Décisions
CA Rennes, référés com., 18 juin 2024, n° 24/02703
RENNES
Ordonnance
Autre
Référés Commerciaux
ORDONNANCE N°17
N° RG 24/02703 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYBN
SAS DELOFFRE
C/
S.A.R.L. KERBEA FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 18 JUIN 2024
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2024
ORDONNANCE :
Contradictoire, prononcée publiquement le 18 juin 2024, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats
****
Vu l'assignation en référé délivrée le 02 mai 2024
ENTRE :
La société DELOFFRE, SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°498.563.873, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Garance LEPHILIBERT de la SARL MENSOLE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES, substitué par Me Guillaume GUILLEVIC
ET :
La société KERBEA FRANCE, SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Orlélans sous le n°520.268.426, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société JMD-14 et la société Deloffre exerçaient une activité de constructeur de maisons individuelles.
La société Deloffre a régularisé, le 8 juin 2007, un contrat de franchise avec la société Orkila Ingénierie, devenue après changement de dénomination Kerbea France.
La société JMD-14 (depuis absorbée par la société Deloffre) a signé, le 2 novembre 2011, avec la société Kerbea France un contrat de franchise pour une durée de sept ans. Un protocole d'accord valant avenant à ce contrat a été signé le 23 mai 2016 avec effet rétroactif au 1er janvier 2014. Celui-ci a notamment modifié le montant des redevances.
Les relations entre franchisés et le franchiseur se sont dégradées': la société Deloffre a invoqué de nombreux manquements contractuels de la part de la société Kerbea. De son côté, celle-ci a sollicité le paiement des redevances jusqu'au terme du contrat, survenu le 2 novembre 2018.
Par la suite, la société Kerbea France a, par deux actes introductifs d'instance du 4 avril 2023, fait assigner la société Deloffre, d'une part, en sa qualité personnelle et, d'autre part, comme venant aux droits de la société JMD-14, devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de la voir condamner au paiement des redevances non payées jusqu'au terme des contrats et au paiement de sommes complémentaires au titre de son préjudice moral et d'image (soit globalement les sommes de 513'380 et 551'802,84 euros).
Par deux jugements du 21 mars 2024, le tribunal de commerce de Rennes a condamné la société Deloffre à payer':
- d'une part, au titre de son contrat, une somme de 110'000 euros au titre du préjudice financier, outre 5'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'autre part, au titre du contrat de la société JMD-14, une somme de 180'000 euros au titre du préjudice financier, outre 5'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclarations d'appel du 28 mars 2024, la société Deloffre a interjeté appel de ces deux jugements.
En exécution de ces jugements, la société Kerbea France a fait pratiquer deux saisies-attributions au détriment de la société Deloffre en garantie du payement des sommes de 117.277,91 euros et 187.677,40 euros.
La société Deloffre a, par exploit signifié le 2 mai 2024, fait assigner, au visa des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, la société Kerbea aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire des deux jugements dont appel et, subsidiairement, d'être autorisée à consigner le montant des condamnations entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], constitué séquestre.
La société Deloffre rappelle qu'elle a formulé des observations sur l'exécution provisoire devant le tribunal, invoque l'existence d'un moyen sérieux de réformation des jugements de première instance et l'existence de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution des jugements.
S'agissant des moyens sérieux de réformation, la société Deloffre prétend que les demandes de la société Kerbea ne sont pas recevables car les contrats de franchises ont été signés par des sociétés (Deloffre et JMD-14) non immatriculées au moment des actes d'où il suit que les contrats ne sont pas valables. Elle ajoute qu'il existe un doute sur la transmission des contrats signés par la société Orkila à la société Kerbea. Elle fait valoir que les demandes de la société Kerbea sont prescrites et oppose enfin l'exception d'inexécution du paiement des redevances au motifs que la société Kerbea a manqué à plusieurs obligations du contrat de franchise.
Sur l'existence de conséquences manifestement excessives, elle expose que la santé financière de la société Kerbea est très mauvaise, son passif étant nettement supérieur à son actif de sorte qu'elle ne pourra restituer les sommes en cas de réformation des jugements. Elle précise que l'actif de la société Kerbea est majoritairement constitué de créances prétendues contre ses franchisés. Elle relève que la société Kerbea tente ainsi de dissimuler sa mauvaise situation financière alors que les organismes de notation externes ont conclu à un risque important de défaillance de cette société à court ou moyen terme.
La société Kerbéa s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire comme à la demande de consignation et subsidiairement sollicite que le montant consigné soit limité à la somme de 100'000'euros. Elle réclame, en outre, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'il n'est allégué aucun moyen sérieux de réformation, le contrat de franchise étant clair et les manquement des franchisés incontestables.
Elle conteste toute conséquence manifestement excessive comme l'a d'ailleurs déjà relevé le tribunal de commerce qui avait été saisi d'une demande tendant à écarter l'exécution provisoire.
Elle soutient que la société Deloffre a agi avec mauvaise foi et réclame un dédommagement de ce chef.
Elle s'oppose à la mise en 'uvre d'un séquestre et, a minima, sollicite que la somme consignée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations soit limitée à 100'000'euros.
SUR CE :
Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire':
Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile :
«'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance'».
Ces conséquences sont appréciées tant au regard des facultés de payement du débiteur qu'en considération des facultés de remboursement du créancier en cas d'infirmation du jugement.
Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de ces dispositions de rapporter la preuve de ce que les conditions cumulatives qu'elles prévoient sont satisfaites. Si l'une fait défaut, la demande doit être, suivant les hypothèses, déclarée irrecevable ou rejetée.
En premier lieu, il convient de relever que la société Deloffre a formulé devant le premier juge des observations sur l'exécution provisoire puisqu'elle lui demandait expressément de l'écarter (comme le tribunal en avait la possibilité). La condition prévue par l'alinéa 2 ne peut dès lors être exigée.
La société Deloffre ne conteste pas être en capacité de régler le montant réclamé mais fonde sa demande sur la capacité de la créancière à restituer les fonds en cas d'infirmation du jugement. Elle verse aux débats le dernier bilan publié (arrêté au 31 décembre 2022) de la société Kerbéa ainsi qu'un diagnostic de cette société établi le 29 avril 2024 par la société Nota Pme au vu du dernier bilan.
Il ressort de ces documents que si le résultat de l'exercice clos au 31 décembre 2022 s'est soldé par un bénéfice de 13'987 euros, les capitaux propres de la société (qui n'a aucune réserve) s'élèvent à la somme de 59'422 euros (pour un capital social de 100'000 euros).
L'examen du bilan révèle que si le montant brut des créances de la société Kerbéa s'élève à la somme de 1'872'000 euros, ce chiffre se compose à hauteur de la moitié de créances douteuses ou litigieuses, que les dettes s'élèvent à la somme de 928'318 euros dont 647'147 euros de dettes à moins d'un an (343'242 euros de TVA et 175'715 euros de dettes fournisseurs).
Le compte de résultat analysé par Nota Pme fait ressortir un effondrement du chiffre d'affaires passé de 657'822 euros en 2019 à 424'129'euros en 2020 et à 33'475'euros en 2022. L'excédent brut d'exploitation est passé de ''126'896 euros en 2019 à +'85'056 en 2020 et à -'205'581 euros en 2022. Le résultat d'exploitation est systématiquement négatif (- 200'019'euros en 2019, -'116'239'euros en 2020 et -'213'338'euros en 2022). Le besoin de fonds de roulement est de 168'387'euros en 2022.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Kerbéa, qui n'a quasiment plus d'activité, se trouve dans une situation fragile, ce que confirment les inscriptions de nantissement prises par le fisc et l'Urssaf ainsi qu'il en est justifié.
Ces éléments permettent de caractériser un risque sérieux de non représentation des fonds en cas d'infirmation. L'importance des sommes en jeu placerait indubitablement la société Deloffre en difficultés si elle ne pouvait les récupérer en cas d'infirmation. La condition tirée de l'existence de conséquences manifestement excessives est donc satisfaite.
S'agissant de la seconde condition (moyen sérieux de réformation), il convient de relever que si le tribunal a répondu dans ses jugements aux moyens de droit soulevés par la société Deloffre, il a, en revanche, minimisé les manquements de la société Kerbéa et n'a tiré aucune conséquence':
- de la perte de confiance (certes momentanée) des banques, précisant que celle-ci avait été «'émousée'» alors que le Crédit Foncier de France a bloqué en avril 2016 tous les dossiers de financement ce qui renvoie une image désastreuse,
- de l'incontestable défaillance de cette société dans son assistance présentielle au sein des franchisés en 2017, allant jusqu'à présumer que la situation se serait ultérieurement rétablie en 2018 alors même que le réseau des franchisés s'effondrait, rejetant partie de la responsabilité sur ces derniers,
- du déficit d'image du réseau,
allouant à cette société la quasi intégralité de ses demandes au vu d'extraits de son grand livre des comptes clients': 110'000'euros / 119'520'euros et 180'000'euros / 189'600'euros, les autres demandes rejetées étant des demandes en dommages et intérêts.
Si ces éléments ne suffisent à permettre de prononcer un arrêt de l'exécution provisoire, ils justifient, en revanche, d'en cantonner les effets à la somme de 50'000'euros par dossier, soit au total, la somme de 100'000'euros.
sur la demande de consignation':
L'article 521 du code de procédure civile donne le pouvoir discrétionnaire au premier président (2e Civ., 27 février 2014, pourvoi n° 12-24.873, Bull. 2014, II, n° 54 : « Le pouvoir, prévu à l'article 521 du code de procédure civile, d'aménager l'exécution provisoire [est] laissé à la discrétion du premier président ») d'autoriser la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions à consigner, pour éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie, des espèces ou valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En l'espèce la situation financière de la société Kerbéa justifie que la somme de 100'000'euros, à laquelle est cantonnée l'exécution provisoire, soit consignée dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens par elle exposés .
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS :
Statuant par ordonnance rendue contradictoirement :
Vu l'article 514-3 du code de procédure civile':
Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont sont assorties les décisions rendues le 21 mars 2024 par le tribunal de commerce de Rennes mais en cantonnons les effets à la somme de 100'000'euros (50'000'euros par dossier).
Autorisons la société Deloffre à consigner entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], désigné séquestre, une somme de 100'000'euros (50'000'euros par dossier) pour garantir le payement partiel de la condamnation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision.
Disons que la société Deloffre devra justifier dans le dit délai au conseil de la société Kerbéa de la consignation ainsi effectuée, faute de quoi cette dernière pourra procéder au recouvrement de la somme à laquelle l'exécution provisoire est cantonnée.
Disons que chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.
Rejetons en conséquence les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ORDONNANCE N°17
N° RG 24/02703 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UYBN
SAS DELOFFRE
C/
S.A.R.L. KERBEA FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 18 JUIN 2024
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2024
ORDONNANCE :
Contradictoire, prononcée publiquement le 18 juin 2024, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats
****
Vu l'assignation en référé délivrée le 02 mai 2024
ENTRE :
La société DELOFFRE, SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°498.563.873, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Garance LEPHILIBERT de la SARL MENSOLE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES, substitué par Me Guillaume GUILLEVIC
ET :
La société KERBEA FRANCE, SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Orlélans sous le n°520.268.426, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société JMD-14 et la société Deloffre exerçaient une activité de constructeur de maisons individuelles.
La société Deloffre a régularisé, le 8 juin 2007, un contrat de franchise avec la société Orkila Ingénierie, devenue après changement de dénomination Kerbea France.
La société JMD-14 (depuis absorbée par la société Deloffre) a signé, le 2 novembre 2011, avec la société Kerbea France un contrat de franchise pour une durée de sept ans. Un protocole d'accord valant avenant à ce contrat a été signé le 23 mai 2016 avec effet rétroactif au 1er janvier 2014. Celui-ci a notamment modifié le montant des redevances.
Les relations entre franchisés et le franchiseur se sont dégradées': la société Deloffre a invoqué de nombreux manquements contractuels de la part de la société Kerbea. De son côté, celle-ci a sollicité le paiement des redevances jusqu'au terme du contrat, survenu le 2 novembre 2018.
Par la suite, la société Kerbea France a, par deux actes introductifs d'instance du 4 avril 2023, fait assigner la société Deloffre, d'une part, en sa qualité personnelle et, d'autre part, comme venant aux droits de la société JMD-14, devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de la voir condamner au paiement des redevances non payées jusqu'au terme des contrats et au paiement de sommes complémentaires au titre de son préjudice moral et d'image (soit globalement les sommes de 513'380 et 551'802,84 euros).
Par deux jugements du 21 mars 2024, le tribunal de commerce de Rennes a condamné la société Deloffre à payer':
- d'une part, au titre de son contrat, une somme de 110'000 euros au titre du préjudice financier, outre 5'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'autre part, au titre du contrat de la société JMD-14, une somme de 180'000 euros au titre du préjudice financier, outre 5'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclarations d'appel du 28 mars 2024, la société Deloffre a interjeté appel de ces deux jugements.
En exécution de ces jugements, la société Kerbea France a fait pratiquer deux saisies-attributions au détriment de la société Deloffre en garantie du payement des sommes de 117.277,91 euros et 187.677,40 euros.
La société Deloffre a, par exploit signifié le 2 mai 2024, fait assigner, au visa des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, la société Kerbea aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire des deux jugements dont appel et, subsidiairement, d'être autorisée à consigner le montant des condamnations entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], constitué séquestre.
La société Deloffre rappelle qu'elle a formulé des observations sur l'exécution provisoire devant le tribunal, invoque l'existence d'un moyen sérieux de réformation des jugements de première instance et l'existence de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution des jugements.
S'agissant des moyens sérieux de réformation, la société Deloffre prétend que les demandes de la société Kerbea ne sont pas recevables car les contrats de franchises ont été signés par des sociétés (Deloffre et JMD-14) non immatriculées au moment des actes d'où il suit que les contrats ne sont pas valables. Elle ajoute qu'il existe un doute sur la transmission des contrats signés par la société Orkila à la société Kerbea. Elle fait valoir que les demandes de la société Kerbea sont prescrites et oppose enfin l'exception d'inexécution du paiement des redevances au motifs que la société Kerbea a manqué à plusieurs obligations du contrat de franchise.
Sur l'existence de conséquences manifestement excessives, elle expose que la santé financière de la société Kerbea est très mauvaise, son passif étant nettement supérieur à son actif de sorte qu'elle ne pourra restituer les sommes en cas de réformation des jugements. Elle précise que l'actif de la société Kerbea est majoritairement constitué de créances prétendues contre ses franchisés. Elle relève que la société Kerbea tente ainsi de dissimuler sa mauvaise situation financière alors que les organismes de notation externes ont conclu à un risque important de défaillance de cette société à court ou moyen terme.
La société Kerbéa s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire comme à la demande de consignation et subsidiairement sollicite que le montant consigné soit limité à la somme de 100'000'euros. Elle réclame, en outre, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'il n'est allégué aucun moyen sérieux de réformation, le contrat de franchise étant clair et les manquement des franchisés incontestables.
Elle conteste toute conséquence manifestement excessive comme l'a d'ailleurs déjà relevé le tribunal de commerce qui avait été saisi d'une demande tendant à écarter l'exécution provisoire.
Elle soutient que la société Deloffre a agi avec mauvaise foi et réclame un dédommagement de ce chef.
Elle s'oppose à la mise en 'uvre d'un séquestre et, a minima, sollicite que la somme consignée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations soit limitée à 100'000'euros.
SUR CE :
Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire':
Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile :
«'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance'».
Ces conséquences sont appréciées tant au regard des facultés de payement du débiteur qu'en considération des facultés de remboursement du créancier en cas d'infirmation du jugement.
Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de ces dispositions de rapporter la preuve de ce que les conditions cumulatives qu'elles prévoient sont satisfaites. Si l'une fait défaut, la demande doit être, suivant les hypothèses, déclarée irrecevable ou rejetée.
En premier lieu, il convient de relever que la société Deloffre a formulé devant le premier juge des observations sur l'exécution provisoire puisqu'elle lui demandait expressément de l'écarter (comme le tribunal en avait la possibilité). La condition prévue par l'alinéa 2 ne peut dès lors être exigée.
La société Deloffre ne conteste pas être en capacité de régler le montant réclamé mais fonde sa demande sur la capacité de la créancière à restituer les fonds en cas d'infirmation du jugement. Elle verse aux débats le dernier bilan publié (arrêté au 31 décembre 2022) de la société Kerbéa ainsi qu'un diagnostic de cette société établi le 29 avril 2024 par la société Nota Pme au vu du dernier bilan.
Il ressort de ces documents que si le résultat de l'exercice clos au 31 décembre 2022 s'est soldé par un bénéfice de 13'987 euros, les capitaux propres de la société (qui n'a aucune réserve) s'élèvent à la somme de 59'422 euros (pour un capital social de 100'000 euros).
L'examen du bilan révèle que si le montant brut des créances de la société Kerbéa s'élève à la somme de 1'872'000 euros, ce chiffre se compose à hauteur de la moitié de créances douteuses ou litigieuses, que les dettes s'élèvent à la somme de 928'318 euros dont 647'147 euros de dettes à moins d'un an (343'242 euros de TVA et 175'715 euros de dettes fournisseurs).
Le compte de résultat analysé par Nota Pme fait ressortir un effondrement du chiffre d'affaires passé de 657'822 euros en 2019 à 424'129'euros en 2020 et à 33'475'euros en 2022. L'excédent brut d'exploitation est passé de ''126'896 euros en 2019 à +'85'056 en 2020 et à -'205'581 euros en 2022. Le résultat d'exploitation est systématiquement négatif (- 200'019'euros en 2019, -'116'239'euros en 2020 et -'213'338'euros en 2022). Le besoin de fonds de roulement est de 168'387'euros en 2022.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Kerbéa, qui n'a quasiment plus d'activité, se trouve dans une situation fragile, ce que confirment les inscriptions de nantissement prises par le fisc et l'Urssaf ainsi qu'il en est justifié.
Ces éléments permettent de caractériser un risque sérieux de non représentation des fonds en cas d'infirmation. L'importance des sommes en jeu placerait indubitablement la société Deloffre en difficultés si elle ne pouvait les récupérer en cas d'infirmation. La condition tirée de l'existence de conséquences manifestement excessives est donc satisfaite.
S'agissant de la seconde condition (moyen sérieux de réformation), il convient de relever que si le tribunal a répondu dans ses jugements aux moyens de droit soulevés par la société Deloffre, il a, en revanche, minimisé les manquements de la société Kerbéa et n'a tiré aucune conséquence':
- de la perte de confiance (certes momentanée) des banques, précisant que celle-ci avait été «'émousée'» alors que le Crédit Foncier de France a bloqué en avril 2016 tous les dossiers de financement ce qui renvoie une image désastreuse,
- de l'incontestable défaillance de cette société dans son assistance présentielle au sein des franchisés en 2017, allant jusqu'à présumer que la situation se serait ultérieurement rétablie en 2018 alors même que le réseau des franchisés s'effondrait, rejetant partie de la responsabilité sur ces derniers,
- du déficit d'image du réseau,
allouant à cette société la quasi intégralité de ses demandes au vu d'extraits de son grand livre des comptes clients': 110'000'euros / 119'520'euros et 180'000'euros / 189'600'euros, les autres demandes rejetées étant des demandes en dommages et intérêts.
Si ces éléments ne suffisent à permettre de prononcer un arrêt de l'exécution provisoire, ils justifient, en revanche, d'en cantonner les effets à la somme de 50'000'euros par dossier, soit au total, la somme de 100'000'euros.
sur la demande de consignation':
L'article 521 du code de procédure civile donne le pouvoir discrétionnaire au premier président (2e Civ., 27 février 2014, pourvoi n° 12-24.873, Bull. 2014, II, n° 54 : « Le pouvoir, prévu à l'article 521 du code de procédure civile, d'aménager l'exécution provisoire [est] laissé à la discrétion du premier président ») d'autoriser la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions à consigner, pour éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie, des espèces ou valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En l'espèce la situation financière de la société Kerbéa justifie que la somme de 100'000'euros, à laquelle est cantonnée l'exécution provisoire, soit consignée dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens par elle exposés .
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS :
Statuant par ordonnance rendue contradictoirement :
Vu l'article 514-3 du code de procédure civile':
Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont sont assorties les décisions rendues le 21 mars 2024 par le tribunal de commerce de Rennes mais en cantonnons les effets à la somme de 100'000'euros (50'000'euros par dossier).
Autorisons la société Deloffre à consigner entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], désigné séquestre, une somme de 100'000'euros (50'000'euros par dossier) pour garantir le payement partiel de la condamnation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision.
Disons que la société Deloffre devra justifier dans le dit délai au conseil de la société Kerbéa de la consignation ainsi effectuée, faute de quoi cette dernière pourra procéder au recouvrement de la somme à laquelle l'exécution provisoire est cantonnée.
Disons que chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.
Rejetons en conséquence les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT