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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 19 juin 2024, n° 15/16526

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CSF (SAS)

Défendeur :

Foncia Paris Rive Gauche (Sté), Assurecureuil-Pierre 3 (Sté), Mutuelle des Architectes Français (Sté), Beg Ingénierie (SA), Challeng'Air (SARL), Gh Acoustique (SAS), Demarais (SAS), Boulenger (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Thévenin-Scott, Mme Lefèvre

Avocats :

Me Dujardin, Me Regnault, Me Hoffmann, Me Etevenard, Me Chatellard, Me Lesenechal, Me Miquel, Me Huillier, Me Ingold, Me Combes, Me Regnier, Me Lafoy

TGI Paris, du 6 juill. 2015, n° 13/12585

6 juillet 2015

FAITS ET PROCEDURE

Par acte en date du 3 octobre 1978, les sociétés FELIX POTIN et CIRGEC, aux droits desquelles se trouvent aujourd'hui la société ASSURECUREUIL PIERRE 3 (le Bailleur), ont conclu un bail commercial avec la société PRIMISTERES, aux droits de laquelle vient la société CSF (le Preneur), portant sur un immeuble en copropriété sis à [Adresse 24].

La société CSF a souhaité étendre la surface de vente des lieux loués à usage de supermarché et a été autorisée par l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 5 mai 2004 à effectuer des travaux d'aménagement qui ont été réceptionnés le 23 mars 2005.

Se plaignant de désordres consécutifs à ces travaux et de l'aggravation des nuisances sonores, le Syndicat des copropriétaires, sur autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 20 avril 2005, a fait assigner la société CSF, la SCI Assurécureuil-Pierre 3 et les locateurs d'ouvrage, aux fins d'expertise en référé par actes du 20 et du 30 décembre 2005 devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Par ordonnance en date du 19 juin 2006, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a désigné Monsieur [L] en qualité d'expert judiciaire cependant que la société CSF assignait au fond les locateurs d'ouvrage : la société DHM Ingenierie, la société AM Froid, la société Challeng'Air, la société GH Acoustique, la société Alumetal, la société Baticible, la société Sedem, la société Dalsa, la société Bureau Veritas et la société Boulenger.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 19 Juin 2006.

Le syndicat des copropriétaires a assigné la société CSF en responsabilité et en réparation de ses préjudices devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et, par ordonnance du 12 décembre 2007, un sursis à statuer a été ordonné dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Monsieur [R] [L] a déposé son rapport le 10 Mai 2013.

Le syndicat des copropriétaires a assigné la société ASSURECUREUIL PIERRE 3 et la société CSF en ouverture du rapport d'expertise devant le Tribunal de Grande Instance de Paris sollicitant leur condamnation :

- à réaliser les travaux d'installation des pare-vents sous astreinte de 2.000 euros par jour

- à procéder aux travaux de réalignement des canalisations frigorifiques tels que prévus par le schéma de la société AM Froid compris dans son dossier technique du 29 avril 2004 et leur coffrage de telle sorte que celui-ci n'excède pas 16 cm sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard

- à la réalisation d'une dalle flottante sur l'ensemble du rez-de-chaussée telle que préconisée par l'expert judiciaire et chiffrée par ce dernier à la somme de 1.2893.735 euros HT (page 89 du rapport) sous astreinte de 2.000 euros par jour ;

- à procéder à l'installation d'un destructeur d'odeur sous astreinte de 2.000 euros par jour tel que prévu selon devis de la société SIEMAC en date du 17 juin 2011

- à indemniser le syndicat des copropriétaires à hauteur de 50.000 euros pour trouble de jouissance et préjudice moral

Par jugement en date du 6 juillet 2015, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :

- Condamné in solidum les sociétés CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire réaliser les travaux d'installation des pare-vents et d'étanchéité sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- Condamné in solidum les sociétés CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire procéder aux travaux de réalignement des canalisations frigorifiques sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- Condamné in solidum les sociétés CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire procéder aux travaux de mise en oeuvre d'une dalle flottante pour un montant total de 1 293 735 euros Hors Taxe sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- Condamné la société CSF à garantir la société ASSURECUREUIL PIERRE 3 de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

- Condamné la société BEG INGENIERIE à garantir à la société CSF de la condamnation prononcée à son encontre au titre du réalignement des canalisations frigorifiques à concurrence de 10 % ;

- Débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes relatives aux nuisances olfactives et des préjudices de jouissance et moral ;

- Condamné la société Beg Ingenierie à garantir la société CSF de la condamnation au réalignement des canalisations frigorifiques à hauteur de 10 %

- Déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société Beg Ingenierie à l'encontre de la société AM Froid ;

- Condamné in solidum la société CSF et la société ASSUREcureuil Pierre 3 de toutes les condamnations prononcées à son encontre en ce compris les dépens dont les frais d'expertise et les frais irrépétibles alloués à hauteur de la somme de 10 000 euros au Syndicat des copropriétaires.

La société CSF a interjeté appel principal du jugement selon déclaration reçue au greffe le 29 juillet 2015.

Sur la demande de la société CSF, par ordonnance en date du 28 juin 2016, le Conseiller de la mise en état a nommé un expert judiciaire afin de vérifier « si le bruit et les nuisances de toutes sortes générées par l'exploitation du magasin [21] [Adresse 4], génèrent à ce jour des inconvénients excédant les inconvénients anormaux du voisinage compte tenu de la gêne normalement attendue en zone urbaine ».

L'expert judiciaire Monsieur [L] a rendu son rapport le 22 mars 2022.

Par conclusions d'appelant n°2 signifiées le 13 juin 2023 la société CSF demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1315, 1719 et 1792 du Code civil,

Vu la théorie du trouble anormal de voisinage,

A titre principal,

- DECLARER irrecevable la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] ;

- DEBOUTER la société BOULENGER de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de de ses demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse,

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Paris du 6 juillet 2015, seulement en ce qu'il a :

Condamné in solidum CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire réaliser les travaux d'installations des pare-vents sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;

Condamné in solidum CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire procéder aux travaux de réalignement des canalisations frigorifiques sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;

Condamné in solidum CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire procéder aux travaux de mise en oeuvre sur l'ensemble de la surface du rez-de-chaussée une dalle flottante sur ressorts hélicoïdaux en acier de type GERB ou techniquement équivalent tels que préconisés par l'expert sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;

Condamné CSF à garantir la société ASSURECUREUIL PIERRE 3 de toutes condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de cette instance ;

Condamné BEG INGENIERIE à garantir la société CSF de la condamnation prononcée à son encontre au titre du réalignement des canalisations frigorifiques à concurrence de 10 % ;

Débouté CSF de sa demande en garantie contre GH ACOUSTIQUE

Condamné CSF au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] ;

Condamné CSF au coût de l'expertise ;

EN CONSEQUENCE, statuer de nouveau :

- CONSTATER la réalisation des travaux relatifs au pare-vents ;

- CONSTATER la réalisation des travaux relatifs au réalignement des canalisations frigorifiques ;

- CONSTATER que les travaux initiés par CSF sont de nature à avoir mis fin aux troubles anormaux de voisinage ;

- CONDAMNER la société ASSURECURUEIL PIERRE 3 à garantir CSF de toute condamnation à effectuer des travaux portant sur la structure de l'immeuble ;

- CONDAMNER les sociétés BEG INGENIERIE et GH ACOUSTIQUE à garantir CSF de toute condamnation à effectuer des travaux ;

- DEBOUTER la société BOULENGER de ses demandes, fins et conclusions ;

- DEBOUTER les autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à payer à CSF la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- PARTAGER les dépens, en ce compris les frais des expertises judiciaires avec le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]

Par conclusions d'intimé n°2 du 9 juin 2023 le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 4] demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1230 et suivants, 1240 et suivants du Code Civil,

Vu le règlement de copropriété et plus particulièrement ses articles 8, a, k, et n, et 9

Vu les rapports d'expertise de Monsieur [R] [L] du 10 mai 2013 et du 23 mars 2022

DIRE ET JUGER que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] et [Adresse 11], à [Localité 23], représenté par son syndic la société Foncia Paris Rive Gauche recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 6 juillet 2015 (RG N° 13/12585) en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société CSF et la société Assurecureuil Pierre 3 à faire procéder aux travaux de mise en oeuvre sur l'ensemble de la surface du rez-de-chaussée une dalle flottante pour un montant total de 1 293 735 € HT, sous astreinte de 2 000 € par jour de retard,

- condamné la société CSF à garantir la société Assurecureuil Pierre 3 de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- condamné in solidum la société CSF et la société Assurecureuil Pierre 3 à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

y ajoutant,

CONDAMNER in solidum la société C.S.F., la société Assurecureuil Pierre 3, la société BEG Ingenierie, la société Challeng'Air, la société GH Acoustique, la société Demarais, la société Boulenger, la Mutuelle Architectes Francais, la SELAFA MJA, à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] et [Adresse 11], à [Localité 23], la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le trouble de jouissance et le préjudice moral ;

CONDAMNER in solidum la société C.S.F., la société Assurecureuil Pierre 3, la société BEG Ingenierie, la société Challeng'Air, la société GH Acoustique, la société Demarais, la société Boulenger, la Mutuelle Architectes Francais, la SELAFA MJA, à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] et [Adresse 11], à [Localité 23], la somme de 30 000 euros par application

des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société C.S.F, la société Assurecureuil Pierre 3, la société BEG Ingenierie, la société Challeng'Air, la société GH Acoustique, la société Demarais, la société Boulenger, la Mutuelle Architectes Francais, la SELAFA MJA, aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des expertises confiées à M. [R] [L] et ayant conduit aux dépôts des rapports des 10 mai 2013 et 23 mars 2022.

Par conclusions signifiées le 6 juin 2023 la société Assurécureuil-Pierre 3 demande à la cour de :

Vu, notamment, les articles 1134 et 1382 du code civil dans leur version applicable au litige,

A TITRE PRINCIPAL

Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 6 juillet 2015 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de sa demande au titre du préjudice moral et de sa demande au titre d'un préjudice de jouissance,

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CSF à garantir la société ASSURECUREUIL - PIERRE 3 de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,

Prononcer la mise hors de cause de la société ASSURECUREUIL - PIERRE 3,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société ASSURECUREUIL PIERRE 3 au titre des travaux,

Débouter la société CSF de sa demande de condamnation de la société ASSURECUREUIL - PIERRE 3, Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de l'ensemble de ses demandes formulées au stade de l'appel, à l'encontre de la société ASSURECUREUIL - PIERRE 3 et en particulier de sa demande au titre des dommages et intérêts

Débouter la société BEG INGENIERIE SA de sa demande de garantie à l'encontre de la société ASSURECUREUIL PIERRE 3,

Débouter toute partie en la cause de ses demandes, fins et prétentions,

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si par impossible la Cour devait retenir la responsabilité de la société ASSURECUREUIL PIERRE 3, condamner la société CSF à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître Frédérique ETEVENARD, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société ASSURECUREUIL - PIERRE 3, la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 16 mai 2023 la société Boulenger demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1242 et suivants du Code Civil, anciennement 1382,

Vu le rapport d'expertise du 23 mars 2022,

Vu le rapport d'expertise du 10 mai 2023,

' Sur l'appel interjeté par la société CSF, ne formulant aucune demande à l'encontre de la société BOULENGER,

Mettre hors de cause la société BOULENGER

' Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce qu'il a écarté toute responsabilité de la société BOULENGER et débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes formulées au titre du préjudice de jouissance et préjudice moral,

' Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la société BOULENGER au titre des frais irrépétibles et dépens,

Statuant à nouveau de de chef et y ajoutant

' Condamner in solidum la société CSF et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] et [Adresse 11], à [Localité 23], représenté par son syndic la société Foncia Paris Rive Gauche à verser à la concluante, la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile.

' Condamner in solidum la société CSF et/ou tout succombant aux entiers dépens de l'instance devant la Cour avec distraction au profit de la SCP REGNIER sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure Civile.

Par conclusions signifiées le 27 avril 2023 la société BEG Ingenierie et la MAF demandent à la cour de :

Vu les articles 1134, 1231-1, 1242 et suivants du Code Civil, anciennement article 1147 et 1382,

Vu l'article 1792 du Code Civil

Vu le rapport d'expertise du 23 mars 2022,

Vu le rapport d'expertise du 10 mai 2023,

JUGER recevables et bien fondées la société BEG INGENIERIE et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS dans leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

PRONONCER la mise hors de cause de la société BEG INGENIERIE et de son assureur la MAF,

DEBOUTER en conséquence le syndicat des copropriétaires de toutes demandes de condamnation faites à leur encontre,

DEBOUTER la société CSF de son appel en garantie formé à l'encontre de la société BEG INGENIERIE.

A titre subsidiaire,

CONSTATER l'absence de faute démontrée de la société BEG INGENIERIE en lien avec le préjudice du Syndicat des Copropriétaires,

En conséquence,

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de toutes demandes dirigées à l'encontre de la société BEG INGENIERIE, et de son assureur la MAF, tant en principal qu'au titre de l'article 700 CPC et des dépens,

DEBOUTER la société CSF de son appel en garantie formé à l'encontre de la société BEG INGENIERIE pour l'exécution de tout travaux,

CONFIRMER le jugement du 6 juillet 2015 s'agissant de l'absence de responsabilité de la société BEG INGENIERIE, aucune faute ne pouvant être retenue à son encontre relativement aux nuisances acoustiques,

CONFIRMER les dispositions du jugement quant à la responsabilité exclusive de la société CSF, s'agissant des nuisances acoustiques,

PRONONCER, en conséquence, la mise hors de cause de la société BEG INGENIERIE venant aux droits de la société DHM INGENIERIE, s'agissant des nuisances acoustiques,

CONFIRMER que la responsabilité de la société BEG INGENIERIE ne saurait être engagée au-delà de 10 % s'agissant du réalignement des canalisations frigorifiques,

CONFIRMER que le Syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour solliciter l'octroi de dommages intérêts au titre d'un préjudice de jouissance et moral

A titre infiniment subsidiaire,

CONDAMNER in solidum les sociétés CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à garantir la société BEG INGENIERIE, et la MAF, de toute condamnation susceptible d'intervenir à leur égard,

En tout état de cause,

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires à verser à la société BEG INGENIERIE et à son assureur la MAF la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'au titre des entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par conclusions signifiées le 6 décembre 2022 la société Demarais demande à la cour de :

DECLARER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4], irrecevable en ses demandes, pour défaut de formulation expresse des prétentions, des moyens de faits et de droits sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, au visa de l'article 954 du Code de Procédure Civile,

DÉCLARER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4], irrecevable au visa de l'article 542 du Code de Procédure Civile en l'absence de tout appel, ou tout appel incident formé à l'encontre du jugement rendu le 6 juillet 2015 ayant mis hors de cause la société DEMARAIS,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DEBOUTER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] de ses demandes à l'encontre de la société DEMARAIS, pour défaut de qualité à agir au titre des préjudices demandés qui sont fondés sur un préjudice de jouissance d'une part, et un préjudice moral d'autre part.

DEBOUTER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société DEMARAIS en l'absence de démonstration d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice, et plus généralement de tout élément permettant d'engager sa responsabilité quasi délictuelle

DEBOUTER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] de toutes autres demandes,

DEBOUTER, en tant que de besoin la société CSF de l'intégralité des demandes qui pourraient être formulées au titre d'un appel en garantie de la société DEMARAIS,

CONDAMNER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] à payer à la société DEMARAIS la somme de 10.000 €uros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] en tous les dépens, au titre des frais de première instance et d'appel.

La société GH Acoustique prise en la personne de son mandataire liquidateur la Selafa MJA représentée par Maître Lucille Jouve, a constitué avocat mais n'a pas conclu au fond.

La Sarl Challeng'Air a constitué avocat mais n'a pas conclu.

La clôture a été prononcée le 13 juin 2023.

SUR QUOI,

La Cour,

1- La recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires

1-1 A l'encontre de la société Desmarais anciennement dénommée Sedem

Le tribunal a débouté le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes à l'encontre de la société Desmarais au vu du premier rapport d'expertise ayant conclu à l'absence de manquement imputable à celle-ci, titulaire du lot revêtement de sol dans le cadre du cahier des clauses techniques particulières rédigé par la maîtrise d'oeuvre, la société DHM Ingenierie, aux droits de laquelle vient la société Beg Ingenierie.

Le syndicat des copropriétaires forme seul une demande de condamnation à l'encontre de la société Desmarais in solidum avec les intervenants intimés, à lui régler une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et de jouissance.

La société Desmarais soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif notamment de l'absence d'appel incident formé à l'encontre du jugement qui a débouté l'appelant de ses demandes à l'égard de ladite société.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 542 du Code de procédure civile : " L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel."

Le syndicat des copropriétaires sollicite la réformation du jugement uniquement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral et conclut à la condamnation de la société Desmarais, in solidum avec les autres locateurs d'ouvrage, au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts outre les frais irrépétibles et les dépens.

Cependant le syndicat des copropriétaires ne sollicite ni la réformation ni l'annulation du jugement qui l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société Desmarais de sorte que la cour n'est pas saisie à l'égard de celle-ci, le syndicat des copropriétaires n'établissant pas son intérêt à agir du chef d'une demande dont il ne sollicite pas l'infirmation.

Il convient par conséquent, ajoutant au jugement, de déclarer le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 4] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la société Desmarais anciennement dénommée Sedem.

1-2 A l'encontre de la société GH Acoustique prise en la personne de son mandataire liquidateur la Selafa MJA représentée par Maître Lucile Jouve

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation in solidum de la société GH Acoustique et de la Selafa MJA sans préciser en quelle qualité, au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts outre les frais irrépétibles et les dépens.

Cependant les dispositions de l'article L622-21 alinéa 1°du Code de commerce dans sa version applicable au litige énoncent : " I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent

Selon les dispositions de l'article L 622-22 : " Sous réserve des dispositions de l'article

L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Ces dispositions d'ordre public sont étendues à la liquidation judiciaire par les dispositions de l'article L 641-3 du Code de commerce et leur mise en oeuvre est de fait dans les débats par la mise en cause du mandataire liquidateur de la société GH Acoustique, la Selafa MJA, assignée en intervention forcée à hauteur d'appel.

Il en résulte l'obligation pour le syndicat des copropriétaires, demandeur en paiement à l'encontre de la société GH Acoustique, de déclarer sa créance au passif de la liquidation judiciaire, aucune condamnation ne pouvant être valablement poursuivie à l'égard du débiteur en liquidation judiciaire mais seulement la constatation de la créance et la fixation de son montant.

Partant et alors même que le syndicat des copropriétaires n'excipe ni n'établit avoir régulièrement déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire, ajoutant au jugement, sa demande en paiement formée à l'encontre de la société GH Acoustique en liquidation judiciaire sera déclarée d'office irrecevable.

2-La réalisation des travaux par la société CSF et la société Assurécureuil-Pierre 3

Le tribunal a condamné in solidum la société CSF et la société Assurécureuil- Pierre 3 sur le fondement du non-respect de l'engagement de travaux pris par le preneur et le bailleur dans le cadre du compte-rendu de réunion du 17 février 2004 annexé à la convocation de l'assemblée générale du 5 mai 2004, à réaliser sous astreinte les travaux suivants :

- pose de pare-vents et reprise de l'étanchéité au droit des poteaux décrits dans le devis de la société Fadem en date du 7 avril 2011

- réalignement des canalisations frigorifiques conformément au schéma de la société AM Froid compris dans son dossier technique du 29 avril 2004 et leur coffrage n'excédant pas 16 cm

- mise en oeuvre d'une dalle flottante sur ressorts hélicoïdaux en acier de type Gerb ou techniquement équivalent chiffrés par l'expert judiciaire au point d 1) page 89 sur l'ensemble de la surface du rez-de-chaussée pour un montant total de 1 293 735 euros HT.

Le conseiller de la mise en état, à la demande de la société CSF, a ordonné une seconde expertise aux fins de vérifier la persistance des nuisances sonores de toutes sortes.

La société CSF demande à la cour de constater :

- l'exécution de la condamnation relative aux travaux de pose de pare-vents avec reprise d'étanchéité et de réalignement des canalisations frigorifiques au mois de décembre 2015 pour les sommes respectives de 50 627,26 euros et 38 750,40 euros

- l'exécution des travaux relatifs aux nuisances sonores lesquelles ont disparu ainsi que l'expert Monsieur [L] l'a constaté aux termes de son second rapport soulignant que :

- l'utilisation de la porte de secours par le personnel de [20] a bénéficié de travaux en janvier et février 2017 pour rigidifier le volume menuisé, les manifestations de bruit restant occasionnelles et de nouveaux modes d'accés du personnel ont été adoptés

- les nuisances sur la voie publique et les riverains de la copropriété ont été résolues au cours de l'expertise

- l'absence de nuisance particulière concernant l'installation des rampes lumineuses

- la résolution des nuisances sonores lorsque les grilles des devantures sont actionnées par la mise en oeuvre des préconisations de la note n° 1 de l'expert pour désolidariser les rideaux fixés en imposte, ou directement sur le plancher haut du rez-de chaussée, et prévoir la mise en place d'isolateurs en élastomère travaillant en compression plutôt qu'en traction ou en cisaillement, afin de maintenir la stabilité du rideau et obtenir une flèche de suspension élevée, indispensable pour un filtrage vibratoire efficace

- la disparition des vibrations provoquées dans les murs du bâtiment du [Adresse 12] par le nouveau local technique déplacé au niveau du [Adresse 4], notée par l'expert le 13 septembre 2017

- l'amélioration par la pose du revêtement Gerflor constatée par l'expert le 13 septembre 2017 au sous-sol et au rez-de-chaussée du bruit du roulement du transpalette manuel mais insuffisamment pour le transpalette électrique et le chariot Dolly, l'expert ayant constaté une difficulté subsistant limitée seulement au franchissement du seuil sur rue par les transpalettes

- la sonorisation : le niveau de diffusion de la musique a été modifié avec une plus grande répartition des hauts parleurs et des travaux de sonorisation effectués pour remédier aux réglages intempestifs rendant la musique d'ambiance perceptible dans les appartements l'expert ayant constaté que les dispositions de réglage satisfont le copropriétaires.

Selon la société CSF, la seconde expertise a mis en lumière que seule subsiste une nuisance résiduelle mineure liée à un bruit de roulement de transpalettes lors du franchissement du seuil de la porte extérieure sur rue dont les mesures acoustiques établissent la faiblesse.

Elle en infère que la condamnation à l'exécution de travaux de pose d'une dalle flottante à ressorts hélicoïdaux prononcée à son encontre par le jugement est disproprotionnée au trouble subi alors que la pose d'une sol Gerflor est une solution définitive et non provisoire, que l'expert a constaté l'absence de nuisance et qu'il est inenvisageable de poser une dalle flottante sur rue cependant qu'à l'intérieur du magasin cette pose ne résoudra rien.

Au vu de l'absence de caractère anormal du trouble résultant de l'exploitation d'un commerce conforme à la destination du lot, la société CSF fait valoir qu'en acceptant l'agrandissement de la surface de vente, l'assemblée générale des copropriétaires a accepté implicitement mais nécessairement l'accentuation des troubles résultant de l'exploitation, ce qui doit conduire la cour à infirmer le jugement du chef de cette condamnation.

Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement qui a condamné sous astreinte la société CSF à mettre en oeuvre sur l'ensemble de la surface du rez-de-chaussée une dalle flottante sur ressorts hélicoïdaux de type GERB ou techniquement équivalent, tels que préconisés et chiffrés par l'expert au point d1 page 89 de son rapport pour un montant de 1 293 735 euros hors taxe sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

Il rappelle que cette solution est la seule retenue par l'expert, de nature à apporter une solution pérenne et définitive aux troubles acoustiques pour traiter le bruit de roulement des chariots, ce montant n'incluant pas le renforcement de la structure de l'immeuble, la dépose et la repose des installations et induisant, pour être efficace, l'interdiction des transpalettes et l'utilisation exclusive de chariots Rolls à roues souples dans la surface de vente.

Aux visas de la responsabilité contractuelle, tirée du non respect du règlement de copropriété, extracontractuelle ensuite des nuisances fautives répétées à l'origine desquelles se trouve la société CSFet subsidiairement des troubles anormaux de voisinage, le syndicat des copropriétaires fonde sa demande sur l'action directe dont il dispose contre le locataire en raison de l'inexécution des clauses du Règlement de copropriété, ajoutant que chaque copropriétaire est responsable vis à vis du syndicat de copropriété des agissements de son locataire.

Il souligne que la société CSF n'a jamais procédé au renforcement de la structure et s'est contentée de mettre en oeuvre une solution provisoire consistant en la pose de dalle de type Gerflor dont l'expert a constaté l'usure, le défaut d'entretien et l'inefficacité.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016 applicables au litige : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorisent. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les stipulations du renouvellement du bail à effet au 15 avril 1978 dont se prévalent la société CSF, preneur, et la société Assurécureuil- Pierre 3, bailleur, font obligation à la première "d'obtenir l'accord écrit du bailleur pour elles-mêmes et pour le syndic de copropriété dont elles solliciteraient l'autorisation, ainsi que prévu au règlement de copropriété pour les travaux intéressant le gros-oeuvre ou susceptibles de porter atteinte à l'esthétique ou à la sécurité de l'immeuble."

Cet accord écrit du bailleur et du preneur a été donné par un engagement de travaux objet du compte rendu de réunion du 17 février 2004, annexé à la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires du 5 mai 2004, son contenu est expressément rappelé par la première expertise de Monsieur [L] qui cite la 2ème résolution votée par l'assemblée générale :

- " se conformer à la règlementation en vigueur et obtenir les autorisations administratives nécessaires à présenter à son propriétaire lequel devra les adresser au syndic"

- " fournir au syndic un rapport acoustique général avant et après les travaux. En cas de litige faire intervenir à ses frais l'acousticien du conseil du syndicat pour l'établissement d'un rapport contradictoire"

- " à ne modifier d'aucune manière que ce soit les caractéristiques actuelles et existantes de l'immeuble, faute de qui il renoncerait à son projet et remettrait à l'identique."

A l'égard du syndicat des copropriétaires le non-respect des obligations contractées par le preneur et le bailleur pour la mise en oeuvre des travaux engage la responsabilité contractuelle in solidum des société CSF et de la société Assurécureuil- Pierre 3 laquelle peut se résoudre en une obligation de faire ou par des dommages et intérêts conformément aux dispositions des articles 1146 et 1147 du Code civil ancien.

L'expert Judiciaire, dans le premier rapport déposé le 10 mai 2013, a relevé les engagements pris lors de la réunion du Maître d'oeuvre, la société DHM Architecture aux droits de laquelle vient la société BEG Ingenierie avec le syndic de copropriété le mardi 17 février 2004 relatifs aux travaux suivants :

- aire de livraison : changement du rideau métallique et montage sur support anti-vibratile

- sol dalle flottante sur résilient

- compacteur supprimé et localisé en sous-sol dans un local rafraîchi

- doublage acoustique de l'ensemble du volume : solution conservatoire

- réfection totale du local compresseur au niveau des équipements et de ses parois. Dalle flottante et doublage sur 5 faces avec vide d'air ( type caisson indépendant)

- surface de vente sonorisation : les hauts parleurs seront disposés sous les faux plafonds et répartis sur l'ensemble de la surface en de nombreux points moins puissant. Distance des circuits des transpalettesréduites près des monte-charges

- sol : carrelage 20x20 ( voir 30x30) posé à bord sur chape et résilient. Remarque : ceci est une solution d'amélioration en vue de réduire les bruits au sol et ne remplacera pas la solution d'une dalle flottante.

- production froid ( entreprise AM Froid dossier présenté par Monsieur [F] : les compresseurs seront changés ( voir paragraphe acoustique) Le circuit aérien en montée verticale à l'angle des logements jusqu'en toiture terrasse. L'ensemble sera coffré en aluminium prélaqué. Les condenseurs seront implantés en toiture terrasse (..) Sur des plots maçonnés indépendants de l'étanchéité de l'immeuble, un périmètre étanche sera créé au droit de la surface technique concernée.

Une description globale des prescriptions, bruit des équipements techniques, production de froid est reproduite in extenso par l'expert judiciaire. Elle prévoit notamment :

- " le changement des rideaux par d'autres ayant une technologie adaptée et montée souple sur la structure,

- pour le roulement un effort particulier sur la qualité des roues (rondes) sur les rolls et le transpal,

- production froid : les condenseurs seront implantés en toiture terrasseR+7rue Cronstadt sur des plots maçonnés indépendants de l'étanchéité de l'immeuble, un périmètre étanche sera créé au droit de la surface technique concernée.

- Réserves : le local de l'aire de livraison reçoit une dalle flottante épaisse en béton sur matériaux résilients ( laine minérale), l'isolement acoustique est renforcé par des contre-cloisons en BA 13 (...) La plaque de répartition en acier sera montée sur plots résilients pour éviter de frapper le trottoire à chaque passage de chariot.

- surfaces de vente :le sol est entièrement changé soit par un ensemble carrelage soit par une chape flottante sur " assour V" ou équivalent soit par une résine résiliente adaptée au contexte."

- sonorisation entièrement revue et refaite en prenant soin de ne pas fixer rigidement les hauts-parleurs dans le plafond

- organisation : le fonctionnement du magasin sera revu dans la mesure du possible pour éviter les bruits trop perturbants aux heures généralement constatées comme calmes

( livraison...) Les circuits avec les charges les plus lourdres ( liquide..)seront revus pour être les moins longs possible et limiter les passages sous les appartements."

Le rapport de l'expert rendu le 10 mai 2013 met en exergue :

- les nuisances sonores afférentes aux bruits de roulement de rolls et transpalettes depuis l'aire de livraison et depuis l'aire de vente, aux camions de livraison, au système de ventilation donnant sur la cour, le bruit de la production de froid, le bruit des monte-charges, le bruit de la sonorisation, le bruit de l'ouverture du rideau de l'aire de livraison.

- les désordres esthétiques tenant à l'obstruction de la visibilité des fenêtres des studios par le coffrage des canalisations frigorifiques, l'absence des pares-vent autour des condenseurs

- l'absence de rapport acoustique après réalisation des travaux

- la non-réalisation de la dalle flottante épaisse laquelle n'est pas désolidarisée en rives, l'absence de doublage des murs, la pose au sol de dalles plastiques endommagées, le remplacement du rideau sans être désolidarisé de la structure

- l'endommagement du sol en résine dans les réserves

- le défaut du carrelage posé de manière non bord à bord dans la surface de vente

- le maillage des hauts parleurs n'a pas été effectué

- le pare-vent prévu au droit des condenseurs n'a pas été installé

- le coffrage des canalisations frigorifiques apparaît déborder anormalement devant les fenêtres des studios alors que le projet soumis au syndicat des copropriétaires prévoyait des canalisations disposées en nappe et non pas en carré ou quinconce comme exécuté ce qui engendre une épaisseur plus importante du coffrage.

L'expert judiciaire retient que les travaux essentiels pour la protection acoustique comme l'exécution d'une dalle flottante et de doublages dans l'aire de livraison ou d'un sol lisse dans les surfaces de vente n'ont pas été exécutés.

Il souligne que même à considérer que la réalisation de la chape flottante sur isolant mince dans la surface de vente ou les dalles plastiques endommagées disposées dans l'aire de livraison sont susceptibles d'avoir réduit la transmission des bruits de roulement, " une chape flottante ne constitue pas une dalle flottante au sens où le comportement dynamique de flexion, sous l'effet d'une charge en déplacement, n'induit pas le même filtrage vibratoire à sous couche identique, cette distinction entre "chape" et "dalle" figurant expressément à l'article "g" des engagements tandis que l'engagement de fonctionnement de nature à éviter les bruits trop perturbants aux heures généralement constatées comme calme au titre des propositions d'aménagement par la société GH Acoustique reste très improbable".

En réponse au dire de la société CSF il observe ( page 87 de son rapport) que des bruits continus de 6 h 30 à 22 H 30 proviennent de la zone de livraison et de la zone de vente du fait du roulement des chariots de manutention, rolls et transpalettes dont le rapport acoustique " après travaux" sur les mesures réalisées en février et mai 2007 met en évidence des émergences très significatives dans les appartements superposés.

Il souligne que la société CSF n'a pas respecté les prescriptions de la société GH Acoustique limitant le passage de charges lourdes sous les appartements, préconisant une certaine qualité de roues et conditionnant à certaines heures dites non calmes, le passage des chariots.

Au rappel de la proposition d'aménagement figurant dans la notice du 24 février 2004 incluse dans le pojet voté par la copropriété, il propose deux options pour résoudre les nuisances sonores liées au passage des chariots :

- option n°1 en l'absence d'adaptation des conditions de manutention : mise en oeuvre d'une dalle flottante sur ressort hélicoïdaux en acier de type Gerb ou techniquement équivalent à l'exception de la partie de rampe de l'aire de livraison côté accès n'offrant pas l'épaisseur correspondante et pour laquelle la dalle est à substituer par un platelage de tôle d'acier épaisse disposée sur les mêmes ressorts selon le devis de la société Ebist du 26 mars 2012 outre la pose du carrelage, la réfection de la résine, les éudes acoustiques, les études de structure dont les résultats sont susceptibles de conduire à un renforcement de l'immeuble pour un total de 1 293 735 euros hors taxe

- option n°2 en prévoyant l'adaptation des conditions de manutention :

a)circulation des transpalettes munis de roues en Griphtan strictement limitées à l'aire de livraison et aux circulations en sous-sol dont la résine souple doit être reprise

b) circulation exclusive dans l'aire de vente et les locaux annexes au rez-de-chaussée dont le sol en résine doit être repris et étendu à l'ensemble de chariots de type Rolls, captifs c'est à dire propres au magasin, munis de roues au moins aussi élastiques que les roues de type Guidel, [Adresse 22]

Il en détaille ainsi le coût :

- chape flottante et platelage en tôle d'acier sur ressorts dans l'aire de livraison : 36 000 euros hors taxe

- application de résine au rez-de-chaussée :78 000 euros hors taxe

- réfection de la résine souple au sous-sol : 25 000 euros hors taxe

- acquisition de Rolls munis de roues souples

Total : 139 000 euros hors taxe.

L'expert judiciaire conclut en outre :

- à la pose de pare-vents près des condenseurs selon le devis de la société Fadem comprenant la reprise de l'étanchéité au droit des poteaux

- à la réduction de l'épaisseur de coffrage et au réalignement des canalisations conformément au croquis de la société AM Froid

Au vu des constatations de l'expert non utilement remises en cause par la société CSF et alors que l'exécution des travaux fixés par le jugement ne saurait avoir pour effet de conduire à l'infirmation de celui-ci qui a mis un terme au litige du fait des chefs tranchés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés CSF et Assurécureuil Pierre-3 à faire réaliser les travaux d'installation des pare-vents et d'étanchéité sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et à faire procéder aux travaux de réalignement des canalisations frigorifiques sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard.

La société CSF n'apporte aucun élément au soutien de la mise en oeuvre des préconisations de l'expert relatives aux modalités de manutention des chariots dont l'achat des roues lesquelles conditionnent l'efficacité en termes de réduction des nuisances sonores de la pose d'une chape flottante préconisée dans l'option n°2. Elle ne peut dès lors exciper de cette solution comme un mode de résolution efficace de l'émergence des nuisances sonores alors qu'elle n'a pas satisfait aux prescriptions de l'expert.

Dans ces conditions seule l'option n°1 relative à la mise en oeuvre d'une dalle flottante ( et non d'une chape flottante) est de nature à réduire les nuisances sonores, cette option a été clairement définie dans ses modalités par l'expert judiciaire et n'est pas disproportionnée au préjudice puisque la sociéré GH Acoustique a constaté le 26 et 27 février, puis le 7 mai 2007, des émergences atteignant + 16 dB(A) dans l'appartement de M [O] lors du passage d'un transpalette attestant du non-respect des dispositions du décret du 18 avril 1995 applicable en 2004 fixant une limite d'émergence pour une durée d'activité comprise entre 30 secondes à 1 minute de + 12 dB(A) entre 22 heures et 7 heures du matin et + 14 dB(A) entre 7 heures et 22 heures.

Dès lors que le second rapport d'expertise de Monsieur [L] a mis en relief la persistance des nuisances sonores afférentes au passage des chariots et la pertinence de cette option pour réduire les émergences sonores, c'est à bon droit que le jugement a condamné in solidum les sociétés CSF et ASSURECUREUIL PIERRE 3 à faire procéder aux travaux de mise en oeuvre d'une dalle flottante pour un montant total de 1 293 735 euros Hors Taxe sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard sera confirmé.

3- La demande de dommages et intérêts du Syndicat des copropriétaires

Le tribunal a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de préjudice moral au motif que celui-ci est strictement inhérent aux personnes physiques et de sa demande de préjudice de jouissance au motif de l'absence de démonstration d'un préjudice causé à la copropriété.

La société CSF soutient qu'il n'existe plus aucune nuisance sonore ou vibratoire ainsi que l'expert l'a expressément constaté dans le second rapport qui a mis en lumière que seule subsiste en définitive une nuisance résiduelle mineure relative au bruit de roulement des transpalettes lors du franchissement du seuil de la porte extérieure sur rue dont les mesures acoustiques établissent la faiblesse.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que les nuisances apparues en 2004 sont la conséquence du refus de l'exploitant de satisfaire à ses engagements, de coopérer à l'expertise et de suivre les préconisations de l'expert n'étaient toujours pas résolues 10 ans plus tard et ne l'ont été qu'au cours de la deuxième expertise voire en 2020 à l'exception du bruit des chariots dans la rampe donnant accès aux réserves du magasin qui perdure.

Il fonde son préjudice au regard du trouble anormal de voisinage qui a persisté de 2004 à ce jour, caractérisé par des nuisances sonores et olfactives mais aussi un trouble de jouissance lié à la vue exécrable sur les condenseurs ainsi que l'empiètement sur les fenêtres du coffrage des canalisations frigorifiques, observe que l'exploitant n'a pris que des demi-mesures tentant systématiquement de s'affranchir des règles qui encadrent l'expertise judiciaire en faisant venir des techniciens tiers à l'expertise et soutient que le préjudice de jouissance a été aggravé par l'attitude déloyale de la société CSF et son refus de mettre en oeuvre des mesures simples et peu coûteuses pour la plupart.

Réponse de la cour

Selon les dispositions de l'article 544 du Code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements."

Le trouble anormal du voisinage est établi par les mesures acoustiques prises par l' expert judicaire dans le cadre des premières opérations d'expertise ayant donné lieu au rapport déposé le 10 mai 2013 puis au cours de la seconde expertise destiné à vérifier la persistance des troubles acoustiques ayant donné lieu au rapport du 23 mars 2022 qui font la preuve que le franchissement du seuil d'accès sur rue par les chariots est constitutif d'un bruit significatif selon la norme de référence du 2ème Avis de la Commission d'Etudes du bruit du Ministère de la Santé Publique du 21 juin 1963 relevé par l'expert en page 44 du second rapport, l'augmentation d'intensité sonore produite par l'apparition du bruit perturbateur par rapport à la valeur minimale du bruit ambiant dépassant les valeurs de :

- + 5 dB(A) de jour entre 7 heures et 22 heures

- + 3 dB(A) de nuit de 22 heures à 7 heures.

L'action en responsabilité civile extracontractuelle du syndicat des copropriétaires lui permet, indépendamment de toute faute, de demander réparation à la société CSF exploitante et au bailleur, la société Assurécureuil Pierre 3, toutes deux contractuellement obligées à son égard au vu du programme de travaux autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires, du trouble anormal de voisinage dont elles sont responsables de plein droit .

Cependant, l'action ne peut prospérer qu'autant que les préjudices revendiqués affectent les parties communes qui fondent l'intérêt à agir dudit syndicat or, l'expert judiciaire a constaté par les mesures de sonorité prises que les bruits continus de 6 h 30 à 22 H 30 provennant de la zone de livraison et de la zone de vente du fait du roulement des chariots de manutention, rolls et transpalettes sont à l'origine d'émergences très significatives dans les appartements superposés et non dans les parties communes cependant que les justificatifs produits par le syndicat des copropriétaires à l'appui des préjudices invoqués, attestation des occupants des appartements et certificats médicaux, font la preuve que les nuisances ont affecté individuellement les occupants de parties privatives alors qu'aucun des occupants n'est intervenu à l'instance.

S'agissant des troubles de jouissance esthétique liés à l'absence de pose des pare-vents autour des condenseurs, il n'est produit aucun élément, photographies et constat d'huissier, de nature à caractériser le préjudice esthétique affectant les façades du fait des condenseurs visibles.

Le syndicat des copropriétaires ne produit pas non plus d'élément venant au soutien du constat du préjudice esthétique causé par l'empiètement du coffrage devant les fenêtres des studios de l'immeuble [Adresse 4] cependant que le trouble lié à l'obstruction des fenêtres n'est pas revendiqué par les copropriétaires du fait de la gêne subie par les occupants des appartements.

Il en résulte que le syndicat des copropriétaires est irrecevable à agir du chef du préjudice moral et du préjudice de jouissance subi par les occupants des parties privatives de l'immeuble.

De ce chef le jugement qui n'a pas fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires sera, par motifs substitués, confirmé.

4- Les recours en garantie

Le jugement a condamné la société CSF à relever et garantir la société Assurécureuil Pierre 3 de toutes les condamnations, dont les frais irrépétibles, en vertu des clauses du bail commercial et a retenu une part de responsabilité de 10 % à l'encontre de la société BEG Ingenierie pour n'avoir pas pris les dispositions propres à éviter l'empiètement de la pose de la cheminée côté jardin alors que la société DHM, aux droits de laquelle vient la société BEG Ingenierie, était investie d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre.

La société CSF conclut à l'infirmation du jugement qui a limité la garantie de la société BEG Ingenierie et demande que cette société, en sa qualité de maître d'oeuvre, soit condamnée à la garantir de toute condamnation pour ne s'être pas inquiétée de l'empiètement de la pose des cheminées côté jardin et pour ne pas avoir alerté la société CSF sur les risques liés à l'exploitation du magasin relativement aux nuisances sonores ainsi que la société GH Acoustique.

La société BEG Ingenierie et la MAF, au rappel des observations de l'expert judiciaire, sollicitent l'infirmation du jugement qui a mis à leur charge une part de 10 % de responsabilité soulignant que le maître d'oeuvre ne disposait pas du programme du Maître d'ouvrage indispensable à l'élaboration du projet. Concernant les nuisances sonores elles rappellent que la maîtrise d'oeuvre n'est pas spécialisée en matière acoustique, que des propositions à cet égard ont été faites par la société GH Acoustique mais n'ont pas été suivies par le Maître d'ouvrage qui a privilégié une solution moins onéreuse conforme au concept commercial et sollicitent la confirmation du jugement qui a de ce chef débouté la société CSF de sa demande en garantie.

Réponse de la cour

4-1 La responsabilité de la société BEG Ingenierie

L'expert judiciaire en page 55 de son rapport indique pour le désordre 1 " Pose de pare-vents près des condenseurs non encore effectuée" " Il semble que la pose de pare-vues ( sic) ait été omise dans la description des travaux faite par la société DHM Ingenierie mais en tout état de cause la société CSF en aurait assumé les frais et l'exécution différée de cette tâche n'est pas de nature à en alourdir le coût."

Si l'expression dubitative " Il semble" ne peut conduire à imputer à la maîtrise d'oeuvre la faute liée à l'omission des pare-vents dans le descriptif des travaux, en l'absence de production de celui-ci et à défaut de mention particulière relative à l'aspect esthétique des équipements figurant dans la mission complète de maîtrise d'oeuvre de la société DHM signée le 24 mai 2004, il ne peut être imputé une faute de ce chef à l'architecte.

S'agissant du débordement anormal devant les fenêtre des studios du coffrage des canalisations frigorifiques, cette malfaçon ne pouvait échapper au maître d'oeuvre chargé du contrôle et de la direction des travaux.

C'est donc à bon droit que le jugement retient de ce chef une part de responsabilité de 10 % à la charge de la société BEG Ingenierie venant aux droits de la société DHM et l'a condamnée à garantir la société CSF dans cette proportion du montant des condamnations mises à la charge de cette dernière.

De ce chef le jugement sera confirmé.

4-2 La responsabilité de la société CSF

Selon les dispositions de l'article 9-5 du contrat de bail liant la société CSF et la société Assurécureuil Pierre 3 : " La preneuse déclare faire son affaire personnelle et sans intervention des bailleresses de tout litige et de toute contestation pouvant survenir avec des tiers se rapportant à l'exploitation du supermarché et s'engage à relever les bailleresses de toute contestation éventuelle à ce sujet."

Selon les dispositions de l'article 9-6 : " La preneuse est autorisée à faire les travaux d'aménagement intérieur selon les règles de l'art et sous sa seule et entière responsabilité garantissant à cet effet les bailleresses contre tout recours dont elle pourrait faire l'objet."

Au vu des clauses du bail le jugement, à bon droit, a condamné la société CSF à garantir la société Assurécureuil Pierre 3 de toutes les condamnations prononcées à son encontre en ceux compris les frais irrrépétibles et les dépens exposés en première instance.

5- Les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement qui a mis à la charge définitive de la société CSF les dépens outre la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles sera confirmé.

Y ajoutant, la société CSF sera seule condamnée à régler au syndicat des copropriétaires une somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens de l'appel, en ce compris les frais des expertises confiées à M. [R] [L] et ayant conduit aux dépôts des rapports des 10 mai 2013 et 23 mars 2022.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 4] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la société Desmarais, anciennement dénommée Sedem, et de la société GH Acoustique ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant au jugement,

CONDAMNE la société CSF seule à régler au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 4] une somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens de l'appel, en ce compris les frais des expertises confiées à M. [R] [L] et ayant conduit aux dépôts des rapports des 10 mai 2013 et 23 mars 2022.