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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 juin 2024, n° 22/16329

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Garage de Baleone (SARL)

Défendeur :

Groupe la Centrale (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohee

Avocats :

Me Bernabe, Me Kong Thong, Me Dionisi

TJ Paris 3e, du 2 août 2022, n° 21/15509

2 août 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Groupe La Centrale (La Centrale) est spécialisée dans la diffusion de petites annonces en ligne de ventes de véhicules d'occasion, qui étaient diffusées à partir de 1969 par un journal hebdomadaire « La Centrale des Particuliers ». Elle édite depuis 1999 le site internet de publication d'annonces automobiles d'occasion lacentrale.fr qui comptabilise plus de 6 millions de visiteurs par mois.

Elle est titulaire des marques suivantes :

- la marque verbale française « La Centrale » n°3036751 (751) déposée le 23 juin 2000 et enregistrée pour désigner divers produits et services, et notamment « journaux et périodiques, en particulier journaux et périodiques de petites annonces permettant la mise en relation de personnes concernant l'acquisition et/ou la transmission de biens mobiliers et/ou immobiliers » ;« publicité en particulier conseils en publicité, publicité en ligne sur un réseau de communications informatiques, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, diffusion d'annonces publicitaires en ligne sur un réseau de communications informatiques », « publication de textes publicitaires sur tout moyen de communication », « rédaction d'annonces et/ou de textes publicitaires », « vente aux enchères » ; « finances en particulier services de financement de crédit » ; « publication de textes et messages autres que des textes publicitaires sur tout support » ; « télécommunications en particulier communications téléphoniques transmission d'informations contenues dans des banques de données, transmission de messages et d'images assistées par ordinateur, communication par terminaux d'ordinateurs » ;

- la marque verbale de l'Union européenne « La Centrale » n°001919182 (182) déposée le 24 octobre 2000 pour désigner divers produits et services en classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42 ;

- la marque semi-figurative « La Centrale » (en capitales blanches sur fond rouge) n°99801180 (180) déposée le 5 juillet 1999 pour désigner divers produits et services et notamment « publicité ; services de télécommunication, y compris communication télématique, transmission d'informations contenues dans des banques de données, transmission de messages et d'images assistée par ordinateur ; édition de textes ou de messages ; Conseils techniques et renseignements juridiques pour particuliers ».

La société La Centrale, reprochant à la société Le Garage de la Centrale, devenue aujourd'hui la société Le Garage de Baleone, d'exercer son activité de commerce de détail de véhicules automobiles sous la dénomination sociale « Le Garage de La Centrale » et d'utiliser cette dénomination, tant sur son enseigne physique que sur Facebook et Instagram, pour désigner ses services de réparation et de vente de véhicules, après lui avoir adressé en vain des mises en demeure de cesser les usages litigieux, l'a assignée en contrefaçon et concurrence déloyale le 8 décembre 2021.

Par jugement réputé contradictoire, rendu le 2 août 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris :

- a condamné la société Le Garage de la Centrale à payer 15 000 euros à la société Groupe La Centrale en réparation de son préjudice causé par la contrefaçon de ses marques françaises n°3036751 et n°99801180, et de l'Union européenne n°001919182 ;

- lui a enjoint de cesser l'usage de tout signe distinctif contenant les termes « la centrale », y compris à titre de dénomination sociale, de nom commercial, et d'enseigne, et ce dans un délai de 60 jours passé la signification du jugement, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ;

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;

- a rejeté la demande en publication ;

- a rejeté la demande en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ;

- a condamné la société Le Garage de la Centrale aux dépens ainsi qu'à payer 5 000 euros à la société Groupe la Centrale au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Le Garage de Baleone, anciennement Le Garage de La Centrale, a interjeté appel de ce jugement le 19 septembre 2022.

Dans ses uniques conclusions, transmises le 13 décembre 2022, Le Garage de Baleone demande à la cour de :

Au principal,

- réformer la décision entreprise ;

- dire et juger que les conditions cumulatives de la contrefaçon à la marque renommée ne sont pas réunies ;

- débouter en conséquence l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement,

- réduire en de larges proportions les dommages et intérêts alloués en 1ère instance ;

- condamner la Société Groupe la Centrale au paiement de la somme de 2.413€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 6 mars 2023, la société Groupe La Centrale, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- déclarer la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale mal fondée en son appel au principal, l'en débouter et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- recevoir la société La Centrale bien fondée en son appel incident et y faisant droit :

- confirmer le jugement du 2 août 2022 en ce qu'il a :

jugé que la société Le Garage de La Centrale avait commis des actes de contrefaçon de marques en raison de l'atteinte portée au caractère distinctif et au profit indûment tiré de la renommée des marques françaises n°3036751 et n°99801180, et de l'Union européenne n°001919182 dont la société La Centrale est titulaire.

condamné la société Le Garage de La Centrale à cesser l'usage de tout signe distinctif contenant les termes « la centrale », y-compris à titre de dénomination sociale, de nom commercial, et d'enseigne, et ce dans un délai de 60 jours passé la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 300 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours.

condamné la société Le Garage de La Centrale à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon des marques françaises n°3036751 et n°99801180, et de l'Union européenne n°001919182 ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

sur le quantum en ce qu'il a condamné la société Le Garage de La Centrale à payer la somme de 15 000 € au titre de la contrefaçon et à 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire au motif que la société La Centrale a échoué à démontrer un préjudice distinct qui n'aurait pas déjà été indemnisé par la réparation du dommage causé par la contrefaçon et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 € pour le préjudice subi

rejeté la demande de publication de la société La Centrale.

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

Sur la contrefaçon de marque

- juger qu'en reproduisant et/ou imitant la marque verbale française La Centrale n° 3036751, la marque verbale de l'Union Européenne La Centrale n° 001919182 et la marque française n°99801180, la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale a porté atteinte à la renommée de ces marques et commis des actes de contrefaçon de marques au préjudice de la société La Centrale

En conséquence,

- condamner la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale à payer à la société La Centrale la somme de 30.000 €, sauf à parfaire, en réparation du préjudice commercial subi au titre de la contrefaçon

- condamner la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale à payer à la société La Centrale la somme de 20.000€, en réparation du préjudice moral subi au titre de la contrefaçon

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

- juger qu'en exploitant des signes reproduisant et/ou imitant le nom commercial, l'enseigne et les noms de domaine La Centrale, la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société La Centrale

En conséquence,

- condamner en conséquence la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale à payer à la société La Centrale la somme de 30.000€, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi par la société La Centrale au titre de la concurrence déloyale et parasitaire

A titre subsidiaire,

- juger qu'en exploitant des signes reproduisant et/ou imitant la marque verbale française La Centrale n° 3036751, la marque verbale de l'Union Européenne La Centrale n° 001919182 et la marque française n°99801180, la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société La Centrale

- condamner en conséquence la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale à payer à la société La Centrale la somme de 30.000€, sauf à parfaire, en réparation du préjudice commercial subi par la société La Centrale au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

En tout état de cause,

- interdire à la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale la poursuite des actes de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que la reproduction et/ou l'imitation de tout signe reprenant tout ou partie de la marque verbale française La Centrale n° 3036751, de la marque verbale de l'Union Européenne La Centrale n° 001919182 et de la marque française n°99801180, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, en ce compris en tant que dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, en relation avec des services identiques ou similaires à ceux des marques précités, et plus généralement la reproduction des termes La Centrale pour des produits ou services ayant trait au secteur automobile, et ce, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

- juger que la Cour saisie se réservera la liquidation des astreintes prononcées,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 3 revues ou journaux, au choix de la société La Centrale et aux frais avancés de la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale, à concurrence de 3.000 € H.T par insertion, et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires.

- condamner le société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale à payer à la société La Centrale la somme de 25. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la société Le Garage de Baleone anciennement dénommée Le Garage de La Centrale en tous les dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'huissier pour le constat sur internet du 20 juillet 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la contrefaçon de marques renommées

La société Le Garage de Baleone soutient que les termes « la centrale » sont particulièrement génériques, notamment associés à un garage ; que Le Garage de la Centrale fait usage, avec une calligraphie très différente et avec un logo représentant l'aéroport d'[Localité 4], de la couleur orange ; qu'il est particulièrement rare, pour attirer l'attention de la clientèle d'utiliser des couleurs ternes et que sont préférées les couleurs vives ; que les services de vente de réparation et de vente de véhicule sont distincts ; que Le Garage de la Centrale ne fait de la publicité que pour ses véhicules d'occasion et non de façon générale. Elle estime qu'il n'est pas porté atteinte à la renommée des marques ; que l'atteinte au caractère distinctif n'est pas caractérisée ; qu'elle ne tire aucun profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ; que sa situation financière est obérée.

La société Le Garage de Baleone souligne que l'atteinte est limitée puisque l'audience est localisée en Corse ; qu'elle a d'ores et déjà modifié sa dénomination, et se dénomme Le Garage de Baleone ; que seule une condamnation symbolique serait équitable.

La société La Centrale soutient que les marques qu'elle invoque bénéficie d'une réputation exceptionnelle dans le secteur automobile, et notamment pour la publication en ligne d'annonces de vente de véhicules d'occasion ; que cette renommée a été reconnue par la Cour d'appel de Paris ; que Le Garage de la Centrale reproduit, et sans y avoir été autorisée, les marques renommées de la société La Centrale pour des services de réparation automobile, et de vente de véhicules d'occasion.

La société La Centrale sollicite la réparation de son préjudice moral forfaitaire tenant à la dilution et la banalisation de ses marques à hauteur de 20 000 euros, et la réparation de son préjudice matériel forfaitaire à hauteur de 30 000 euros tenant à la perte de valeur distincte et attractive des marques, et au bénéfice réalisé indûment par Le Garage de la Centrale.

Sur ce,

L'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice ».

En outre, l'article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle dispose « Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :

(')

2° L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;

(')

4° L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;

5° L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;

(') »

Aux termes des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé « droit conféré par la marque de l'Union européenne » :

(')

« 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

(...)

c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. »

En l'espèce, la renommée des marques en cause n'est pas contestée, étant au surplus constaté que c'est par de justes motifs que la cour approuve que le tribunal, après avoir notamment pris connaissance d'un rapport de février 2019 sur la digitalisation du commerce des véhicules d'occasion lequel révèle notamment que le site lacentrale.fr est le deuxième site le plus visité pour la vente de véhicules d'occasion avec 4,2 millions de visiteurs uniques mensuels, a jugé, qu'à la date de ce rapport en février 2019, au regard de l'ancienneté (19 ans) de l'usage de la marque verbale française « La Centrale », de l'intensité de son exploitation dans le secteur de la publication de petites annonces en France, tant en termes relatifs qu'absolus, la marque verbale française La Centrale jouissait d'une forte renommée auprès du grand public, que cette renommée était importante sur l'ensemble du territoire français, qui est une partie substantielle de l'Union européenne de sorte que la marque verbale de l'Union jouissait également d'une renommée, tout comme la marque semi-figurative française qui est exploitée de la même manière.

Le tribunal a ensuite constaté, comme la cour, qu'il résulte, tant d'un procès-verbal d'huissier de justice du 20 juillet 2021, que de la copie d'écran d'une page Facebook, que la société Le Garage de la Centrale, devenue Le Garage de Baleone, fait usage à titre d'enseigne du signe « Garage de la Centrale » en lettres blanches sur fond orange pour des services de mécanique générale c'est à dire de réparation automobile, pour des ventes de véhicules, notamment d'occasion, ainsi que pour désigner un service de vente de véhicules d'occasion, ces points n'étant pas contestés.

S'agissant de la comparaison des signes entre les marques antérieures « La Centrale » et les signes incriminés « Le Garage de La Centrale », la cour considère que tant sur le plan visuel que phonétique, les signes présentent un élément commun « La Centrale » et se distinguent par la présence dans le signe incriminé des termes « Le Garage ». Sur le plan conceptuel, « La Centrale » est une marque renommée évoquant la centralisation de petites annonces notamment de ventes de véhicules d'occasion, et le Garage de La Centrale évoque un garage appartenant à La Centrale, la préposition « de » introduisant un complément du nom signifiant une appartenance ou à tout le moins un lien. Le tribunal en a, en conséquence, justement conclu que les signes incriminés sont très proches des marques verbales La Centrale, et qu'ils le sont également de la marque semi-figurative dès lors que le signe « Le Garage de la Centrale » est exploité en lettres blanches sur fond orange, qui sont des couleurs fortement similaires aux lettres blanches sur fond rouge de la marque semi-figurative française.

Le tribunal a justement considéré que la première partie du signe incriminé « Le Garage de la Centrale » désignant directement le service fourni, l'élément dominant de ce signe est constitué par la deuxième partie à savoir « La Centrale », qui est identique aux marques, et qui n'est pas « générique en ce qu'il est associé à un garage », contrairement à ce qu'affirme sans le démontrer la société Le Garage de Baleone.

Le tribunal a ensuite pertinemment relevé par des motifs que la cour adopte que les marques sont renommées auprès du grand public, et en particulier pour des services de diffusion d'annonces (marques verbales) et d'édition de messages (marque figurative) en lien avec la vente de véhicules d'occasion, pour lequel le signe litigieux est exploité, de sorte que ce public est d'autant plus susceptible d'associer aux marques La Centrale le signe incriminé « Le Garage de La Centrale », et en a justement conclu que malgré l'absence de similitude entre les services de réparation et de vente de véhicules et les services pour lesquels les marques sont enregistrées, il résulte de la renommée de celles-ci auprès du grand public, notamment dans le domaine de l'automobile, de la forte similitude entre les marques et le signe en cause, que le public établira un lien entre eux.

Le tribunal doit également être approuvé en ce qu'il a jugé par des motifs que la cour adopte que par les usages précités, non autorisés par le titulaire de la marque, la société Le Garage de la Centrale, devenue Garage de Baléone, s'associe à la renommée des marques, dont elle revendique implicitement être une déclinaison, et qu'elle profite ainsi de leur renommée, outre que ces usages portent une atteinte au caractère distinctif des marques par l'impression donnée au public que la marque La Centrale s'étend à une activité de garage ou a conclu un partenariat avec un garage. Les faits de contrefaçon de marques renommées sont dès lors caractérisés. Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

La société La Centrale a subi un préjudice moral du fait de la banalisation de ses marques. Elle ne justifie pas d'un préjudice distinct au titre de la baisse de la valeur patrimoniale de ses marques. Elle invoque enfin les bénéfices réalisés par la société Le Garage de La Centrale sans que soit produit aucun élément de ce chef.

Au vu de ces éléments appréciés distinctement, et en tenant compte de ce que les atteintes ont été principalement commises sur la région limitée de Corse, et qu'il n'est pas contesté que l'appelante a modifié son enseigne et sa dénomination sociale, il y a lieu d'allouer la somme de 10 000 euros en réparation des atteintes. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

La mesure d'interdiction prononcée sera confirmée, sans qu'il y ait lieu de renouveler l'astreinte, tout comme le rejet de la demande de publication qui n'est pas nécessaire au vu des faits de la cause.

Sur les faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire

La société La Centrale se prévaut d'abord d'une atteinte à ses noms de domaine dont elle est titulaire, lacentrale.fr et lacentrale.com, enregistrés les 22 août 1996 et 17 janvier 1997, dûment renouvelés et exploités bien avant la création de la société Le Garage de la Centrale. Elle fait valoir que la reproduction des termes « La Centrale » pour des activités de garage et de vente de détail d'équipements automobiles crée incontestablement un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs. Elle se prévaut également d'une atteinte au nom commercial et à l'enseigne antérieure en ce que le signe « La Centrale » bénéficie d'une forte valeur économique, distincte de celle des marques invoquées.

Elle ajoute être leader dans la publication d'annonces dans le secteur automobiles, qu'une part significative de son budget est investie dans la communication en faveur de ses activités et que la société Le Garage de la Centrale a commis des actes de parasitisme en utilisant sciemment les termes « La Centrale » pour des activités dans le secteur automobile afin de bénéficier à moindre coût et de manière injustifiée de ses investissements.

Elle sollicite la somme de 30 000 euros en réparation de ses préjudices, notamment d'un préjudice moral.

Sur ce,

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

L'action en concurrence déloyale et parasitaire peut être exercée concurremment à l'action en contrefaçon. Mais pour être accueillies, les demandes complémentaires au titre d'une concurrence déloyale ou de parasitisme doivent être assises sur des actes ou des fautes distincts de ceux constituant une contrefaçon.

La caractérisation d'une faute de concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel (Cass., Com., 8 juin 2020 18-17.169) alors que la faute de parasitisme est intentionnelle en ce qu'elle résulte de la volonté de se placer dans le sillage d'un concurrent pour profiter de sa notoriété, sans rien dépenser (Cass., Com. 7 avril 2009, n 07-21.395).

En l'espèce, la société La Centrale a fait enregistrer les 22 août 1996 et 17 janvier 1997 les noms de domaine lacentrale.fr et lacentrale.com qu'elle exploite. Elle dispose en outre d'un nom commercial et d'une enseigne qu'elle exploite depuis de nombreuses années, et à tout le moins avant 2014, date à laquelle a été créé le Garage de La Centrale. Il est également avéré que l'usage des termes « La Centrale » pour une activité de garage et de vente de détail d'équipements automobiles crée incontestablement un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs, et ce d'autant plus que Le Garage de la Centrale est référencé sur internet ce qui peut avoir pour effet de détourner l'internaute vers le site incriminé, ces actes caractérisant une atteinte aux noms de domaine et au nom commercial caractérisant des fautes distinctes de concurrence déloyale.

Compte tenu du caractère principalement localisé des actes incriminés et des sommes déjà allouées en réparation des préjudices au titre de la contrefaçon, il y a lieu d'évaluer à 1 000 euros le préjudice subi par la société La Centrale au titre de la concurrence déloyale. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale.

En revanche, en l'absence de preuve de tout élément intentionnel de la société Le Garage de La Centrale, devenue Le Garage de Baleone, les demandes fondées sur le parasitisme seront rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris sauf dans le quantum de la somme allouée en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de marques et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Le Garage de Baleone, anciennement dénommé Le Garage de la Centrale, à payer à la société Groupe La Centrale la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de marques et la somme de 1 000 euros au titre de la concurrence déloyale ;

Condamne la société Le Garage de la Centrale aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à condamnation à ce titre.