CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 13 juin 2024, n° 23/11914
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société d'Exploitation Mazzoni Albert Déménagements (SAS)
Défendeur :
Établissement Public Foncier de Provence Alpes Côte d'Azur (EPF PACA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Ermeneux, Me Coutelier-Tafani
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 5 mai 2005, la société Technique Innovante (aux droits de laquelle vient l'établissement public industriel et commercial établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur dit EPIC EPF PACA), bailleresse, a donné à bail à la société par actions simplifiées société d'exploitation Mazzoni Albert Déménagements (société SEMAD), preneuse, un local vide pour une durée de 23 mois à compter du 1 er juin 2005, situé [Adresse 2].
Selon les stipulations contractuelles, les locaux donnés à bail se composaient d'un local vide situé en sous-sol se décomposant en une surface de 30 m² à usage de bureau et une surface de 105 m2 à usage d'entrepôt.
Concernant les mentions utiles à la résolution du litige, le contrat de bail est expressément qualifié par les parties de contrat d'entreposage et il comporte une clause particulière aux termes de laquelle le locataire 's'engage formellement à n'exercer dans les locaux aucune activité pouvant entrer dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1953 modifiée sur le statut des baux commerciaux'.
Les statuts de la société SEMAD, la preneuse, indiquent que l'objet de la société est d'exercer des transports routiers, des transports publics de marchandises, des déménagements, de louer des véhicules, de vendre des emballages pour les déménagements et de faire du garde-meubles.
A son échéance, le bail s'est tacitement poursuivi.
Par acte d'huissier en date du 25 juillet 2018, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un congé et d'avoir à quitter les lieux loués pour le 31 décembre 2018. Aucune offre d'indemnité d'éviction n'était formulée par la bailleresse.
Un conflit va se nouer entre les parties sur la qualification du bail conclu (bail soumis aux seules dispositions du code civil pour la bailleresse, bail commercial pour la locataire) et en conséquence sur le droit au renouvellement et au maintien dans les lieux de la locataire.
La preneuse, entendant se prévaloir du statut des baux commerciaux et de l'absence de la délivrance d'un congé refusant le renouvellement, s'est maintenue dans les lieux estimant qu'elle en avait le droit en application du statut des baux commerciaux.
La bailleresse, estimant au contraire que le bail consenti était un bail soumis aux dispositions du code civil, considérait que son congé était régulier et que la preneuse était devenue une occupante sans droit ni titre en refusant de partir.
Suite à la cession intervenue le 22 décembre 2020, l'EPIC EPF PACA est devenu le nouveau propriétaire, à la place de la société Technique innovante, du bien donné à bail à la société SEMAD.
Suivant acte extrajudiciaire en date du 26 juillet 2021, l'EPIC EPF PACA a fait assigner la société SEMAD devant le tribunal judiciaire de Toulon, aux fins de voir valider le congé, de voir déclarer prescrite toute action en requalification du contrat de louage, et également aux fins de demander la résiliation du bail et l'expulsion de l'occupante, ainsi qu'en paiement d'une indemnité d'occupation.
En réponse à cette assignation, par conclusions au fond du 28 avril 2022, la preneuse demandait l'annulation du congé pour partir, au motif qu'il s'était formé un bail commercial entre les parties le 1 er mai 2007 en application de l'article L 145-5 du code de commerce, que ce bail commercial et le congé pour partir délivré par la bailleresse étaient donc soumis aux dispositions issus du statut des baux commerciaux et que le congé délivré ne respectait pas le formalisme protecteur prévu à peine de nullité par ce statut.
Dans le cadre de la procédure pendante au fond devant le tribunal judiciaire de Toulon, la bailleresse a formé un incident pour demander au juge de la mise en état de juger que la demande de l'ancienne preneuse tendant à bénéficier des dispositions de l'article L I45-5 du code de commerce s'analysait en une demande de requalification du contrat d'entreposage en bail dérogatoire et pour demander de juger prescrite toute demande en requalification du contrat d'entreposage conclu le 5 mai 2005, qu'il s'agisse de la requalification du bail en un bail dérogatoire au sens de l'article L I45-5 du code de commerce ou d'une requalification en bail commercial au sens des articles L I45-1 et suivants du code de commerce.
Par ordonnance du 5 septembre 2023 , le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon a :
- déclaré irrecevables les demandes de la société SEMAD tendant à la requalification du contrat d'entreposage en un bail dérogatoire comme étant prescrites,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du mardi 6 février 2023 à 09 h00,
- pour cette date, invité l'EPIC EPF PACA et la société SEMAD à avoir conclu au fond,
- réservé les autres demandes,
- dit que les dépens suivront le sort de la procédure au fond.
Pour juger irrecevable comme prescrite la demande de la société SEMAD tendant à bénéficier des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce, le tribunal retenait que :
- la demande de la société SEMAD de juger qu'elle est titulaire d'un bail soumis au statut des baux commerciaux depuis le 1 er mai 2007 s'analyse en une demande de requalification en bail dérogatoire au sens des articles L145-1 et suivants du code de commerce,
- cette demande de requalification est soumise au délai de prescription applicable en l'espèce qui est de deux ans en application de l'article 145-60 du code de commerce,
- le délai de prescription commence à courir à compter de la date de signature du bail initial ou à compter de la délivrance du congé qui pourrait être considéré comme le moment ou le titulaire
du droit a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action,
- or il apparaît que la société SEMAD n'a pas agi dans le délai de 2 ans dès lors que le congé litigieux a été délivré le 25 juillet 2018 et que celle-ci a sollicité la requalification du bail en un bail dérogatoire et conclu à la nullité dudit congé dans des conclusions notifiées le 28 avril 2022.
Pour répondre à l'argumentation de la défenderesse selon laquelle ses demandes de requalification du bail en un bail commercial et de nullité du congé ne sont que des moyens en défense et ne constituent pas des demandes reconventionnelles soumises à une quelconque prescription, le juge de la mise en état mentionnait que la demande de requalification du bail de la société SEMAD ne pouvait s'analyser en une défense au fond qui ne serait pas prescriptible au sens de l'article 72 du code de procédure civile. Pour la juridiction, il s'agissait d'une demande reconventionnelle en ce qu'elle permettrait à l'ancienne preneuse d'obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions de la demanderesse.
La société SEMAD a formé un appel le 21 septembre 2023.
La déclaration d'appel est ainsi rédigée : 'Objet de la demande : L'appel tend à la réformation ou à l'annulation de la décision entreprise en ce qu'elle :déclare irrecevables les demandes de la SEMAD tendant à la requalification du contrat d'entreposage en bail dérogatoire comme étant prescrites'.
La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 2 avril 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2024, la société SEMAD demande à la cour de :
vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce,
vu les articles 71 et 72 du code de procédure civile,
- recevoir la société SEMAD en ses demandes, fins et conclusions et ce faisant,
- réformer l'ordonnance et statuant de nouveau,
- juger que la société SEMAD est titulaire de droit, depuis le 1er mai 2007, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux,
- juger que le congé délivré par la société Technique Innovante (aux droits de laquelle est venue l'EPIC EPF PACA) est nul et de nul effet, pour ne pas respecter les dispositions protectrices du statut des baux commerciaux,
- juger que la demande de nullité dudit congé formulée par la société SEMAD n'est pas prescrite, et en conséquence,
- débouter l'EPIC EPF PACA de ses demandes tendant à voir :
- juger que la demande de la société SEMAD tendant à bénéficier des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce s'analyse en une demande de requalification du contrat d'entreposage en bail dérogatoire,
- juger prescrite toute demande en requalification du contrat d'entreposage conclu le 5 mai 2005, qu'il s'agisse d'une requalification en bail dérogatoire au sens de l'article
L. 145-5 du code de commerce ou d'une requalification en bail commercial au sens des articles L. 145-1et suivants du code de commerce,
- juger irrecevables les demandes de la société SEMAD tendant à bénéficier des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, comme étant prescrite,
- condamner la société SEMAD a payer à l'EPIC EPF PACA la somme de 5 .000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SEMAD aux entiers dépens,
- condamner l'EPIC EPF PACA à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, l'EPIC EPF PACA demande à la cour de :
vu les articles 1709 et suivants du code civil,
Vu les articles L 145-1 et suivants du code de commerce,
- confirmer l'ordonnance et en tant que de besoin :
- débouter la société SEMAD de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions :
- juger que la demande de la société SEMAD tendant à bénéficier des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce s'analyse en une demande de requalification du contrat d'entreposage en bail dérogatoire,
- juger prescrite toute demande en requalification du contrat d'entreposage conclu le 5 mai 2005, qu'il s'agisse d'une requalification en bail dérogatoire au sens de l'article L 145-5 du code de commerce, ou d'une requalification en bail commercial au sens des articles L 145-1 et suivants du code de commerce,
- juger irrecevables les demandes de la société SEMAD tendant à bénéficier des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce, comme étant prescrites,
- condamner la société SEMAD à payer à l'EPIC EPF PACA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SEMAD aux entiers dépens.
MOTIFS
1-sur les demandes de la preneuse et en particulier sur la demande de nullité du congé délivré par la bailleresse.
Selon l'article L145-5 du code de commerce :Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.
L'article 64 du code de procédure civile dispose :Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
L'article 72 du code de procédure civile ajoute :Les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause.
Pour apprécier si la preneuse, appelante de l'ordonnance du juge de la mise en état, avait bien présenté une demande de requalification du bail initial en un bail dérogatoire et si cette demande est prescrite, il y a d'abord lieu d'examiner l'enchaînement des demandes réciproques des parties et la nature exacte desdites demandes.
Au fond et dans son assignation en date du 26 juillet 2021, l'EPIC EPF PACA (bailleresse et demanderesse au fond) demande au tribunal judiciaire de Toulon de valider le congé, de voir déclarer prescrite toute action en requalification du contrat de louage et elle sollicite également, la résiliation du bail, l'expulsion de l'occupante, le paiement d'une indemnité d'occupation.
Au fond et en réponse aux demandes de la bailleresse, la preneuse (défenderesse au fond) invoque les articles L 145-1 et suivants du code de commerce ainsi que les articles 71 et 72 du code de procédure civile et elle sollicite notamment :
- de juger qu'elle est titulaire depuis le 1er mai 2007 d'un bail commercial,
- de juger que le congé délivré par la société Technique Innovant est nul et de nul effet, pour ne pas respecter les dispositions protectrices du statut des baux commerciaux,
- de juger qu'elle est en droit, du fait de la conclusion à compter du 1er mai 2007, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux d'exercer une activité commerciale au sein dudit local.
Concernant ses autres demandes formulées dans le cadre de la procédure au fond pendante devant les premiers juges, il s'agit seulement de demandes de rejet des prétentions de la demanderesse (demandes de rejet de dire le congé valable, de rejet de voir juger prescrite tout demande de requalification du bail, de rejet de son expulsion des locaux loués, de rejet de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ,de juger que le bailleresse ne justifie pas de sa demande de doublement du loyer au titre de l'indemnité d'occupation.
Ainsi, aux termes de ses conclusions au fond et pour s'opposer au congé pour partir que lui a délivré la bailleresse , la preneuse estime être fondée à se prévaloir de dispositions issues du code de commerce et plus particulièrement du statut des baux commerciaux.
Pour elle, le bail initial qualifié par les parties de 'contrat d'entreposage' constituerait en réalité un bail dérogatoire à l'issue duquel il s'est formé un bail commercial le 1er mai 2007 et ce en application de l'article L 145-5 du code de commerce .
La preneuse en déduit que le congé pour partir qui lui a été délivré le 25 juillet 2018 est nul, dès lors qu'il ne respecte pas la formalisme prévu à peine de nullité par l'article L 145-9 du code de commerce.
Dans le cadre de la procédure de mise en état, pour s'opposer aux demandes de la preneuse, la bailleresse lui oppose la prescription quinquennale de droit commun considérant que cette dernière formule en réalité nécessairement une demande reconventionnelle tendant à voir qualifier le contrat initial litigieux de bail dérogatoire, laquelle serait donc prescrite.
Dans le cadre de la procédure de mise en état, pour tenter de faire échec au moyen tiré de la prescription soulevé par la bailleresse, la preneuse affirme que ses demandes, formulées dans le cadre de la procédure au fond, consistent seulement en des demandes de rejet des prétentions au fond de la bailleresse et en des défenses au fond, lesquelles ne sont pas soumises à la prescription.
Pour la preneuse, elle n'a formulé aucune demande reconventionnelle contre la bailleresse. Elle ajoute que les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause conformément à l'article 72 du code de procédure civile et que le moyen tiré de la nullité du congé pour partir du 23 juillet 2018 est une exception de nullité perpétuelle.
Il est de principe que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme injustifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire, ce qui la différencie de la demande reconventionnelle, par laquelle, en application de l'article 64 du code de procédure civile, le défendeur originel tend à obtenir un avantage autre quele simple rejet des prétentions de son adversaire.
En l'espèce et d'abord, il est exact que l'exception de nullité du congé invoquée par la preneuse constitue bien un moyen de défense au fond et une exception de nullité perpétuelle, qui échappe à toute prescription.
En effet, invoquée aux fins de faire échec à la demande d'expulsion du bailleur fondée sur les effets du congé, l'exception de nullité du congé constitue un moyen de défense au fond auquel est applicable la règle de l'exception de nullité perpétuelle.
La cour rejette la demande de la bailleresse de juger à tout le moins prescrite la demande de nullité du congé délivré par la bailleresse.
Cependant, dans ses conclusions au fond et comme rappelé ci-dessus, la preneuse ne se limite pas à présenter une exception de nullité du congé puisqu'au contraire, elle présente également :
- une demande tendant à voir juger qu'elle est titulaire, depuis le 1er mai 2007, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux,
- une demande tendant à voir juger qu'elle est en droit, du fait de la conclusion à compter du 1er mai 2007, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, d'exercer une activité commerciale au sein dudit local.
Concernant la demande de la preneuse tendant à voir juger qu'elle est titulaire, depuis le 1er mai 2007, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a retenu que cette demande de la preneuse s'appuyait nécessairement sur une demande préalable implicite de requalification du contrat d'entreposage en un bail dérogatoire.
En effet, les règles issues du statut des baux commerciaux -dont la preneuse sollicite en l'espèce l'application-ne s'appliqueront au congé pour partir délivré par le bailleur que si, au préalable, la juridiction du fond reconnaît qu'il s'est formé un bail commercial le 1er mai 2007 à l'issue du contrat d'entreposage requalifié en un bail dérogatoire et ce en application de l'article L 145-5 du code de commerce.
En conséquence, la société SEMAD ne se borne pas à solliciter le rejet de la demande d'expulsion formée par l'EPIC EPF PACA en invoquant la soumission du contrat au statut des baux commerciaux, ce qui lui le ferait bénéficier du droit au maintien dans les lieux, mais entend voir tirer toutes les conséquences de la requalification du contrat d'entreposage en un bail dérogatoire et de la constatation du statut des baux commerciaux à compter du 1er mai 2007, en sollicitant la reconnaissance d'un droit d'exercer une activité commerciale dans le local à compter du 1er mai 2007.
La société SEMAD tend à se voir octroyer un avantage autre que le seul rejet de la demande d'expulsion de son adversaire. De telles prétentions ne constituent pas un moyen de défense au fond, mais bien des demandes reconventionnelles soumises à la prescription, comme le soutient l'EPIC EPF PACA.
2-sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription et sur la demande de requalification du contrat d'entreposage initial en un bail dérogatoire
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile :Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article L145-60 du code de commerce :Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.
La bailleresse demande à la cour de juger prescrite toute demande en requalification du contrat d'entreposage conclu le 5 mai 2005, qu'il s'agisse d'une requalification du contrat d'entreposage initial en un bail dérogatoire au sens de l'article L 145-5 du code de commerce ou d'une requalification du même bail initial en un bail commercial au sens des articles L 145-1 du même code.
En l'espèce, la cour a précédemment retenu qu'au soutien de son action tendant à la déclaration du statut des baux commerciaux à compter du 1er mai 2007, la preneuse présentait nécessairement en amont une demande de requalification du contrat d'entreposage en un bail commercial, action soumise à la prescription.
Il est de principe que si la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à prescription , il n'en va pas de même concernant l'action en requalification d'un bail en un bail dérogatoire, laquelle est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce.
Ainsi, le juge de la mise en état a justement retenu qu'en l'espèce, la demande de de la preneuse de requalification du contrat d'entreposage en un bail commercial était soumise à la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce.
Concernant le point de départ du délai de la prescription biennale, le délai applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
En l'espèce, la société preneuse sollicite la requalification du bail du 1er mai 2007 en un bail commercial.
Le délai de la prescription biennale a donc commencé à courir à compter du 1er mai 2007 pour expirer au 1er mai 2009. La société preneuse ayant formulé pour la première fois en justice sa demande de requalification du bail en un bail commercial par conclusions du 28 avril 2022, sa demande était prescrite.
La cour confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes de la société SEMAD tendant à la requalification du contrat d'entreposage en un bail dérogatoire.
3-sur les autres demandes de l'appelante
Aux termes de l'article 568 du code de procédure civile ,Lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 554,555 et 563 à 567.
Dans ses conclusions prises devant la cour statuant dans le cadre de cet appel contre l'ordonnance du juge de la mise en état de Toulon, la société preneuse appelante sollicite, outre la réformation de l'ordonnance sur la prescription, que la cour dise qu'elle est titulaire d'un bail soumis au statut des baux commerciaux depuis le 1er mai 2007 et que la cour juge que le congé est nul et de nul effet pour ne pas respecter les dispositions protectrices du statut des baux commerciaux.
Cependant, en l'espèce, l'ordonnance du juge de la mise en état n' a pas statué ni sur l'existence d'un bail commercial ni sur la validité du congé.
D'ailleurs, concernant en particulier l'exception de nullité du congé soulevée en défense par la preneuse, il ne s'agit pas d'une exception de procédure relevant de la compétence du juge de la mise en état ou de cette cour saisie par un appel contre une ordonnance du juge de la mise en état.
En effet, il est de principe que le moyen pris par le preneur de la nullité du congé délivré par acte extrajudiciaire n'est pas une exception de procédure en ce qu'il ne tend pas à la nullité d'un acte de la procédure dont le juge est saisi.
Enfin, s'agissant de l'existence du bail commercial, il s'agit d'une question de fond relevant de la compétence du tribunal judiciaire et non du juge de la mise en état.
Les conditions autorisant la cour à évoquer l'affaire ne sont pas réunies, dès lors qu'aucun jugement n'a encore été prononcé dans cette affaire. En effet, la procédure en est toujours à l'étape de la mise en état devant le tribunal judiciaire de Toulon et la cour n'est saisie que d'un appel contre une ordonnance du juge de la mise en état et non contre un jugement.
En conséquence, la cour dit que les demandes de la preneuse appelante relatives au statut des baux commerciaux et au congé ne relèvent pas du pouvoir de la cour saisie du seul appel de l'ordonnance du juge de la mise en état.
4-sur les frais du procès
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la demande d'indemnité de procédure de l'appelante est rejetée et celle-ci est en revanche condamnée à payer à l'EPIC EPF PACA la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SEMAD, dont la demande au titre des dépens est rejetée, est condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :
- confirme l'ordonnance en ce qu'elle déclare irrecevables les demandes de la SAS société d'exploitation Mazzoni Albert déménagements tendant à la requalification du contrat d'entreposage en bail dérogatoire comme étant prescrites,
y ajoutant,
- rejette la demande de l'établissement public industriel et commercial établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur de juger à tout le moins prescrite la demande de nullité du congé délivré par la bailleresse,
- dit que les demandes de la SAS société d'exploitation Mazzoni Albert déménagements relatives au statut des baux commerciaux et au congé ne relèvent pas du pouvoir de la cour saisie du seul appel de l'ordonnance du juge de la mise en état,
- rejette les demandes de la SAS société d'exploitation Mazzoni Albert déménagements au titre des dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SAS société d'exploitation Mazzoni Albert déménagements aux entiers dépens de l'instance et à payer à l'établissement public industriel et commercial établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.