CA Nancy, 1re ch., 17 juin 2024, n° 23/00604
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
M
Défendeur :
P
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cunin-Weber
Conseillers :
M. Firon, Mme Buquant
Avocats :
Me Mouton, Me Raymond
Le 27 octobre 2020, Monsieur [H] [M] a vendu à Madame [X] [P], un véhicule de type BMW série 1 immatriculé [Immatriculation 3], pour un montant de 4700 euros, qui avait fait l'objet le 17 juillet 2020 d'un contrôle technique ayant mis en évidence plusieurs défaillances mineures.
Le 29 octobre 2020, Madame [P] a fait réaliser un nouveau contrôle technique ayant relevé plusieurs défaillances majeures et mineures. Elle a fait procéder à une expertise amiable par le cabinet RC Expertise, qui a réalisé ses opérations le 8 janvier 2021 en présence de Monsieur [M].
L'expert a noté l'existence de désordres au niveau des trains roulants, du système de direction, du circuit de freinage, de la transmission, du système électrique et du moteur ainsi qu'une incohérence au niveau du kilométrage du véhicule.
Par acte d'huissier signifié le 4 juin 2021, Madame [P] a fait assigner Monsieur [M] devant le tribunal judiciaire de Val-de-Briey aux fins de prononcer l'annulation de la vente pour dol.
Par jugement contradictoire du 9 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a :
- rejeté la demande d'annulation de la vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3] intervenue le 27 octobre 2020 entre Monsieur [M] et Madame [P],
- prononcé la résolution de la vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3] intervenue le 27 octobre 2020 entre Monsieur [M] et Madame [P],
- condamné Monsieur [M] à payer à Madame [P] la somme de 4700 euros au titre du prix de vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3],
- rejeté le surplus des demandes de Madame [P],
- rejeté la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Monsieur [M], ce dernier bénéficiant d'une décision d'aide juridictionnelle totale en date du 11 juillet 2022,
- condamné Monsieur [M] à payer à Monsieur (en réalité Madame) [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] aux entiers dépens de la présente procédure,
- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Madame [P] ne démontrait pas que Monsieur [M] avait usé de man'uvres dolosives. Il a donc rejeté sa demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'article 1337 du code civil.
Par ailleurs, il a relevé que Madame [P] démontrait, par l'expertise amiable du 8 janvier 2021 et le contrôle technique du 29 octobre 2020, que le véhicule était affecté de vices. Il a donc prononcé la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et 1644 du code civil.
S'agissant de l'indemnisation, le tribunal a estimé que Madame [P] n'apportait pas la preuve que Monsieur [M] avait eu connaissance des vices affectant le véhicule de telle sorte qu'il ne serait tenu qu'au remboursement des frais occasionnés par la vente. En outre, il n'a pas fait droit aux demandes de remboursement des frais de l'expertise et du contrôle technique dès lors que Madame [P] ne produisait aucune facture permettant de les justifier.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 23 mars 2023, Monsieur [M] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 6 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation pour inexécution.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 18 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [M] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- y faire droit,
Ce faisant,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, ordonné la restitution du prix et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
- débouter Madame [P] de ses demandes ainsi que de son appel incident,
Subsidiairement si le jugement n'était pas infirmé et si la cour estimait qu'il est débiteur d'une quelconque somme au profit de Madame [P],
- constater qu'en application de la décision rendue par la commission de surendettement, ses dettes sont effacées et juger par voie de conséquence que la dette résultant du jugement est éteinte,
- condamner Madame [P] à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [M] fait valoir qu'aucun des vices allégués ne peut justifier la résolution de la vente dès lors qu'aucun d'entre eux ne rend le véhicule impropre à son usage. Il déplore que le juge n'ait pas examiné ce point et rappelle qu'il s'apprécie in concreto en fonction de l'âge et du prix de vente du véhicule.
Monsieur [M] soutient donc que si, comme le rapporte Madame [P], les vices ont été constatés par ses collègues, ils n'étaient alors pas cachés, mais bien apparents de telle sorte qu'aucune garantie ne peut être mise en 'uvre. Par ailleurs, il conteste les conclusions du rapport d'expertise, estimant que l'expert n'est pas neutre et émet seulement des suppositions. Monsieur [M] rappelle en outre que le véhicule a été mis en circulation il y a quinze ans et comptait, au jour de l'achat, 220000 kilomètres. Il lui paraît donc normal que les organes du véhicule qui ne peuvent être remplacés présentent une certaine usure caractéristique d'un véhicule d'occasion et fortement kilométré. Il soutient donc que le bien n'est grevé d'aucun vice, mais qu'il a subi les conséquences imprévues de la vétusté. Monsieur [M] ajoute qu'au regard du prix de vente de 4700 euros, Madame [P] ne pouvait avoir l'ambition d'acheter un véhicule neuf.
Ainsi, Monsieur [M] affirme qu'il n'existe aucun vice caché susceptible d'entraîner la résolution de la vente.
À titre subsidiaire, s'il venait à être condamné, Monsieur [M] demande que soit constatée et opposée à Madame [P] l'extinction de sa dette en application de la décision de la commission de surendettement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 5 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [P] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641, 1644, 1645, 1603, 1604 et 1611 du code civil, de :
- déclarer Monsieur [M] mal fondé en son appel principal et l'en débouter,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey, le 9 janvier 2023, en ce qu'il a :
* prononcé la résolution de la vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3], intervenue le 27 octobre 2020 entre Monsieur [M] et elle,
* condamné Monsieur [M] à lui payer la somme de 4700 euros au titre du prix de vente du véhicule automobile,
* condamné Monsieur [M] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- l'infirmer pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
- prononcer la résolution de la vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3], intervenue le 27 octobre 2020 entre Monsieur [M] et elle, à titre principal sur le fondement des vices cachés et à titre subsidiaire sur l'obligation de délivrance conforme,
- condamner Monsieur [M] à lui payer la somme de 3500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner Monsieur [M] à lui payer la somme de 683 euros en réparation de son préjudice financier au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir (textuel),
- condamner Monsieur [M] à récupérer, à ses frais, le véhicule litigieux à son domicile, après règlement du prix de vente dudit véhicule, et qu'à défaut d'exécution dans les cinq mois de la signification de l'arrêt à intervenir, elle sera libre d'en disposer à son gré,
À titre infiniment subsidiaire,
- ordonner avant-dire droit une mesure d'expertise judiciaire confiée à tel praticien qu'il plaira à la cour d'appel de Nancy de désigner avec pour mission :
* se rendre sur les lieux litigieux ou se trouve stationné le véhicule de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3], après y avoir au préalable convoqué les parties et leurs conseils,
* entendre les parties en leurs explications et si nécessaire à titre de simples renseignements tous sachants,
* se faire remettre tous documents contractuels et techniques concernant le véhicule litigieux, et plus généralement toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, même détenus par des tiers,
* prendre connaissance de tous documents utiles, entendre tous sachants à charge d'en rapporter fidèlement les dires,
* examiner les désordres et vices allégués par le demandeur ; les décrire ; en indiquer la nature et l'importance,
* préciser s'ils proviennent d'une non-conformité au document contractuel, d'un défaut constructeur, d'un manquement aux règles de l'art, d'un défaut d'entretien ou d'utilisation, d'un vice caché, ou toute autre cause,
* en cas de pluralité de causes, en préciser l'importance respective,
* fournir tous éléments de fait et techniques permettant à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités et garanties éventuellement encourues,
* évaluer s'il y a lieu les préjudices subis par Madame [P],
* répondre aux dires des parties,
- réserver la possibilité de conclure au fond après dépôt du rapport d'expertise,
Au principal comme au subsidiaire,
- débouter Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [M] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,
- condamner Monsieur [M] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Hélène Raymond, avocat au barreau de Nancy, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Madame [P] reprend les conclusions d'expertise pour faire valoir que le véhicule litigieux est atteint de désordres rendant son utilisation dangereuse comme l'indiquent les experts. Elle soutient que les vices n'étaient pas apparents et étaient antérieurs à la vente puisqu'ils ont été révélés lors du contrôle technique réalisé deux jours après l'achat. Elle affirme que la gravité de ces vices est telle que le véhicule n'est pas en état de circuler.
Madame [P] estime que la décision de la commission de surendettement ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'a pas été informée de l'existence et du déroulé de la procédure tel que l'exige l'article L. 741-2 du code de la consommation.
Par ailleurs, Madame [P] réclame la réparation de son préjudice financier à hauteur de 683 euros correspondant aux frais d'expertise et du contrôle technique, et de son préjudice de jouissance à hauteur de 3500 euros. Elle justifie ce dernier préjudice au regard des démarches qu'elle a dû réaliser pour adapter son quotidien afin de pallier la privation de l'usage d'un véhicule. En outre, elle demande qu'après remboursement du prix, Monsieur [M] vienne récupérer son véhicule tout en soulignant qu'il n'a jusqu'alors fait preuve d'aucune diligence pour ce faire.
Subsidiairement, sur le fondement de l'article 1604 du code civil, Madame [P] demande 'l'annulation' de la vente pour défaut de conformité au motif que l'expert a constaté une incohérence sur le kilométrage affiché. À ce titre, elle sollicite la réparation de son préjudice matériel à hauteur de 683 euros, comprenant les frais d'expertise et du contrôle technique, et de son préjudice de jouissance à hauteur de 3500 euros.
À titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait ne pas disposer d'assez d'éléments, Madame [P] sollicite la réalisation d'une nouvelle mesure d'expertise.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 mars 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 15 avril 2024 et le délibéré au 17 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [M] le 18 décembre 2023 et par Madame [P] le 5 mars 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 12 mars 2024 ;
En vertu de l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
Pour que Madame [P] puisse invoquer la garantie des vices cachés, elle doit rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché, ce qui suppose la démonstration de quatre éléments et tout d'abord l'existence d'un vice, se distinguant notamment de l'usure normale de la chose.
Il est ensuite nécessaire de démontrer que le vice était caché. Cette condition découle de l'article 1641 du code civil, précité, et de l'article 1642 du même code selon lequel 'Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même'.
L'acheteur doit en outre démontrer que le vice atteint un degré suffisant de gravité. Ainsi, l'article 1641 du code civil exige que les vices rendent la chose 'impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
Enfin, selon l'interprétation donnée du texte, il est exigé que le vice caché soit antérieur à la vente, ou plus exactement au transfert des risques.
Selon l'article 9 du code de procédure civile, 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.
En application de ces dispositions légales, il incombe à Madame [P] de rapporter la preuve des vices cachés qu'elle invoque au soutien de ses demandes et donc de chacun des caractères du vice rappelés ci-dessus, ce qui justifiera alors le prononcé de la résolution (et non de l'annulation comme mentionné en page 4 de ses conclusions).
Hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de toutes.
Dès lors, les faits qui sont énoncés dans un rapport d'expertise amiable doivent être corroborés par d'autres pièces du dossier pour qu'il puisse être considéré que la preuve en est rapportée.
En d'autres termes, si le rapport d'expertise amiable indique que les défauts dénoncés sont antérieurs à la vente, qu'ils n'étaient pas décelables et qu'ils rendaient le véhicule impropre à son usage, en vertu du principe rappelé précédemment, ces appréciations doivent être corroborées par d'autres pièces pour qu'elles puissent être considérées comme démontrées.
Enfin, selon l'article 146 du code de procédure civile, 'Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve'.
Le véhicule BMW série 1 objet de la vente entre Monsieur [M] et Madame [P] a été mis en circulation pour la première fois en 2005. Monsieur [M] l'a acquis en Allemagne, l'a soumis à un contrôle technique en France le 17 juillet 2020, puis l'a fait immatriculer en France le 16 octobre 2020. Il l'a vendu à Madame [P] le 27 octobre 2020 avec un kilométrage de 220000, moyennant un prix de 4700 euros.
Le contrôle technique réalisé le 17 juillet 2020, porté à la connaissance de Madame [P] lors de la vente, met en évidence 6 défaillances mineures, c'est-à-dire ne nécessitant pas de contre-visite, portant sur la commande du frein de stationnement, l'état du boîtier ou de la crémaillère de direction (manque d'étanchéité), l'état de la timonerie de direction, le réglage feu de brouillard avant, l'état et le fonctionnement du dispositif d'éclairage de la plaque d'immatriculation arrière et l'état des pneus (usure anormale ou présence d'un corps étranger).
Le nouveau contrôle technique qu'elle a fait réaliser le 29 octobre 2020 mentionne :
- 11 défaillances majeures, justifiant une contre-visite, portant sur l'état des flexibles des freins (endommagés ou frottant contre une autre pièce), l'état du boîtier ou de la crémaillère de direction (manque d'étanchéité), l'état de la timonerie de direction, la direction assistée (fluide ou liquide de fonctionnement affectés), l'état des miroirs ou dispositifs rétroviseurs (inopérant, fortement endommagé ou mal fixé), l'orientation des feux de croisement, la source lumineuse défectueuse des feux de position et de jour, le dispositif d'éclairage de la plaque d'immatriculation arrière, l'usure des pneus et une perte de liquide,
- 8 défaillances mineures relatives aux flexibles des freins, aux tambours ou disques de frein (légèrement usé), à un jeu anormal de la direction, au réglage d'un feu de brouillard avant, à l'état d'usure anormale des pneus, à l'état des amortisseurs, à la détérioration d'un silentbloc de liaison et à la détérioration d'ouvrants.
Selon l'expert amiable mandaté par Madame [P], le véhicule présente des défaillances touchant à la sécurité (circuit de freinage, circuit de direction), présentes au moment de la vente et du premier contrôle technique. Il fait état de nombreux défauts visibles (impacts sur les portes, rayures, décollement du vernis, usure importante des garnitures des sièges, moisissures de la malle arrière...). Au niveau du compartiment moteur, l'expert note que son aspect général est très moyen et montre peu de signe d'entretien, il relève que le capteur de température n'est pas fixé, que le carter de protection supérieur est pollué par des corps gras et que le carter inférieur ne présente pas toutes les fixations. Il s'interroge sur un sinistre au niveau de la tourelle d'amortissement qui présente des traces d'oxydation, en raison de décollement de peinture et d'une légère déformation.
Au niveau du soubassement, l'expert indique avoir constaté un écoulement de lubrifiant, l'endommagement de la poulie de direction, que plusieurs pièces sont recouvertes d'un corps gras, il ajoute que la crémaillière de direction présente un défaut d'étanchéité, les soufflets sont craquelés voir déchirés à certains endroits et frottent sur la barre du train avant, les durites de frein arrière présentent des craquelures, la boîte de vitesse présente un défaut d'étanchéité, un bras de suspension est craquelé par vétusté, diverses pièces sont mal fixées et les pneus présentent une usure importante. L'expert note parmi ces défauts que le défaut d'étanchéité de la partie basse du groupe motopropulseur et les défectuosités majeures au niveau des trains roulants sur le système de direction et le circuit de freinage sont de nature à rendre le véhicule dangereux et inutilisable en l'état.
L'expert précise avoir interrogé le réseau constructeur ce qui l'a amené à constater une incohérence du kilométrage affiché.
En conclusion, l'expert relève que le véhicule 'est dans un très mauvais état de conservation et présente un caractère de dangerosité ne lui permettant pas de circuler en toute sécurité sur la voie publique. Des défauts d'entretien, d'usure et des avaries mécaniques en sont à l'origine. Certains de ces désordres rendent impropre le véhicule à l'usage auquel il est destiné' et que 'Ces désordres étaient sans nul doute présents sur le véhicule au moment de la vente'.
L'incohérence du kilométrage et l'existence d'un accident sur lesquelles l'expert s'interroge ne sont corroborées par aucune pièce. Certains des désordres relevés par l'expert sont en revanche étayés par les deux contrôles techniques.
Néanmoins, l'ensemble des défauts apparents relevés par l'expert ne peuvent fonder une action en résolution pour vices cachés.
L'état d'entretien très moyen du véhicule était également parfaitement visible au regard des constatations de l'expert.
Les désordres relevant de la vétusté du véhicule, relevés par l'expert, ne peuvent pas plus participer au succès d'une telle action, étant rappelé qu'il s'agissait d'un véhicule d'occasion présentant un fort kilométrage et une importante ancienneté.
Enfin, le manque d'étanchéité de divers organes, l'usure prononcée de plusieurs pièces, les difficultés des sources lumineuses, l'existence de difficultés sur le système de freinage et de direction du véhicule relevés par l'expert et/ou le deuxième contrôle technique étaient déjà mentionnés par le premier contrôle technique dont Madame [P] avait eu connaissance.
Il s'ensuit, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que l'ensemble des défauts invoqués par Madame [P] ne relèvent pas de la qualification de vice caché au sens du code civil et ne sont pas susceptibles de justifier la résolution du contrat de vente.
Madame [P] fonde subsidiairement sa demande de résolution sur l'obligation de délivrance conforme.
La non-conformité se définit comme le non-respect du bien remis aux caractéristiques convenues entre les parties à la vente, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination relevant de la qualification exclusive des vices cachés.
À l'appui, elle fait valoir que l'expert amiable a relevé que le kilométrage du véhicule présenterait une incohérence au regard des éléments conservés par le constructeur.
Or cette affirmation n'est étayée par aucune pièce, en particulier pas le résultat de la demande faite au constructeur qui n'a pas été annexée au rapport amiable.
Dans la mesure où le véhicule affichait un kilométrage très important, conforme à son état général, il n'apparaît pas justifié de faire droit à la mesure d'expertise et la demande de résolution présentée sur ce fondement sera rejetée.
Il conviendra en conséquence d'écarter la demande d'expertise judiciaire - les éléments produits permettant de trancher le litige sans recourir à une telle mesure - et, infirmant le jugement, de débouter Madame [P] de ses demandes formées en première instance.
Il conviendra de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Les deux parties bénéficient de l'aide juridictionnelle et les circonstances de la cause conduisent à rejeter l'ensemble des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 9 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey en ce qu'il a :
- prononcé la résolution de la vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3] intervenue le 27 octobre 2020 entre Monsieur [M] et Madame [P],
- condamné Monsieur [M] à payer à Madame [P] la somme de 4700 euros au titre du prix de vente du véhicule automobile de type BMW série 1 de couleur noire immatriculé [Immatriculation 3],
- condamné Monsieur [M] à payer à 'Monsieur' [P] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] aux entiers dépens de la présente procédure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande d'expertise ;
Déboute Madame [P] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne Madame [P] aux dépens de première instance et d'appel ;
Déboute les deux parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.-