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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 19 juin 2024, n° 21/15104

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/15104

19 juin 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 19 JUIN 2024

N° 2024/ 300

N° RG 21/15104

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJJL

[K] [H] [G]

C/

Syndicat des copropriétaires

[Adresse 1]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Isabelle FICI

Me Julien SALOMON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 07 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/02379.

APPELANT

Monsieur [K] [H] [G]

né le 04 Juillet 1950 à [Localité 3] (36), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle FICI, membre de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Vincent EHRENFELD, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] à [Localité 5]

représenté par son syndic en exercice, la Société AGENCE DU PORT, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Julien SALOMON, membre de la SELARL JULIEN SALOMON, avocat au barreau de NICE substituée par Me Pierre FRASSA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant acte notarié du 4 juillet 2016, Monsieur [K] [G] a acquis un appartement d'une superficie de 118 mètres carrés dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 1] à [Localité 4], constituant le lot n° 16 de l'état descriptif de division.

Par courrier de son conseil du 2 février 2017, il a demandé au syndic la convocation d'une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires afin d'autoriser la division de ce lot en quatre appartements et un couloir de distribution, selon les plans établis par son architecte.

Aux termes d'une délibération du 28 mars 2017, l'assemblée s'est prononcée contre ce projet à l'unanimité des copropriétaires présents, à l'exception du requérant.

Par exploit d'huissier du 28 avril 2017, Monsieur [G] a saisi le tribunal de grande instance de Nice, devenu le tribunal judiciaire, pour voir annuler cette décision, être autorisé à faire établir et publier à ses frais un acte modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, et obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses droits.

Le syndicat des copropriétaires a conclu à la validité de la délibération contestée et demandé reconventionnellement la remise des lieux en leur état antérieur, en produisant un constat dressé le 2 octobre 2017 établissant que les travaux étaient d'ores et déjà achevés et que les quatre appartements créés étaient tous occupés.

Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal a débouté M. [G] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné sous astreinte à remettre les lieux en leur état antérieur, tant en ce qui concerne le lot n° 16 que les parties communes, ainsi qu'à payer au syndicat 2.000 € à titre de dommages-intérêts, outre les dépens et 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, sans toutefois prononcer l'exécution provisoire de sa décision.

[K] [G] a interjeté appel le 25 octobre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 28 juin 2022, Monsieur [K] [G] fait valoir :

- que chaque copropriétaire a le droit de disposer librement de son lot et de le diviser comme bon lui semble, à la condition que cette division ne soit pas contraire au règlement de copropriété et à la destination de l'immeuble,

- que c'est à tort que les premiers juges ont interprété le règlement de copropriété comme limitant la faculté de diviser les appartements en deux lots seulement,

- que l'accès à chacun des quatre appartements nouvellement créés est assuré par un cinquième lot à usage de couloir de distribution, et que les travaux de raccordement aux réseaux de viabilité ont été effectués dans les règles de l'art, de sorte qu'il n'existe aucune atteinte à la destination de l'immeuble ou à l'intégrité des parties communes,

- et que la décision de l'assemblée générale est en outre entachée d'un abus de majorité et d'une atteinte au principe de non-discrimination, dans la mesure où d'autres copropriétaires ont été précédemment autorisés à procéder à des divisions semblables.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- d'annuler la délibération prise le 28 mars 2017 par l'assemblée générale des copropriétaires,

- de l'autoriser à faire établir et publier un acte modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, ou subsidiairement de condamner le syndicat des copropriétaires à y procéder à charge pour lui d'assumer d'en assumer les frais,

- de condamner le syndicat à lui payer la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice d'immobilisation et de l'entrave apportée à la libre disposition de son lot, et celle de 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

- et de condamner l'intimé aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 3 juillet 2023, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice l'Agence du Port, soutient pour sa part que l'autorisation sollicitée a été valablement refusée dès lors que :

- les parties privatives ne disposent pas d'un accès direct aux parties communes,

- l'assemblée n'a pas été saisie d'un projet de nouvelle répartition des tantièmes et des charges,

- la division envisagée n'est pas conforme à la destination bourgeoise de l'immeuble ni à l'article 7 du règlement de copropriété, qui autorise une division en deux lots seulement,

- elle génère en outre un accroissement des charges de l'immeuble, nécessitant notamment le remplacement d'une colonne de distribution d'eau froide.

Le syndicat ajoute que les autorisations précédemment accordées à d'autres copropriétaires l'ont été en conformité avec l'article 7 précité, de sorte qu'il n'existe aucun abus de majorité ni atteinte au principe de non-discrimination.

Il conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf quant au montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués, et demande à la cour de condamner l'appelant à lui payer 1.500 € pour chaque année écoulée jusqu'à la complète remise en état des lieux, soit 9.000 € au jour des présentes.

Il réclame accessoirement paiement d'une somme de 4.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre ses dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.

DISCUSSION

En vertu de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes, sous la condition de ne porter aucune atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

En l'état actuel de la jurisprudence, le droit pour un copropriétaire de diviser son lot peut être valablement limité par le règlement de copropriété, à moins que la clause restrictive ne soit pas justifiée par la destination de l'immeuble, ses caractères ou sa situation au sens de l'article 8, auquel cas elle doit être réputée non écrite.

D'autre part, lorsque la division d'un lot implique des travaux affectant les parties communes, une autorisation préalable doit être requise auprès de l'assemblée générale des copropriétaires en application de l'article 25 b).

En l'espèce, l'article 7 du règlement de copropriété stipule que chaque propriétaire pourra modifier comme bon lui semblera la distribution intérieure de son appartement ou local, et pourra notamment le diviser en deux.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges n'ont pas commis une erreur d'interprétation de cette clause, car la modification de la distribution intérieure d'un lot n'est pas assimilable à sa division juridique.

D'autre part, la restriction apportée au droit de division apparaît conforme à la destination de l'immeuble, dès lors qu'elle vise à prévenir la multiplication du nombre des résidants dans une mesure incompatible avec la préservation de la tranquillité de tous, ainsi qu'à garantir le bon fonctionnement des équipements collectifs conçus pour un nombre déterminé d'utilisateurs. Le syndicat produit à cet égard une attestation du gérant de l'entreprise DPC PLOMBERIE suivant laquelle le diamètre de la colonne de distribution d'eau froide n'est plus adapté compte tenu du nombre d'appartements ou de salles de bain qui ont été rajoutés après la construction de l'immeuble, ce qui se traduit par des difficultés de débit.

Enfin, l'appelant ne rapporte pas la preuve que les autorisations de division de lots précédemment accordées à d'autres copropriétaires l'aient été en méconnaissance de l'article 7 du règlement de copropriété précité. En effet, la résolution n° 19 votée le 2 septembre 2013 qu'il produit aux débats a entériné à la demande de la société FRENCH RIVIERA INVESTISSEMENTS un projet de modification de l'état descriptif de division consistant à annuler les lots n° 9, 10 et 11 et à créer les lots n° 36, 37, 38, 39, 40 et 41, ce qui semble correspondre à une division par deux de chacun des trois lots initiaux. D'autre part, si la lettre de son conseil du 2 février 2017 faisait également état d'autres autorisations données à MM. [E] et [C] , aucune pièce justificative n'a été communiquée à ce sujet. Aucun abus de majorité ni aucune atteinte au principe de non-discrimination entre les copropriétaires ne sont dès lors établis.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à remettre les lieux en leur état antérieur, cette sanction étant la conséquence nécessaire tant de la violation du règlement de copropriété que de l'exécution de travaux dans les parties communes sans autorisation préalable, ainsi qu'il est établi par le procès-verbal de constat dressé le 2 octobre 2017 par Maître [L].

Les fautes commises par M. [G] ont causé un préjudice à la collectivité des copropriétaires qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 5.000 €, le jugement entrepris étant réformé de ce chef, le syndicat conservant d'autre part la faculté de saisir le juge de l'exécution afin qu'il soit fixé une nouvelle astreinte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, excepté quant au montant des dommages-intérêts alloués au syndicat des copropriétaires,

Statuant à nouveau de ce chef, condamne Monsieur [K] [G] à payer au syndicat la somme de 5.000 euros,

Y ajoutant, condamne l'appelant aux dépens de la présente instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l'intimé.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT