Décisions
CA Poitiers, 1re ch., 18 juin 2024, n° 23/02651
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°249
N° RG 23/02651 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5V2
S.C.P. [W] [A] [J] [K]
C/
[O]
[Y]
S.E.L.A.R.L. ATLANTHUIS
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 18 JUIN 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02651 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5V2
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 19 septembre 2023 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE :
S.C.P. [W] [A] [J] [K]
[Adresse 5]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET- BRIAND- PETILLION, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Monsieur [U] [F] [S] [O]
né le 25 Février 1955 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 6]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN
S.E.L.A.R.L. ATLANTHUIS
Huissiers de Justice [Adresse 1]
[Localité 7]
ayant pour avocat postulant Me Aurélia DE LA ROCCA de la SELARL GASTON - DUBIN SAUVETRE - DE LA ROCCA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Stéphane RAIMBAULT, avocat au barreau de TOURS
Madame [P] [Y]
née le 03 Juin 1960 à [Localité 9]
Chez Me Françoise HERMET-LARTIGUE [Adresse 8]
[Localité 6]
défaillante bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Rendu par défaut
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[U] [O] et [P] [Y], alors son épouse, ont acquis de [L] [R] veuve [I] selon acte notarié du 25 mars 2010 une maison d'habitation sise à [Localité 13] au prix de 380.000 euros.
Les époux [O] ont divorcé en mars 2018. La liquidation de leur régime matrimonial n'est pas intervenue à ce jour, et ils demeurent propriétaires indivis de l'immeuble.
Monsieur [O], disant avoir découvert en 2016 en contactant des entreprises en vue de travaux de rénovation que le bien s'avérait atteint de vices cachés connus de la venderesse, a mandaté Mme [H] [X], avocat associée de la SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] - '[W]', pour faire réaliser une expertise unilatérale de l'immeuble puis, au vu du rapport déposé en juin/juillet 2018 par le technicien concluant à l'existence de fissurations et désordres probablement liés à des mouvements de sol trouvant leur origine avant la vente de 2010 et sans doute connus des anciens propriétaires, lui a demandé de saisir le juge des référés pour voir ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de Mme [I].
Tout en exprimant les plus expresses réserves sur les chances d'issue favorable d'une action en justice au regard du risque de prescription, Mme [H] [X] a établi un projet d'assignation en référé expertise destiné à être délivré à madame veuve [I], domiciliée chez Monsieur [U] [I], [Adresse 4], et elle l'a transmis pour délivrance à la société civile professionnelle [E]-[T]-[D], huissiers de justice associés à [Localité 10] le 27 juillet 2018 en l'invitant à délivrer l'acte rapidement au vu du risque de prescription.
La SCP [E]-[T]-[D] a délivré l'acte le 27 août 2018 selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Saintes, après avoir ordonné le 25 septembre 2018 avant dire droit la réouverture des débats en demandant à M. [O] de fournir toutes précisions quant au dernier domicile connu de Mme [L] [R] veuve [I], née en 1918 et domiciliée dans l'acte de vente de 2010 en maison de retraite, qui n'avait pas comparu devant lui.
Le juge des référés a alors été rendu destinataire de la copie intégrale de l'acte de décès de [L] [R] veuve [I], décès survenu le 21 juin 2018.
Il a prononcé par ordonnance du 19 janvier 2021 la nullité de l'assignation du 27 août 2018 au motif qu'elle était dirigée contre une personne décédée.
Après avoir mis en demeure la SCP [W] d'assumer les conséquences de la responsabilité qu'elle avait engagée selon lui en raison de ses erreurs procédurales, M. [O] a fait assigner par actes du 12 juin 2023 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La-Roche-sur-Yon la SCP [W], la Selarl Atlanthuis venant aux droits de la SCP [E]-[T]-[D], et Mme [Y] divorcée [O], pour voir ordonner une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de déterminer si la maison acquise le 25 mars 2010 était affectée d'un vice caché et, dans l'affirmative, de chiffrer le coût des réparations.
Il faisait valoir à l'appui de cette demande qu'il envisageait de rechercher la responsabilité de l'avocat et/ou de l'huissier de justice dans le préjudice qu'il subissait du fait de l'absence de délivrance d'une assignation interruptive d'instance à la venderesse ou à ses ayants-droit avant l'expiration du délai biennal de la prescription faisant désormais obstacle à l'exercice d'une action en garantie des vices cachés de la maison.
La SCP [W] s'est opposée à l'expertise en soutenant que l'action envisagée était manifestement vouée à l'échec et que la mesure sollicitée n'était en outre pas légalement admissible en raison de la violation manifeste de son droit à un procès équitable qui résulterait de l'institution d'une expertise technique immobilière à laquelle elle ne pourra utilement participer.
La Selarl Atlanthuis et Mme [Y] divorcée [O] n'ont pas comparu.
Par ordonnance du 19 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de La-Roche-sur-Yon a fait droit à la demande d'expertise et commis M. [M] [G] pour y procéder aux frais avancés de M. [O], auquel il a laissé la charge provisoire des dépens.
Pour statuer ainsi, il a retenu, en substance :
- que s'agissant d'une mesure d'instruction avant tout procès, elle pouvait être ordonnée s'il existait un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige
- que pour apprécier l'existence d'un tel motif légitime, il n'appartenait pas au juge des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en oeuvre de l'action que la partie demanderesse pourrait ultérieurement engager
- qu'à ce titre, il ne pouvait examiner les moyens tirés devant lui de l'éventuelle prescription, et/ou du rôle prétendument joué par M. [O] dans l'établissement de l'assignation délivrée le 27 août 2018
- que M. [O] justifiait bien en l'espèce d'un litige potentiel en responsabilité à l'encontre de son avocat et de l'huissier de justice mandaté par celui-ci ainsi que de l'intérêt d'établir la perte de chance éventuellement subie
- que les parties à l'expertise auront accès à l'ensemble des documents communiqués au technicien.
La SCP [W] a relevé appel le 5 décembre 2023.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 15 décembre 2023 par la SCP [W]
* le 8 février 2024 par la SAS Atlanthuis
* le 7 février 2024 par M. [U] [O]
La SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] ([W]) demande à la cour de :
* dire que M. [O] ne justifie d'aucun motif légitime à l'organisation de la mesure d'expertise sollicitée
* dire au surplus que la mesure n'est pas légalement admissible, à raison d'une violation manifeste du droit à un procès équitable, et du principe de la loyauté des débats
Infirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau :
* débouter M. [O] de sa demande d'expertise
* le condamner aux dépens de l'instance et à lui payer 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle assure qu'il est d'ores-et-déjà certain que toute action en responsabilité qui serait ultérieurement engagée contre elle devant une juridiction du fond serait vouée à l'échec, tant pour des raisons procédurales qu'en raison de l'absence de vice caché affectant l'immeuble.
Elle affirme que le projet d'assignation en référé expertise que Mme [X] avait établi comportait bien comme adresse celle de la maison de retraite du [14] où l'acte de vente établi huit ans auparavant énonçait déjà que madame veuve [I] était domiciliée, et que c'est monsieur [O] lui-même qui lui assura qu'elle était venue entre-temps résider chez son fils, ce que Me [X] n'avait pas de raison de ne pas croire puisque M. [O] et le fils de Mme [I] étaient des amis de jeunesse qui se fréquentaient depuis trente ans.
Elle soutient que la question de l'exactitude du domicile porté sur l'acte est indifférente, puisque Mme [I] étant décédée le 21 juin 2018, toute assignation délivrée postérieurement à cette date était de toute façon nulle de plein droit.
Elle affirme qu'il en résultait une impossibilité absolue d'attraire les héritiers de la venderesse avant l'expiration du délai biennal de prescription de l'action pour vice caché.
Elle indique que M. [O] a eu connaissance des vices dont il argue dès son entrée en possession de l'immeuble, qu'il connaissait bien pour y avoir régulièrement venu du fait de ses relations d'amitiés avec la famille [I], et que l'action en garantie des vices cachés était inévitablement prescrite en 2018.
Elle ajoute que la mesure sollicitée n'est pas admissible car elle ne peut concerner que les parties à l'acte de vente de la maison, et que l'avocat qu'elle est n'aurait ni pièces, ni moyens à faire valoir dans le cadre d'une expertise du bien, de sorte que l'ordonner contreviendrait à son droit à un procès équitable et à la loyauté des débats.
La SAS Atlanthuis demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise, de débouter M. [O] de sa demande d'expertise judiciaire et de le condamner aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique faire sienne l'argumentation de la SCP [W].
Elle affirme que toute action au fond est vouée à l'échec.
Elle fait valoir qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour pallier la carence d'un demandeur dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
M. [U] [O] demande à la cour de juger l'appel de la SCP [W] non fondé et de l'en débouter ; de juger qu'il dispose d'un intérêt légitime ; de dire que son action en responsabilité n'est pas manifestement vouée à l'échec; de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; et de condamner la SCP [W] à lui verser 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il conteste qu'une éventuelle future action en responsabilité contre l'avocat et contre l'huissier de justice soit manifestement vouée à l'échec, en faisant valoir qu'en raison du camouflage des fissures par la venderesse, le délai pour agir en garantie du vice caché ne courait pas à compter de la vente, où l'immeuble ne présentait que quelques fissures traitées qui pouvaient être mises sur le compte de l'âge, mais du moment où il a découvert les vices à l'été 2016 lorsque des artisans l'ont alerté sur l'état réel de la maison, et qu'il expirait le 12 septembre 2018 ; qu'ayant appris début août 2018 le décès de [L] [I], il en avisa le cabinet de Me [X] ; qu'il était alors encore temps de mettre en cause les ayants-droit, Me [X] disposant de l'adresse de deux des trois enfants [I] et l'huissier instrumentaire pouvant, par ses recherches, découvrir l'adresse du troisième, domicilié à [Localité 11]; que pourtant, Me [X], qui était en vacances, n'a rien fait; que l'huissier de justice a délivré l'acte à une adresse qui n'était pas celle de Mme [I], et n'a entrepris aucune recherche.
Mme [P] [Y] divorcée [O] ne comparaît pas. Elle a été assignée le 14 décembre 2023 par un acte qui n'a pas été délivré à sa personne.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé
S'agissant du motif légitime, il existe dès lors que l'éventuel procès sur le fond est plausible, et que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec.
Il n'est pas requis du demandeur à la mesure in futurum de démontrer à ce stade le bien fondé d'une éventuelle demande au fond ultérieure.
La mesure peut être légitimement demandée, et ordonnée, pour apprécier les chances de succès d'une éventuelle demande.
Il ne peut être exigé du demandeur qu'il indique dès à présent s'il engagera un procès et d'énoncer précisément le fondement juridique de celui-ci.
Il ne peut pas davantage être requis de lui qu'il rapporte la preuve des faits que la mesure a précisément pour possible objet d'établir.
Et les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile selon lesquelles une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver, et qu'en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, applicables aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès, ne le sont pas lorsque le juge est saisi avant tout procès, sur le fondement de l'article 145.
L'éventuel procès sur le fond qui doit être plausible pour qu'une expertise puisse être ordonnée n'est pas une action en garantie pour vice caché engagée par le demandeur en sa qualité d'acquéreur de la maison contre les héritiers de la venderesse, M. [O] indiquant tenir une telle action pour manifestement vouée à l'échec en raison de l'acquisition de la prescription, et n'ayant au demeurant pas assigné les ayants-droit de Mme [I] devant le juge des référés.
M. [O] indique qu'il s'agit d'une action contre l'avocate qu'il avait mandatée en 2018 pour engager une procédure de référé expertise à l'égard de Mme [I] et contre l'huissier de justice chargé de délivrer l'assignation, dont il envisage de rechercher la responsabilité au titre de la chance qu'ils lui auraient fait perdre par leur faute respective d'obtenir une issue favorable à l'action en garantie des vices cachés envisagée contre la venderesse, la première en demandant à l'huissier de délivrer l'assignation à fin d'expertise interruptive de la prescription à une adresse qui n'était pas celle de Mme [I] puis en ne faisant pas diligence pour faire assigner à temps les héritiers avant l'expiration du délai de prescription une fois son cabinet avisé, selon lui au mois d'août 2018, du décès de [L] [I], le second en ne faisant pas diligence pour rechercher le destinataire de l'acte et, s'il l'avait fait, pour identifier les héritiers avant l'expiration de ce délai biennal, qu'il situe au 12 septembre 2018.
L'expertise de la maison que sollicite M. [O] au contradictoire des professionnels dont il envisage de rechercher la responsabilité n'est certes pas utile à M. [O] pour examiner, ou à la juridiction éventuellement saisie pour trancher, la question de la responsabilité de l'avocat et/ou de l'huissier de justice, dont l'appréciation des diligences est en l'espèce manifestement étrangère à la preuve de l'existence de désordres constructifs.
Cette expertise présente en revanche un intérêt pour M. [O] en ce qu'elle est de nature à permettre tant à lui-même, avant tout procès, qu'à la juridiction du fond qui serait saisie d'une telle action en responsabilité, d'évaluer le préjudice à réparer au cas où la responsabilité de la SCP [W] et/ou de la SAS Atlanthuis serait retenue, puisque ce préjudice aurait nécessairement, comme l'indique l'intimé, la nature de la perte d'une chance, en l'occurrence celle d'avoir obtenu, au vu de l'expertise judiciaire que l'assignation tendait à voir instituer, la condamnation de la venderesse à garantir les vices cachés que cette expertise aurait permis d'établir.
Et M. [O] a un intérêt légitime à voir instituer cette expertise avant tout litige, plutôt qu'une fois préalablement tranchée dans son seul principe la question des responsabilités, tant pour conjurer le risque de se voir opposer l'article 146 du code de procédure civile devant la juridiction du fond en s'entendant objecter qu'il ne peut prétendre établir par voie d'expertise la preuve qui lui incombe de son préjudice, que pour être à même de remédier aux désordres, avérés, de son habitation une fois ceux-ci constatés par l'expert judiciaire au contradictoire des professionnels dont il envisage de rechercher la responsabilité.
Ainsi, la mesure d'instruction sollicitée par M. [O] tend, au sens requis par l'article 145, à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Et il n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé que l'action éventuelle au fond est manifestement vouée à l'échec, que ce soit :
- au titre de la responsabilité de l'avocat ou de l'huissier de justice, dont l'appréciation fait l'objet de contestations notamment tirées de ce qui leur fut dit ou pas, demandé ou pas, et échappe au juge des référés
- ou de la question d'une acquisition de la prescription biennale pour agir contre la venderesse avant même l'assignation en référé expertise initiée l'été 2018, qui dépend notamment de la nature et du caractère plus ou moins apparents des fissures lors de la vente en 2010, étant observé que malgré des réserves sur les risques à ce titre, la SCP [W] avait, contrairement à un autre cabinet précédemment contacté, indiqué à M. [O] que toute chance n'était pas perdue de faire juger cette action encore recevable.
Enfin, l'expertise demandée, et ordonnée, n'a pas pour effet de contrevenir au droit à un procès équitable de la SCP [W] et de la SAS Atlanthuis, non plus qu'à la loyauté des débats, puisqu'elle vise à permettre une évaluation du préjudice susceptible de servir d'assiette au calcul de l'indemnisation éventuellement sollicitée pour perte d'une chance devant la juridiction qui serait saisie, et qu'il sera loisible dans cette perspective à ces deux professionnels du droit, au besoin en s'y faisant assister de conseils spécialisés en construction immobilière, de faire valoir toutes considérations et observations utiles sur les questions techniques soumises au technicien quand bien même ils sont étrangers à la vente de l'immeuble.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise.
Elle le sera aussi quant à la mission dévolue au technicien, au demeurant non contestée en elle-même.
Ses chefs de décision afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront également confirmés.
La SCP [W] succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
L'équité justifie de ne pas allouer d'indemnité de procédure en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement et par défaut :
CONFIRME l'ordonnance entreprise
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE la SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] - '[W]' aux dépens d'appel
REJETTE les demandes formulées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 23/02651 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5V2
S.C.P. [W] [A] [J] [K]
C/
[O]
[Y]
S.E.L.A.R.L. ATLANTHUIS
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 18 JUIN 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02651 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5V2
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 19 septembre 2023 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE :
S.C.P. [W] [A] [J] [K]
[Adresse 5]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET- BRIAND- PETILLION, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Monsieur [U] [F] [S] [O]
né le 25 Février 1955 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 6]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN
S.E.L.A.R.L. ATLANTHUIS
Huissiers de Justice [Adresse 1]
[Localité 7]
ayant pour avocat postulant Me Aurélia DE LA ROCCA de la SELARL GASTON - DUBIN SAUVETRE - DE LA ROCCA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Stéphane RAIMBAULT, avocat au barreau de TOURS
Madame [P] [Y]
née le 03 Juin 1960 à [Localité 9]
Chez Me Françoise HERMET-LARTIGUE [Adresse 8]
[Localité 6]
défaillante bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Rendu par défaut
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[U] [O] et [P] [Y], alors son épouse, ont acquis de [L] [R] veuve [I] selon acte notarié du 25 mars 2010 une maison d'habitation sise à [Localité 13] au prix de 380.000 euros.
Les époux [O] ont divorcé en mars 2018. La liquidation de leur régime matrimonial n'est pas intervenue à ce jour, et ils demeurent propriétaires indivis de l'immeuble.
Monsieur [O], disant avoir découvert en 2016 en contactant des entreprises en vue de travaux de rénovation que le bien s'avérait atteint de vices cachés connus de la venderesse, a mandaté Mme [H] [X], avocat associée de la SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] - '[W]', pour faire réaliser une expertise unilatérale de l'immeuble puis, au vu du rapport déposé en juin/juillet 2018 par le technicien concluant à l'existence de fissurations et désordres probablement liés à des mouvements de sol trouvant leur origine avant la vente de 2010 et sans doute connus des anciens propriétaires, lui a demandé de saisir le juge des référés pour voir ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de Mme [I].
Tout en exprimant les plus expresses réserves sur les chances d'issue favorable d'une action en justice au regard du risque de prescription, Mme [H] [X] a établi un projet d'assignation en référé expertise destiné à être délivré à madame veuve [I], domiciliée chez Monsieur [U] [I], [Adresse 4], et elle l'a transmis pour délivrance à la société civile professionnelle [E]-[T]-[D], huissiers de justice associés à [Localité 10] le 27 juillet 2018 en l'invitant à délivrer l'acte rapidement au vu du risque de prescription.
La SCP [E]-[T]-[D] a délivré l'acte le 27 août 2018 selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Saintes, après avoir ordonné le 25 septembre 2018 avant dire droit la réouverture des débats en demandant à M. [O] de fournir toutes précisions quant au dernier domicile connu de Mme [L] [R] veuve [I], née en 1918 et domiciliée dans l'acte de vente de 2010 en maison de retraite, qui n'avait pas comparu devant lui.
Le juge des référés a alors été rendu destinataire de la copie intégrale de l'acte de décès de [L] [R] veuve [I], décès survenu le 21 juin 2018.
Il a prononcé par ordonnance du 19 janvier 2021 la nullité de l'assignation du 27 août 2018 au motif qu'elle était dirigée contre une personne décédée.
Après avoir mis en demeure la SCP [W] d'assumer les conséquences de la responsabilité qu'elle avait engagée selon lui en raison de ses erreurs procédurales, M. [O] a fait assigner par actes du 12 juin 2023 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La-Roche-sur-Yon la SCP [W], la Selarl Atlanthuis venant aux droits de la SCP [E]-[T]-[D], et Mme [Y] divorcée [O], pour voir ordonner une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de déterminer si la maison acquise le 25 mars 2010 était affectée d'un vice caché et, dans l'affirmative, de chiffrer le coût des réparations.
Il faisait valoir à l'appui de cette demande qu'il envisageait de rechercher la responsabilité de l'avocat et/ou de l'huissier de justice dans le préjudice qu'il subissait du fait de l'absence de délivrance d'une assignation interruptive d'instance à la venderesse ou à ses ayants-droit avant l'expiration du délai biennal de la prescription faisant désormais obstacle à l'exercice d'une action en garantie des vices cachés de la maison.
La SCP [W] s'est opposée à l'expertise en soutenant que l'action envisagée était manifestement vouée à l'échec et que la mesure sollicitée n'était en outre pas légalement admissible en raison de la violation manifeste de son droit à un procès équitable qui résulterait de l'institution d'une expertise technique immobilière à laquelle elle ne pourra utilement participer.
La Selarl Atlanthuis et Mme [Y] divorcée [O] n'ont pas comparu.
Par ordonnance du 19 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de La-Roche-sur-Yon a fait droit à la demande d'expertise et commis M. [M] [G] pour y procéder aux frais avancés de M. [O], auquel il a laissé la charge provisoire des dépens.
Pour statuer ainsi, il a retenu, en substance :
- que s'agissant d'une mesure d'instruction avant tout procès, elle pouvait être ordonnée s'il existait un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige
- que pour apprécier l'existence d'un tel motif légitime, il n'appartenait pas au juge des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en oeuvre de l'action que la partie demanderesse pourrait ultérieurement engager
- qu'à ce titre, il ne pouvait examiner les moyens tirés devant lui de l'éventuelle prescription, et/ou du rôle prétendument joué par M. [O] dans l'établissement de l'assignation délivrée le 27 août 2018
- que M. [O] justifiait bien en l'espèce d'un litige potentiel en responsabilité à l'encontre de son avocat et de l'huissier de justice mandaté par celui-ci ainsi que de l'intérêt d'établir la perte de chance éventuellement subie
- que les parties à l'expertise auront accès à l'ensemble des documents communiqués au technicien.
La SCP [W] a relevé appel le 5 décembre 2023.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 15 décembre 2023 par la SCP [W]
* le 8 février 2024 par la SAS Atlanthuis
* le 7 février 2024 par M. [U] [O]
La SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] ([W]) demande à la cour de :
* dire que M. [O] ne justifie d'aucun motif légitime à l'organisation de la mesure d'expertise sollicitée
* dire au surplus que la mesure n'est pas légalement admissible, à raison d'une violation manifeste du droit à un procès équitable, et du principe de la loyauté des débats
Infirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau :
* débouter M. [O] de sa demande d'expertise
* le condamner aux dépens de l'instance et à lui payer 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle assure qu'il est d'ores-et-déjà certain que toute action en responsabilité qui serait ultérieurement engagée contre elle devant une juridiction du fond serait vouée à l'échec, tant pour des raisons procédurales qu'en raison de l'absence de vice caché affectant l'immeuble.
Elle affirme que le projet d'assignation en référé expertise que Mme [X] avait établi comportait bien comme adresse celle de la maison de retraite du [14] où l'acte de vente établi huit ans auparavant énonçait déjà que madame veuve [I] était domiciliée, et que c'est monsieur [O] lui-même qui lui assura qu'elle était venue entre-temps résider chez son fils, ce que Me [X] n'avait pas de raison de ne pas croire puisque M. [O] et le fils de Mme [I] étaient des amis de jeunesse qui se fréquentaient depuis trente ans.
Elle soutient que la question de l'exactitude du domicile porté sur l'acte est indifférente, puisque Mme [I] étant décédée le 21 juin 2018, toute assignation délivrée postérieurement à cette date était de toute façon nulle de plein droit.
Elle affirme qu'il en résultait une impossibilité absolue d'attraire les héritiers de la venderesse avant l'expiration du délai biennal de prescription de l'action pour vice caché.
Elle indique que M. [O] a eu connaissance des vices dont il argue dès son entrée en possession de l'immeuble, qu'il connaissait bien pour y avoir régulièrement venu du fait de ses relations d'amitiés avec la famille [I], et que l'action en garantie des vices cachés était inévitablement prescrite en 2018.
Elle ajoute que la mesure sollicitée n'est pas admissible car elle ne peut concerner que les parties à l'acte de vente de la maison, et que l'avocat qu'elle est n'aurait ni pièces, ni moyens à faire valoir dans le cadre d'une expertise du bien, de sorte que l'ordonner contreviendrait à son droit à un procès équitable et à la loyauté des débats.
La SAS Atlanthuis demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise, de débouter M. [O] de sa demande d'expertise judiciaire et de le condamner aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique faire sienne l'argumentation de la SCP [W].
Elle affirme que toute action au fond est vouée à l'échec.
Elle fait valoir qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour pallier la carence d'un demandeur dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
M. [U] [O] demande à la cour de juger l'appel de la SCP [W] non fondé et de l'en débouter ; de juger qu'il dispose d'un intérêt légitime ; de dire que son action en responsabilité n'est pas manifestement vouée à l'échec; de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; et de condamner la SCP [W] à lui verser 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il conteste qu'une éventuelle future action en responsabilité contre l'avocat et contre l'huissier de justice soit manifestement vouée à l'échec, en faisant valoir qu'en raison du camouflage des fissures par la venderesse, le délai pour agir en garantie du vice caché ne courait pas à compter de la vente, où l'immeuble ne présentait que quelques fissures traitées qui pouvaient être mises sur le compte de l'âge, mais du moment où il a découvert les vices à l'été 2016 lorsque des artisans l'ont alerté sur l'état réel de la maison, et qu'il expirait le 12 septembre 2018 ; qu'ayant appris début août 2018 le décès de [L] [I], il en avisa le cabinet de Me [X] ; qu'il était alors encore temps de mettre en cause les ayants-droit, Me [X] disposant de l'adresse de deux des trois enfants [I] et l'huissier instrumentaire pouvant, par ses recherches, découvrir l'adresse du troisième, domicilié à [Localité 11]; que pourtant, Me [X], qui était en vacances, n'a rien fait; que l'huissier de justice a délivré l'acte à une adresse qui n'était pas celle de Mme [I], et n'a entrepris aucune recherche.
Mme [P] [Y] divorcée [O] ne comparaît pas. Elle a été assignée le 14 décembre 2023 par un acte qui n'a pas été délivré à sa personne.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé
S'agissant du motif légitime, il existe dès lors que l'éventuel procès sur le fond est plausible, et que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec.
Il n'est pas requis du demandeur à la mesure in futurum de démontrer à ce stade le bien fondé d'une éventuelle demande au fond ultérieure.
La mesure peut être légitimement demandée, et ordonnée, pour apprécier les chances de succès d'une éventuelle demande.
Il ne peut être exigé du demandeur qu'il indique dès à présent s'il engagera un procès et d'énoncer précisément le fondement juridique de celui-ci.
Il ne peut pas davantage être requis de lui qu'il rapporte la preuve des faits que la mesure a précisément pour possible objet d'établir.
Et les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile selon lesquelles une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver, et qu'en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, applicables aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès, ne le sont pas lorsque le juge est saisi avant tout procès, sur le fondement de l'article 145.
L'éventuel procès sur le fond qui doit être plausible pour qu'une expertise puisse être ordonnée n'est pas une action en garantie pour vice caché engagée par le demandeur en sa qualité d'acquéreur de la maison contre les héritiers de la venderesse, M. [O] indiquant tenir une telle action pour manifestement vouée à l'échec en raison de l'acquisition de la prescription, et n'ayant au demeurant pas assigné les ayants-droit de Mme [I] devant le juge des référés.
M. [O] indique qu'il s'agit d'une action contre l'avocate qu'il avait mandatée en 2018 pour engager une procédure de référé expertise à l'égard de Mme [I] et contre l'huissier de justice chargé de délivrer l'assignation, dont il envisage de rechercher la responsabilité au titre de la chance qu'ils lui auraient fait perdre par leur faute respective d'obtenir une issue favorable à l'action en garantie des vices cachés envisagée contre la venderesse, la première en demandant à l'huissier de délivrer l'assignation à fin d'expertise interruptive de la prescription à une adresse qui n'était pas celle de Mme [I] puis en ne faisant pas diligence pour faire assigner à temps les héritiers avant l'expiration du délai de prescription une fois son cabinet avisé, selon lui au mois d'août 2018, du décès de [L] [I], le second en ne faisant pas diligence pour rechercher le destinataire de l'acte et, s'il l'avait fait, pour identifier les héritiers avant l'expiration de ce délai biennal, qu'il situe au 12 septembre 2018.
L'expertise de la maison que sollicite M. [O] au contradictoire des professionnels dont il envisage de rechercher la responsabilité n'est certes pas utile à M. [O] pour examiner, ou à la juridiction éventuellement saisie pour trancher, la question de la responsabilité de l'avocat et/ou de l'huissier de justice, dont l'appréciation des diligences est en l'espèce manifestement étrangère à la preuve de l'existence de désordres constructifs.
Cette expertise présente en revanche un intérêt pour M. [O] en ce qu'elle est de nature à permettre tant à lui-même, avant tout procès, qu'à la juridiction du fond qui serait saisie d'une telle action en responsabilité, d'évaluer le préjudice à réparer au cas où la responsabilité de la SCP [W] et/ou de la SAS Atlanthuis serait retenue, puisque ce préjudice aurait nécessairement, comme l'indique l'intimé, la nature de la perte d'une chance, en l'occurrence celle d'avoir obtenu, au vu de l'expertise judiciaire que l'assignation tendait à voir instituer, la condamnation de la venderesse à garantir les vices cachés que cette expertise aurait permis d'établir.
Et M. [O] a un intérêt légitime à voir instituer cette expertise avant tout litige, plutôt qu'une fois préalablement tranchée dans son seul principe la question des responsabilités, tant pour conjurer le risque de se voir opposer l'article 146 du code de procédure civile devant la juridiction du fond en s'entendant objecter qu'il ne peut prétendre établir par voie d'expertise la preuve qui lui incombe de son préjudice, que pour être à même de remédier aux désordres, avérés, de son habitation une fois ceux-ci constatés par l'expert judiciaire au contradictoire des professionnels dont il envisage de rechercher la responsabilité.
Ainsi, la mesure d'instruction sollicitée par M. [O] tend, au sens requis par l'article 145, à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Et il n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé que l'action éventuelle au fond est manifestement vouée à l'échec, que ce soit :
- au titre de la responsabilité de l'avocat ou de l'huissier de justice, dont l'appréciation fait l'objet de contestations notamment tirées de ce qui leur fut dit ou pas, demandé ou pas, et échappe au juge des référés
- ou de la question d'une acquisition de la prescription biennale pour agir contre la venderesse avant même l'assignation en référé expertise initiée l'été 2018, qui dépend notamment de la nature et du caractère plus ou moins apparents des fissures lors de la vente en 2010, étant observé que malgré des réserves sur les risques à ce titre, la SCP [W] avait, contrairement à un autre cabinet précédemment contacté, indiqué à M. [O] que toute chance n'était pas perdue de faire juger cette action encore recevable.
Enfin, l'expertise demandée, et ordonnée, n'a pas pour effet de contrevenir au droit à un procès équitable de la SCP [W] et de la SAS Atlanthuis, non plus qu'à la loyauté des débats, puisqu'elle vise à permettre une évaluation du préjudice susceptible de servir d'assiette au calcul de l'indemnisation éventuellement sollicitée pour perte d'une chance devant la juridiction qui serait saisie, et qu'il sera loisible dans cette perspective à ces deux professionnels du droit, au besoin en s'y faisant assister de conseils spécialisés en construction immobilière, de faire valoir toutes considérations et observations utiles sur les questions techniques soumises au technicien quand bien même ils sont étrangers à la vente de l'immeuble.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise.
Elle le sera aussi quant à la mission dévolue au technicien, au demeurant non contestée en elle-même.
Ses chefs de décision afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront également confirmés.
La SCP [W] succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
L'équité justifie de ne pas allouer d'indemnité de procédure en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement et par défaut :
CONFIRME l'ordonnance entreprise
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE la SCP [A]-[J]-[K]-[X]-[B]-[N]-[Z] - '[W]' aux dépens d'appel
REJETTE les demandes formulées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,