Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 19 juin 2024, n° 21/03557
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 16 JUIN 2024
(n° 2024/ , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03557 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRXC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°
APPELANTE
Madame [Z] [P]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706
INTIMEE
Association fédération nationale des jardins familiaux et collectifs
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS, toque : G0482
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Stéphane MEYER, président
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [Z] [P] a été engagée par l'Association [10] - Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs (FNJFC), pour une durée indéterminée, en qualité de directrice, par contrat daté du 4 janvier 2016 avec une prise de poste au 11 janvier 2016.
La relation de travail a été régie par la convention collective HLM jusqu'au 1er mars 2016, puis par la convention collective nationale de l'animation à compter de cette date.
Madame [P] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 26 janvier 2018.
Par lettre du 30 janvier 2018, elle a été convoquée pour le 12 février 2018 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 février 2018 pour faute.
Le 13 août 2018, Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- rejeté la demande d'irrecevabilité de la requête et des demandes reconventionnelles et s'est déclaré compétent pour en connaître et statuer,
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la FNJFC à verser à Madame [P] les sommes suivantes :
- 12.027,78 € à titre de rappel de prime sur objectifs
- 1.202,78 € à titre de congés payés afférents
- 15.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
- 1.200 € au titre des frais de procédure
- débouté Madame [P] du surplus de ses demandes,
- débouté la FNJFC de ses demandes reconventionnelles,
- condamné FNJFC aux dépens.
A l'encontre de ce jugement notifié le 16 mars 2021, Madame [P] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 9 avril 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2023, en défense, Madame [P] demande à la cour de :
- Infirmer du jugement déféré, sauf :
- en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- en ce qu'il a condamné la FNJFC à lui verser la somme de 12.027,78 € à titre de rappel de prime sur objectifs et de 1.202,78 € à titre de congé payés afférents,
- Condamner la FNJFC au paiement des sommes suivantes :
A titre principal :
- rappel de salaires : 12.908,91 €,
- congés payés afférents : 1.290,90 €,
- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 30.871 €,
- paiement des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018 : 70.246,56 €,
- congés payés afférents : 7.024,66 €,
- rappel sur l'indemnité de licenciement : 1.088,95 €,
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.008,63 €,
- dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi : 20.000 €,
- frais de procédure : 5.000 €,
A titre subsidiaire :
- paiement des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018 : 64.184,39 €,
- congés payés afférents : 6.418,43 €,
- Débouter la FNJFC de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la FNJFC aux dépens.
Par ordonnance sur incident du 15 juin 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré partiellement irrecevables les conclusions de Madame [P] remises le 19 avril 2023, ainsi que les pièces communiquées au soutien de ces conclusions, en ce qu'elles répondent à l'appel incident formé par la FNJFC.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 décembre 2023, la FNJFC demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable les demandes incidentes de la FNJFC et en ce qu'il s'est déclaré compétent pour en connaître,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de Madame [P] :
- au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail de pour une indemnisation de 15.000 €,
- au titre du préjudice moral pour condition vexatoires de 5.000 €,
- au titre du rappel de salaire sur prime d'objectif de 12.027,78 €, avec intérêt légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,
- au titre des congés payés afférents sur le rappel de salaire de 1.202,78 €,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêt légal à compter du jour du prononcé du jugement,
Statuant de nouveau,
- Débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes et subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter le montant de dommages et intérêts alloués ,
Sur l'appel incident,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes incidentes de la FNJFC,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la FNJFC de ses demandes incidentes,
Statuant de nouveau,
- Condamner Madame [P] pour la violation de son obligation de loyauté en ce qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale à verser 48.500 € de dommages et intérêts à la FNJFC en réparation de son préjudice matériel et financier,
- Condamner Madame [P] à une interdiction d'effectuer pour son propre compte ou pour le compte de l'association Jardin Solidaires et Citoyens toute prestation ou toute activité bénévole ou rémunérée :
- d'étude d'ingénierie sur la création et l'aménagement de jardin à destination collectivités publiques, des bailleurs, des associations ou entreprises de gestion de jardins, en Ile de France, pour une durée de 3 ans à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris,
- de gestion des Jardins ou de captation d'un site à ce jour adhérent de la FNJFC pour une durée de 3 ans à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris,
- Condamner Madame [P] au paiement des sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité et abus de confiance : 2.000 €,
- dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au temps qui n'a pas été consacré à l'employeur : 8.000 €,
En tout état de cause,
- Condamner Madame [P] à lui verser 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la demande de rappel de salaires au titre du coefficient applicable et les congés payés afférents
L'article L2254-1 du code du travail précise que les clauses d'une convention collective s'appliquent à l'employeur qui y est rattaché.
Les minimas salariaux, fixés et actualisés par une convention collective au regard des classifications des emplois, constituent une clause de ladite convention. Ainsi, la rémunération des salariés ne peut être inférieure au salaire minimum conventionnel.
Madame [P] fait valoir qu'elle a perçu des salaires inférieurs aux minima conventionnels prévus par les conventions collectives applicables et sollicite des rappels de salaire à ce titre, ce que conteste la FNJFC.
- Sur le respect des minima conventionnels de la convention collective des sociétés et fondations HLM, applicable du 11 janvier 2016 jusqu'au 28 février 2016 :
Les minimas fixés par la convention collective pour la classification G9 déterminée au contrat de travail sont de 4.583 € par mois ou 60.368,50 € par an. La convention collective précise que pour tenir compte de la diversité des modes de rémunération observés, le respect des rémunérations minimales s'appréciera, soit mois par mois au regard du barème mensuel, soit en fin d'année au regard du barème annuel, selon que le fractionnement de la rémunération est strictement identique aux dispositions conventionnelles nationales (barème mensuel), ou qu'il est propre à l'entreprise dans des conditions relevant de l'usage. ou résultant d'un accord ou d'une convention d'entreprise (barème annuel). Pour un même salarié, l'employeur sera donc réputé avoir respecté son obligation de rémunération minimale garantie dès lors qu'il aura versé l'un (barème mensuel) ou l'autre (barème annuel) des montants correspondants à la catégorie de rattachement de ce salarié. Les rémunérations du barème annuel s'entendent y compris la gratification de fin d'année, la prime de vacances, tout avantage en nature et toutes autres primes ou gratifications contractuelles ayant un triple caractère de fixité, de généralité et de constance, mais hors la nouvelle prime d'ancienneté. Les rémunérations du barème mensuel s'entendent y compris tout avantage en nature et toutes autres primes ou gratifications contractuelles ayant un triple caractère de fixité, de généralité et de constance, mais hors la nouvelle prime d'ancienneté.
Madame [P] s'est vue appliquer sur ses deux premiers mois de travail soumis à la convention collective HLM un salaire de base de 4.100 € bruts par mois, au prorata de son temps de présence pour le mois de janvier. Elle a en outre perçu les sommes de 341,67 € à titre du prorata de la prime de vacances due en 2016 et de 683,33 € à titre de prorata du 13e mois, soit un total de 1.025 € en plus de son salaire de base sur les mois de janvier et février 2016. Au regard de l'ensemble des sommes perçues relativement à ces deux mois, le minimum conventionnel mensuel a été respecté, et aucun rappel de salaire n'est dû sur cette période.
- Sur le respect des minima conventionnels de la convention collective de l'animation
Les minimas conventionnels pour la catégorie de la salariée sont les suivants :
- du 1er mars 2016 au 31 décembre 2016 : 4.614€, soit un delta de 9 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er janvier 2017 au 31 août 2017 : 4.652,45 € soit un delta de 315,60 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2017 : 4.683,21 € soit un delta de 280,84 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er janvier 2018 au 26 mai 2018 4721,66 €, le salaire de la salariée étant alignée sur le minima conventionnel.
La salariée a perçu une somme de 606,44 € à titre de régularisation salariale en décembre 2017 pour la période du 1er mars 2016 au 31 décembre 2017, ce qui vient couvrir le total des sommes qui auraient dû lui être versées, d'un montant de 605,44 € (9+315,60+280,84).
Au regard de ce qui précède, aucune somme n'est due à Madame [P] à titre de rappels de salaires au regard des minima conventionnels, et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à ce titre.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
En l'espèce, Madame [P] fait valoir qu'alors que son contrat indique une prise de poste au 11 janvier 2016, elle a en réalité commencé à travailler dès le 4 janvier 2016, sans être déclarée ni payée pour ce faire, car son employeur souhaitait bénéficier pour son embauche d'une aide réservée à l'emploi de chômage de longue durée, ce qui supposait qu'elle atteigne une année de chômage.
L'employeur le conteste.
A l'appui de ses dires, la salariée produit :
- une attestation d'une collègue Madame [J], qui indique que la salariée est arrivée le 4 janvier 2016 au sein de l'association,
- un courriel adressé par le président aux administrateurs mentionnant qu'elle prendrait ses fonctions le 4 janvier 2016,
- des échanges de mails intervenus entre le 5 et le 8 janvier 2016.
La cour relève toutefois que pour justifier d'un travail effectif entre le mercredi 4 et vendredi 8 janvier 2016, la salariée produit quatre brefs échanges de mails, qui relèvent de la préparation de sa prise de fonctions le 11 janvier suivant (information de Madame [P] sur les accès internet, transmission à celle-ci d'un tableau de gestion, sans retour de sa part, détermination d'un rendez-vous le 18 janvier, information sur l'ordre du jour d'un bureau du 12 janvier).
Ces éléments sont insuffisants pour démontrer la réalisation d'un travail effectif sur cette période.
S'agissant du mail du président et de l'attestation de Madame [J], ils sont, à défaut de démonstration d'un travail réalisé, insuffisants à démontrer l'existence d'un travail dissimulé, dès lors que la date d'arrivée a pu être modifiée entre l'annonce faite et la concrétisation de l'embauche de Madame [P].
A défaut pour la salariée de démontrer l'existence d'un travail et la volonté d'une dissimulation, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté Madame [P] de sa demande d'indemnisation à ce titre.
Sur le rappel de prime sur objectifs et les congés payés afférents
Lorsque le contrat de travail prévoit une prime annuelle sur objectif, l'employeur doit fixer annuellement les objectifs à atteindre et les porter à la connaissance du salarié. Il doit justifier au salarié des conditions de calcul de sa prime annuelle.
En l'absence de ces éléments, il appartient au juge de fixer le montant de la prime sur objectifs en fonction de critères réalistes.
Faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la prime sur objectifs est due au salarié dans son intégralité.
La prime annuelle sur objectifs est due au prorata du temps de présence du salarié lorsque celui-ci quitte l'entreprise en cours d'année.
En l'espèce, le contrat de travail de Madame [P] prévoit en son article 4 alinéa 2 : " une prime d'objectif d'un montant maximum de 5.000 € pourra être attribuée en fonction de la bonne exécution des missions de la fonction et des résultats des missions confiées ". Les objectifs devaient être fixés chaque année en octobre.
Pour l'année 2016, le contrat précisait les objectifs à atteindre :
- changement de la convention collective vers celle du loisir - échéance : juin 2016
- réorganisation et restructuration de la FNJFC - échéance : juin 2016
- plan de communication à 5 ans - échéance : novembre 2016
- plan stratégique de recherche de subventions selon les niveaux - échéance : novembre 2016.
L'employeur fait valoir qu'à l'exception du changement de la convention collective, aucune des missions assignées en 2016 n'a été réalisée par Madame [P]. Cette dernière produit :
- sur l'objectif de réorganisation et restructuration : un document volumineux sur les " constats et perspectives " d'organisation, qu'elle a présenté en mars 2016 au conseil d'administration ; l'employeur n'explique pas pour quelles raisons cette étude ne répond pas aux objectifs fixés ;
- sur l'objectif de communication et de recherche de subventions, la salariée ne produit aucun élément démontrant qu'elle aurait rempli ses objectifs.
Au regard de ces éléments, la salariée a partiellement rempli ses objectifs pour l'année 2016, ce qui justifiait l'attribution d'une somme de 2.500 € à ce titre, alors qu'elle n'a rien perçu.
Pour les années 2017 et 2018, l'employeur ne justifie pas avoir fixé des objectifs à la salariée. La totalité de la prime doit donc lui être allouée, au prorata de son temps de présence pour 2018, soit 5.000 € pour 2017 et 2.084 € pour 2018.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner la FNJFC à verser à la salariée la somme de 9.584 € (2.500+5.000+2.084) à titre de rappel de primes sur objectifs outre 958,40 € de congés payés afférents.
Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents
- Sur l'existence d'une convention de forfait et sa validité
La salariée fait valoir que la convention de forfait prévue à son contrat de travail est nulle ou lui est inopposable, à défaut d'avoir été rendue possible par la convention collective HLM, et à défaut pour l'employeur d'avoir tenu les entretiens obligatoires relatifs à la charge de travail.
L'employeur soutient que la salariée était cadre dirigeante et qu'elle n'était donc pas soumise à un horaire de travail ou à une convention de forfait.
En vertu de l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ; qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ; et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les critères visés à l'article L. 3111-2 du code du travail sont cumulatifs, et seuls relèvent de la catégorie de cadre dirigeant ceux qui participent à la direction de l'entreprise.
Les cadres dirigeants échappent à la législation relative à la durée du travail. Ils ne peuvent prétendre ni au paiement d'heures supplémentaires ni au paiement de contrepartie d'astreinte, sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail de Madame [P] que celle-ci, bien que bénéficiant d'une certaine autonomie en sa qualité de directrice, exerçait ses fonctions " sous l'autorité et selon les directives du conseil d'administration de la FNJFC représenté par son président, assisté d'un bureau " et qu'elle devait " rendre compte de son activité au président de façon régulière ainsi qu'au conseil d'administration ".
Il lui est d'ailleurs reproché dans le cadre du licenciement de ne pas avoir suffisamment rendu compte et informé de son activité la présidence et le conseil d'administration.
Il en ressort qu'elle occupait des fonctions de gestion à haut niveau, mais non de direction de l'association, dont elle ne définissait pas la politique et pour laquelle elle ne prenait aucune décision importante. Elle travaillait sous l'autorité de la présidence et devait rendre compte régulièrement.
Au regard de ces éléments, ses fonctions ne répondaient pas à celles d'une cadre dirigeante au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail.
Par ailleurs, son contrat indique qu'elle effectuait son activité " dans le cadre d'un temps de travail aménagé sous forme de travail aménagé sous forme d'un forfait annuel jours égal à 214 jours par année civile ", avec récupération en cas de dépassement de ce forfait. Le contrat explicitait qu'il s'agissait d'une " convention de forfait ". Les dispositions contractuelles contredisent donc la version de l'employeur. En outre, le choix d'une convention de forfait annuel en jours exclut la qualification de cadre dirigeant.
Au regard de ces éléments, la salariée n'avait pas le statut de cadre dirigeant et était soumise en vertu de son contrat de travail à une convention de forfait en jours.
Il ressort des dispositions de l'article L. 3121-63 du code du travail que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.
Plus spécifiquement, le défaut de tenue des entretiens spécifiques portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié, entraîne l'inopposabilité de la convention de forfait au salarié.
En l'espèce, Madame [P] n'a bénéficié d'aucun entretien portant sur sa charge de travail.
La convention de forfait lui est donc inopposable.
- Sur la demande au titre des heures supplémentaires
La suspension des effets du forfait autorise le salarié à réclamer, s'il y a lieu, le paiement d'heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En l'espèce, Madame [P] fait état d'un fort investissement dans la gestion quotidienne de la structure, et indique avoir dû, dès sa prise de fonction, résorber d'importants retards dans la gestion des dossiers, mettre en 'uvre toutes les actions permettant de résorber le déficit financier de la structure, répondre aux attentes du conseil d'administration et s'adapter au turn-over des présidents (quatre changements en moins de deux ans).
A l'appui de ses dires, elle produit :
- des attestations de deux collègues confirmant son fort investissement, Madame [J] et Madame [H],
- des échanges de mails notamment le soir et le week-end,
- son agenda professionnel électronique, faisant état de nombreux dépassements des 35 heures par semaine,
- le cumul des jours supplémentaires dépassant son forfait de 214 jours par an, qui apparaît sur ses bulletins de paie, soit 65 jours supplémentaires au 31 décembre 2016 et 45 jours supplémentaires au 31 décembre 2017,
- un tableau détaillé qu'elle indique avoir réalisé notamment à partir de son agenda électronique qui fait apparaître :
- 490,5 heures supplémentaires au titre de l'année 2016,
- 453,5 heures supplémentaires au titre de l'année 2017,
- 31 heures supplémentaires au titre de l'année 2018.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de les contester utilement.
La FNJF réplique que les éléments présentés par la salariée sont erronés, mais ne produit aucune pièce de nature à déterminer les horaires effectivement réalisés par celle-ci.
Elle a cependant fait réaliser un constat d'huissier sur l'agenda électronique de la salariée qui démontre que des modifications ont été opérées sur celui-ci après la notification de son licenciement à la salariée, ce qui introduit un doute sur le caractère pleinement probatoire de celui-ci.
Toutefois, l'ensemble des autres éléments produits par la salariée et l'absence de réponse précise de l'employeur sur les horaires accomplis par celle-ci permet de déterminer qu'elle a réalisé des heures supplémentaires à hauteur de sa demande subsidiaire de 64.184,43 € outre 6.418,43 € de congés payés afférents.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner la FNJFC à verser à Madame [P] les sommes ci-dessus déterminées.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 21 février 2018, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, fait état des griefs suivants :
1. Sur la non information sur les heures supplémentaires effectuées par le personnel en 2016, l'absence de suivi et de justificatifs de ces heures, la non communication de ces éléments au cabinet comptable et au commissaire aux comptes, le montant non provisionné sur les comptes 2016.
Madame [P] avait pour mission de prendre en charge le suivi et le contrôle mensuels des heures réalisées par ses collaborateurs. Elle produit, à titre d'exemples, le document de suivi des heures supplémentaires de Madame [X] au 31 décembre 2016 et le document de suivi du temps de travail au 31 décembre 2016, ainsi que des mails de juillet et décembre 2017 alertant sur la réalisation d'un grand nombre d'heures complémentaires de certains salariés.
La présidente reproche à Madame [P] que les heures supplémentaires réalisées sur 2016 n'aient pas été provisionnées dans le bilan financier. Toutefois, la décision de procéder à des provisions de ce type relèvent de la stratégie financière de la structure et doit être votée par le conseil d'administration, et non mis en 'uvre par la directrice seule de sa propre initiative.
Au regard de ces éléments, les griefs ne sont pas établis.
2. Sur l'embauche en janvier 2017 sans validation du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] d'avoir procédé à l'embauche de la responsable d'animation sans l'aval du conseil d'administration.
Madame [P] justifie toutefois avoir adressé le profil du poste par mail du 15 novembre 2016 à l'ensemble des administrateurs avec le projet d'embauche, et indique que le président par intérim avait approuvé l'embauche. L'employeur ne verse au débat aucune pièce pour démontrer qu'il n'avait pas été informé de l'embauche ou s'y serait opposé, telle que le contrat de travail, qui est en principe signé du président de l'association, ou une réponse au mail de la directrice du 15 novembre 2016.
Ce grief est par conséquent infondé.
3. Sur la non communication à la présidente de l'état des congés payés et des RTT du personnel malgré sa demande
Le rapport d'audit social réalisé à la demande du conseil d'administration par l'ADDEL en février 2017 indique que "le suivi mis en place permet de retracer les arrêts maladie, les congés maternité ainsi que les dépôts de congés payés" et salue le travail réalisé en constatant que "la FNJFC a mis en place une réelle politique de gestion des ressources humaines afin de satisfaire aux obligations employeur qui reposent sur elle".
L'employeur ne verse pas de pièces de nature à contredire ces constatations.
Ce grief ne peut constituer un motif de licenciement.
4. Sur le travail à domicile d'une salariée sans autorisation et sans convention
Il est reproché à Madame [P] d'avoir accordé deux jours hebdomadaires de télétravail à la responsable comptable à compter du 31 octobre 2017 et jusqu'au 15 février 2018.
Il ressort des pièces versées qu'elle s'était conformée aux préconisations du médecin du travail en date du 27 octobre 2017, puis du 17 janvier 2018. Elle n'a pas établi de convention mais a formalisé les horaires et jours de télétravail par un échange de mails.
S'agissant d'une mesure provisoire visant à préserver la santé de la salariée et suivre les préconisations du médecin du travail, le dispositif mis en place ne peut constituer un motif de licenciement.
5. Sur la non-communication à la présidente et à la trésorière des éléments nécessaires au fonctionnement et au suivi des comptes bancaires
Par mails des 2 et 3 mai 2017, Madame [P] a sollicité la banque de l'association afin que la présidente et la trésorière, nouvellement nommées, puissent bénéficier de l'accès internet au suivi et au fonctionnement des comptes bancaires.
Il lui est reproché de ne pas s'être assurée de l'effectivité de cet accès. Néanmoins, dans la mesure où elle avait accompli les démarches nécessaires et où elle n'avait pas reçu de réclamation des intéressées par la suite, il ne peut être retenu que l'absence de mise en 'uvre effective de l'accès est fautif.
6. Sur le suivi de trésorerie non fait et non communiqué malgré la demande répétée de la trésorière et du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] de n'avoir ni réalisé ni communiqué de suivi de trésorerie.
Toutefois, dès lors que la comptabilité a pu être mise à jour, grâce à l'embauche d'un assistant comptable permettant de résorber d'importants retards antérieurs à son arrivée, Madame [P] a pu adresser à la trésorière par mails des 16 octobre 2017, 21 novembre 2017 et du 5 janvier 2018, un suivi de trésorerie mensuel détaillé en réponse à ses attentes formulées au conseil d'administration de juin 2017.
La trésorière avait d'ailleurs exprimé sa satisfaction par mail du 17 octobre 2017.
Antérieurement à cette demande, Madame [P] indique avoir communiqué à chaque conseil d'administration un point actualisé sur les finances de la structure, ce que l'employeur ne contredit pas ni dans ses écritures, ni par la production de pièces l'infirmant.
Ce grief ne saurait par conséquent constituer un motif valable de son licenciement.
7. Sur la non transmission des actes juridiques nécessaires au suivi des dossiers fonciers en cours
L'employeur a reproché à Madame [P] de n'avoir pas transmis l'acte de propriété du terrain de [Localité 12] à [Localité 11] au cabinet d'avocats chargé de ce dossier. Toutefois, elle produit un courriel d'envoi de ces éléments du 15 décembre 2017, lesquels ont pu compléter le mémoire en réplique adressé au tribunal administratif de Marseille en date du 8 janvier 2018.
Il est également reproché à Madame [P] de ne pas avoir communiqué au notaire la valorisation de deux terrains propriétés de la FNJFC, situés à [Localité 5] et à [Localité 8]. Toutefois, celle-ci démontre avoir saisi les services départementaux des domaines en date du 29 décembre 2017 et du 18 janvier 2018.
Ce grief est donc infondé.
8. Sur l'absence d'organisation d'un accueil téléphonique efficace malgré les demandes répétées du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] de ne pas avoir organisé un accueil téléphonique efficace.
Celle-ci fait valoir que l'embauche d'un salarié dédié à l'accueil téléphonique n'a pu être envisagée en raison de la maîtrise des dépenses de la structure, et justifie avoir proposé une réorganisation des services traitant notamment de cette question à partir des moyens humains dont elle disposait, mise en 'uvre dès novembre 2016 après validation du conseil d'administration.
Les conclusions de l'audit organisationnel réalisé par l'ADDEL confirment " l'impossibilité pour les salariés d'effectuer les différentes tâches qui leur incombent tout en répondant au téléphone" et précisent que "si un salarié devait répondre à tous les appels externes, il serait dérangé très régulièrement ce qui nuirait à sa productivité. Pour continuer à pouvoir assurer une cadence de travail convenable, l'équipe a privilégié de ne pas répondre systématiquement au téléphone. Elle prend les messages et rappelle les appels les plus importants ".
Au regard de ces éléments et dans un contexte de maîtrise des coûts, l'employeur ne justifie pas d'une faute de la salariée.
9. Sur les dossiers d'adhérents non suivis : absence de réponse aux courriers et mails
Il a été reproché à Madame [P] de ne pas avoir géré les dossiers suivants :
- litige entre Monsieur [S] et les membres du bureau du comité local de [Localité 4],
- mécontentement des responsables du comité local de [Localité 7] relatif à la mise en place de la redevance d'occupation des terrains de la FNJFC,
- demande de remboursement de dépôt de garantie de Monsieur [E], démissionnaire du site [Localité 6].
S'agissant du litige avec Monsieur [S], la procédure de règlement des conflits mise en place par le bureau en 2016 a été appliquée par Madame [P].
S'agissant du comité local de [Localité 7], le litige portait sur la mise en place en 2016, par le conseil d'administration d'une redevance de 0,05 euro par m2 pour l'usage des terrains appartenant à la FNJFC, qui avait généré plusieurs contestations au niveau national. Madame [P] justifie être intervenue en lien avec le conseil d'administration.
S'agissant de la restitution du dépôt de garantie à Madame [N] épouse [E]), il a subi un retard de 12 jours, et des excuses ont été présentées à l'adhérente démissionnaire. Ce seul fait ne peut donc être considéré comme constituant une faute justifiant le licenciement.
Au regard de ces éléments et des justifications d'intervention de Madame [P], l'employeur ne démontre pas l'existence d'une faute justifiant un licenciement.
10. Sur la non-transmission d'informations à la présidente des éléments concernant les litiges des structures adhérentes
Il a été reproché à Madame [P] de ne pas avoir informé la présidente d'un différend au sein du comité local de [Localité 13].
Toutefois, il est justifié par la salariée que celui-ci avait déjà été abordé en réunion du conseil d'administration du 13 septembre 2016, réunion à laquelle la présidente avait assisté en qualité d'administratrice. La présidente avait également été informée de la poursuite du litige en novembre 2017 car les protagonistes avaient saisi le conseil d'administration.
Dans la mesure où la présidente était informée de ce litige et où le conseil d'administration qui est un organe central dans le fonctionnement de l'association en avait été informé, il importait peu que la directrice n'ait pas procédé elle-même à cette information. L'association ne démontre pas quel préjudice cela lui a causé que la présidente ne soit pas informée directement par la directrice, qui n'est pas le seul vecteur d'information de la fondation.
Ce grief n'est donc pas établi.
11. Sur le contact non pris avec la compagnie d'assurance, situation ayant conduit à la perte d'adhérents
L'employeur reproche à Madame [P] de ne pas avoir pris contact avec MAIF, assureur de la structure et de ses adhérents, en vue de discuter des modalités des contrats.
Celle-ci produit toutefois de nombreux échanges de mails avec la chargée des contrats d'assurance pour les associations, qui démontrent des contacts réguliers avec l'assureur au sujet des contrats. L'employeur ne démontre pas que ces contacts ou leur objet étaient insuffisants au regard des instructions données à la salariée.
Ce grief est donc infondé.
En considération de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
- Sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement :
L'indemnité de licenciement perçue par Madame [P], soit la somme de 2.969,35 €, a été calculée sur la base d'un salaire de référence ne comprenant pas le rappel au titre des heures supplémentaires et de la prime d'objectif.
La salariée est par conséquent bien fondée à réclamer un rappel d'indemnité de licenciement à hauteur de 900 €.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point, et l'employeur condamné à verser cette somme à la salariée.
- Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Madame [P] justifie de deux années d'ancienneté et l'entreprise emploie habituellement plus de 11 salariés.
En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel de 4.900 € bruts.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, elle est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire, soit entre 14.700 € et 17.150 €.
Au moment de la rupture, elle était âgée de 51 ans et elle justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'au 1er septembre 2020. Elle expose avoir retrouvé un emploi pérenne en octobre 2021.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, le conseil de prud'hommes a procédé à une exacte appréciation du préjudice en fixant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 15.000 €.
La décision sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral
- Sur le non-respect de l'obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi
La salariée fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi, telle que définie par l'article L1222-1 du code du travail, car elle a dû faire face à une charge de travail particulièrement importante, avec des sollicitations le soir et le week-end, ou pendant ses congés, ce qui a conduit à un épuisement au travail et une dégradation de son état de santé, ainsi qu'en atteste son arrêt de travail de six semaines en janvier-février 2018.
Si la salariée a effectivement réalisé des heures supplémentaires dont elle est rémunérée dans le cadre de la présente décision, elle ne démontre pas qu'au regard de ses fonctions de directrice, son temps de travail ait été excessif. En revanche, elle justifie de sollicitations le soir, le week-end ou pendant ses congés, ce qui constitue un mode anormal de fonctionnement dès lors que la nécessité de tels contacts n'est pas établie par l'employeur, de nature à perturber la vie personnelle de la salariée, et donc un préjudice.
Elle ajoute que l'employeur n'a pas respecté les minima salariaux, ne lui a pas communiqué sa fiche de poste, et l'a privée d'une délégation de pouvoir. Toutefois, s'agissant des minima salariaux, il est jugé par le présent arrêt qu'aucune somme n'est due à la salariée. Ses missions étaient par ailleurs décrites dans son contrat de travail, et elle ne démontre pas qu'elle n'a pas été mise en mesure d'exercer normalement ses fonctions au regard des délégations accordées ou non.
- Sur les circonstances vexatoires du licenciement
Le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.
En l'espèce, la salariée a été privée dès le 12 février 2018, date de son entretien préalable, de la procuration dont elle disposait auprès de l'établissement bancaire de son employeur, alors que son licenciement ne lui a été notifié que le 21 février 2018, ce qui ne lui permettait plus d'exercer normalement ses fonctions. Elle a ensuite été dispensée d'exécution de son préavis, ce qui l'a amenée à un départ rapide de l'association, laissant penser à une difficulté grave s'agissant de l'exercice de ses fonctions. Elle n'a ainsi pu réaliser aucune communication à direction des partenaires et des adhérents à l'occasion de son départ.
Ces circonstances du licenciement sont vexatoires et justifient une indemnisation de la salariée.
Le préjudice moral de celle-ci au regard de ces éléments sera évalué à 2.000 €.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral.
Sur les demandes de l'employeur au titre de la violation de son obligation de loyauté
Madame [P] est irrecevable à conclure sur cette demande relevant de l'appel incident de la FNJFC. Elle est réputée adopter sur ce point les motifs du jugement.
En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Pendant l'exécution du contrat, l'obligation de loyauté impose au salarié de ne pas commettre d'agissements susceptibles de porter préjudice à son employeur.
Après la fin du contrat, en l'absence de clause de non-concurrence, le salarié qui n'est plus dans les liens d'un contrat de travail retrouve sa liberté de travail. Le salarié doit toutefois s'abstenir de tout acte de concurrence déloyale sous peine de sanctions.
La FNJFC fait valoir que Madame [P] a violé son obligation de loyauté car :
- elle a participé à la création d'une association concurrente " Jardins solidaires et citoyens " dès le 29 décembre 2017 alors qu'elle était encore salariée de la FNJFC ;
- elle travaille pour cette association concurrente tout en n'étant pas claire sur ses liens avec la FNJFC ;
- elle a capté des adhérents de la FNJFC et des informations confidentielles qui sont utilisées au profit de l'association concurrente ;
- elle a recruté une ancienne salariée de la FNJFC.
La cour relève à titre préalable que la salariée n'était pas liée par une clause de non-concurrence et qu'elle était donc libre, après la fin de son contrat de travail, de travailler pour une association ou une entreprise concurrente, dès lors qu'elle n'adoptait pas de comportement déloyal vis-à-vis de son ancien employeur.
La fédération reproche à la salariée la création d'une association concurrente avant la fin de son contrat de travail, par des parents proches de Madame [P], même si elle ne l'a pas créée elle-même. Cependant, celle-ci ne figure pas dans les démarches de création et n'a aucun rôle mentionné dans cette association avant la fin de son contrat avec la FNJFC. Il n'est pas non plus démontré que l'association était active avant cette date, étant précisé que les seules pièces relatives à l'activité effective de celle-ci datent de 2019, pour la réalisation d'ateliers. Par ailleurs, Madame [P] a participé à l'activité de l'association mais n'en était pas salariée.
Il n'est pas non plus démontré que Madame [P] chercherait à créer une confusion entre l'association " Jardins solidaires et citoyens ", pour laquelle elle a pu animer des ateliers en 2019, soit bien après son départ de la fédération, et la FNJFC.
Le détournement d'adhérents n'est pas prouvé, l'exercice d'une activité concurrente étant autorisée sans qu'elle caractérise un détournement fautif, les adhérents restant libres de la ou des associations auxquelles ils souhaitent adhérer.
S'agissant du recrutement d'une ancienne salariée, outre qu'il n'est pas démontré qu'il aurait été réalisé par Madame [P], il n'est pas interdit ou déloyal dans la mesure où il a eu lieu bien après que la salariée en question ait quitté la FNJFC, alors qu'elle n'avait pas de clause de non concurrence à son contrat.
L'adoption d'un comportement déloyal ou la pratique de concurrence déloyale par la salariée n'étant pas établies, c'est à juste titre que le jugement a débouté l'employeur de l'ensemble de ses demandes à ce titre, et il sera confirmé sur ces points.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel.
La FNJFC sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré, sauf :
- sur les montants attribués au titre des rappels de primes sur objectifs et des congés payés afférents,
- en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,
- en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement,
- sur le quantum attribué au titre du préjudice moral,
Statuant de nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] les sommes suivantes :
- 9.584 € à titre de rappel de primes sur objectifs outre 958,40 € de congés payés afférents,
- 64.184,43 € à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires, outre 6.418,43 € de congés payés afférents,
- 900 € de rappel d'indemnité de licenciement,
- 2.000 € en réparation de son préjudice moral.
CONDAMNE la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel,
DÉBOUTE la FNJFC de sa demande au titre des frais de procédure.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 16 JUIN 2024
(n° 2024/ , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03557 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRXC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°
APPELANTE
Madame [Z] [P]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706
INTIMEE
Association fédération nationale des jardins familiaux et collectifs
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS, toque : G0482
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Stéphane MEYER, président
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [Z] [P] a été engagée par l'Association [10] - Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs (FNJFC), pour une durée indéterminée, en qualité de directrice, par contrat daté du 4 janvier 2016 avec une prise de poste au 11 janvier 2016.
La relation de travail a été régie par la convention collective HLM jusqu'au 1er mars 2016, puis par la convention collective nationale de l'animation à compter de cette date.
Madame [P] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 26 janvier 2018.
Par lettre du 30 janvier 2018, elle a été convoquée pour le 12 février 2018 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 février 2018 pour faute.
Le 13 août 2018, Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- rejeté la demande d'irrecevabilité de la requête et des demandes reconventionnelles et s'est déclaré compétent pour en connaître et statuer,
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la FNJFC à verser à Madame [P] les sommes suivantes :
- 12.027,78 € à titre de rappel de prime sur objectifs
- 1.202,78 € à titre de congés payés afférents
- 15.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
- 1.200 € au titre des frais de procédure
- débouté Madame [P] du surplus de ses demandes,
- débouté la FNJFC de ses demandes reconventionnelles,
- condamné FNJFC aux dépens.
A l'encontre de ce jugement notifié le 16 mars 2021, Madame [P] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 9 avril 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2023, en défense, Madame [P] demande à la cour de :
- Infirmer du jugement déféré, sauf :
- en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- en ce qu'il a condamné la FNJFC à lui verser la somme de 12.027,78 € à titre de rappel de prime sur objectifs et de 1.202,78 € à titre de congé payés afférents,
- Condamner la FNJFC au paiement des sommes suivantes :
A titre principal :
- rappel de salaires : 12.908,91 €,
- congés payés afférents : 1.290,90 €,
- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 30.871 €,
- paiement des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018 : 70.246,56 €,
- congés payés afférents : 7.024,66 €,
- rappel sur l'indemnité de licenciement : 1.088,95 €,
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.008,63 €,
- dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi : 20.000 €,
- frais de procédure : 5.000 €,
A titre subsidiaire :
- paiement des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018 : 64.184,39 €,
- congés payés afférents : 6.418,43 €,
- Débouter la FNJFC de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la FNJFC aux dépens.
Par ordonnance sur incident du 15 juin 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré partiellement irrecevables les conclusions de Madame [P] remises le 19 avril 2023, ainsi que les pièces communiquées au soutien de ces conclusions, en ce qu'elles répondent à l'appel incident formé par la FNJFC.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 décembre 2023, la FNJFC demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable les demandes incidentes de la FNJFC et en ce qu'il s'est déclaré compétent pour en connaître,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de Madame [P] :
- au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail de pour une indemnisation de 15.000 €,
- au titre du préjudice moral pour condition vexatoires de 5.000 €,
- au titre du rappel de salaire sur prime d'objectif de 12.027,78 €, avec intérêt légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,
- au titre des congés payés afférents sur le rappel de salaire de 1.202,78 €,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêt légal à compter du jour du prononcé du jugement,
Statuant de nouveau,
- Débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes et subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter le montant de dommages et intérêts alloués ,
Sur l'appel incident,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes incidentes de la FNJFC,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la FNJFC de ses demandes incidentes,
Statuant de nouveau,
- Condamner Madame [P] pour la violation de son obligation de loyauté en ce qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale à verser 48.500 € de dommages et intérêts à la FNJFC en réparation de son préjudice matériel et financier,
- Condamner Madame [P] à une interdiction d'effectuer pour son propre compte ou pour le compte de l'association Jardin Solidaires et Citoyens toute prestation ou toute activité bénévole ou rémunérée :
- d'étude d'ingénierie sur la création et l'aménagement de jardin à destination collectivités publiques, des bailleurs, des associations ou entreprises de gestion de jardins, en Ile de France, pour une durée de 3 ans à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris,
- de gestion des Jardins ou de captation d'un site à ce jour adhérent de la FNJFC pour une durée de 3 ans à compter de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris,
- Condamner Madame [P] au paiement des sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de confidentialité et abus de confiance : 2.000 €,
- dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au temps qui n'a pas été consacré à l'employeur : 8.000 €,
En tout état de cause,
- Condamner Madame [P] à lui verser 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la demande de rappel de salaires au titre du coefficient applicable et les congés payés afférents
L'article L2254-1 du code du travail précise que les clauses d'une convention collective s'appliquent à l'employeur qui y est rattaché.
Les minimas salariaux, fixés et actualisés par une convention collective au regard des classifications des emplois, constituent une clause de ladite convention. Ainsi, la rémunération des salariés ne peut être inférieure au salaire minimum conventionnel.
Madame [P] fait valoir qu'elle a perçu des salaires inférieurs aux minima conventionnels prévus par les conventions collectives applicables et sollicite des rappels de salaire à ce titre, ce que conteste la FNJFC.
- Sur le respect des minima conventionnels de la convention collective des sociétés et fondations HLM, applicable du 11 janvier 2016 jusqu'au 28 février 2016 :
Les minimas fixés par la convention collective pour la classification G9 déterminée au contrat de travail sont de 4.583 € par mois ou 60.368,50 € par an. La convention collective précise que pour tenir compte de la diversité des modes de rémunération observés, le respect des rémunérations minimales s'appréciera, soit mois par mois au regard du barème mensuel, soit en fin d'année au regard du barème annuel, selon que le fractionnement de la rémunération est strictement identique aux dispositions conventionnelles nationales (barème mensuel), ou qu'il est propre à l'entreprise dans des conditions relevant de l'usage. ou résultant d'un accord ou d'une convention d'entreprise (barème annuel). Pour un même salarié, l'employeur sera donc réputé avoir respecté son obligation de rémunération minimale garantie dès lors qu'il aura versé l'un (barème mensuel) ou l'autre (barème annuel) des montants correspondants à la catégorie de rattachement de ce salarié. Les rémunérations du barème annuel s'entendent y compris la gratification de fin d'année, la prime de vacances, tout avantage en nature et toutes autres primes ou gratifications contractuelles ayant un triple caractère de fixité, de généralité et de constance, mais hors la nouvelle prime d'ancienneté. Les rémunérations du barème mensuel s'entendent y compris tout avantage en nature et toutes autres primes ou gratifications contractuelles ayant un triple caractère de fixité, de généralité et de constance, mais hors la nouvelle prime d'ancienneté.
Madame [P] s'est vue appliquer sur ses deux premiers mois de travail soumis à la convention collective HLM un salaire de base de 4.100 € bruts par mois, au prorata de son temps de présence pour le mois de janvier. Elle a en outre perçu les sommes de 341,67 € à titre du prorata de la prime de vacances due en 2016 et de 683,33 € à titre de prorata du 13e mois, soit un total de 1.025 € en plus de son salaire de base sur les mois de janvier et février 2016. Au regard de l'ensemble des sommes perçues relativement à ces deux mois, le minimum conventionnel mensuel a été respecté, et aucun rappel de salaire n'est dû sur cette période.
- Sur le respect des minima conventionnels de la convention collective de l'animation
Les minimas conventionnels pour la catégorie de la salariée sont les suivants :
- du 1er mars 2016 au 31 décembre 2016 : 4.614€, soit un delta de 9 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er janvier 2017 au 31 août 2017 : 4.652,45 € soit un delta de 315,60 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2017 : 4.683,21 € soit un delta de 280,84 € sur la période en défaveur de la salariée,
- du 1er janvier 2018 au 26 mai 2018 4721,66 €, le salaire de la salariée étant alignée sur le minima conventionnel.
La salariée a perçu une somme de 606,44 € à titre de régularisation salariale en décembre 2017 pour la période du 1er mars 2016 au 31 décembre 2017, ce qui vient couvrir le total des sommes qui auraient dû lui être versées, d'un montant de 605,44 € (9+315,60+280,84).
Au regard de ce qui précède, aucune somme n'est due à Madame [P] à titre de rappels de salaires au regard des minima conventionnels, et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à ce titre.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
En l'espèce, Madame [P] fait valoir qu'alors que son contrat indique une prise de poste au 11 janvier 2016, elle a en réalité commencé à travailler dès le 4 janvier 2016, sans être déclarée ni payée pour ce faire, car son employeur souhaitait bénéficier pour son embauche d'une aide réservée à l'emploi de chômage de longue durée, ce qui supposait qu'elle atteigne une année de chômage.
L'employeur le conteste.
A l'appui de ses dires, la salariée produit :
- une attestation d'une collègue Madame [J], qui indique que la salariée est arrivée le 4 janvier 2016 au sein de l'association,
- un courriel adressé par le président aux administrateurs mentionnant qu'elle prendrait ses fonctions le 4 janvier 2016,
- des échanges de mails intervenus entre le 5 et le 8 janvier 2016.
La cour relève toutefois que pour justifier d'un travail effectif entre le mercredi 4 et vendredi 8 janvier 2016, la salariée produit quatre brefs échanges de mails, qui relèvent de la préparation de sa prise de fonctions le 11 janvier suivant (information de Madame [P] sur les accès internet, transmission à celle-ci d'un tableau de gestion, sans retour de sa part, détermination d'un rendez-vous le 18 janvier, information sur l'ordre du jour d'un bureau du 12 janvier).
Ces éléments sont insuffisants pour démontrer la réalisation d'un travail effectif sur cette période.
S'agissant du mail du président et de l'attestation de Madame [J], ils sont, à défaut de démonstration d'un travail réalisé, insuffisants à démontrer l'existence d'un travail dissimulé, dès lors que la date d'arrivée a pu être modifiée entre l'annonce faite et la concrétisation de l'embauche de Madame [P].
A défaut pour la salariée de démontrer l'existence d'un travail et la volonté d'une dissimulation, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté Madame [P] de sa demande d'indemnisation à ce titre.
Sur le rappel de prime sur objectifs et les congés payés afférents
Lorsque le contrat de travail prévoit une prime annuelle sur objectif, l'employeur doit fixer annuellement les objectifs à atteindre et les porter à la connaissance du salarié. Il doit justifier au salarié des conditions de calcul de sa prime annuelle.
En l'absence de ces éléments, il appartient au juge de fixer le montant de la prime sur objectifs en fonction de critères réalistes.
Faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la prime sur objectifs est due au salarié dans son intégralité.
La prime annuelle sur objectifs est due au prorata du temps de présence du salarié lorsque celui-ci quitte l'entreprise en cours d'année.
En l'espèce, le contrat de travail de Madame [P] prévoit en son article 4 alinéa 2 : " une prime d'objectif d'un montant maximum de 5.000 € pourra être attribuée en fonction de la bonne exécution des missions de la fonction et des résultats des missions confiées ". Les objectifs devaient être fixés chaque année en octobre.
Pour l'année 2016, le contrat précisait les objectifs à atteindre :
- changement de la convention collective vers celle du loisir - échéance : juin 2016
- réorganisation et restructuration de la FNJFC - échéance : juin 2016
- plan de communication à 5 ans - échéance : novembre 2016
- plan stratégique de recherche de subventions selon les niveaux - échéance : novembre 2016.
L'employeur fait valoir qu'à l'exception du changement de la convention collective, aucune des missions assignées en 2016 n'a été réalisée par Madame [P]. Cette dernière produit :
- sur l'objectif de réorganisation et restructuration : un document volumineux sur les " constats et perspectives " d'organisation, qu'elle a présenté en mars 2016 au conseil d'administration ; l'employeur n'explique pas pour quelles raisons cette étude ne répond pas aux objectifs fixés ;
- sur l'objectif de communication et de recherche de subventions, la salariée ne produit aucun élément démontrant qu'elle aurait rempli ses objectifs.
Au regard de ces éléments, la salariée a partiellement rempli ses objectifs pour l'année 2016, ce qui justifiait l'attribution d'une somme de 2.500 € à ce titre, alors qu'elle n'a rien perçu.
Pour les années 2017 et 2018, l'employeur ne justifie pas avoir fixé des objectifs à la salariée. La totalité de la prime doit donc lui être allouée, au prorata de son temps de présence pour 2018, soit 5.000 € pour 2017 et 2.084 € pour 2018.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner la FNJFC à verser à la salariée la somme de 9.584 € (2.500+5.000+2.084) à titre de rappel de primes sur objectifs outre 958,40 € de congés payés afférents.
Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents
- Sur l'existence d'une convention de forfait et sa validité
La salariée fait valoir que la convention de forfait prévue à son contrat de travail est nulle ou lui est inopposable, à défaut d'avoir été rendue possible par la convention collective HLM, et à défaut pour l'employeur d'avoir tenu les entretiens obligatoires relatifs à la charge de travail.
L'employeur soutient que la salariée était cadre dirigeante et qu'elle n'était donc pas soumise à un horaire de travail ou à une convention de forfait.
En vertu de l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ; qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ; et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Les critères visés à l'article L. 3111-2 du code du travail sont cumulatifs, et seuls relèvent de la catégorie de cadre dirigeant ceux qui participent à la direction de l'entreprise.
Les cadres dirigeants échappent à la législation relative à la durée du travail. Ils ne peuvent prétendre ni au paiement d'heures supplémentaires ni au paiement de contrepartie d'astreinte, sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail de Madame [P] que celle-ci, bien que bénéficiant d'une certaine autonomie en sa qualité de directrice, exerçait ses fonctions " sous l'autorité et selon les directives du conseil d'administration de la FNJFC représenté par son président, assisté d'un bureau " et qu'elle devait " rendre compte de son activité au président de façon régulière ainsi qu'au conseil d'administration ".
Il lui est d'ailleurs reproché dans le cadre du licenciement de ne pas avoir suffisamment rendu compte et informé de son activité la présidence et le conseil d'administration.
Il en ressort qu'elle occupait des fonctions de gestion à haut niveau, mais non de direction de l'association, dont elle ne définissait pas la politique et pour laquelle elle ne prenait aucune décision importante. Elle travaillait sous l'autorité de la présidence et devait rendre compte régulièrement.
Au regard de ces éléments, ses fonctions ne répondaient pas à celles d'une cadre dirigeante au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail.
Par ailleurs, son contrat indique qu'elle effectuait son activité " dans le cadre d'un temps de travail aménagé sous forme de travail aménagé sous forme d'un forfait annuel jours égal à 214 jours par année civile ", avec récupération en cas de dépassement de ce forfait. Le contrat explicitait qu'il s'agissait d'une " convention de forfait ". Les dispositions contractuelles contredisent donc la version de l'employeur. En outre, le choix d'une convention de forfait annuel en jours exclut la qualification de cadre dirigeant.
Au regard de ces éléments, la salariée n'avait pas le statut de cadre dirigeant et était soumise en vertu de son contrat de travail à une convention de forfait en jours.
Il ressort des dispositions de l'article L. 3121-63 du code du travail que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.
Plus spécifiquement, le défaut de tenue des entretiens spécifiques portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié, entraîne l'inopposabilité de la convention de forfait au salarié.
En l'espèce, Madame [P] n'a bénéficié d'aucun entretien portant sur sa charge de travail.
La convention de forfait lui est donc inopposable.
- Sur la demande au titre des heures supplémentaires
La suspension des effets du forfait autorise le salarié à réclamer, s'il y a lieu, le paiement d'heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En l'espèce, Madame [P] fait état d'un fort investissement dans la gestion quotidienne de la structure, et indique avoir dû, dès sa prise de fonction, résorber d'importants retards dans la gestion des dossiers, mettre en 'uvre toutes les actions permettant de résorber le déficit financier de la structure, répondre aux attentes du conseil d'administration et s'adapter au turn-over des présidents (quatre changements en moins de deux ans).
A l'appui de ses dires, elle produit :
- des attestations de deux collègues confirmant son fort investissement, Madame [J] et Madame [H],
- des échanges de mails notamment le soir et le week-end,
- son agenda professionnel électronique, faisant état de nombreux dépassements des 35 heures par semaine,
- le cumul des jours supplémentaires dépassant son forfait de 214 jours par an, qui apparaît sur ses bulletins de paie, soit 65 jours supplémentaires au 31 décembre 2016 et 45 jours supplémentaires au 31 décembre 2017,
- un tableau détaillé qu'elle indique avoir réalisé notamment à partir de son agenda électronique qui fait apparaître :
- 490,5 heures supplémentaires au titre de l'année 2016,
- 453,5 heures supplémentaires au titre de l'année 2017,
- 31 heures supplémentaires au titre de l'année 2018.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de les contester utilement.
La FNJF réplique que les éléments présentés par la salariée sont erronés, mais ne produit aucune pièce de nature à déterminer les horaires effectivement réalisés par celle-ci.
Elle a cependant fait réaliser un constat d'huissier sur l'agenda électronique de la salariée qui démontre que des modifications ont été opérées sur celui-ci après la notification de son licenciement à la salariée, ce qui introduit un doute sur le caractère pleinement probatoire de celui-ci.
Toutefois, l'ensemble des autres éléments produits par la salariée et l'absence de réponse précise de l'employeur sur les horaires accomplis par celle-ci permet de déterminer qu'elle a réalisé des heures supplémentaires à hauteur de sa demande subsidiaire de 64.184,43 € outre 6.418,43 € de congés payés afférents.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner la FNJFC à verser à Madame [P] les sommes ci-dessus déterminées.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 21 février 2018, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, fait état des griefs suivants :
1. Sur la non information sur les heures supplémentaires effectuées par le personnel en 2016, l'absence de suivi et de justificatifs de ces heures, la non communication de ces éléments au cabinet comptable et au commissaire aux comptes, le montant non provisionné sur les comptes 2016.
Madame [P] avait pour mission de prendre en charge le suivi et le contrôle mensuels des heures réalisées par ses collaborateurs. Elle produit, à titre d'exemples, le document de suivi des heures supplémentaires de Madame [X] au 31 décembre 2016 et le document de suivi du temps de travail au 31 décembre 2016, ainsi que des mails de juillet et décembre 2017 alertant sur la réalisation d'un grand nombre d'heures complémentaires de certains salariés.
La présidente reproche à Madame [P] que les heures supplémentaires réalisées sur 2016 n'aient pas été provisionnées dans le bilan financier. Toutefois, la décision de procéder à des provisions de ce type relèvent de la stratégie financière de la structure et doit être votée par le conseil d'administration, et non mis en 'uvre par la directrice seule de sa propre initiative.
Au regard de ces éléments, les griefs ne sont pas établis.
2. Sur l'embauche en janvier 2017 sans validation du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] d'avoir procédé à l'embauche de la responsable d'animation sans l'aval du conseil d'administration.
Madame [P] justifie toutefois avoir adressé le profil du poste par mail du 15 novembre 2016 à l'ensemble des administrateurs avec le projet d'embauche, et indique que le président par intérim avait approuvé l'embauche. L'employeur ne verse au débat aucune pièce pour démontrer qu'il n'avait pas été informé de l'embauche ou s'y serait opposé, telle que le contrat de travail, qui est en principe signé du président de l'association, ou une réponse au mail de la directrice du 15 novembre 2016.
Ce grief est par conséquent infondé.
3. Sur la non communication à la présidente de l'état des congés payés et des RTT du personnel malgré sa demande
Le rapport d'audit social réalisé à la demande du conseil d'administration par l'ADDEL en février 2017 indique que "le suivi mis en place permet de retracer les arrêts maladie, les congés maternité ainsi que les dépôts de congés payés" et salue le travail réalisé en constatant que "la FNJFC a mis en place une réelle politique de gestion des ressources humaines afin de satisfaire aux obligations employeur qui reposent sur elle".
L'employeur ne verse pas de pièces de nature à contredire ces constatations.
Ce grief ne peut constituer un motif de licenciement.
4. Sur le travail à domicile d'une salariée sans autorisation et sans convention
Il est reproché à Madame [P] d'avoir accordé deux jours hebdomadaires de télétravail à la responsable comptable à compter du 31 octobre 2017 et jusqu'au 15 février 2018.
Il ressort des pièces versées qu'elle s'était conformée aux préconisations du médecin du travail en date du 27 octobre 2017, puis du 17 janvier 2018. Elle n'a pas établi de convention mais a formalisé les horaires et jours de télétravail par un échange de mails.
S'agissant d'une mesure provisoire visant à préserver la santé de la salariée et suivre les préconisations du médecin du travail, le dispositif mis en place ne peut constituer un motif de licenciement.
5. Sur la non-communication à la présidente et à la trésorière des éléments nécessaires au fonctionnement et au suivi des comptes bancaires
Par mails des 2 et 3 mai 2017, Madame [P] a sollicité la banque de l'association afin que la présidente et la trésorière, nouvellement nommées, puissent bénéficier de l'accès internet au suivi et au fonctionnement des comptes bancaires.
Il lui est reproché de ne pas s'être assurée de l'effectivité de cet accès. Néanmoins, dans la mesure où elle avait accompli les démarches nécessaires et où elle n'avait pas reçu de réclamation des intéressées par la suite, il ne peut être retenu que l'absence de mise en 'uvre effective de l'accès est fautif.
6. Sur le suivi de trésorerie non fait et non communiqué malgré la demande répétée de la trésorière et du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] de n'avoir ni réalisé ni communiqué de suivi de trésorerie.
Toutefois, dès lors que la comptabilité a pu être mise à jour, grâce à l'embauche d'un assistant comptable permettant de résorber d'importants retards antérieurs à son arrivée, Madame [P] a pu adresser à la trésorière par mails des 16 octobre 2017, 21 novembre 2017 et du 5 janvier 2018, un suivi de trésorerie mensuel détaillé en réponse à ses attentes formulées au conseil d'administration de juin 2017.
La trésorière avait d'ailleurs exprimé sa satisfaction par mail du 17 octobre 2017.
Antérieurement à cette demande, Madame [P] indique avoir communiqué à chaque conseil d'administration un point actualisé sur les finances de la structure, ce que l'employeur ne contredit pas ni dans ses écritures, ni par la production de pièces l'infirmant.
Ce grief ne saurait par conséquent constituer un motif valable de son licenciement.
7. Sur la non transmission des actes juridiques nécessaires au suivi des dossiers fonciers en cours
L'employeur a reproché à Madame [P] de n'avoir pas transmis l'acte de propriété du terrain de [Localité 12] à [Localité 11] au cabinet d'avocats chargé de ce dossier. Toutefois, elle produit un courriel d'envoi de ces éléments du 15 décembre 2017, lesquels ont pu compléter le mémoire en réplique adressé au tribunal administratif de Marseille en date du 8 janvier 2018.
Il est également reproché à Madame [P] de ne pas avoir communiqué au notaire la valorisation de deux terrains propriétés de la FNJFC, situés à [Localité 5] et à [Localité 8]. Toutefois, celle-ci démontre avoir saisi les services départementaux des domaines en date du 29 décembre 2017 et du 18 janvier 2018.
Ce grief est donc infondé.
8. Sur l'absence d'organisation d'un accueil téléphonique efficace malgré les demandes répétées du conseil d'administration
Il est reproché à Madame [P] de ne pas avoir organisé un accueil téléphonique efficace.
Celle-ci fait valoir que l'embauche d'un salarié dédié à l'accueil téléphonique n'a pu être envisagée en raison de la maîtrise des dépenses de la structure, et justifie avoir proposé une réorganisation des services traitant notamment de cette question à partir des moyens humains dont elle disposait, mise en 'uvre dès novembre 2016 après validation du conseil d'administration.
Les conclusions de l'audit organisationnel réalisé par l'ADDEL confirment " l'impossibilité pour les salariés d'effectuer les différentes tâches qui leur incombent tout en répondant au téléphone" et précisent que "si un salarié devait répondre à tous les appels externes, il serait dérangé très régulièrement ce qui nuirait à sa productivité. Pour continuer à pouvoir assurer une cadence de travail convenable, l'équipe a privilégié de ne pas répondre systématiquement au téléphone. Elle prend les messages et rappelle les appels les plus importants ".
Au regard de ces éléments et dans un contexte de maîtrise des coûts, l'employeur ne justifie pas d'une faute de la salariée.
9. Sur les dossiers d'adhérents non suivis : absence de réponse aux courriers et mails
Il a été reproché à Madame [P] de ne pas avoir géré les dossiers suivants :
- litige entre Monsieur [S] et les membres du bureau du comité local de [Localité 4],
- mécontentement des responsables du comité local de [Localité 7] relatif à la mise en place de la redevance d'occupation des terrains de la FNJFC,
- demande de remboursement de dépôt de garantie de Monsieur [E], démissionnaire du site [Localité 6].
S'agissant du litige avec Monsieur [S], la procédure de règlement des conflits mise en place par le bureau en 2016 a été appliquée par Madame [P].
S'agissant du comité local de [Localité 7], le litige portait sur la mise en place en 2016, par le conseil d'administration d'une redevance de 0,05 euro par m2 pour l'usage des terrains appartenant à la FNJFC, qui avait généré plusieurs contestations au niveau national. Madame [P] justifie être intervenue en lien avec le conseil d'administration.
S'agissant de la restitution du dépôt de garantie à Madame [N] épouse [E]), il a subi un retard de 12 jours, et des excuses ont été présentées à l'adhérente démissionnaire. Ce seul fait ne peut donc être considéré comme constituant une faute justifiant le licenciement.
Au regard de ces éléments et des justifications d'intervention de Madame [P], l'employeur ne démontre pas l'existence d'une faute justifiant un licenciement.
10. Sur la non-transmission d'informations à la présidente des éléments concernant les litiges des structures adhérentes
Il a été reproché à Madame [P] de ne pas avoir informé la présidente d'un différend au sein du comité local de [Localité 13].
Toutefois, il est justifié par la salariée que celui-ci avait déjà été abordé en réunion du conseil d'administration du 13 septembre 2016, réunion à laquelle la présidente avait assisté en qualité d'administratrice. La présidente avait également été informée de la poursuite du litige en novembre 2017 car les protagonistes avaient saisi le conseil d'administration.
Dans la mesure où la présidente était informée de ce litige et où le conseil d'administration qui est un organe central dans le fonctionnement de l'association en avait été informé, il importait peu que la directrice n'ait pas procédé elle-même à cette information. L'association ne démontre pas quel préjudice cela lui a causé que la présidente ne soit pas informée directement par la directrice, qui n'est pas le seul vecteur d'information de la fondation.
Ce grief n'est donc pas établi.
11. Sur le contact non pris avec la compagnie d'assurance, situation ayant conduit à la perte d'adhérents
L'employeur reproche à Madame [P] de ne pas avoir pris contact avec MAIF, assureur de la structure et de ses adhérents, en vue de discuter des modalités des contrats.
Celle-ci produit toutefois de nombreux échanges de mails avec la chargée des contrats d'assurance pour les associations, qui démontrent des contacts réguliers avec l'assureur au sujet des contrats. L'employeur ne démontre pas que ces contacts ou leur objet étaient insuffisants au regard des instructions données à la salariée.
Ce grief est donc infondé.
En considération de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
- Sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement :
L'indemnité de licenciement perçue par Madame [P], soit la somme de 2.969,35 €, a été calculée sur la base d'un salaire de référence ne comprenant pas le rappel au titre des heures supplémentaires et de la prime d'objectif.
La salariée est par conséquent bien fondée à réclamer un rappel d'indemnité de licenciement à hauteur de 900 €.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point, et l'employeur condamné à verser cette somme à la salariée.
- Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Madame [P] justifie de deux années d'ancienneté et l'entreprise emploie habituellement plus de 11 salariés.
En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel de 4.900 € bruts.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, elle est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire, soit entre 14.700 € et 17.150 €.
Au moment de la rupture, elle était âgée de 51 ans et elle justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'au 1er septembre 2020. Elle expose avoir retrouvé un emploi pérenne en octobre 2021.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, le conseil de prud'hommes a procédé à une exacte appréciation du préjudice en fixant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 15.000 €.
La décision sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral
- Sur le non-respect de l'obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi
La salariée fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi, telle que définie par l'article L1222-1 du code du travail, car elle a dû faire face à une charge de travail particulièrement importante, avec des sollicitations le soir et le week-end, ou pendant ses congés, ce qui a conduit à un épuisement au travail et une dégradation de son état de santé, ainsi qu'en atteste son arrêt de travail de six semaines en janvier-février 2018.
Si la salariée a effectivement réalisé des heures supplémentaires dont elle est rémunérée dans le cadre de la présente décision, elle ne démontre pas qu'au regard de ses fonctions de directrice, son temps de travail ait été excessif. En revanche, elle justifie de sollicitations le soir, le week-end ou pendant ses congés, ce qui constitue un mode anormal de fonctionnement dès lors que la nécessité de tels contacts n'est pas établie par l'employeur, de nature à perturber la vie personnelle de la salariée, et donc un préjudice.
Elle ajoute que l'employeur n'a pas respecté les minima salariaux, ne lui a pas communiqué sa fiche de poste, et l'a privée d'une délégation de pouvoir. Toutefois, s'agissant des minima salariaux, il est jugé par le présent arrêt qu'aucune somme n'est due à la salariée. Ses missions étaient par ailleurs décrites dans son contrat de travail, et elle ne démontre pas qu'elle n'a pas été mise en mesure d'exercer normalement ses fonctions au regard des délégations accordées ou non.
- Sur les circonstances vexatoires du licenciement
Le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.
En l'espèce, la salariée a été privée dès le 12 février 2018, date de son entretien préalable, de la procuration dont elle disposait auprès de l'établissement bancaire de son employeur, alors que son licenciement ne lui a été notifié que le 21 février 2018, ce qui ne lui permettait plus d'exercer normalement ses fonctions. Elle a ensuite été dispensée d'exécution de son préavis, ce qui l'a amenée à un départ rapide de l'association, laissant penser à une difficulté grave s'agissant de l'exercice de ses fonctions. Elle n'a ainsi pu réaliser aucune communication à direction des partenaires et des adhérents à l'occasion de son départ.
Ces circonstances du licenciement sont vexatoires et justifient une indemnisation de la salariée.
Le préjudice moral de celle-ci au regard de ces éléments sera évalué à 2.000 €.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral.
Sur les demandes de l'employeur au titre de la violation de son obligation de loyauté
Madame [P] est irrecevable à conclure sur cette demande relevant de l'appel incident de la FNJFC. Elle est réputée adopter sur ce point les motifs du jugement.
En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Pendant l'exécution du contrat, l'obligation de loyauté impose au salarié de ne pas commettre d'agissements susceptibles de porter préjudice à son employeur.
Après la fin du contrat, en l'absence de clause de non-concurrence, le salarié qui n'est plus dans les liens d'un contrat de travail retrouve sa liberté de travail. Le salarié doit toutefois s'abstenir de tout acte de concurrence déloyale sous peine de sanctions.
La FNJFC fait valoir que Madame [P] a violé son obligation de loyauté car :
- elle a participé à la création d'une association concurrente " Jardins solidaires et citoyens " dès le 29 décembre 2017 alors qu'elle était encore salariée de la FNJFC ;
- elle travaille pour cette association concurrente tout en n'étant pas claire sur ses liens avec la FNJFC ;
- elle a capté des adhérents de la FNJFC et des informations confidentielles qui sont utilisées au profit de l'association concurrente ;
- elle a recruté une ancienne salariée de la FNJFC.
La cour relève à titre préalable que la salariée n'était pas liée par une clause de non-concurrence et qu'elle était donc libre, après la fin de son contrat de travail, de travailler pour une association ou une entreprise concurrente, dès lors qu'elle n'adoptait pas de comportement déloyal vis-à-vis de son ancien employeur.
La fédération reproche à la salariée la création d'une association concurrente avant la fin de son contrat de travail, par des parents proches de Madame [P], même si elle ne l'a pas créée elle-même. Cependant, celle-ci ne figure pas dans les démarches de création et n'a aucun rôle mentionné dans cette association avant la fin de son contrat avec la FNJFC. Il n'est pas non plus démontré que l'association était active avant cette date, étant précisé que les seules pièces relatives à l'activité effective de celle-ci datent de 2019, pour la réalisation d'ateliers. Par ailleurs, Madame [P] a participé à l'activité de l'association mais n'en était pas salariée.
Il n'est pas non plus démontré que Madame [P] chercherait à créer une confusion entre l'association " Jardins solidaires et citoyens ", pour laquelle elle a pu animer des ateliers en 2019, soit bien après son départ de la fédération, et la FNJFC.
Le détournement d'adhérents n'est pas prouvé, l'exercice d'une activité concurrente étant autorisée sans qu'elle caractérise un détournement fautif, les adhérents restant libres de la ou des associations auxquelles ils souhaitent adhérer.
S'agissant du recrutement d'une ancienne salariée, outre qu'il n'est pas démontré qu'il aurait été réalisé par Madame [P], il n'est pas interdit ou déloyal dans la mesure où il a eu lieu bien après que la salariée en question ait quitté la FNJFC, alors qu'elle n'avait pas de clause de non concurrence à son contrat.
L'adoption d'un comportement déloyal ou la pratique de concurrence déloyale par la salariée n'étant pas établies, c'est à juste titre que le jugement a débouté l'employeur de l'ensemble de ses demandes à ce titre, et il sera confirmé sur ces points.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel.
La FNJFC sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré, sauf :
- sur les montants attribués au titre des rappels de primes sur objectifs et des congés payés afférents,
- en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,
- en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement,
- sur le quantum attribué au titre du préjudice moral,
Statuant de nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] les sommes suivantes :
- 9.584 € à titre de rappel de primes sur objectifs outre 958,40 € de congés payés afférents,
- 64.184,43 € à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires, outre 6.418,43 € de congés payés afférents,
- 900 € de rappel d'indemnité de licenciement,
- 2.000 € en réparation de son préjudice moral.
CONDAMNE la FNJFC aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Madame [P] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel,
DÉBOUTE la FNJFC de sa demande au titre des frais de procédure.
LE GREFFIER LE PRESIDENT