUS a fait appel le 15 novembre 2022.

La société AU PLUS a saisi le premier président de la cour d'appel de Rennes et obtenu par ordonnance du 10 décembre 2022, l'autorisation de procéder au séquestre de la somme de 36 500 euros pour garantir le montant des condamnations à l'exception de celles fondées sur l'article 700, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision, entre les mains de la CARPA érigé en qualité de séquestre.

Maître [Z] a été nommé en lieu et place de Maître [D] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE .

L'ordonnance de clôture est en date du 4 avril 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 4 avril 2024 la société AU PLUS demande à la cour au visa de l'article 1103 du code civil, de :

- Recevoir la société AU PLUS en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :

- Débouté la société AU PLUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE la somme de 24 000 euros à titre de remboursement des droits d'entrée des deux contrats,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE la somme de 2 500 euros en remboursement du dépôt de garantie des spectromètres,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant exactement et intégralement le préjudice subi

- Condamné AU PLUS à régler 2500 euros à MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE en vertu de l'art 700 CPC,

- Condamné AU PLUS à régler 1000 euros à la SELARL DAVID [D] & Associés en vertu de l'art 700 CPC,

- Condamné la société AU PLUS aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution,

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 80.29 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

- Débouter MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS et la SARL David-[D] et Associés ès qualité de toutes leurs demandes,

- FIXER la créance de la société AU PLUS Sarl au passif de la procédure de sauvegarde ouverte contre la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS ouverte le 26 août 2020 à la somme de 46 583,37 euros en principal et de 234,80 euros au titre des intérêts échus à la date d'ouverture de la procédure,

Subsidiairement en cas d'annulation ou de résolution du contrat Grand-Est

Vu l'article 1352-8 du code civil,

- FIXER la créance de la société AU PLUS Sàrl au passif de la procédure de sauvegarde ouverte contre la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS ouverte le 26 août 2020 à la somme de 20.750,00 euros en principal et de 66,30 euros au titre des intérêts échus à la date d'ouverture de la procédure,

- Condamner MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS à verser AU PLUS Sàrl la somme de 39.000 euros,

Subsidiairement en cas d'annulation ou de résolution du contrat [Localité 6],

Vu l'article 1352-8 du code civil,

FIXER la créance de la société AU PLUS Sàrl au passif de la procédure de sauvegarde ouverte contre la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS ouverte le 26 août 2020 à la somme de 25.833,37 euros en principal et de 180,45 euros au titre des intérêts échus à la date d'ouverture de la procédure,

- Condamner MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS à verser Au Plus Sàrl la somme de 31.800 euros,

En tout état de cause :

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

Dire l'arrêt à venir opposable à la SELARL DAVID - [D] & ASSOCIES prise en la personne de Maître [T] [Z] S.E.L.A.R.L, dont le siège social est [Adresse 3] , ès qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE nommée par jugement rendu le 16 février 2022 par le tribunal de commerce de Rennes,

- Condamner in solidum la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE SAS et la SELARL DAVID - [D] & ASSOCIES ès qualité à payer à AU PLUS Sàrl la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fixer les dépens de l'instance au titre des frais privilégiés de justice de la procédure.

Dans leurs écritures notifiées le 3 avril 2024 la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE et la SELARL DAVID-[D] ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [Z] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE demandent à la cour au visa des articles 1103, 1104, 1228, 1130 et s, et subsidiairement 1224 du code civil L.330-3 et R.330-1 et s. du code de commerce, de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les contrat liant les sociétés AU PLUS SARL et MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE portant sur les zones Grand Est et [Localité 6], sauf à compléter le jugement en le faisant figurer au dispositif,

A titre subsidiaire,

Si la cour réformait le jugement sans retenir la nullité des conventions,

- Réformer le jugement déféré et prononcer la résiliation des contrats liant les sociétés AU PLUS SARL et MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE aux torts exclusifs de la société AU PLUS SARL, concernant les zones Grand est et [Localité 6],

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AU PLUS SARL à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE France la somme de 24 000 euros au titre du remboursement des droits d'entrée,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AU PLUS SARL à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE France la somme de 2500 euros en remboursement du dépôt de garantie des spectromètres,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AU PLUS SARL à verser à la société MÉTAUX DENTAIRE DE France la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts réparant exactement et intégralement le préjudice subi,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AU PLUS SARL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AU PLUS à verser à la société MÉTAUX DENTAIRE DE France la somme de 1500 € et à la société DAVID [D] ET ASSOCIES, la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en 1 ère instance, -Débouter la société AU PLUS de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

Y additant,

- Condamner la société AU PLUS SARL à verser de la société MÉTAUX DENTAIRE DE France et la société DAVID [D] ET ASSOCIES la somme de 5000 euros chacun par applications des dispositions de l'article 700 du code civil en cause d'appel,

- Confirmer la condamnation de la société SARL AU PLUS aux entiers dépens de 1 ère instance et y adjoindre ceux de l'appel

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

Les spectromètres

La société MÉTAUX DENTAIRES DE FRANCE et le mandataire soulèvent le caractère illicite des contrats aux motifs que la remise des spectromètres à la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE pour l'exécution des contrats ne respecte pas la réglementation.

En vertu des dispositions de l'article 1162 du code civil, la licéité du contrat doit être vérifiée non seulement au regard de ses stipulations, mais également de son but. Elle doit être examinée sous l'angle du contenu des engagements des parties (objet du contrat) et sous celui du mobile ayant déterminé le débiteur à s'engager (cause du contrat).

Les contrats encourent la nullité pour illecéité s'il est établi que la société AU PLUS a remis à la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE des spectromètres en méconnaissance de la réglementation applicable, de nature à lui faire encourir des sanctions pour infraction à la législation.

La pièce 81 Extrait du logiciel AU PLUS : attribution des spectromètres montre que la société AU PLUS a remis à la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE 3 spectromètres :

- Olympus DELTA Classic DCC-2000, n° de série 570980, propriété de la société AU PLUS utilisé sur le secteur Grand-Est du 11 juin 2018 au 7 février 2019,

- Olympus DELTA Classic DCC-2000, n° de série 570979, propriété de la société AU PLUS utilisé sur le secteur Grand-Est du 8 février 2019 au 3 janvier 2020,

- Olympus DELTA Classic DCC-2000, n° de série 570981, propriété de la société AU PLUS, utilisé sur le secteur [Localité 6] du 11 février 2019 au 3 janvier 2020.

La facture versée au débat en pièce 86 indique que ces matériels ont été vendus par CROWN4LIFE à AU PLUS le 1er janvier 2018, antérieurement à la régularisation des deux contrats litigieux. A défaut d'éléments contraires et probants démontrant une sous location prohibée, il est donc établi que AU PLUS est propriétaire des trois spectromètres qu'elle louait à la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE .

Les intimés signalent que ces matériels ne répondaient aux exigences de la réglementation.

Elles versent à ce titre un rapport du BUREAU VERITAS à la suite de son intervention du 1er avril 2021 (pièce 6) :

CONCLUSION GENERALE

...

5.2.Analyse des contrats entre Au+ Bretagne (France), Au+ Grand Est (France) et Au Plus Sarl (Suisse)

...

5.2.2. Obligation de régime administratif pour la détention et/ou l'utilisation d'une source émettrice de rayonnements

L'appareil est (soumis ) à une autorisation délivrée par l'autorité de Sureté Nucléaire, que ce soit pour la détention ou l'utilisation (art. R1333-17 inscrits par le décret n°2007-1582 du 7 novembre 2007) et à partir du 21 novembre 2018, les appareils sont soumis à déclaration (l'alinéa 3 du § B de l'annexe 1 de l'arrêté du 21 novembre 2018 la liste des activités nucléaires soumises au régime de déclaration, il est précisé : '3 Appareils électriques émettant des rayonnements X à des fins d'analyse par fluorescence X: Appareils électriques, fixes ou mobiles, émettant des rayonnements X utilisés pour l'analyse de métaux par fluorescence X, fonctionnant sous une différence de potentiel inférieure ou égale à 50 kV et avec une puissance électrique maximale appliquée au tube radiogène de 5 W.

Ces différents régimes administratifs (autorisation et déclaration) devant être obtenus par Au+ Bretagne (France) en tant que détenteur et utilisateur et Au Plus Sarl (Suisse) en tant que détenteur (propriétaire).

...

5.3.Analyse du contrat entre Au+ Bretagne, territoire de paris (France) et Au Plus Sarl (Suisse)

...

5.3.2. Obligation de régime administratif pour la détention et/ou l'utilisation d'une source émettrice de rayonnements

A l'alinéa 3 du § B de l'annexe 1 de l'arrêté du 21 novembre 2018 la liste des activités nucléaires soumises au régime de déclaration il est précisé ' 3. Appareils électriques émettant des rayonnements X à des fins d'analyse par fluorescence X: Appareils électriques, fixes ou mobiles, émettant des rayonnements X utilises pour l'analyse de métaux par fluorescence X, fonctionnant sous une différence de potentiel inférieure ou égale à 50 kV et avec une puissance électrique maximale appliquée au tube radiogène de 5 W.

Ainsi, à partir du 21 novembre 2018, les appareils sont soumis à déclaration

Ce régime administratif devant être obtenue par Au+ Bretagne (France) en tant que détenteur et utilisateur et Au Plus Sarl (Suisse) en tant que détenteur (propriétaire), du 25 janvier 2019 date de signature du contrat jusqu'au 30 décembre 2029 date de restitution des appareils.

Il ressort de cette analyse réalisée à la lecture des deux contrats litigieux et des appareils mis à disposition, que le franchisé et le franchiseur AU PLUS devaient être autorisés à utiliser les appareils avant le changement de régime le 21 novembre 2018 puis à l'obligation de les déclarer par le suite.

Le contrat prévoit que les équipements seront remis par le propriétaires et qu'il déclare être en possession de toutes les autorisations nécessaires :

5.1 Les Equipements seront mis en location par le Propriétaire qui en gardera la propriété exclusive

...

5.3 Le Propriétaire déclare être en possession des toutes les autorisations de détention et d'utilisation de cet Equipement octroyées par l'Autorité de Sureté Nucléaire(ASN à et SUVA)...

La société AU PLUS verse une autorisation émanant de l'ASN en date du 19 février 2014 aux fins d'exercer une activité nucléaire à des fins non médicales qui permet de détenir et d'utiliser des générateurs de rayonnements X à des fins d'analyse par fluorescence X (pièce 64). Le document mentionne que cette autorisation expire le 19 février 2016 et qu'elle pourra être renouvelée.

La société AU PLUS ne verse aucun document concernant ce renouvellement.

Le BUREAU VERITAS a rappelé que la détention de sources de rayonnement exposait à des risques civils et pénaux :

L'article L1337-5 du code de la santé publique prévoit en effet :

Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros le fait :

1° D'exercer une activité ou d'utiliser un procédé, un dispositif ou une substance interdits en application de l'article L. 1333-4 ;

2° D'exposer des personnes au-delà des valeurs limites fixées par les décrets pris pour l'application du 3° de l'article L. 1333-2 ;

3° D'entreprendre ou d'exercer une activité mentionnée à l'article L. 1333-1 sans être titulaire de l'autorisation sans qu'ait été procédé à l'enregistrement ou sans avoir effectué la déclaration prévue à l'article L. 1333-8 ;

4° De ne pas assurer, en violation de l'article L. 1333-15, la reprise des sources radioactives scellées destinées à des activités soumises à déclaration enregistrement ou autorisation préalable, ou de ne pas constituer la garantie financière prévue audit article ;

5° D'utiliser les radiations ionisantes sur le corps humain à des fins et dans des conditions autres que celles prévues par le premier alinéa de l'article L. 1333-18 ;

6° De poursuivre l'exercice d'une activité nucléaire en violation d'une mesure de cessation définitive, de retrait ou de suspension d'une activité prise en application de l'article L. 1333-31.

M. [L] a dénoncé cette situation à M. [N] le 30 décembre 2019 :

Bonjour [F],

Tu es visiblement rentré, et connecté....

Je reviens donc vers toi concernant la restitution de tes spectrométres.

Je n'ai peut être pas été suffisamment clair au téléphone, mais suite aux infos obtenues à l'ASN fin décembre, il est totalement hors de question que je conserve plus longtemps ces appareils non déclarés, et dont la détention et le

transport font l'objet de mesures particulières que tu as gentiment ' omis' de nous signaler. Je crois que tu ne mesures pas les conséquences que cela peut avoir pour nos sociétés aux uns et aux autres.

Clairement, je ne compte donc pas débuter l'année en possession de ces appareils que je n'aurais jamais du détenir.

Si tu n'es pas en mesure de les récupérer très rapidement, je les retourne sans délai à Au+ Sarl par voie postale, comme suggéré par notre avocat.

La société AU PLUS ne peut contester les affirmations de la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE puisque dans le même temps le 26 décembre 2019 M. [N] a signalé à un autre partenaire :

Comme déjà évoqué la loi ayant été récemment modifiée sur la déclaration de générateurs de rayon X j'ai procédé ce jour à l'enregistrement de ton spectromètre.

En tant que PCR je peux intervenir gracieusement pour ton compte. Si tu préfères un autre intervenant, merci de m'en informer rapidement.

Les générateurs de RX étaient jusqu'ici soumis à autorisation (seule ma société pouvait les déclarer).

En raison du risques relatif, la loi a enfin été allégée et nous sommes désormais soumis uniquement à déclaration afin d'en permettre la traçabilité. Cet allégement engendre un enregistrement pour chaque société détenant et utilisant un générateur de rayons X.

Tu seras désormais en copie des différentes interventions. Les attestations te parviendront par courriel.

Dans de telles conditions l'article 13 des contrats pour la région Grand -Est et la région [Localité 6] ne peuvent décharger la société AU PLUS de ses obligations :

AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES

Le Partenaire fera son affaire personnelle de l'obtention pour la création et l'exploitation de son activité de toute autorisations préalables de la part des autorités administratives et des services de sécurité pour ce conformer au lois règlement et normes en vigueur dans la territoire.

En effet en proposant à son franchisé un partenariat reposant sur ces activités dans des conditions contraires à l'ordre public, elle l'a placé dans l'illégalité.

Les contrats régularisés pour la région Grand- Est et la région [Localité 6] sont donc nuls. La société AU PLUS est déboutée de ses demandes au titre de l'exécution des contrats jusqu'à leur terme.

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par les parties.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Les incidences de la nullité

L'article 1178 du code civil précise :

Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

La société AU PLUS Sarl est donc condamnée à restituer à la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE et au mandataire les sommes de :

- 24 000 euros au titre du remboursement des droits d'entrée,

- 2500 euros en remboursement du dépôt de garantie des spectromètres.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Dans le cas d'un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles d'ordre public, la restitution en valeur de la prestation effectuée peut être sollicitée.

La société AU PLUS demande la restitution en valeur des prestations qu'elle a délivrées, a savoir les prestations de location de spectomètre, de location de logiciel, de réunions et de frais administratifs.

Il est justifié des frais de location facturés par la société AU PLUS au cours de l'exécution du contrat. Ces frais correspondent à la valeur des prestations telle que prévue aux deux contrats.

Mais, dans la mesure où la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE ne demande pas la restitution des sommes qu'elle a versées à ce titre, il apparaît que les prestations ont été payées et que ce paiement n'est pas remis en cause. Il n'y a pas lieu à restitution sauf à faire bénéficier la société AU PLUS d'un enrichissement sans cause.

Il n'est pas justifié par la société AU PLUS des réunions et frais administratifs dont elle demande la restitution en valeur. Il n'est pas non plus justifié de la valeur de telles prestations. Il convient, en outre, de noter que la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE ne demande pas la restitution des sommes qu'elle a versées au titre des commissions sur les ventes de métaux. Une restitution en valeur des prestations entraînerait donc, en l'absence de restitutions des commissions versées, un enrichissement sans cause. Il y a donc lieu de rejeter la demande de restitution formée au titre de ces prestations.

Le préjudice de la société METAUX DENTAIRES DE FRANCE

Les intimées sollicitent la condamnation de la société AU PLUS à la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice lié à son trouble commercial et à l'atteinte à son image.

Elles ne versent aucune pièce de nature à établir ces préjudices.

Elles affirment encore que la procédure de saisie conservatoire a été obtenue

par fraude et est abusive. Pour autant elles ne démontrent aucune faute, la société AU PLUS n'ayant agi que pour défendre ses intérêts.

La demande de dommages et intérêt est rejetée.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes formées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La condamnation en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société David [D] et associés sera infirmée, cette dernière n'intervenant à l'instance qu'en sa qualité de liquidateur et non pas en son nom propre.

Chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la société AU PLUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- Condamné la société AU PLUS à payer à la SELARL DAVID [D] ET ASSOCIES la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société MÉTAUX DENTAIRE DE FRANCE du surplus de ses demandes,

- Confirme le jugement pour le surplus,

- Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Rejette toutes les autres demandes des parties,

- Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle a engagés.