CA Versailles, ch. civ. 1-1, 18 juin 2024, n° 21/07631
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Manes
Conseillers :
Mme Cariou, Mme Du Crest
Avocats :
Me Debray, Me Santana, Me Dupuis, Me Chakarian, Me Robert
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [U] [D] était titulaire d'un office public ministériel d'huissier de justice situé [Adresse 13], qu'elle exploitait sous la forme individuelle. Elle était également titulaire de la fonction d'huissier audiencier auprès des chambres correctionnelles et de la cour d'assises de la cour d'appel de Paris et, à ce titre, membre du groupement d'intérêt économique (ci-après le GIE) des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles et la cour d'assises de la cour d'appel de Paris, composé de trois membres.
A la fin de l'année 2016, elle a souhaité démissionner de sa fonction d'huissier de justice et céder son office.
M. [K] [Y], qui exerçait ses fonctions d'huissier de justice au sein d'une société civile professionnelle dont il était l'associé, sise à [Localité 15] (Essonne), s'est porté acquéreur de l'office de Mme [U] [D].
Les parties ont régularisé la signature d'un traité de cession le 5 janvier 2017 aux termes duquel Mme [U] [D] s'engage à user en faveur de M. [K] [Y] de son droit de présentation que lui concède l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, à se démettre de ses fonctions d'huissier de justice et à le présenter comme son successeur à l'agrément du garde des Sceaux et consécutivement, à lui céder son office d'huissier de justice moyennant le prix de 495 000 euros, sous les conditions suspensives d'obtention d'un prêt, d'agrément de la cession et d'acceptation de sa démission par le garde des Sceaux et de nomination de M. [K] [Y]. Ce traité stipule en outre que M. [K] [Y] deviendra membre du GIE susvisé en remplacement de Mme [U] [D].
Les parties ont souscrit, le même jour, un engagement de cession de créances, adossé au traité de cession de l'office d'huissier de justice de Mme [U] [D], aux termes duquel, sous les mêmes conditions suspensives, celle-ci s'engage à « céder et transporte au cessionnaire qui accepte les créances qu'[elle] détiendra au jour de la prestation de serment de M. [K] [Y], sur l'ensemble des dossiers gérés par l'Office ministériel dont [elle] est titulaire à la résidence de [Adresse 16] ».
M. [K] [Y] a prêté serment le 20 juillet 2017.
Considérant ne pas avoir reçu paiement de la part de M. [K] [Y] en exécution de l'engagement de cession de créances et avoir seule supportée le règlement des dettes du GIE des huissiers audienciers près les tribunaux correctionnels du ressort de la cour d'appel de Paris postérieurement à la prise d'effet de la cession de son office et de sa charge auprès du GIE, Mme [D] a fait assigner M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d'huissier de justice du 8 janvier 2019.
Saisi d'une demande de renvoi vers une juridiction limitrophe au fondement de l'article 47 du code de procédure civile par M. [Y], le juge de la mise en état a, par ordonnance du 6 juin 2019, désigné le tribunal judiciaire de Nanterre comme juridiction de renvoi.
Par jugement contradictoire rendu le 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
Dit que l'engagement de cession de créances souscrit par M. [K] [Y] au profit de Mme [U] [D] le 5 janvier 2017 est nul pour indétermination du prix ;
Débouté en conséquence Mme [U] [D] de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [Y] en exécution dudit engagement ;
Débouté M. [K] [Y] de sa demande de nullité de la clause du traité de cession aux termes de laquelle il s'est engagé à faire son affaire personnelle des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession a pris effet ;
Débouté M. [K] [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réticence dolosive et pour manquement au devoir d'information précontractuelle ;
Condamné M. [K] [Y] à régler à Mme [U] [D] la somme de dix-sept mille trois cent sept euros et cinquante-huit centimes (17 307, 58 €), assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du traité de cession conclu le 5 janvier 2017 au profit de M. [K] [Y] s'agissant des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession ;
Débouté en conséquence M. [K] [Y] de sa demande de compensation ;
Condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [U] [D] la somme de cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral;
Débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Rejeté la demande de M. [K] [Y] au titre des frais irrépétibles ;
Condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [U] [D] la somme de trois mille euros (3 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [K] [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance ;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.
Mme [U] [D] a interjeté appel de ce jugement le 23 décembre 2021 à l'encontre de M. [K] [Y].
Par dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2024, Mme [U] [D] demande à la cour de :
La recevoir en son appel, et la déclarer recevable
Rejeter les exceptions d'irrecevabilité soulevées par M. [K] [Y] sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile
Confirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 en ce qu'il a :
Débouté M. [K] [Y] de sa demande de nullité de la clause du traité de cession aux termes de laquelle il s'est engagé à faire son affaire personnelle des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession a pris effet ;
Débouté M. [K] [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réticence dolosive et pour manquement au devoir d'information pré-contractuel
Condamné M. [K] [Y] à régler à Mme [U] [D] la somme de dix-sept mille trois cent sept euros et cinquante-huit centimes (17 307, 58 €), assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du traité de cession conclu le 5 janvier 2017 au profit de M. [K] [Y] s'agissant des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession ;
Débouté en conséquence M. [K] [Y] de sa demande de compensation ;
Rejeté la demande de M. [K] [Y] au titre des frais irrépétibles ;
Condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [U] [D] la somme de trois mille euros (3 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [K] [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance ;
Infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 en ce qu'il a :
Dit que l'engagement de cession de créances souscrit par M. [K] [Y] au profit de Mme [U] [D] le 5 janvier 2017 est nul pour indétermination du prix ;
Débouté en conséquence Mme [U] [D] de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [Y] en exécution dudit engagement ;
Limité le montant de la condamnation de M. [K] [Y] à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral à la somme de cinq mille euros 5 000 €, la demande de réformation du jugement portant sur le quantum de ces dommages-intérêts.
Et, statuant à nouveau,
À titre principal,
Vu les articles 1103, 1104 et 1321 à 1326 du code civil,
Condamner M. [K] [Y], avocat, au paiement d'une somme de 56.000 € HT, outre TVA, augmenté du montant des créances de crédits fonciers figurant dans les comptes de classe 7 au 20 juillet 2017, à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée, reçue le 30 mai 2018 ;
À titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour confirmait la nullité de l'engagement de cession de créances souscrit par M. [K] [Y] au profit de Mme [U] [D],
Condamner M. [K] [Y], sur le fondement de l'article 1178 du code civil, au paiement d'une somme équivalente au montant de toutes les créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'Office au jour de la cession du 20 juillet 2017 et dont le paiement est intervenu postérieurement, montant qui sera déterminé dans le cadre de la mesure d'instruction sollicitée aux termes du dispositif des présentes conclusions, outre intérêts au taux légal
À titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour confirmait la nullité de l'engagement de cession de créances souscrit par M. [K] [Y] au profit de Mme [U] [D] et rejetait la demande de condamnation formulée sur le fondement de l'article 1178 du code civil,
Condamner M. [K] [Y], sur le fondement des articles 1303 et suivants du code civil, à indemniser Mme [U] [D] à concurrence d'un montant minimum de 28 715,32 € HT, augmenté du montant de toutes les créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'Office au jour de la cession et dont le paiement est intervenu postérieurement, montant qui sera déterminé dans le cadre de la mesure d'instruction sollicitée aux termes du dispositif des présentes conclusions, outre intérêts au taux légal, sous déduction des créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 € correspondant aux paiements directement faits par Mme [U] [D] à M. [K] [Y], avocat,
Condamner M. [K] [Y], sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil, à restituer à Mme [U] [D] le montant correspondant aux créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 € versés postérieurement à la cession du 20 juillet 2017 par Mme [U] [D] à M. [K] [Y], montant qui sera déterminé dans le cadre de la mesure d'instruction sollicitée aux termes du dispositif des présentes conclusions, outre intérêts au taux légal à compter de chaque paiement.
Désigner tel Expert qu'il lui plaira, avec pour mission,
Après avoir convoqué les parties et leurs conseils, obtenu communication et pris connaissance de tous les documents utiles, recueilli les explications et dire des parties et y avoir répondu,
De présenter un rapport sur les chefs de mission suivants :
1/ dans l'hypothèse dans laquelle la Cour infirmerait le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'engagement de cession de créance du 5 janvier 2017 était nul,
Se faire communiquer par M. [K] [Y], avocat, une extraction de la comptabilité de son office d'huissier de justice, certifiée conforme aux dates suivantes : 5 janvier 2017 et 20 juillet 2017, des comptes suivants :
- 411000
- 110112
- 110119
- 110211
- 110212
- 110311
- 110312
- 110411
- 445711
- 447010
- 467112
- 654000
- 706112
- 706113
- 706119
- 706212
- 706213
- 706219
- 706312
- 706313
- 706319
- 706411
- 706413
Déterminer le montant des créances de crédits fonciers figurant dans ces comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017, et en déduire le montant de ceux qui y figuraient au 5 janvier 2017.
2/ dans l'hypothèse dans laquelle la Cour confirmerait le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'engagement de cession de créance du 5 janvier 2017 était nul, et ferait droit à la demande de condamnation de M. [K] [Y] sur le fondement de l'article 1178 du code civil :
Se faire communiquer par M. [K] [Y], avocat, une extraction de la comptabilité de son office d'huissier de justice, certifiée conforme aux dates suivantes : 20 juillet 2017 et date de la demande faite par l'expert, des comptes suivants :
- 411000
- 110112
- 110119
- 110211
- 110212
- 110311
- 110312
- 110411
- 445711
- 447010
- 467112
- 654000
- 706112
- 706113
- 706119
- 706212
- 706213
- 706219
- 706312
- 706313
- 706319
- 706411
- 706413
Déterminer le montant des créances figurant dans ces comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017 payées postérieurement, jusqu'à la date de la plus récente des extractions.
3/ dans l'hypothèse dans laquelle la Cour confirmerait le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'engagement de cession de créance du 5 janvier 2017 était nul, et rejetterait la demande de condamnation de M. [K] [Y] sur le fondement de l'article 1178 du code civil :
Se faire communiquer par M. [K] [Y], avocat, une extraction de la comptabilité de son office d'huissier de justice, certifiée conforme aux dates suivantes : 20 juillet 2017 et date de la demande faite par l'expert, des comptes suivants :
- 411000
- 110112
- 110119
- 110211
- 110212
- 110311
- 110312
- 110411
- 445711
- 447010
- 467112
- 654000
- 706112
- 706113
- 706119
- 706212
- 706213
- 706219
- 706312
- 706313
- 706319
- 706411
- 706413
Se faire communiquer par Mme [D] les justificatifs relatifs aux reversements faits par elle à M. [K] [Y], avocat, à concurrence de 133 492,36 € ;
Déterminer le montant des créances figurant dans ces comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017 payées postérieurement jusqu'à la date de la plus récente des extractions.
Déterminer, au titre des paiements intervenus :
Les paiements de créances acquises compris dans les reversements faits par Mme [D] à M. [K] [Y], avocat, à concurrence de 133 492,36 €
Les autres paiements de créances acquises directement effectuées par leurs débiteurs
Déterminer le montant qui devra être versé au greffe de la Cour à titre de consignation pour garantir l'avance des frais d'expertise, ainsi que le délai de consignation,
Dire que l'expert devra soumettre aux parties un rapport préalable dans le délai qu'il plaira à la Cour de fixer, et, après avoir obtenu les observations des parties en leur impartissant à cette fin un délai raisonnable, qu'il établira son rapport dans un délai de six mois à compter de la réception de l'avis qui lui sera donné par le secrétariat greffe du caractère effectif de la consignation.
Condamner M. [K] [Y], avocat, au paiement d'une somme de 30 000 € HT à titre de dommages-intérêts,
Débouter M. Dominique Bourbonneux, avocat, de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner M. [K] [Y], avocat, au paiement d'une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, et dire qu'ils pourront être recouvrés par Me Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2024, M. [K] [Y] demande à la cour de :
Vu les articles 9, 146 et 564 du Code de procédure civile
Vu les articles 1104, 1112-1, 1130, 1137, 1163, 1184, 1303-3, 1321 et 1591 et du Code civil,
Vu les articles L. 123-23 et L. 251-6 du Code de commerce,
- Sur les demandes au titre de la cession de créance
A titre principal
Juger irrecevable, car nouvelles en appel, les demandes formées par Mme [U] [D] visant à obtenir :
la désignation d'un expert ;
la condamnation de M. [K] [Y], avocat,, sur le fondement de l'article 1178 du Code civil, au paiement d'une somme équivalente au montant de toutes les créances acquises ;
la condamnation M. [K] [Y], avocat, au titre de la répétition de l'indu et de l'enrichissement injustifié ;
Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
Dit que l'engagement de cession de créances souscrit par M. [K] [Y] au profit de Mme [U] [D] le 5 janvier 2017 est nul pour indétermination du prix ;
Débouté en conséquence Mme [U] [D] de sa demande en paiement à l'encontre de M. [K] [Y] en exécution dudit engagement ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirmait le jugement et jugeait que les créances cédées étaient identifiables et que le prix était déterminable :
Juger que le prix n'a pas été déterminé au jour de la cession ;
Juger nul l'acte de cession de créances pour indétermination du prix ;
En conséquence,
Débouter Mme [U] [D] de toutes ses demandes au titre de l'acte de cession de créances ;
A titre tout aussi subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne jugeait pas irrecevables tout ou partie des demandes nouvelles formées en appel par Mme [U] [D] :
Débouter Mme [U] [D] de ses demandes visant à obtenir :
la désignation d'un expert ;
la condamnation de M. [K] [Y], avocat,, sur le fondement de l'article 1178 du Code civil, au paiement d'une somme équivalente au montant de toutes les créances acquises ;
la condamnation de M. [K] [Y], avocat, au titre de la répétition de l'indu et de l'enrichissement injustifié.
- Sur les demandes au titre des dettes du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises
Infirmer, le jugement en ce qu'il a :
Débouté M. [K] [Y] de sa demande de nullité de la clause du traité de cession aux termes de laquelle il s'est engagé à faire son affaire personnelle des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession a pris effet ;
Débouté M. [K] [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réticence dolosive et pour manquement au devoir d'information pré-contractuelle ;
Condamné M. [K] [Y] à régler à Mme [U] [D] la somme de dix-sept mille trois cent sept euros et cinquante-huit centimes (17.307,58 €), assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du traité de cession conclu le 5 janvier 2017 au profit de M. [K] [Y] s'agissant des dettes du groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel de Paris existantes au jour où la cession ;
Débouté en conséquence M. [K] [Y] de sa demande de compensation ;
Débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
Juger que Mme [U] [D] s'est rendue coupable de réticence dolosive en cachant à M. [K] [Y], avocat, les pertes et les impayés de TVA du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises ;
Juger que le consentement de M. [K] [Y], avocat, a été vicié par la réticence dolosive de Mme [U] [D] ;
En conséquence,
Juger nulle la clause du traité de cession aux termes de laquelle M. [K] [Y], avocat, s'engage à faire son affaire des dettes du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises ;
Debouter Mme [U] [D] de toutes ces demandes au titre des dettes du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises ;
Condamner Mme [U] [D] à restituer les sommes perçues à ce titre en exécution du jugement dont appel ;
A titre encore plus subsidiaire, si la cour jugeait que Mme [U] [D] ne s'est pas coupable d'une réticence dolosive :
Juger que Mme [U] [D] a manqué à son obligation d'information précontractuelle en n'informant pas M. [K] [Y], avocat, de l'existence des pertes et des impayés de TVA du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises ;
En conséquence,
Condamner Mme [U] [D] à verser à M. [K] [Y], avocat, 17.307,58 € TTC de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par son manquement précontractuel ;
A titre infiniment subsidiaire, si la cour jugeait qu'il n'y a eu ni réticence dolosive, ni défaut d'information :
Juger que Mme [U] [D] ne démontre pas le caractère exigible des dettes vis-à-vis des tiers et qu'elle n'est donc pas fondée à en demander le remboursement à M. [K] [Y], avocat ;
En conséquence,
Débouter Mme [U] [D] de toutes ces demandes au titre des dettes du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises ;
Condamner Mme [U] [D] à restituer les sommes perçues à ce titre en exécution du jugement dont appel ;
A titre très infiniment subsidiaire :
Juger que les dettes du Groupement des huissiers audienciers près les chambres correctionnelles de la cour d'appel et de la cour d'assises dont Mme [U] [D] sollicite le paiement par M. [K] [Y], avocat, entrent dans le champ de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du traité de cession ;
Condamner Mme [U] [D] à verser à M. [K] [Y], avocat, 17.307,58 € TTC en application de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du traité de cession ;
En toutes hypothèses :
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
Condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [U] [D] la somme de cinq mille euros (5.000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral
Rejeté la demande de M. [K] [Y] au titre des frais irrépétibles ;
Condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [U] [D] la somme de trois mille euros (3.000 €) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné M. [K] [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance ;
Et statuant à nouveau :
Débouter Mme [U] [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;
Condamner Mme [U] [D] à restituer les sommes perçues à ce titre en exécution du jugement dont appel ;
Condamner Mme [U] [D] à payer à M. [K] [Y] 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en première instance et en appel, ainsi qu'aux dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 février 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel et à titre liminaire
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.
La cour rappelle que l'article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.
Par prétention, il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les « juger » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait aux « demandes » de « juger », énumérées au dispositif des écritures de M. [Y], qu'à condition qu'elles viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [D]
Mme [D] sollicite, pour la première fois à hauteur d'appel, à titre subsidiaire, dans l'hypothèque où la cour confirmerait la nullité de l'engagement de cession de créance, la condamnation de M. [Y] à lui verser les créances acquises figurant au compte de classe 7 au jour de la cession de l'office et dont le paiement est intervenu postérieurement, sur le fondement de l'article 1178 du code civil.
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité de l'acte serait confirmée et où il ne serait pas fait droit à sa demande fondée sur l'article 1178 du code civil, elle demande la condamnation de M. [Y] sur le fondement des articles 1302 et 1303 et suivants du code civil (enrichissement injustifié et répétition de l'indû).
Elle sollicite en outre une expertise afin de déterminer, à titre principal, le montant des créances acquises, à titre subsidiaire, le montant de la condamnation à restitution, et à titre infiniment subsidiaires, le montant de la condamnation au fondement de l'enrichissement injustifié et de la répétition de l'indû.
Moyens des parties
M. [Y] estime que ces demandes présentées pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables au fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
Mme [D] réplique, au fondement de l'article 566 du code de procédure civile, que sa demande d'expertise est le complément nécessaire à ses demandes de condamnation de M. [Y] au titre des créances acquises, condamnation sollicitée en première instance. Elle ajoute que ses demandes subsidiaires et infiniment subsidiaire, en cas de confirmation de la nullité de l'acte, recherchent le même but que sa demande de condamnation au titre des créances acquises formée en première instance, de sorte qu'elles en sont également le complément nécessaire.
Elle en déduit que ses demandes ne sont pas « nouvelles » au sens de l'article 564 précité en cause d'appel, mais qu'elles sont recevables.
Appréciation de la cour
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les articles 565 et 566 du code de procédure civile précisent que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » et « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».
En l'espèce, contrairement à ce que soutient M. [Y], une demande d'expertise présentée nouvellement à hauteur d'appel n'est pas irrecevable par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. En effet, une telle demande constitue le complément de la demande en paiement de Mme [D] tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser des sommes en exécution de l'acte de cession des créances. La demande d'expertise est donc destinée à préciser le montant des créances dues par M. [Y], en exécution de l'acte de cession de créances et conformément aux modalités établies par lui. Conformément aux dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, cette demande est de ce fait recevable.
La jurisprudence citée par l'intimé au soutien de sa demande d'irrecevabilité (Com., 3 mars 2021, n° 18-25.528) est inopérante puisque dans cette espèce, la Cour de cassation a validé un arrêt d'appel qui avait écarté une demande d'expertise fondée sur un contrat dont l'application avait été écartée.
La demande de Mme [D] constitue le complément nécessaire de ses demandes en paiement et est, en application de l'article 566 précité, recevable.
De la même manière, les demandes subsidiaire et infiniment subsidiaires de Mme [D] fondées sur l'article 1178 et les articles 1302 et 1303 et suivants du code civil sont la conséquence de la nullité éventuellement prononcée. Elles tendent aux mêmes fins (la récupération du montant des créances acquises) que la demande en paiement formée à titre principal, dès lors qu'elle vise à récupérer les créances revenant à l'huissier de justice qui a géré l'office jusqu'à la prestation de serment de M. [Y] le 20 juillet 2017 (ex : 1e civ 7 septembre 2022 21-16.646). Il s'ensuit que ces demandes sont recevables.
Les jurisprudences citées par l'intimé sont soit désuètes (car rendue sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article 566 du code de procédure civile, inapplicable en l'espèce) soit ne sont pas pertinentes (Com 21 mars 2018 16-18.202 en ce qu'il n'est pas question de recevabilité dans cet arrêt).
Force est de constater que Mme [D] ne substitue pas en appel un droit différent à celui invoqué en première instance. Mme [D] tire son droit de l'acte de cession de créances. Si l'acte est nul, elle en tire les conséquences, mais ne prétend pas obtenir la même somme sur le fondement d'un autre droit.
Dès lors, les demandes de Mme [D] seront déclarées recevables.
Sur les demandes au titre des dettes du groupement des huissiers audienciers
Le tribunal a considéré que l'absence d'indication concernant les dettes ou les bénéfices du GIE pour les années 2012, 2013 et 2014 dans les déclarations n°2035 transmises par Mme [D], alors que ces éléments y figuraient pour les années 2015 et 2016, aurait dû susciter l'interrogation de M. [Y], lequel est un professionnel. Le tribunal a retenu que M. [Y] ne démontrait pas que l'information avait été retenue par Mme [D] dans le but de l'induire en erreur. Il en a conclu que la réticence dolosive n'était pas démontrée.
Il a ensuite considéré que, pour les mêmes motifs, l'acte matériel de dissimulation d'une information précontractuelle n'était pas non plus établi.
Appliquant l'article 2 de l'acte de cession qui stipule que M. [Y] prendra à sa charge les dettes du GIE, le tribunal a écarté l'application de la garantie de passif, prévu à l'article 6 pour un « passif déclaré », et a condamné M. [Y] à verser à Mme [D] la somme de 17 307,58 euros correspondant aux dettes du GIE que cette dernière a indûment prises à sa charge.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [D] la somme de 17 307,58 euros au titre des dettes du GIE, M. [Y] sollicite le rejet de cette demande et la condamnation de cette dernière à lui restituer/verser 17 307,58 euros.
A titre principal, il considère que la clause de l'acte est une « clause d'usage » qui ne vise que les dettes courantes, et n'a pas vocation à couvrir le déficit du GIE et ses impayés de TVA anciens de plus de 4 ans. Au fondement des articles 1104, 1130 et 1137 du code civil, il considère que la clause litigieuse est nulle en raison de la réticence dolosive de Mme [D] qui, selon lui sciemment, ne l'aurait pas informé des dettes du GIE et se serait contentée de l'informer de son résultat pour les années 2015 et 2016 seulement. Il déduit l'intention malicieuse du fait que, d'une part, le montant des pertes s'élève à 96 620 euros entre 2012 et 2014, outre la dette de TVA, et, d'autre part, qu'après avoir cédé son office en janvier 2017, Mme [D] aurait obtenu du GIE la distribution d'un bénéfice de 11 804 euros au titre de l'exercice 2016, alors que la situation était en réalité déficitaire.
A titre subsidiaire, il considère qu'en ne l'informant pas de l'étendue de la dette du GIE Mme [D] a manqué à son obligation d'information précontractuelle, au fondement de l'article 1112-1 du code civil. Il sollicite donc la condamnation de cette dernière à l'indemniser à hauteur de 17 307,58 euros (correspondant à la somme qu'il lui a versé en exécution du jugement de première instance).
A titre encore plus subsidiaire, il soutient que Mme [D] ne démontre pas le caractère exigible des dettes qu'elle prétend mettre à sa charge. Selon lui, en application de l'article L. 251-6 du code de commerce, il n'est pas démontré que le GIE était dans l'incapacité de s'acquitter de ses dettes et qu'il a été vainement mis en demeure par ses créanciers. Il en déduit que Mme [D] ne démontre pas le caractère exigible à son égard des dettes du GIE vis-à-vis des tiers et qu'elle n'est donc pas fondée à lui en demander le remboursement. Il ajoute qu'elle n'était pas non plus tenue de couvrir les pertes du GIE puisque l'obligation des membres d'un GIE n'existe qu'à l'égard des créanciers du groupement et non vis-à-vis du groupement lui-même.
A titre infiniment subsidiaire, il fait valoir que cette dette constitue un « passif non déclaré », tel que prévu à l'article 6 de l'acte, qui entre dans le champ de la garantie de passif prévu par l'acte de cession.
Au fondement des articles 1104 et 1994 du code civil, s'appuyant sur les termes du contrat, Mme [D] conteste toute réticence dolosive et tout défaut d'information pré-contractuelle au motif qu'elle a transmis à M. [Y] avant la signature de l'acte de cessions ses déclarations n°2035 des cinq derniers exercices. Elle ajoute que ce dernier a eu accès à la totalité des documents juridiques et comptables de son office. Elle estime que c'est donc en connaissance de cause qu'il s'est engagé à faire « son affaire personnelle de toutes les dettes du Groupement ». Elle ajoute que l'activité accessoire de participation au GIE est inclue dans le droit de présentation prévu à l'article 91 de la loi du 24 avril 1816 et, par conséquent, que l'existence de la dette du GIE a été prise en compte dans la détermination du prix de cession de l'office.
Elle soutient en outre que la clause de garantie de passif ne comporte pas dans son champ d'application les dettes du GIE (dont le sort est exclusivement géré par l'article 2 du contrat), de sorte qu'elle ne peut pas être appliquée. Elle demande donc le rejet des demandes de M. [Y] et la confirmation du jugement.
Appréciation de la cour
Selon les articles 1102 et 1103 du code civil, Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public. Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1104 du même code précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Par ailleurs, les articles 1130 et 1137 du même code disposent que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
En l'espèce, l'article 2, dernier alinéa, de l'acte de cession de l'office du 5 janvier 2017 stipule « Maître [K] [Y] deviendra membre du groupement des huissiers audienciers (') en remplacement de Maître [U] [D] et il fait de son affaire personnelle toutes les dettes du Groupement existantes au jour de la réalisation des conditions suspensives visées à l'article 13 du présent traité » (pièce 4 de l'appelante).
L'article 13 énumère plusieurs conditions suspensives : l'obtention d'un prêt dans les trois mois, l'agrément du garde des Sceaux, l'acceptation de la démission de Mme [D] par le garde des Sceaux, l'acceptation du retrait de M. [Y] de ses fonctions précédentes, et « la nomination de Maître [K] [Y] (') en remplacement de Maître [U] [D], démissionnaire en sa faveur ». L'acte précise ensuite « De convention expresse, les conditions suspensives qui précèdent n'ont aucun effet rétroactif, et le transfert de propriété s'effectuera à la date de réalisation de la dernière de ces conditions suspensives » (pièce 4 de l'appelante).
La nomination de M. [Y] est intervenue le 15 juin 2017 et sa prestation de serment le 20 juillet 2017.
Contrairement à ce que prétend, sans aucun fondement, M. [Y], cette clause n'est pas une clause d'usage mais prévoit explicitement que M. [Y] est tenu, en application de ces dispositions, de toutes les dettes du GIE existantes au 15 juin 2017.
L'acte stipule que « Préalablement à la cession, (') Maître [K] [Y] déclare avoir eu accès aux déclarations fiscales n°2035 des cinq derniers exercices et à l'ensemble des documents juridiques et comptables dont il a souhaité prendre connaissance concernant la comptabilité de l'étude (') » (pièce 4 de l'appelante).
Ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, en tant que professionnel et destinataire des déclarations n°2035 de Mme [D] des cinq exercices précédents l'acte de cession, M. [Y] aurait dû interroger cette dernière sur les bénéfices/pertes du GIE pour les années 2012 à 2014, en constatant l'absence de mention sur ce point en annexe des déclarations pour les années 2012 à 2014 alors que cette précision y figurait pour les années 2015 et 2016 (pièce 1 de l'appelante).
Il est constant que M. [Y] n'a sollicité aucun élément complémentaire, ce qui a pu conduire Mme [D] à considérer que les éléments transmis étaient suffisants, d'autant que le droit de présentation concédé, régi par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, dont est titulaire tout huissier de justice, comprend le cas échéant l'activité d'huissier audiencier lorsque celle-ci est exercée par son titulaire (e Civ., 30 mars 2004, n°01-15.575).
En outre, M. [Y] ne peut arguer d'une intention dolosive en raison du seul montant des pertes entre 2012 et 2014 (96 650 euros) alors que seul lui est réclamée, en exécution du contrat, la somme de 17 307,58 euros.
Le fait qu'existait un bénéfice de 11 804 euros au titre de l'exercice 2016 ne suffit pas non plus à établir une intention dolosive. Au contraire, cette référence à la situation du GIE pouvait susciter des interrogations pour les années antérieures de sorte qu'il ne peut en être déduit de manière certaine et sans équivoque une intention dolosive.
Il en résulte que la réticence dolosive invoquée par M. [Y] n'est pas établie.
Pour les mêmes raisons qu'évoquées ci-dessus s'agissant des interrogations qu'auraient dû susciter la communication des déclarations n°2035 au titre des années 2012 à 20116 préalablement à la vente, le manquement à une obligation précontractuelle d'information n'est pas non plus établi. En effet, il n'est pas contesté que Mme [D] a remis ses déclarations n°2035 au titre des années 2012 à 2016, de sorte que M. [Y], disposant d'une information relative au bénéfice/perte du GIE pour les années 2015 et 2016, était mis en mesure de s'interroger sur les années antérieures, d'autant qu'il a signé un engagement à faire son affaire personnelle de « toutes » les dettes du Groupement. Il n'est démontré aucun acte de dissimulation par Mme [D].
Le moyen tiré d'un défaut d'information précontractuelle, au fondement de l'article 1112-1 du code civil, sera rejeté.
S'agissant du caractère exigible de la dette réclamée (17 307,58 euros), elle se décompose de la façon suivante :
12 961,51 euros au titre de la TVA, pièces 19 à 22
4346,67 euros au titre des pertes du GIE pièces 23-24
L'article L. 251-6 du code de commerce dispose que « Les membres du groupement sont tenus des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre. Toutefois, un nouveau membre peut, si le contrat le permet, être exonéré des dettes nées antérieurement à son entrée dans le groupement. La décision d'exonération doit être publiée. Ils sont solidaires, sauf convention contraire avec le tiers cocontractant.
Les créanciers du groupement ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un membre qu'après avoir vainement mis en demeure le groupement par acte extrajudiciaire ».
En l'espèce, le GIE était composé de trois huissiers audienciers.
Aucune clause d'exonération au bénéfice de M. [Y] n'a été signée de sorte que le premier alinéa de l'article L. 251-6 précité est inapplicable.
Il résulte des pièces versées au débat par Mme [D] (pièces 19 à 22) que la somme qu'elle réclame correspond à la part de son étude dans la TVA et les dettes du GIE, et non à la part des autres membres du groupement ou aux dettes du groupement pris dans leur globalité. Il s'ensuit que l'alinéa 2 de l'article précité est inapplicable.
Le moyen tiré du caractère exigible de la dette est donc inopérant.
Il résulte également des pièces produites par l'appelante que la dette a été réclamée et payée par Mme [D] en décembre 2017, soit à une date où M. [Y] devait faire son affaire personnelle de toutes les dettes du Groupement en application des articles 2 et 13 du contrat de cession.
Dès lors, Mme [D] est bien fondée à lui réclamer le versement de la somme de 17 307,58 euros au titre de la dette du GIE à laquelle M. [Y] est tenu en application du contrat de cession.
M. [Y] objecte qu'il s'agit d'un « passif non déclaré » entrant dans le champ de la garantie de passif prévu à l'article 6 du contrat.
Ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, l'article 2 du contrat de cession traite spécifiquement le sort des dettes du GIE, aucune exception à leur règlement par M. [Y] à compter de sa nomination n'est stipulée. C'est donc bien les stipulations spéciales de l'article 2 qui doivent être appliquées, et non l'article 6 relatif à la garantie du « passif non déclaré ». Ce moyen sera également rejeté.
Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que le jugement condamne M. [Y] à verser la somme de 17 307,58 euros à Mme [D] au titre des dettes du GIE dont il est tenu depuis sa nomination en application de l'article 2 du contrat de cession de l'office. Le jugement sur ce point sera confirmé et les demandes de M. [Y] sur ce point seront rejetées.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a assorti cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018, date de la mise en demeure transmise par Mme [D], conformément à l'article 1231-6 du code civil.
Sur les demandes de condamnation au titre de la cession de créances acquises
S'agissant de l'acte de cession des créances acquises (signé, d'après les parties, le même jour que l'acte de cession de l'office), le jugement a écarté le moyen tenant à l'absence de détermination des créances et a retenu que cet acte portait sur des créances présentes et déterminées (celles dont est créancier l'office à la date de signature de l'acte de cession du 5 janvier 2017) et sur des créances futures, certaines et déterminables (les créances « client » figurant dans le compte de classe 7 entre le 6 janvier 2017 et le 20 juillet 2017, jour de la prestation de serment de M. [Y]).
En revanche, il a considéré que les éléments permettant la révision du prix de cession n'étaient pas identifiés dans l'acte de sorte que la détermination du prix définitif de la cession dépendait entièrement d'un nouvel accord de volonté des parties. Il en a déduit qu'en l'absence de prix déterminé, l'acte de cession des créances acquises était nul.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé pour indétermination du prix l'acte de cession des créances acquises, Mme [D] demande à la cour :
à titre principal, de condamner M. [Y] à lui verser la somme de 56 000 euros HT, outre TVA, augmenté du montant des créances de crédits fonciers figurant dans les comptes de classe 7 au 20 juillet 2017, à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée, reçue le 30 mai 2018, déduction faite de celles acquises au 5 janvier 2007, le montant devant être établi grâce à une expertise ;
À titre subsidiaire, et si la cour confirmait la nullité de l'engagement de cession de créances, condamner M. [Y], sur le fondement de l'article 1178 du code civil, au paiement d'une somme équivalente au montant de toutes les créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 au jour de la cession du 20 juillet 2017 et dont le paiement est intervenu postérieurement, montant qui sera déterminé dans le cadre d'une expertise, outre intérêts au taux légal ;
A titre infiniment subsidiaire, et si la Cour confirmait la nullité et rejetait la demande de condamnation formulée sur le fondement de l'article 1178 du code civil, condamner M. [Y],
sur le fondement des articles 1303 et suivants du code civil, à l'indemniser à concurrence d'un montant minimum de 28 715,32 euros HT, augmenté du montant de toutes les créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'Office au jour de la cession et dont le paiement est intervenu postérieurement, montant qui sera déterminé dans le cadre d'une expertise, outre intérêts au taux légal, sous déduction des créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 euros correspondant aux paiements directement faits par Mme [D] à M. [Y]
sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil, à lui restituer le montant correspondant aux créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 euros versés postérieurement à la cession du 20 juillet 2017 par Mme [D] à M. [K] [Y], montant qui sera déterminé dans le cadre d'une expertise, outre intérêts au taux légal à compter de chaque paiement.
A titre principal, Mme [D] fait valoir que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le prix de cession était indéterminé. Elle indique qu'un office ministériel ne constitue pas une universalité de fait ; les parties peuvent prévoir que sa cession s'accompagne de celle des créances qui sont attachées à la personne du cédant, choix qui a été fait par les parties. Rappelant les termes de l'article 1321, alinéa 2, du code civil, elle soutient que l'accord prend en compte des créances présentes (celles qui figuraient dans le listing des créances acquises édité le 5 janvier 2017 pour la période du 30 décembre 2011 au 5 janvier 2017, qui existeraient encore à la date de la cession) et des créances futures, identifiées et déterminables (toutes celles qui existeraient dans la comptabilité de l'Office au titre des comptes de classe 7). Selon elle, le prix était déterminable :
un montant forfaitaire évalué le 5 janvier 2017 : 56 000 euros,
auquel devait s'ajouter, à la date de la cession (le 20 juillet 2017), les créances de crédits fonciers figurant dans les comptes de classe 7, sous déduction de ceux qui y figuraient au 5 janvier 2017 (jour de la signature de l'acte de cession).
Elle sollicite une mesure d'expertise comptable afin qu'à partir de la comptabilité de l'office, le montant exact des créances à céder soit déterminé.
A titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité de l'acte, elle fait valoir que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé, de sorte que les créances qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'office au jour de la cession sont restées dans le patrimoine de Mme [D], alors que M. [Y] en a reçu le paiement. Elle demande donc, au fondement de l'article 1178 du code civil, la restitution des créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'office au jour de la cession et dont le paiement est intervenu postérieurement. Elle sollicite une mesure d'expertise comptable afin d'en établir précisément le montant.
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait la nullité et rejetait la demande de condamnation formulée sur le fondement de l'article 1178 du code civil, elle soutient, au fondement de l'article 1303 du code civil (enrichissement injustifié), que des règlements directs de créances acquises au cessionnaire ont été constatés, à concurrence de 28 715,32 euros HT. Selon elle, l'enrichissement injustifié est établi, tout comme l'appauvrissement corrélatif. Elle ajoute qu'elle ne dispose d'aucune autre action pour recouvrer sa créance puisqu'aucune action en répétition de l'indu ne peut être engagée au titre des créances acquises réglées directement par les débiteurs à M. [Y], l'article 1302-1 du Code civil réservant cette action au solvens. Elle en déduit que le montant de la créance à restituer correspond au montant minimum de 28 715,32 euros HT, augmenté de toutes les créances acquises qui figuraient dans les comptes de classe 7 de la comptabilité de l'office au jour de la cession et dont le paiement est intervenu postérieurement, sous déduction des créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 euros (correspondant aux paiements directement faits par Mme [D] à M. [Y], pour lesquelles une demande de répétition de l'indu est formulée).
Au fondement de l'article 1302 et suivants du code civil, elle formule également une demande en répétition de l'indu. Elle rappelle qu'elle a reversé au cessionnaire 133 492,36 euros postérieurement à la cession. Elle fait valoir que, si l'engagement de cession de créance est annulé, le montant de l'indu devra lui être restitué ; il correspondra aux créances acquises comprises dans la somme de 133 492,36 euros, dont le montant sera déterminé dans le cadre de la mesure d'instruction demandée.
M. [Y] poursuit, à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé l'acte de cession de créances et demande le rejet des demandes de Mme [D].
Au fondement des articles 1591 et 1163 du code civil, il soutient qu'en l'absence d'indication dans l'acte sur les modalités de calcul du prix définitif, ce dernier est indéterminable, de sorte que le contrat est nul. Selon lui, l'appelante a imaginé, en appel, un nouveau mode de détermination du prix qui ne correspond pas aux termes de l'acte puisqu'il est écrit dans l'acte que le prix « sera revu à la date de la cession ET il intégrera les derniers mois de crédits fonciers éventuellement non payés », et non que le prix serait revu uniquement en y intégrant les derniers mois de crédits fonciers. Il ajoute que le prix définitif ne saurait être basé sur l'évaluation de 56 000 euros pour les créances au 5 janvier 2017, puisqu'entre le 5 janvier et le 20 juillet (jour de la cession), une partie des créances a été payée.
Par ailleurs, au fondement de l'article 1321 du code civil, il fait valoir que l'acte est nul au motif que les créances visées sont insuffisamment identifiées, donc indéterminables. Selon lui, l'existence d'un listing au 5 janvier 2017 n'est pas visée par l'acte de cession. Il ajoute que Mme [D] ne démontre pas que les créances de l'office nées après le 5 janvier 2017 se rapportent à des contrats conclus avant cette date. Il en déduit que ces créances n'étaient même pas « en germe » au jour de la signature de l'acte, de sorte qu'elles ne sont pas suffisamment identifiées.
A titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité de l'acte de cession, M. [Y] demande à la cour de rejeter la demande de Mme [D] au motif qu'elle n'est pas chiffrée. Il ajoute que le « prétendu recouvrement de 28 715,32 euros » n'est pas démontré et que le « prétendu reversement par Mme [D] de 133 492,36 euros » correspond à des fonds recouvrés par les clients de l'office. Il ajoute que si ces reversements comprenaient des créances acquises, Mme [D] aurait dû être en mesure d'en préciser le montant. Selon lui, le caractère non-chiffré et non déterminable est confirmé par le fait que Mme [D] sollicite la nomination d'un expert pour qu'il procède, à sa place, au chiffrage de cette demande.
A titre infiniment subsidiaire, s'agissant des demandes fondées sur l'enrichissement injustifié et la répétition de l'indu, il réitère la carence probatoire de l'appelante et l'absence de chiffrage précis de la demande. Au fondement de l'article 1303-1 du code civil, il fait valoir que le fait que la demande soit formée après des demandes principale et subsidiaire démontre qu'il existe d'autres voies de droit excluant la recours à ce quasi-contrat. Il ajoute que l'appelante n'établit aucune des deux conditions posées (un appauvrissement consécutif à un enrichissement injustifié).
Il indique que l'action en répétition de l'indu, ouverte seulement en présence d'une erreur du solvens, n'est pas applicable en l'espèce.
Au fondement de l'article 146 du code de procédure civile, il sollicite le rejet de la demande d'expertise, estimant qu'elle vient pallier la carence probatoire de l'appelante.
Appréciation de la cour
Sur la nullité de l'acte de cession de créances
Les parties s'accordent à dire que l'acte de cession de créances a été signé le 5 janvier 2017. Par conséquent, les dispositions applicables sont celles issues de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
L'article 1321 du code civil dispose que « la cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire.
Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables.
Elle s'étend aux accessoires de la créance.
Le consentement du débiteur n'est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible ».
En l'espèce, l'article 1 intitulé « Engagement » de l'acte de cession de créances stipule que :
« Aux termes du présent traité, le cédant s'engage à céder et transporte au cessionnaire qui accepte les créances qu'il détiendra au jour de la prestation de serment de Maître [K] [Y] sur l'ensemble des dossiers gérés par l'Office ('). En conséquence, le cédant subroge le cessionnaire dans tous les droits qu'il possède à l'égard des clients et débiteurs de son office, de sorte que le cessionnaire disposera, à compter de sa prestation de serment, desdites créances comme d'un droit lui appartenant en toute propriété, sans aucune restriction, ni réserve.
Le cessionnaire s'engage à les acquérir au prix qui sera déterminé selon les modalités exposées ci-dessous ».
L'article 2, intitulé « Détermination du prix », stipule que :
« Les créances sont évaluées forfaitairement le jour de la signature de l'acte, d'un commun accord entre les parties, à la somme de 56 000 euros hors TVA et taxe forfaitaire. Cette somme intègre les créances des crédits fonciers. Le prix sera revu à la date de la cession, et il intègrera les derniers mois de crédits fonciers éventuellement non payés ».
Enfin, l'article 4 intitulé « Conditions particulières » stipule que :
« Il est rappelé que les créances acquises du cédant ne sont pas attachées à sa personne et sont constituées de créances relatives à l'exercice de son activité d'huissier de justice : le prix des actes et prestations, les honoraires libres, le remboursement des débours. Par conséquent, le cédant garantit l'existence des créances mais ne répond pas de la solvabilité des débiteurs (') ».
Il est constant que Mme [D] a poursuivi son activité d'huissier de justice au sein de l'office jusqu'au 20 juillet 2017, jour de la prestation de serment de M. [Y].
Il résulte de l'article 2 et de l'article 4 précités que, conformément à l'article 1321 du code civil et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la cession porte, d'une part, sur des créances présentes et déterminées (celles dont est créancier l'office à la date de signature de l'acte de cession du 5 janvier 2017) ainsi que sur des créances futures, certaines et déterminables (les créances « client » figurant dans le compte de classe 7 qui ont été payées entre le 6 janvier 2017 et le 20 juillet 2017, jour de la prestation de serment de M. [Y]).
Le détail du compte de classe 7, qui figure en annexe du Plan comptable des huissiers de justice fixé par l'arrêté du 11 mai 2007 (JORF n°113 du 16 mai 2007) relatif au plan comptable applicable par les huissiers de justice, correspond aux précisions stipulées à l'article 4 de l'acte de cession quant à la nature des créances cédées :
« Classe 7 : comptes de produits
706100 : frais d'actes.
706200 : honoraires.
706800 : autres produits HT.
708800 : débours récupérés sur antérieurs.
709400 : débours payés irrécupérables.
709500 : honoraires rétrocédés.
755000 : quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun.
758000 : produits divers de gestion courante.
758100 : versements du SCT. »
Ainsi, contrairement à ce que prétend M. [Y], il ne s'agit pas de fonds devant être restitués aux bailleurs sociaux, mais de fonds devant revenir à l'huissier de justice ayant mis en 'uvre les actes (le prix des actes et prestations, les honoraires libres, le remboursement des débours).
Les créances cédées sont donc déterminées et déterminables et conforment aux prescriptions de l'article 1321 du code civil.
Il en va autrement du prix de cession.
Selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L'article 1591 du même code précise que : « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ».
La cession est nulle lorsque les parties conviennent d'un prix provisoire mais ne déterminent pas les modalités permettant de calculer le prix définitif, ce dont il résulte que ce prix dépend d'un nouvel accord de volontés des parties (Com. 13 janv. 1971, n° 69-12.174).
En l'espèce, l'article 2 de l'acte prévoit que « Le prix sera revu à la date de la cession, et il intègrera les derniers mois de crédits fonciers éventuellement non payés » (souligné par la cour). Il s'infère de cette disposition que contrairement à ce que prétend Mme [D], le prix définitif ne doit pas intégrer uniquement les « derniers mois de crédit foncier éventuellement non payés » mais il doit, notamment, intégrer ces derniers. La fixation du prix de cession définitif dépend donc, ainsi que l'a retenu le tribunal, entièrement d'un nouvel accord de volonté des parties.
C'est donc à juste titre que le tribunal a annulé, pour non détermination du prix, l'acte de cession des créances acquises. Le jugement sera, sur ce point, confirmé.
Sur la demande subsidiaire en restitution de Mme [D] fondée sur l'article 1178 du code civil
Selon l'article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.
Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
Une demande en justice non chiffrée est recevable dès lors que le prix est déterminable au vu des éléments de preuve versé aux débats (Cass. 1re civ., 26 mai 2011, n° 10-17.109 ; Cass. soc., 14 oct. 2009, n° 07-44.834 ; 2e civ., 8 mars 2006, n° 04-20.033).
En l'espèce, à partir du moment où l'acte de cession des créances acquises est annulé, il est réputé n'avoir jamais existé. Il convient donc de replacer les parties dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si l'acte n'avait jamais existé. Ainsi, les créances acquises figurant au compte de classe 7 jusqu'au 20 juillet 2017 qui ont été payées postérieurement à cette date n'auraient pas été cédées, de sorte qu'il y a lieu d'en restituer le montant à Mme [D].
Il résulte des éléments précédents que le montant des créances litigieuses est déterminable. Il correspond à la rétribution des actes pris en charge par Mme [D] au sein de l'office jusqu'au 20 juillet 2017. Ces créances figurent en comptabilité dans les comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017. Le montant à restituer correspond par conséquent au montant des créances énumérées aux comptes de classe 7 au 20 juillet 2017 et payées postérieurement à cette date.
Ainsi, contrairement à ce que prétend M. [Y], la demande de Mme [D], bien que non chiffrée, porte sur un montant déterminable de sorte qu'elle est recevable.
En application de l'article 1178 du code civil, cette demande est fondée.
Il convient donc d'y faire droit et d'ordonner une expertise afin d'en déterminer précisément le montant.
En revanche, Mme [D] prétend avoir reversé une somme de 133 492,36 euros à M. [Y] et que cette somme comprendrait des créances acquises. Outre le fait qu'il est surprenant que Mme [D] ait, postérieurement à la prestation de serment, reverser des sommes à M. [Y] qui étaient censées lui revenir, la pièce 14 constituée de relevés bancaires et copie de chèques à l'ordre de M. [Y] ne permet d'établir la nature des fonds versés. Dès lors, en l'absence de lien établi entre ces versements et la restitution des créances des comptes de classe 7 devant revenir à Mme [D], il appartiendra à l'expert de vérifier s'il y a lieu de les prendre en compte dans la détermination des sommes à restituer à Mme [D], ou si ces versements doivent revenir à M. [Y] pour son activité d'huissier de justice au sein de l'office à compter du 20 juillet 2017.
Sur la demande d'expertise
La cour ordonnera une expertise-comptable, aux frais partagés des parties, afin de déterminer le montant des créances énumérées au compte de classe 7 à la date du 20 juillet 2017 et payées postérieurement à cette date entre les mains de M. [Y].
La consignation sera fixée à 3000 euros et mise à la charge de Mme [D]. Elle devra être payée dans les trois mois suivant le présent arrêt.
Sur la demande de dommages et intérêts
Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice financier de Mme [D] au motif qu'aucun élément versé au débat ne permet de retenir qu'elle a subi un préjudice distinct indépendant de celui causé par le retard pris par M. [Y] à lui rembourser, en exécution du traité de cession, les dettes du GIE.
Il lui alloué 5000 euros au titre de son préjudice moral en raison des désagréments éprouvés afin d'obtenir l'exécution de son engagement contractuel par M. [Y], se heurtant à son refus persistant de prendre en charge les dettes du GIE.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il ne lui a alloué que 5000 euros de réparation au titre de son préjudice financier, Mme [D] sollicite une indemnisation de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral, né de l'attitude adoptée par l'intimé pendant près de sept ans.
M. [Y] s'oppose à cette demande, estimant, d'une part, que les éléments caractérisant la résistance abusive ne sont pas établis, sachant que le tribunal a fait droit à une partie de ses prétentions, et d'autre part, que Mme [D] ne démontre ni son préjudice moral ni son préjudice financier.
Appréciation de la cour
L'article 1231-6, alinéa 3, du code civil dispose que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
En l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral causé à Mme [D] constitué par les désagréments éprouvés pour obtenir l'exécution de son engagement contractuel et se heurtant au refus persistant de M. [Y] de prendre en charge les dettes du GIE.
Pas plus qu'en première instance elle ne démontre un préjudice financier distinct de son préjudice moral.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [D] la somme de 5000 euros à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
La cour réservera le sort des dépens et des frais irrépétibles exposés en cause d'appel dans l'attente du retour du rapport d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
DÉCLARE recevables les demandes formées par Mme [U] [D] visant à obtenir :
la désignation d'un expert ;
la condamnation de M. [K] [Y] sur le fondement de l'article 1178 du Code civil, au paiement d'une somme équivalente au montant de toutes les créances acquises ;
la condamnation M. [K] [Y] au titre de la répétition de l'indu et de l'enrichissement injustifié ;
CONDAMNE M. [Y], au fondement de l'article 1178 du code civil, à payer à Mme [D] une somme équivalente au montant des créances acquises qui figuraient aux comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017 dans la comptabilité de l'office d'huissier de justice sis au [Adresse 7], et dont le paiement est intervenu postérieurement à cette date ;
ORDONNE, pour déterminer le montant de cette condamnation, une expertise-comptable ;
DÉSIGNE, pour y procéder,
M. [F] [C], expert-comptable et commissaire aux comptes
[Adresse 4]
Tél : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]
Port. : [XXXXXXXX03]
Mail : [Courriel 14]
Avec pour mission de :
convoquer et entendre les parties ;
se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et, en particulier, se faire communiquer par M. [K] [Y], une extraction de la comptabilité de son office d'huissier de justice, certifiée conforme à la date du 20 juillet 2017 et à la date de la demande faite par l'expert, des comptes suivants :
- 411000
- 110112
- 110119
- 110211
- 110212
- 110311
- 110312
- 110411
- 445711
- 447010
- 467112
- 654000
- 706112
- 706113
- 706119
- 706212
- 706213
- 706219
- 706312
- 706313
- 706319
- 706411
- 706413
Déterminer le montant des créances figurant dans ces comptes de classe 7 à la date du 20 juillet 2017 et payées postérieurement, entre le 20 juillet 2017 et la date d'extraction la plus récente ;
Vérifier s'il y a lieu de prendre en compte, dans la détermination des sommes à restituer, les versements effectués par Mme [D] au profit de M. [Y] postérieurement au 20 juillet 2017, ou si ces versements doivent revenir à M. [Y] pour son activité d'huissier de justice au sein de l'office à compter du 20 juillet 2017 (dans la limite de 133 492,36 euros) ;
Plus généralement, fournir à la cour tous éléments techniques et de fait qui pourraient être utiles à a solution du litige ;
Répondre aux dires des parties ;
DIT que l'expertise sera exercée sous le contrôle d'un des membres de la chambre 1-1 de la cour d'appel de Versailles,
FIXE à la somme de 3 000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais de l'expert que Mme [D] devra consigner au régisseur des avances et recettes de la cour d'appel de Versailles, dans un délai de trois mois à compter de la présente décision ;
DIT qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque ;
DIT que l'expert fera connaître sans délai son acceptation et dit qu'à défaut ou en cas de carence dans l'accomplissement de sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise,
DIT que l'expert devra utiliser la plate-forme OPALEXE pour toute communication avec la cour,
DIT que l'expert désigné devra déposer son rapport sur la plate-forme de communication OPALEXE accompagné de ses annexes et qu'une version papier sera déposée au greffe dans le délai de HUIT mois à compter du jour où il aura été avisé de la consignation de la provision ci-avant ordonnée ;
DÉSIGNE le conseiller de la mise en état de la présente chambre pour contrôler les opérations d'expertise et statuer en cas de difficulté ;
RENVOIE les parties à la conférence du conseiller de la mise en état du 03 octobre 2024 pour vérifier le versement de la consignation,
SURSOIE À STATUER sur les autres demandes et les dépens.